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Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Sexisme dans le vin : « Il faut être bienveillant avec les victimes »

Sexisme dans le vin : « Il faut être bienveillant avec les victimes »

[2/2] À la 8e édition du salon Sous les pavés la vigne, Isabelle Perraud a présenté l’association Paye ton pinard lors d’une table ronde consacrée aux violences sexistes et sexuelles dans le milieu du vin. Un endroit pour libérer la parole des femmes victimes d’agressions.

« Vous allez parler des agressions sexuelles ou pas ? »

C’est une question que l’on nous avait posée en amont du salon du vin 2022, lors de différents entretiens. Début novembre, une table ronde intitulée « En finir avec les violences sexistes et sexuelles dans les milieux du vin et de la bière » était organisée dans le cadre de « Sous les pavés la vigne ».

Tues depuis toujours, des voix commencent à se faire entendre pour parler des problèmes de sexisme et de violences sexuelles dans le milieu du vin.

« Il y a dix ans, on n’en parlait pas du tout. Aujourd’hui, on en parle. Si j’ai servi au moins à ça dans le monde du vin, tant mieux », commente Isabelle Perraud.

Invitée de la table ronde au côté d’Anaïs Lecoq, autrice de Maltriarcat, et de Céline Pernot-Burlet, autrice et illustratrice de la BD In vino femina, cette dernière est revenue sur le chemin parcouru. En plein conflit avec un vigneron de Sancerre, elle a évoqué les mécanismes rendant difficile une libération de la parole.

> Écouter ci-dessous la table-ronde enregistrée par RadioVino.

Sexisme dans le vin : « nous sommes sociabilisées avec des agresseurs sexuels »

Pour les intervenantes, la problématique est sociale.

« Notre difficulté, c’est que nous sommes sociabilisées avec des agresseurs sexuels. On ne les reconnaît pas », constate Isabelle Perraud.

Vigneronne du Domaine des Côtes de la Molière, Isabelle Perraud a lancé Paye ton Pinard il y a deux ans. À cette époque, elle venait de se retirer de toutes ses responsabilités dans le Beaujolais. Libre de s’exprimer, elle lance sa page sur Instagram avec une première publication le 8 septembre 2020.

À la suite de cette publication, elle commence à recevoir de nombreux témoignages venant du vin nature. Une nécessité pour des femmes qui sont souvent obligées de taire ces histoires « pour ne pas casser l’ambiance en soirée ».

« J’entends et je comprends qu’il y a une présomption d’innocence dans la justice. Mais la parole des victimes, on en fait quoi ? Lance-t-elle lors de la conférence. Rien. On veut qu’elles disparaissent. Alors d’elles même, ces femmes disparaissent. »

Vin et sexisme : la difficile « injonction » à porter plainte

Elle remet en cause notamment « l’injonction » permanente à porter plainte. Les victimes ont-elles la force d’aller raconter l’histoire aux forces de l’ordre ? D’être confrontées à leurs agresseurs ?

« Foutez leur la paix ! Elles ont peur et je comprends pourquoi, s’agace-t-elle. Il faut qu’on ait un peu plus de bienveillance et qu’on pense aux victimes. »

Pour cause, le chemin est long avant d’arriver à une (hypothétique) condamnation. Empêtrée dans une affaire judiciaire, la vigneronne voit aussi les risques à s’attaquer aux grands du vin nature. Départ de clients, menaces, accusations en tout genre… « On sait que l’on risque gros professionnellement et personnellement », note-t-elle.

sexisme vin
La question du sexisme dans le vin était au cœur d’un débat organisé dans le cadre du salon du vin nature.Photo : PL/Rue89Lyon.

Paye ton pinard : « Nous avons des noms, mais nous ne les donnons pas »

La clef pour elle ? Sensibiliser. Il s’agit de pousser n’importe quelle personne témoin d’un comportement problématique à agir.

Côté Paye ton pinard, l’association tente de faire de la prévention dans les salons par le biais d’affiches. Forte d’une cinquantaine d’adhérents, elle cherche à accompagner au mieux les victimes. Parfois, la structure les aide à se tourner vers un avocat. Mais, dans la plupart des cas, elle reste dans l’écoute.

« Nous avons des noms [d’agresseurs] mais nous ne les donnons pas, car ces femmes ne le souhaitent pas, reprend Isabelle Perraud. Elles veulent juste être prévenues s’il y a d’autres victimes du même agresseur. »

À terme, Paye ton pinard souhaiterait mettre en place un service de soutien psychologique.

Dans le vin nature, des premiers scandales et de premières avancées

Encore rare, la parole des femmes agressées commence à se faire entendre. En 2017, le caviste Marc Sibard, chef de file du vin « bio » et nature a été condamné à un an de sursis pour harcèlement sexuel, moral et agression sexuelle. Il était poursuivi par trois de ses anciennes employées.

À l’image de cette affaire, la plupart des prises de paroles concernent, pour l’heure, le monde du vin nature.

« C’est un milieu militant. On milite pour le respect du vivant, note Isabelle Perraud. Or, je me suis rendu compte qu’on avait jamais pris parti contre les violences sexuelles. »

Pourquoi ces affaires éclatent avant tout dans le monde du vin nature ? « Peut-être parce que nous sommes des femmes plus engagées ? » se risque-t-elle. Une chose est certaine en écoutant la table-ronde : la problématique est globale.

Pour l’heure, seuls les adeptes du nature semblent l’appréhender. Tout jeune, le syndicat de défense des vins naturels a adopté une motion contre les violences sexiste et sexuelles, au nom des « valeurs » portées par ce mouvement. Un premier pas.

Dans le Beaujolais, le #MeToo du vin attaqué en justice

Dans le Beaujolais, le #MeToo du vin attaqué en justice

[1/2] Isabelle Perraud, vigneronne dans le Beaujolais et présidente de Paye ton pinard, association ayant lancé le « #MeToo du vin », a été attaquée en justice par le vigneron Sébastien Riffault pour diffamation. Celui-ci lui reproche d’avoir relayé des articles l’accusant de harcèlement et d’agressions sexuelles. Après un passage devant le juge des référés, l’affaire doit être jugée sur le fond.

C’est le type d’affaire qui est parti pour durer des années. Depuis cet été, Isabelle Perraud, vigneronne dans le Beaujolais et présidente de l’association Paye ton pinard, se démène dans une affaire judiciaire complexe avec Sébastien Riffault, vigneron à Sancerre (Centre-Val-de-Loire). Viticulteur « star » dans le milieu du vin nature, il l’accuse d’avoir relayé des propos diffamatoires tenus à son encontre. Dans ces derniers, le vigneron est accusé d’être l’auteur de harcèlements et de violences sexuelles.

Pour comprendre cette affaire, il faut revenir au Danemark, en février dernier. Sans donner de nom, un témoignage de Lisa Lind Dunbar publié sur un blog met en cause un « vigneron français bien connu » pour des faits de harcèlements et d’agressions sexuelles. À la suite de cette publication, la journaliste danoise pour le média Frihedsbrevet, Maya Tekeli, recueille des témoignages accusant cette « star » du milieu de faits similaires, toujours sans nommer ce vigneron.

L’affaire s’emballe. Bien qu’il ne soit pas cité, Sébastien Riffault est identifié par certains clients. Ils retirent leurs vins de leurs cartes dont les responsables du Noma, le très prestigieux restaurant de Copenhague, comme l’indique le média spécialisé dans le vin Vitisphere. Sur le réseau social Reddit, des commentaires anonymes mettent en cause directement le vigneron. Enfin, un caviste de New-York affiche littéralement le vigneron sur les réseaux sociaux en reprenant ces accusations et en le citant.

Me too du vin : la présidente de Paye ton pinard a été attaqué en diffamation par un vigneron. ©PL/Rue89Lyon
#MeToo du vin : la présidente de Paye ton pinard a été attaqué en diffamation par un vigneron.Photo : PL/Rue89Lyon

#MeToo du vin : les articles arrivent en France relayés par Paye ton pinard

Jusqu’alors à l’étranger, l’affaire arrive en France via Paye ton pinard en mai. L’association, regroupant une cinquantaine d’adhérent·es, reprend sur ses réseaux le témoignage de la blogueuse danoise. Elle reprend également l’article de la journaliste et la publication du caviste new-yorkais. Une décision « collective » précise la vigneronne Isabelle Perraud à Rue89Lyon. En tant que présidente, c’est elle qui va être attaquée en justice.

En juin, un groupe se monte pour soutenir Sébastien Riffault. Une trentaine de professionnels du vin « donnent l’alerte à propos du lynchage médiatique » que connaît, selon eux, le vigneron. L’avocat du berrichon met en demeure le caviste new yorkais pour son post, qui le retire. Il met ensuite en demeure Paye ton pinard. L’association refuse alors de retirer sa publication.

« J’ai subi des pressions pour ne pas parler de l’affaire avant qu’elle sorte en France, assure Isabelle Perraud. C’est ce qui m’a paru louche… »

Isabelle Perraud à l'édition 2022 de Sous les pavés la vigne. Une photo par Houcine Haddouche
Isabelle Perraud à l’édition 2022 de Sous les pavés la vigne.Photo : Houcine Haddouche

La Beaujolaise reprend le fil de la procédure. Après une audience le 1er septembre dernier, le juge des référés (en charge des procédures d’urgence) demande le retrait d’une publication le 22 septembre – celle postée par le caviste new yorkais – des réseaux. Il condamne également Isabelle Perraud à verser 500 euros au vigneron.

« Elle a été condamnée à verser une avance pour dommage et intérêt », martèle Sébastien Riffault auprès de Rue89Lyon.

Faux et « achi faux », répond Isabelle Perraud.

Les sommes ont été versées pour rembourser les frais de l’avocat de l’audience en référé, au titre de l’article 700 du code de procédure civil. Dans sa défense, l’avocat d’Isabelle Perraud a demandé à ce que le juge en référé soit considéré comme « incompétent » pour juger « sur le fond » l’affaire. Une chose qui a été faite. Le jugement a ainsi été renvoyé à une autre juridiction.

« Je n’ai pas du tout été condamnée à verser quoi que ce soit des 300 000 euros de dommage et intérêt qu’il réclame ! », s’énerve-t-elle.

Contacté, le tribunal judiciaire de Bourges refuse de communiquer sur le dossier « car il n’y a pas de décision rendue sur le plan pénal ». Il confirme cependant que les dossiers ont été « disjoints ». Autrement dit, le traitement du caractère diffamatoire n’a pas encore eu lieu.

Isabelle Perraud : « Est-ce qu’on doit céder et ne plus en parler ? »

Confronté à une importante perte de son chiffre d’affaires, Sébastien Riffault met la responsabilité sur les épaules de la vigneronne du Beaujolais.

« Sur les accusations au Danemark, mon nom n’est mentionné nulle part, rappelle-t-il. On est seulement dans un rapport de cause à effet. Je ne peux rien faire ! »

Il le rappelle : aucune plainte n’a été déposée contre lui. Il s’agit donc, selon lui, uniquement de « rumeurs » colportées par une « blogueuse ». En face, Isabelle Perraud met, elle, en avant le travail d’enquête de la journaliste Maya Tekeli, à côté du témoignage paru en amont. Elle précise avoir été plusieurs fois en contact avec cette journaliste.

Fatiguée, elle s’agace. Depuis le début de l’affaire, elle aussi a perdu un nombre important de clients. Si certains se taisent, d’autres prennent position pour le vigneron. Dans ce contexte, elle comprend d’autant plus celles qui n’osent pas prendre la parole contre les agressions sexuelles.

« Est-ce qu’on doit céder et ne plus en parler ? Cette attaque nous dit clairement : taisez-vous ! », lâche-t-elle.

Le 6 décembre prochain aura lieu une audience de procédure. Elle ne sera sûrement pas la dernière. Dans cette affaire, Sébastien Riffault va tenter de faire condamner sur le fond la présidente de Paye ton pinard pour diffamation. Isabelle Perraud devra, elle, prouver sa « bonne foi ». Pour cela, elle compte sur deux témoignages venus de Suède et du Danemark.

Sélection de la rédaction : les sorties à Lyon du 15 au 22 novembre

Sélection de la rédaction : les sorties à Lyon du 15 au 22 novembre

Encore une semaine bien chargée du côté des sorties à Lyon. Voici la sélection culture de la rédaction du 16 au 22 novembre pour vous aider à vous y retrouver. À compléter, comme chaque semaine par vos suggestions.

Une brise folk souffle sur Lyon

Aujourd’hui mené par le seul David-Ivar, Herman Dune a présenté cette année le premier volume d’une vaste rétrospective de l’œuvre du groupe. Soit plus de 20 ans de chansons doucement folk et joliment pop qui lorgnent vers les grandes plumes US du genre (Lou Reed, Bob Dylan, Jonathan Richman…). Un truc à la nonchalance brevetée que la revisite en guitare-voix rend absolument charmant. Un bonheur n’arrivant jamais seul David-Ivar vient, depuis son exil californien, présenter la chose sur scène avec sa guitare, sa banane et son dollar.

Herman Dune, à l’Épicerie Moderne le 20 novembre.

Du breakdance sur Jean Sébastien Bach à l’Opéra de Lyon

Une jolie rencontre entre breakdance et danse classique : c’est devenu un classique à l’Opéra de Lyon depuis que les Pockemon Crew sont entrés dans le bâtiment. Forts d’une première collaboration nommée Millésime, en 2019, Riayd Fghani, directeur artistique de Pockemon Crew et Alvaro Dule, danseur de l’Opéra, remettent le couvert avec Contrappunto. C’est un quintette qui sévit sur les Suites pour violoncelle de J.S. Bach pour créer un espace dansé d’improvisation et de partage.

Contrappunto, au Théâtre de Vénissieux le 18 novembre.

De l’humour et de la poésie au Théâtre de la Renaissance

C’est l’un des événements de la saison au Théâtre de la Renaissance. Sous la forme d’un opéra zoo-punk (tout un programme) qui convoque sur scène une vingtaine d’artistes, chanteurs et musiciens. Un spectacle, fruit de la collaboration entre le directeur artistique et musicien Antoine Arnera et l’orchestre du Grand Sbam. Celui-ci explore des univers parallèles, entre humour et poésie mais aussi biologie et astrophysique. Il n’y a guère qu’une visite sur place pour se faire une idée de la chose, à voir à partir de 13 ans.

Janus, au Théâtre de la Renaissance, du 16 au 19 novembre.

Sorties à Lyon Janus Théâtre de la Renaissance
Janus. Théâtre de la Renaissance. Photo : Marie Desbenoît

Les tirades du Roi Lear au TNP

C’est la troisième incursion de Georges Lavaudant dans le Roi Lear, l’une de ses pièces fétiches, montée pour la première fois en… 1976. C’est donc doublement un classique qui s’articule autour de la fameuse histoire du roi qui entend léguer son royaume à ses trois filles avant que tout ne dégénère en tragédie mortelle, à cause de la sincérité de la benjamine. Lavaudant signe une mise en scène sans surprise mais solide (on n’attend pas autre chose). Et Jacques Weber en Lear est simplement un concentré shakespearien à lui tout seul. Un incontournable.

Le Roi Lear, au TNP jusqu’au 18 novembre.

Des objets qui font corps à la galerie Ceysson & Bénétière

Il vit entre Bordeaux et New-York, pourtant Daniel Firman est né à Bron. Et c’est à quelques encablures de sa ville natale qu’il vient présenter Un objet n’arrive jamais seul. Une exposition de sculptures inédites qui brouille les frontières entre le corps (Firman s’est toujours beaucoup inspiré de la danse) et l’objet (lorsque l’abondance de ceux-ci vient recouvrir celui-là). Manière encombrante de dénoncer notre matérialisme excessif et la surconsommation. Ces figures de corps empêtrés, Firman les appelle des gatherings. Et en présente ici toute une série pour nous faire réfléchir à l’ère de la sobriété.

Daniel Firman, Un objet n’arrive jamais seul, à la galerie Ceysson & Bénétière jusqu’au 17 décembre.

Sorties à Lyon Daniel Firman Un objet n'arrive jamais seul
Daniel Firman. Un objet n’arrive jamais seul. crédit : Galerie Ceysson & Bénétière

Un bouillonnement d’idées à la Villa Gillet

Vous ne comprenez rien à notre monde ? Sachez que vous n’êtes pas seul. Et qu’un événement annuel peut vous aider à mieux en comprendre quelques-uns des enjeux actuels. À savoir ; Mode d’emploi, le festival des idées de la Villa Gillet, pourtant durement touchée par les coupes de subventions de la Région (grosso modo, le pendant « sciences humaines » du Littérature Live Festival, ex-Assises du Roman). À travers une série de rencontres et débats copieux avec des intellectuels (philosophes, anthropologues, sociologues et mêmes journalistes) aussi essentiels que Pierre Nora, Peter Szendy ou Nastassja Martin (ils sont en tout une trentaine), on pourra ainsi se pencher sur les possibles d’un monde qui change, pour ne pas dire qu’il est bouleversé. Un moment toujours salvateur de l’automne que ce festival qui comprendra un hommage au sociologue et philosophe Bruno Latour, récemment disparu.

Mode d’emploi, à la Villa Gillet et dans divers lieux de Lyon du 16 au 19 novembre.

Sorties à Lyon Mode d'emploi Bruno Latour
Mode d’emploi. crédit : Bruno Latour.

Où est passé le toboggan des enfants du quartier des États-Unis ?

Où est passé le toboggan des enfants du quartier des États-Unis ?

Dans le quartier des États-Unis, à Lyon 8e, les locataires de Grand Lyon Habitat réclament depuis plusieurs années une aire de jeux pour leurs enfants. Lassés d’attendre, ils ont décidé de l’installer eux-mêmes, au grand dam du bailleur social.

C’est une aire de jeux bien maussade qui jouxte la résidence « Viviani », une des barres d’immeuble typiques du quartier des États-Unis, dans le 8e arrondissement de Lyon. Une étroite bande de terre plantée d’une poignée d’arbres, d’un banc cassé et d’une balançoire solitaire coincée contre un mur du bâtiment. Plus loin, deux solides tables de ping-pong en béton délavé trônent au milieu du goudron craquelé, assorties de quelques tables de pique-nique usées au pied d’une des barres. Voilà pour les enfants du quartier.

La cour de la résidence "Viviani", dans le quartier des États-Unis, à Lyon 8e. ©OM/Rue89Lyon
La cour de la résidence « Viviani », dans le quartier des États-Unis, à Lyon 8e.Photo : OM/Rue89Lyon

« C’est triste et c’est dangereux pour les enfants »

« Nous, les mamans, on amène toutes notre chaise de camping et des Legos pour les enfants. Je refuse qu’ils montent sur la balançoire, elle n’est pas aux normes, beaucoup d’enfants en sont tombés. »

À 39 ans, Amel a toujours vécu dans le quartier. Enfant, elle a joué entre les barres d’immeubles des États-Unis, y a grandi avant d’y fonder sa propre famille. Elle se désole aujourd’hui du sentiment d’abandon qui plane sur le quartier. « Avant, il y avait des balançoires là-bas, des activités pour les enfants, du cinéma en plein air… », se souvient-elle en secouant la tête. « Aujourd’hui, c’est triste, renchérit une deuxième mère de famille du quartier. C’est dangereux pour les enfants, il n’y a rien à faire donc ils font des bêtises. »

« Moi, j’envoie mes enfants au parc de Gerland ou à Parilly, je ne veux pas qu’ils traînent ici où il n’y a rien », commente un père de famille en observant un groupe de garçons désoeuvrés.

L'aire de jeux de la résidence "Viviani", dans le quartier des États-Unis, à Lyon 8e. ©OM/Rue89Lyon
L’aire de jeux de la résidence « Viviani », dans le quartier des États-Unis, à Lyon 8e.Photo : OM/Rue89Lyon

Depuis plusieurs mois – « deux ans », d’après Amel – les habitants du quartier réclament à leur bailleur social, Grand Lyon Habitat, la réfection de l’aire de jeux. Il faut dire que cette question est bien à l’agenda du bailleur social : des consultations publiques ont déjà eu lieu et les travaux devaient démarrer le 14 juillet. Ils ont finalement été repoussés à début 2023, mais les habitants n’y croient plus.

Un toboggan pour les enfants du quartier des États-Unis

Lors d’un repas organisé par le comité populaire d’entraide et de solidarité (CPES), un collectif d’habitants qui s’est formé il y a deux ans, les mères de familles des barres concernées ont fait part de leur volonté d’installer une aire de jeux digne de ce nom. Une collecte a été organisée dans le quartier par le CPES, qui a permis de financer l’achat d’un toboggan.

Le bailleur social n’a pas manqué de réagir aux affiches collées au bas des barres d’immeubles par le CPES, annonçant l’installation du toboggan.

« On a eu un appel de Grand Lyon Habitat, qui nous a dit qu’ils avaient vu nos affiches, et qu’il y aurait des sanctions si on posait le toboggan », raconte Thibault, du CPES, en haussant les épaules.

Le toboggan a été installé sur l’aire de jeux existante fin août, dans le cadre d’un chantier participatif avec les habitants et leurs enfants. Deux jours plus tard, il s’est volatilisé.

Affiches collées dans le quartier pour annoncer la mise en place du toboggan. ©OM/Rue89Lyon
Les affiches collées dans le quartier pour annoncer la mise en place du toboggan.Photo : OM/Rue89Lyon

Amel, elle, est convaincue que c’est Grand Lyon Habitat qui a enlevé le toboggan. D’autres habitants disent qu’il a été endommagé rapidement, trop fragile pour un usage continu. Peu importe.

« Le but, c’était de montrer à Grand Lyon Habitat que les habitants peuvent s’organiser par eux-mêmes, qu’ils n’attendent plus leurs belles promesses, explique Thibault. Même si le toboggan n’est plus là, notre démarche va peut-être permettre d’avancer la date de début des travaux. »

Une nouvelle aire de jeux installée au printemps 2023

Contacté, Grand Lyon Habitat reconnaît à demi-mot avoir enlevé le toboggan.

« Celui-ci a été [installé] à l’initiative d’un collectif non officiel n’ayant aucune légitimité, ni droit légal pour installer des infrastructures sur une résidence de Grand Lyon Habitat. L’installation de telles infrastructures nécessite de respecter des normes de sécurité, d’être entretenues et contrôlées régulièrement. Grand Lyon Habitat en tant que bailleur est responsable et se doit de garantir la sécurité de ses locataires. »

Le bailleur social assure que la construction d’une aire de jeux dans le quartier est bel et bien au programme.

« Initialement nous avions envisagé une remise en état du mobilier urbain existant (bancs et tables). Cependant, au cours de l’été 2020, nous avons constaté des dérives dans l’usage de cet espace (barbecue, nuisances sonores tardives…). C’est pourquoi, nous avons fait le choix d’abandonner le projet initial et de travailler en concertation avec les habitants sur l’usage de cet espace central et de leurs besoins. »

Ainsi, le prestataire Collectif Terrain d’Entente a été sollicité par Grand Lyon Habitat pour trouver une solution avec les habitants. D’après le bailleur social, plusieurs ateliers ont déjà eu lieu entre l’automne 2021 et le printemps 2022 et le mobilier de cette nouvelle aire de jeux a été confectionné cet été. L’installation est prévue au printemps 2023, sous forme d’un « chantier jeunes ».

Trop tard pour les habitants du quartier qui, épaulés par le CPES, entendent bien poser un nouveau toboggan dès le début de l’année prochaine.

À Lyon, la Zone à faibles émissions (ZFE) booste le transport fluvial

À Lyon, la Zone à faibles émissions (ZFE) booste le transport fluvial

Après l’ouverture d’une ligne fluviale côté Rhône, une deuxième liaison est annoncée, côté Saône, pour début 2023. Grands gagnants de la mise en place d’une Zone à faibles émissions (ZFE) à Lyon, les acteurs du fluvial voient une reprise de l’activité après des années d’inertie. Analyse d’une tendance poussée par l’arrivée des écologistes à la Métropole et à la Ville.

La scène pourrait devenir peu à peu habituelle sur les quais Arloing (Lyon 9e). Le matin de ce jeudi 10 novembre, les équipes de l’entreprise de transport BFT du port de Villefranche-sur-Saône se livrent à une expérimentation : une livraison par voie fluviale. Ils déchargent un conteneur avec à son bord du fromage, du vin, du miel… En tout, 26 entreprises du Beaujolais ont confié leurs produits au Tourville.

Le bateau moteur, capable de transporter jusqu’à 900 tonnes de marchandises diverses, est secondé ce jour-là par deux autres acolytes. Victime d’une avarie à l’hélice, il a dû être aidé par le Pierre et Paul et le Las Palmas pour arriver sur Lyon. Résultat : un retard d’une heure.

« En cas d’accident sur la route, on a aussi rapidement du retard en camion », relativise Florent Dupré, directeur du port de Villefranche-sur-Saône. Ce militant infatigable du fluvial savoure l’instant. Il le sait, cette « expérimentation » a vocation à être pérennisée. Dès début 2023, une ligne fluviale doit naître entre le Beaujolais et Lyon.

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2 ans de reportages sur l’éducation aux médias : quels enseignements tirés ?

2 ans de reportages sur l’éducation aux médias : quels enseignements tirés ?

Depuis deux ans, Rue89lyon observe les projets d’éducation aux médias déployés en Auvergne-Rhône-Alpes et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Nous en tirons les premiers enseignements et tentons de faire ressortir les grands enjeux qui traversent l’éducation aux médias et à l’information (EMI) aujourd’hui.

Outils pédagogiques développés par des MJC, projets scolaires menés de façon pluridisciplinaire par des enseignants et professeurs documentalistes du premier et du second degré, journaux étudiants, résidences journalistiques en milieu rural et dans des établissements de REP… La diversité des actions traduit celle du champ de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) et une volonté d’acteurs de terrain de prendre à bras le corps cette question de l’EMI comme enjeu citoyen et démocratique.

Développer l’esprit critique

Le point commun des projets d’EMI observés se trouve dans la volonté de développer l’esprit critique dans un cadre collectif et participatif. Ne pas se contenter de recevoir l’information transmises par les les réseaux sociaux voire les médias, mais la questionner, se questionner sur sa crédibilité et sur le message qu’elle transmet. En classe ou en petit groupe, l’objectif est toujours d’amener les jeunes à réfléchir ensemble en créant des « bons réflexes » face à l’afflux d’informations.

La lutte contre les fake news apparaît aujourd’hui comme une priorité, notamment depuis 2015 et les attentats en France, et en particulier lors des projets menés dans le cadre scolaire ou périscolaire.

S’appuyer sur des outils participatifs d’éducation aux médias

Bien que des réseaux comme le CLEMI existe depuis les années 1980 pour promouvoir l’utilité de l’éducation aux médias, les outils à disposition des éducateurs – enseignants, professeurs documentalistes, salariés de MJC, journalistes… – étaient encore peu nombreux il y a dix ans. C’est ainsi que des enseignants, comme Marie-Rose Farinella, se sont formés en autodidactes, piochant dans des formations en ligne et développant finalement sa propre méthode applicable dès la classe primaire. Car si l’éducation aux média fait désormais partie des programmes scolaires, dans l’enseignement primaire peu d’instituteurs y sont sensibilisés et il faut souvent attendre le collège ou le lycée pour avoir des professeurs documentalistes formés à l’EMI. 

De plus en plus, des outils variés sont développés par le CLEMI, le Réseau Canopé (réseau de formation des enseignants), les MJC qui proposent de nombreux supports vidéos et écrits. C’est le cas par exemple de la mallette Des-Infox créée par la Confédération des MJC de France et qui propose des ateliers clé en main à mener avec des collégiens.

Surtout, l’EMI pour être attractive se doit d’être participative et horizontale. Qu’il s’agisse d’une intervention ponctuelle ou d’un cycle de plusieurs séances, être dans « le faire » est le meilleur moyen de capter l’attention d’un public souvent jeune. Jeux de rôle, ateliers collaboratifs, colo Youtube et même un escame game « Traqueurs d’infox » comme celui créé par l’association Les Déclencheurs à destination des jeunes suivis par la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ).

Une initiation au dessins de presse menée par un dessinateur professionnel a non seulement permis de faire découvrir le monde très vaste de la caricature et du dessin engagé, mais a révélé les talents et centres d’intérêts des collégiens lors d’un projet à Vénissieux, en banlieue lyonnaise.

L’un des facteurs de réussite des projets consiste souvent à partir des jeunes eux-mêmes, de s’appuyer sur leurs envies et usages. Ainsi, à Vaulx-en-Velin, la résidence portée par l’association Entre les lignes (AFP et Le Monde) avait pour ambition de créer un média scolaire sur Instagram. La démarche consiste à ne pas adopter une posture descendante, mais au contraire d’utiliser les codes des jeunes et des réseaux sociaux.

Dans ces différents projets, les éducateurs remarquent qu’en sortant du cadre scolaire, les rôles peuvent s’inverser : les élèves d’habitude discrets ou « perturbateurs » deviennent moteurs et se trouvent valorisés dans le groupe.

L'exposition sur le dessin de presse à la médiathèque de Vénissieux
A la médiathèque de Vénissieux en avril 2022, une exposition de dessins de presse par les élèves d’une classe de 6ème du collège Jules MicheletPhoto : DR

Faire de l’éducation aux médias un socle d’inclusion

Nous nous sommes particulièrement intéressés à la façon dont l’EMI est dispensée auprès de publics dits « éloignés » de la fabrique de l’information et des médias, et plus largement des publics parfois exclus ou mal insérés au sein de la société. Des ateliers menés en prison ou auprès de jeunes scolarisés en quartier populaire, comme à Vénissieux dans le Rhône ou dans les quartiers Nord de Marseille ont montré que de nombreux projets permettent de renverser le stigmate : au lieu d’être ceux dont on parle – souvent négativement – dans les médias, ils deviennent acteurs.

Dans ce même but, certains exemples sortent un peu du cadre classique des ateliers d’EMI : c’est le cas du projet radio d’une classe ULIS en Isère et du Chantier, radio dont les programmes sont produits par des salariés en chantier d’insertion à Clermont-Ferrand. Faire participer ces publics à la production médiatique, et non plus seulement les mettre en posture de consommateurs, permet de renforcer l’inclusion de ces personnes – dans leur milieu scolaire, avec leurs pairs, en entreprise, dans la société -, en servant d’outil : apprentissage de la prise de parole en public, confiance en soi, élaboration d’idées…

Ces initiatives portent également un projet militant : casser l’homogénéité et produire un autre journalisme qui donne à entendre des voix inaudibles et différentes des visions portées par la majorité des rédactions. Un salarié en insertion, membre du Chantier, dira à ce propos : « c’est une façon de démocratiser la parole ».

C’est ce que d’autres acteurs appellent le « journalisme participatif » dans une démarche d’éducation populaire, comme celle menée par le mensuel satirique le Ravi en PACA qui intervenait auprès des MJC, dans les quartiers populaires et dans les centres sociaux, pour donner aux habitants la possibilité de s’emparer de leur propre média.

Education aux médias
Les jeunes de la Maison des familles et des associations dans le 14e arrondissement de Marseille, à l’écoute d’un atelier animé par le Ravi. DR Thierry Dargent

Le défi de l’éducation aux médias pour ceux qui l’enseignent

L’éducation aux médias est aussi un défi pour celles et ceux qui la prennent en charge et l’enseignent. Dans le cadre scolaire, elle dépend souvent de la volonté propre des enseignants et s’apparente alors à de l’EMI de « projet ». Certains vont ainsi solliciter des financements ou monter des projets en collaboration avec d’autres acteurs de l’EMI (associations, MJC..). D’autres vont s’appuyer sur une particularité au sein de l’établissement, comme à Lyon dans un collège du 5ème arrondissement qui mène depuis quatre ans un projet de « classe coopérative » interdisciplinaire ; dans ce cadre, deux enseignantes de Sciences et vie de la Terre et de physique-chimie ont choisi de consacrer des heures de classe à l’éducation aux médias.

Elles peuvent s’appuyer sur le travail et le soutien des professeurs documentalistes, considérés comme « enseignants et maîtres d’œuvre de l’acquisition par les élèves d’une culture de l’information et des médias » d’après la circulaire de missions du 28 mars 2017. Pour autant, dans les faits, de nombreux enseignants vont hésiter à se lancer dans des projet d’EMI, faute de temps ou de formation.

Le module Des-Infox est adapté pour des élèves à partir de la classe de 4ème.
Collège des Minimes (5ème arr. de Lyon) Le module Des-Infox des MJC est adapté pour des élèves à partir de la classe de 4ème.

Que font les journalistes ?

Enfin, l’EMI apparaît pour de plus en plus de journalistes, généralement pigistes, comme un revenu complémentaire au cœur du métier. Ces dernières années, les résidences de journalistes et photographes se sont en effet multipliées, sous forme d’appels à projets portés par un ou plusieurs professionnels. Présentation du métier, coulisses d’une rédaction, fabrique de l’information et exercices pratiques de « débunkage » des fake news ou des montages photos sur Internet peuvent s’accompagner de projets concrets (émission/reportage radio, article de presse…).

Ces résidences ne peuvent toutefois se passer d’une réflexion critique sur le métier de journaliste. Elles sont au contraire l’occasion pour les professionnels de questionner le rôle des médias dits « traditionnels », les postures militantes et la fameuse question de « l’objectivité journalistique », la déontologie du métier ou encore le choix des sujets traités.

Si l’éducation aux médias peut apparaître comme un complément de revenu pour les pigistes, il n’y a pas suffisamment de rédactions qui s’engagent pleinement dans l’EMI. Contrairement aux journalistes de Rue89Lyon, trop peu répondent présentes aux sollicitations.

Au sein de notre petit média indépendant, nous avons fait de l’éducation aux médias un des axes de notre ligne éditoriale. Nous intervenons régulièrement auprès des publics PJJ et en lycées professionnels comme au LP Cuzin de Caluire. Nous travaillons également avec les adultes, à travers le projet « Quartiers connectés », où nous associons les habitant·es à la production de l’information.

Résidence éducation médias en Chartreuse
Daphné du collectif We Report en intervention scolaire

>> Retrouvez tous nos articles sur les projets d’éducation aux médias sur notre plateforme dédiée

L’extrême droite à Lyon : panorama d’une galaxie de groupuscules

L’extrême droite à Lyon : panorama d’une galaxie de groupuscules

Depuis sa création, la rédaction de Rue89Lyon documente la présence et les agissements des mouvements d’extrême droite à Lyon. Historiquement, Lyon est un carrefour et une terre propice au développement des groupuscules qu’ils soient nationalistes, identitaires ou néonazis. Voici un panorama de l’extrême droite à Lyon à travers notre couverture du sujet.

À Lyon, cohabitent différents groupuscules d’extrême droite, certains plus radicaux ou violents que d’autres. La ville constitue ou a constitué les sièges nationaux de différentes organisations, comme le GUD devenu Bastion Social ou plus récemment Génération identitaire, deux mouvements aujourd’hui dissous.

Fait notable récent : les locaux des identitaires ont été fermés en 2024, après 13 ans de présence dans le Vieux-Lyon, et de multiples dissolutions de groupuscules (Rebeyne, Génération identitaire puis Les Remparts).

Cette fermeture, et l’important coup de filet de militants d’extrême droite après l’attaque d’une conférence dans le Vieux-Lyon en novembre 2023, ont amené l’extrême droite radicale a faire profil bas à Lyon ces derniers mois.

Cela ne l’empêche pourtant pas de continuer à se réunir, comme le 8 mars 2025 à Vaulx-en-Velin à l’occasion d’un Forum organisé par les nationalistes de Lyon Populaire, qui a regroupé la fine fleur de l’extrême droite radicale française. Confirmant toujours la place particulière de l’agglomération lyonnaise comme épicentre de ces mouvements extrémistes.

Côté extrême droite électorale, deux députés du Rassemblement national ont été élus dans le Rhône. Cela n’était jamais arrivé dans une législative à deux tours, dans la Ve République, symbole d’une hausse du vote d’extrême droite, dans l’est lyonnais et dans le Beaujolais.

Qu’il s’agisse de groupuscules ou d’extrême droite des urnes, nous avons regroupé sur cette page notre couverture du sujet. Elle ne vise pas l’exhaustivité ni un recul historique complet. Nous pensons cet recension comme une documentation depuis 2011, année de la création de Rue89Lyon, d’un sujet qui fait souvent la (mauvaise) réputation de Lyon.

Actions violentes, présence dans le Vieux Lyon, dissolutions et reformations des groupuscules, liens avec les groupes de supporters de l’Olympique lyonnais, ouvertures et fermetures de leurs locaux, liens avec le Rassemblement national… Voici donc un éclairage sur l’histoire récente de l’extrême droite à Lyon.

Sommaire ( cliquer sur ➡️ pour accéder aux sections)

    Les grandes familles de l’extrême droite à Lyon – ➡️ L’extrême droite nationaliste : du GUD au Bastion social➡️ Le développement des identitaires autour de Génération identitaire➡️ La tendance néonazie à Lyon : concerts, free fight et hooligans – ➡️ Le Vieux Lyon, fief revendiqué de l’extrême droite – ➡️ Les agressions et actions violentes de l’extrême droite à Lyon – ➡️ Les condamnations de militants d’extrême droite à Lyon – ➡️ RN et l’extrême droite radicale : des liens parfois étroits – ➡️ Les liens de l’extrême droite avec le stade de l’Olympique Lyonnais➡️ Coup d’arrêt et recomposition, les effets relatifs des dissolutions➡️ Comment les autorités traitent la question de la fermeture des locaux de groupes d’extrême droite radicale à Lyon ? – ➡️

Lyon, terre d’accueil de différents groupuscules d’extrême droite

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Ces dernières années, Lyon a notamment été la plaque tournante nationale de trois organisations d’extrême droite : le Bastion Social et les Jeunesses nationalistes (tendance nationaliste), et Génération identitaire, d’obédience régionaliste et identitaire.

Le Bastion Social est l’émanation de la vieille organisation étudiante d’extrême droite, le GUD (Groupe Union Défense). Le mouvement a été présent un temps à l’université Lyon 3. Il était notamment venu au soutien de Bruno Gollnisch, membre du Front National alors et professeur à l’université, à son retour en 2011 après une suspension de 5 ans. Il a possédé un local à Lyon sous le nom du Pavillon Noir. Un premier implanté à Saint-Just (Lyon 5e), rouvert plus tard sur les bords de Saône, quai Pierre Scize, jusqu’à sa dissolution en 2019.

Héritier du Bastion Social, le groupuscule Lyon Populaire semble être un trait d’union entre diverses mouvances, des cathos tradis aux néonazis. Ses membres, avec à leur tête Eliot Bertin, multiplient les actions violentes à Lyon depuis 2019.

Le mouvement Génération identitaire a lui aussi été présent pendant longtemps à Lyon. Plusieurs militants identitaires lyonnais ont fait partie des cadres de l’organisation, comme Damien Rieu. Le siège national de l’organisation Génération identitaire était basé à La Traboule, dans le Vieux Lyon. À l’adresse même du bar associatif et militant de l’organisation.

Après Génération identitaire, une nouvelle association, Les Remparts, a pris la suite jusqu’en 2024, avant d’être elle-même dissoute. Son ancien porte-parole et figure médiatique, Sinisha Milinov, a été condamné en février 2024 à six mois de prison ferme pour une agression raciste..

À côté de ces deux organisations aujourd’hui dissoutes, on trouve également dans la période récente d’autres groupuscules d’extrême droite. Comme les royalistes de l’Action Française, présents notamment lors de manifestation de La Manif pour tous ou anti-IVG. Ils disposent actuellement de locaux dans le quartier de Perrache, dans lesquels ils se réunissent régulièrement.

Les Jeunesses nationalistes, fondées en 2011 ont été un temps actives au plan national mais principalement à Lyon. À leur tête se trouvait Alexandre Gabriac, ancien conseiller régional Front National (FN) de Rhône-Alpes, exclu du parti après la diffusion d’une photo le montrant effectuant un salut nazi. L’organisation, dissoute en 2013, était en quelque sorte la branche jeunesse d’une vieille organisation d’extrême droite, l’Oeuvre Française.

À partir de 2012, cette dernière a été dirigée par Yvan Benedetti, ancien conseiller municipal FN de Vénissieux. En 2011, il est exclu du parti après s’être déclaré « antisioniste et anti-juif ». En 2014, Alexandre Gabriac et Yvan Benedetti mèneront une liste aux élections municipales de Vénissieux et seront élus. Des irrégularités dans la constitution de leur liste entraîneront l’annulation des élections. Par la suite, Yvan Benedetti fera vivre l’Oeuvre française en réveillant un autre vieux parti d’extrême droite, le Parti Nationaliste Français (PNF) devenu Les Nationalistes qui compte quelques membres à Lyon.

Des membres du réseau Blood and Honour, tendance néonazie, sont également présents dans la région de Lyon. Officiellement dissous, il reste cependant actif en organisant des évènements, principalement des concerts de rock ou metal néonazi. Certains de ses membres se mêlent parfois à des actions d’autres groupes d’extrême droite, notamment en marge de matchs de l’Olympique Lyonnais.

Lyon a également été considéré comme une section « modèle » pour le mouvement Égalité et Réconciliation d’Alain Soral.

La ville est également une place forte des catholiques traditionalistes, notamment proches de la Fraternité Saint Pie X.

Le GUD et le Bastion social, de l’université Lyon 3 à la dissolution

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Historiquement, le GUD (Groupe Union Défense) a été fondé à Paris et recrute dans les universités. À Lyon, il est officiellement présent depuis 2011. Il s’est présenté, sous un autre nom, aux élections étudiantes à l’université Lyon 3.

L’organisation est entrée en sommeil en 2017. C’est à partir de ce moment que plusieurs de ses branches locales sont apparues sous l’appellation Bastion Social. Le mouvement a été dirigé depuis Lyon par Steven Bissuel et Logan Djian anciens « gudards ».

Le Bastion Social, mouvement nationaliste, s’est inspiré notamment de l’organisation fasciste italienne Casapound. Comme cette dernière, il a ambitionné d’ouvrir en 2017 un squat pour loger des sans-abri qu’ils voulaient français et européens en contrepied d’un État français qui selon eux ne se préoccuperait que des « clandestins extra-européens ». Ils ont occupé brièvement un immeuble de la Ville de Lyon sur la presqu’île à proximité de la place des Jacobins.

L’organisation a entretenu des liens avec certains membres proches ou membres par ailleurs d’organisations néonazies. Certains d’entre eux ont participé à des actions violentes avec des supporters de l’Olympique lyonnais (voir par ailleurs).

Après sa dissolution en 2019, deux émanations du Bastion Social ont vu le jour à Lyon : Lyon Populaire et Audace Lyon. Lyon Populaire est notamment à l’origine d’une autre organisation, Terra Nostra, qui a furtivement occupé un local à Larajasse dans les Monts du Lyonnais. Un territoire qui fut par le passé une des bases arrières de l’extrême droite à Lyon. Avant de perdre du terrain progressivement.

En novembre 2023, Rue89Lyon a pu mettre en évidence que Lyon Populaire se réunissait régulièrement dans une salle de la permanence de la Fédération des associations familiales catholiques du Rhône (AFC69). Ce local se situe dans le deuxième arrondissement, à la jonction de la rue Adélaïde-Perrin et celle des Remparts d’Ainay.

Le développement des identitaires à Lyon

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Branche jeunesse du Bloc identitaire, le mouvement s’est autonomisé à partir de 2012 à la suite de l’occupation de la mosquée en construction de Poitiers. Une action préparée depuis Lyon par des militants identitaires issus du groupe lyonnais Rebeyne.

Au sein de l’organisation on reconnaît dès sa création la place influente des militants lyonnais. Une mainmise qui se poursuivra jusqu’à la dissolution du groupe en 2021. Le groupe, qui met davantage en avant une fibre régionaliste et anti-immigration, s’est fait une spécialité d’opérations médiatiques.

Suite à une « opération anti-migrants » au col de l’Échelle dans les Hautes-Alpes, l’organisation est dissoute en mars 2021. Après les dissolutions ou les mises en sommeil d’autres organisations d’extrême droite, Génération identitaire est devenu entre temps le centre de gravité de la « fachosphère » à Lyon.

Génération identitaire a toujours voulu montrer une image respectable. Plusieurs de ses membres ont pourtant été condamnés pour des agressions et actions violentes à Lyon et sa région. Les frontières n’étant pas imperméables, certains de ses membres naviguent d’ailleurs au sein d’autres organisations plus radicales et violentes.

Son siège social et bar associatif, La Traboule, a cristallisé depuis son ouverture en 2011 des tensions. Notamment dans le quartier du Vieux Lyon où il est implanté, montée du Change. Par la suite, en 2017, une salle de boxe, l’Agogé, a été ouverte dans un local adjacent. Depuis la dissolution de Génération identitaire en 2021, les lieux ne sont pas pour autant fermés, grâce à des associations satellites locataires des lieux. L’organisation les maintient ouverts mais sous un nouveau nom, « Les Remparts de Lyon ». C’est à l’occasion des dix ans de la Traboule qu’une manifestation sauvage rassemblant une centaine de personnes s’est déroulée le 21 octobre 2022 dans les rues de la Presqu’île, à la suite de la mort de la jeune Lola.

En juin 2024, le ministère de l’Intérieur a dissous les Remparts, ainsi que les deux associations locataires du bar et de la salle de boxe, mettant fin à 13 ans de présence des identitaires dans le Vieux-Lyon.

À Lyon et dans sa région : des néonazis avec concerts de Black Metal et combats de free fight

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Lyon a aussi eu ses groupes d’extrême droite tendance néonazie. Ils convergeaient notamment au « Bunker Kops », leur local situé dans le quartier de Gerland (Lyon 7e). Fermé en 2011, sur décision administrative de la Ville de Lyon, il a été actif durant un an et demi environ.

Dans la région de Lyon, des évènements organisés ou liés à des mouvements néonazis n’ont pas cessé pour autant. Le territoire est un de ceux où le réseau Blood and Honour est le plus actif. Ce mouvement, dissous lui aussi en 2013, est à l’origine notamment de nombreux concerts ou tournois de free fight qui ont lieu notamment dans le Nord Isère ou dans l’Ain. Là aussi en trompant bien souvent les communes au moment de louer une salle pour leurs évènements.

A la tête du Bunker Kops, le fondateur de la section lyonnaise de Blood and Honour, Renaud Mannheim. Ce dernier s’est récemment fait connaitre pour l’organisation d’un festival de rock néonazi dans la région, le 18 novembre 2023. Un autre groupe, la Division Gallia, semble avoir récemment pris le relai pour l’organisation de concerts similaires. Entre 2023 et début 2025, quatre concerts néonazis ont été organisés dans la région lyonnaise.

En outre, ces mouvements néonazis entretiennent des liens parfois étroits avec des membres de la branche nationaliste. Certains membres du réseau Blood and Honour sont passés au Pavillon Noir, le local du Bastion Social basé à Saint-Just (Lyon 5e). Des membres de ces mouvements se sont également retrouvés ensemble lors de manifestations.

Le Vieux Lyon, fief revendiqué d’organisations d’extrême droite ne veut pas devenir « facho land »

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Quartier historique de Lyon, le Vieux Lyon représente pour certaines organisations d’extrême droite le symbole de l’histoire de la ville. Ils le revendiquent comme leur fief.

Plusieurs organisations ont ainsi eu des locaux dans le quartier. C’est le cas de Génération identitaire, avec le bar associatif La Traboule depuis 2011 et la salle de de boxe l’Agogé depuis 2017, toujours ouverts sous un autre nom à ce jour. Le Parti Nationaliste Français, mené par Yvan Benedetti, ancien du FN et de l’Oeuvre Française, a également possédé un local dans le Vieux Lyon.

Le GUD, devenu Bastion Social, a un temps occupé un local, le Pavillon Noir, dans le quartier de Saint-Just. Certains de ses membres, dont le leader du Bastion Social, Steven Bissuel, ont possédé des commerces dans le Vieux Lyon. L’organisation a par la suite occupé un nouveau Pavillon Noir, quai Pierre Scize sur les bords de Saône.

Certaines associations du quartier ont publiquement affiché leur opposition à leur présence. À l’image de la Maison des Passages ou encore de Philippe Carry, horloger à Saint-Paul. Elles ont ainsi connu des dégradations et attaques contre leurs locaux. La dernière en date, le 11 novembre 2023, durant une conférence sur la Palestine.

Les actions violentes de l’extrême droite dans les rues de Lyon

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La présence des groupuscules d’extrême droite à Lyon ne s’arrête pas à leurs différents locaux. Leurs militants mènent aussi des actions dans les rues de Lyon, parfois violentes.

Le Vieux Lyon en a été souvent le théâtre contre des associations du quartier ou des gens de passage. Lors d’affrontements contre des groupes de supporters anglais ou d’agressions « politiques » contre des personnes réputées d’extrême gauche. Ou bien encore lors d’agressions à caractère homophobe ou raciste. Des agressions qui peuvent se faire à coups de couteau comme en 2014. Ce genre d’attaques a pu se produire dans d’autres quartiers de Lyon, comme la Croix-Rousse, mais aussi à Villeurbanne.

Des locaux d’organisations politiques ont également connu des dégradations. C’est le cas notamment des locaux du Parti communiste, de la CGT ou de la Confédération Nationale du Travail (CNT).

Certains lieux réputés antifascistes ont aussi été la cible de militants d’extrême droite. Comme la librairie La Plume Noir située dans les pentes de la Croix-Rousse, plusieurs fois attaquée. Certains de ses membres ont également été agressés. Certains bars ou évènements, comme des concerts, ont également été la cible « d’expéditions punitives » de membres de l’extrême droite radicale à Lyon. Ou même Radio Canut.

Au printemps 2021, des membres de l’extrême droite ont attaqué la manifestation pour la fierté lesbienne à Lyon. En 2017, la préfecture du Rhône avait d’ailleurs interdit à la marche des fiertés de passer par le Vieux Lyon. Des membres de groupes d’extrême droite se sont montrés présents au sein de manifestations menées par la Manif pour tous, opposée au mariage homosexuel et à l’ouverture de la PMA et de la GPA. Ils se cachent aussi derrière des manifestations « contre l’insécurité ».

À l’été 2021, des cadres de Génération identitaires ont été identifiés à la manœuvre des affrontements autour de la rue Mercière à Lyon. Ils avaient eu lieu durant la soirée du match de football de l’Euro 2020, France-Suisse.

Des membres de groupuscules d’ultra droite se sont également manifestés à l’issue de la demi-finale de la coupe du monde France-Maroc, en décembre 2022. Selon nos informations, cette bande était composée de membres de Lyon Populaire, groupuscule issu du Bastion social, et d’anciens de Génération identitaire, toujours très actifs. Certains assurent même avoir vu des proches des Remparts de Lyon. Des membres de plusieurs groupes de supporters de l’OL auraient aussi pris part aux affrontements. À Lyon, les traits d’union entre les différentes mouvances sont toujours plus nombreux.

En 2023 et 2024, l’extrême droite radicale s’est illustrée par une violente attaque contre une conférence sur la Palestine dans le Vieux-Lyon, mais aussi par plusieurs descentes dans le quartier de la Croix-Rousse. En octobre 2024, une jeune femme a été agressé par un groupe de jeunes hommes, place Carnot (Lyon 2e) au motif qu’elle portait une casquette d’un club de foot antifasciste.

De nombreuses condamnations de membres de l’extrême droite lyonnaise

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Plusieurs membres de l’extrême droite lyonnaise ont été condamnés ces dernières années. Ces condamnations découlant de différents type d’actes :

    agressions violentes, injures raciales, propos ou actes incitant à la haine raciale, reconstitution ou maintien d’organisations dissoutes.

C’est le cas notamment de Steven Bissuel, condamné pour l’agression de militants d’extrême gauche en 2011 et pour incitation à la haine raciale en 2018, suite à des propos tenus en 2015 à l’occasion des 70 ans de la libération du camp d’Auschwitz.

Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac ont, eux, été condamnés pour maintien de ligue dissoute.

Par ailleurs, des membres du GUD et du Bastion Social ont été condamnés pour des agressions racistes ou contre un professeur à proximité de Lyon 3. Un autre a été condamné pour le tabassage d’un policier au Groupama Stadium lors d’un match de l’Olympique lyonnais contre le CSKA Moscou.

Plusieurs cadres identitaires ont également été sanctionnés, notamment pour une agression au couteau en 2014. Damien Rieu et d’autres militants de Génération identitaire ont été condamnés puis relaxés, à la suite à l’opération « anti-migrants » au col de l’Échelle. En juin 2022, Adrien R., dit Adrien Lasalle, un actuel cadre identitaire lyonnais, a été condamné à 18 mois de prison pour avoir poignardé deux personnes.

En 2023 et 2024, deux autres cadres identitaires dont l’ex-porte parole des Remparts Sinisha Milinov, ont aussi été condamné à de la prison ferme ou avec des sursis pour des agressions racistes.

Les liens entre Rassemblement national et l’extrême droite radicale à Lyon

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Officiellement, le parti de Marine Le Pen maintient une ligne jaune avec les franges plus radicales de l’extrême droite. Toutefois, dans les faits, les liens sont parfois étroits.

À Lyon, ils le sont notamment avec les identitaires. Alors patron du Front national (devenu Rassemblement national) dans le Rhône, l’ancien conseiller municipal de Lyon, Christophe Boudot, ne se cachait pas pour afficher sa proximité avec Génération identitaire.

Ils manifestaient ensemble à la création de l’Institut français de civilisation musulmane en 2016 pour s’y opposer. En 2015, les identitaires avaient également occupé le toit d’un bâtiment destiné à accueillir un village d’insertion pour des Roms à Saint-Genis-les-Ollières. Christophe Boudot s’était pressé sur les lieux, alors candidat du Front National aux élections régionales.

Le FN sous-traitait alors en quelque sorte la « gestion de la rue » aux identitaires. Notamment lors de manifestations ou rassemblements hostiles au parti frontiste ou à l’extrême droite en général. Même après le début de « dédiabolisation » du parti voulue par Marine Le Pen, certains de ses proches et cadres du parti étaient présents aux côtés des identitaires de Lyon, à La Traboule notamment.

Plus récemment encore, Marion Maréchal a fondé l’ISSEP, une école privée de « sciences politiques » à Lyon. Elle a pour but de former les cadres de l’extrême droite de demain notamment dans une logique de convergence des droites qu’elle appelle de ses vœux. La nièce de Marine Le Pen se rend par ailleurs régulièrement à des rencontres de cercles de réflexion proche des identitaires.

Lors de l’élection présidentielle de 2022, les anciens cadres RN proches de Marion Maréchal ont tous rejoint le camp d’Eric Zemmour. C’est également vrai pour les identitaires qui avaient cheminé avec le FN/RN.

L’extrême droite et le stade de l’Olympique lyonnais

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Certaines travées du stade de football de l’Olympique lyonnais (OL) sont un lieu de rencontre ou de recrutement pour certains mouvements d’extrême droite. Des organisations comme la Mezza Lyon occupent notamment le virage sud, celui des groupes « indépendants ». La Mezza Lyon s’est notamment fait remarquer pour avoir brandi des banderoles hostiles aux immigrés. Sur le canal Telegram d’extrême droite Ouest Casual on peut notamment voir le drapeau de l’organisation déployé dans le mausolée où est enterré Benito Mussolini.

En 2018, de violents affrontements ont opposé des hooligans à la police en marge du match de l’Olympique lyonnais contre le CSKA Moscou. Un policier a été violemment tabassé au sol notamment. Un des auteurs des faits, repéré par la suite dans les tribunes du stade, a été condamné à 18 mois de prison ferme. Il était proche du Bastion Social et du réseau Blood and Honour.

D’autres affrontements ont eu lieu en marge ou lors de différents matchs de l’OL. Notamment lors de rencontres contre des clubs possédant des supporters ultras réputés antifascistes. Ainsi, de violents affrontements ont éclaté dans les tribunes du Groupama Stadium lors du match contre le club du Besiktas Istanbul en 2017. Certains de ses supporters avaient spécialement visé le virage sud où se trouvent des groupes de supporters liés à l’extrême droite lyonnaise. On a relevé également des affrontements avec des supporters du club de l’AS Rome. En 2024, des « supporters de gauche », entendant régulièrement des insultes racistes, voyant des saluts nazis, ont fait part de leur malaise à notr rédaction.

L’impact relatif des dissolutions de groupes d’extrême droite à Lyon

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L’histoire récente des groupuscules d’extrême droite à Lyon est aussi celle de leur recompositions. Des évolutions et des changements de noms provoqués notamment par des mesures de dissolution. Ces recompositions entraînent parfois l’apparition de nouveaux groupuscules et/ou de nouveaux noms.

Suite à la mort du militant antifasciste Clément Méric à Paris en 2013, plusieurs organisations d’extrême droite ont été dissoutes. Parmi elles, l’Oeuvre française d’Yvan Benedetti et les Jeunesses nationalistes d’Alexandre Gabriac particulièrement actives à Lyon.

Les deux hommes ont par la suite réactivé une ancienne revue, Jeune Nation. Puis, Yvan Benedetti a repris un vieux parti, le Parti nationaliste français (PNF), pour poursuivre l’action de l’Oeuvre française. À leur procès pour maintien de ligue dissoute, ce dernier a avoué que « la dissolution les [avait] tués ».

Mais les dissolutions n’ont pas toujours le même effet. À défaut de mettre fin aux mouvements et à leurs activités, elles entraînent, un temps, une certaine désorganisation avant de nouvelles recompositions. Ce fut notamment le cas avec le Bastion Social dissous en 2019. Malgré la dissolution du mouvement et de ses associations satellites, le dernier local en date du mouvement a continué à être utilisé par des membres du groupuscule. Notamment pour préparer et mener des actions en marge des manifestations des Gilets jaunes.

Le cas du Bastion Social est toutefois révélateur d’une des techniques souvent utilisées par des mouvements d’extrême droite pour avancer masqués. Le local du mouvement à Lyon, comme ceux ouverts dans d’autres villes de la région comme Chambéry, a été loué via une association satellite. Ne faisant aucune référence au mouvement Bastion Social, elle prétendait dans ses statuts promouvoir et défendre les traditions lyonnaises. Mais en aucun cas être une organisation politique.

Dernier cas en date, celui de Génération identitaire. L’organisation a été dissoute en mars 2021. Or, elle aussi loue ses locaux via des associations satellites. Dans son cas, le décret de dissolution ne concerne pas ces deux associations, lui permettant de maintenir ses locaux ouverts. Y compris le bar La Traboule, siège social de feu Génération identitaire.

En septembre 2021, l’organisation a repris ses activités sous l’appellation « Les Remparts de Lyon ». Elle a finalement été dissoute en juin 2024, ainsi que les deux associations locataires de l’Agogée et la Traboule. Ce qui a – pour l’instant – mis fin à la présence et aux activités de l’extrême droite dans le Vieux-Lyon. Un calme relatif à mettre en perspective avec la montée en puissance de l’extrême droite électorale et le départ de cadres identitaires ces dernières années.

La fermeture administrative des locaux, une arme juridique pour contrer l’extrême droite

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Certaines associations, partis politiques, syndicats ou groupes antifascistes demandent constamment la fermeture des locaux de l’extrême droite.

Fermer ces locaux n’est pas toujours chose facile. En cas de troubles à l’ordre public générés par le local, le préfet peut décider d’une fermeture administrative. Il faut toutefois établir un lien entre le local et des troubles qui n’ont pas forcément lieu à proximité.

Pour ces locaux classés Établissements recevant du public (ERP), l’aval d’une commission de sécurité municipale préalable est obligatoire pour ouvrir. La municipalité s’assure notamment du respect des différentes normes de sécurité. Parfois, les organisations sont mises en défaut à ce moment-là. Offrant ainsi aux municipalités la possibilité de fermer, au moins temporairement, jusqu’à une potentielle mise en conformité. La complexité ou le coût des travaux à réaliser peuvent parfois entraîner la fermeture définitive des locaux.

Toutefois, en cas de mise en conformité, la municipalité n’a d’autre choix que de valider l’ouverture des locaux. Ce fut le cas de la Ville de Lyon en septembre 2020 qui a autorisé la réouverture de La Traboule et de l’Agogé, les locaux de Génération identitaire, après d’importants travaux.

Après le départ au ministère de l’Intérieur de Gérard Collomb, qui opposait souvent extrême droite et extrême gauche, ses successeurs se sont montrés davantage actifs sur le sujet. Le maire EELV de Lyon, Grégory Doucet, a notamment appelé Emmanuel Macron et son gouvernement à fermer ces locaux. Une interpellation qui fait suite à la manifestation organisée le 21 octobre 2022 en réaction à la mort de la jeune Lola. Aussi date anniversaire de la fondation du bar La Traboule. Pour l’heure, ces locaux sont fermés à la suite de la dissolution des Remparts, en juin 2024.

Cet article est une mise à jour de notre article publié originellement le 23 octobre 2021

À Lyon, le désamour entre la municipalité de gauche et les syndicats

À Lyon, le désamour entre la municipalité de gauche et les syndicats

Ce mardi 8 novembre, la mairie de Lyon a procédé à des réquisitions de chauffagistes et électriciens, en grève à l’appel de la CGT. Une décision qui tend encore le dialogue social, alors que la mairie écologiste et de gauche entretenait déjà des relations conflictuelles avec ses syndicats. Analyse d’une relation à mettre dans la catégorie : « c’est compliqué ».

Depuis l’été 2021, les relations entre la Ville de Lyon, ses agents et les syndicats n’ont jamais vraiment été pacifiées. D’abord, une note de service encadrant le droit de grève avait mobilisé tous les syndicats en septembre 2021. Début 2022, c’est le syndicat FO Police municipale qui s’était vertement opposé à la majorité écologiste. Son préavis de grève est toujours en cours jusqu’en décembre.

En ces premiers jours de novembre, c’est une question de chauffage qui entraîne une énième situation explosive. La CGT avait déposé un préavis de grève pour les chauffagistes et électriciens de la Ville, qui demandent une augmentation des salaires et une amélioration de leurs conditions de travail. Le 2 novembre, ces derniers se sont mis en grève, avant de reprendre le travail, puis de se remettre en grève le 7 novembre. Leur mouvement est encore en cours.

Cette grève a occasionné une absence de chauffage dans plusieurs bâtiments de la municipalité, dont les crèches et les écoles. Dès mardi 8 novembre, le maire de Lyon EELV, Grégory Doucet, a décidé d’une réquisition de personnel. Un fait rarissime, même lors de la direction de la ville par l’ex-maire Gérard Collomb, pourtant marqué plus à droite.

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À Lyon, une manifestation pour une augmentation des salaires jeudi

À Lyon, une manifestation pour une augmentation des salaires jeudi

Ce jeudi 10 novembre, une manifestation interprofessionnelle est prévue place Jean-Macé (Lyon 7e) pour revendiquer une hausse des bourses et des salaires. En parallèle, un autre rassemblement aura lieu devant l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu.

Face à l’inflation, les rassemblements continuent pour demander une augmentation des salaires. Ce jeudi 10 novembre, l’union départementale Rhône de la CGT et Solidaires appellent à manifester, à 11 h 30, place Jean-Macé (Lyon 7e). Le cortège ira ensuite en direction de la place Bellecour.

Côté CGT, on demande notamment une revalorisation du Smic à 2000 euros brut et une augmentation du point d’indice de 10 % dans la fonction publique pour répondre à la hausse des prix. L’UD 69 souligne que le prix du carburant a augmenté de 16%, depuis le début de l’année. Celui du gaz a, lui, connu une hausse de 15% depuis 2019.

Un rassemblement auquel se joint le syndicat Solidaires étudiants. Contre la précarité étudiante, il demande une augmentation des bourses.

Les militants CGT ont représenté le groupe des maigres troupes ce 4 février 2021. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon.
Les militants CGT vont tenter de mobiliser une deuxième fois, après la manifestation du 18 octobre. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon.

À l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu de Lyon : une autre manifestation pour les salaires

En parallèle, une manifestation devrait aussi avoir lieu devant l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu. L’intersyndicale regroupant la CGT, SUD et la CFTC de la fondation ARHM (gestionnaire de l’hôpital) appelle à un débrayage et à une manifestation devant ses murs de 14h à 16h.

Les syndicats dénoncent un univers de travail dégradé depuis près d’un an et demi. Deux unités ont été fermées, faute de personnel. Ils déplorent cette situation et demandent une augmentation des salaires pour les agents régis par les conventions collectives 51 et 66 des travailleurs sociaux.

« La convention 51, avec un point d’indice qui n’a quasiment pas évolué depuis 20 ans, fait débuter ses grilles de salaires à 351 € en dessous du Smic », regrettent-ils.

Université Lyon 2 : un professeur accusé de harcèlement sexuel relaxé par le Cneser

Université Lyon 2 : un professeur accusé de harcèlement sexuel relaxé par le Cneser

Selon nos confrères de Médiacités, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) a relaxé pour la deuxième fois un professeur de l’Université Lyon 2 accusé de harcèlement sexuel, sans explication. Cet organe devrait prochainement statuer sur l’appel formulé par un professeur de cinéma de cette même faculté, lui aussi accusé de harcèlement sexuel comme l’avait révélé Rue89Lyon.

Dans un jugement du 21 septembre, révélé par Médiacités Lyon, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) a réitéré, sans justification, sa décision de relaxer un professeur de la l’Université Lyon 2, accusé de harcèlement sexuel.

Rembobinons : les faits remontent à 2017. À cette époque, une étudiante syrienne dénonce des faits de harcèlement sexuel de la part d’un professeur de linguistique arabe. Après enquête, l’Université Lyon 2 décide de suspendre le professeur. Mais ce dernier fait appel devant ce fameux Cneser. En septembre 2020, il obtient gain de cause auprès de cet organe qui base sa décision sur des éléments faux, selon le Conseil d’État, confirmant des informations de Médiacités.  

Le Conseil d’Etat annule la relaxe et renvoie la balle au Cneser. Ce mois de septembre, ce dernier a de nouveau innocenté le professeur, considérant qu’il « n’existe aucun élément probant permettant de retenir la culpabilité » de l’enseignant. Il n’y aurait en l’espèce pas matière à caractériser une situation de harcèlement sexuel.  

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L’Université Lumière Lyon 2, campus des Berges du Rhône.Photo : OM/Rue89Lyon

À Lyon, les jugements du Cneser sur les cas de harcèlement sexuel font grincer des dents

Une décision qui ne fait pas l’unanimité, tout comme le Cneser lui-même. Il est actuellement composé de cinq professeur·s d’université et de cinq enseignant·es-chercheur·ses. Les étudiants, auparavant présents, ont disparu de cet organe à la suite d’un décret du 26 juin 2020. 

Or, cette nouvelle composition, sans étudiants, fait tousser plusieurs collectifs comme le collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur (Clasches). Pour ces derniers, le Cneser semble particulièrement généreux avec ses pairs.

Sur ce point, nos collègues de AEF ont étudié les décisions rendues par le CNESER entre 2008 et 2019. Sur ces dix années, 70 dossiers concernaient des enseignants. Dans un tiers des affaires environ, il s’agissait de faits à caractère sexuel ou sexiste, et notamment de harcèlement sexuel. La relaxe a été prononcée par le Cneser pour un tiers des dossiers concernant des enseignants-chercheurs.

Cas de harcèlements sexuels à Lyon 2 : Jacques Gerstenkorn bientôt devant le Cneser

Comme le pointe Médiacités, ce jugement « entre pairs » est particulièrement problématique. Il ne prend pas en compte la loi de transformation de la fonction publique de 2019 qui prévoyait d’en confier la présidence à un magistrat professionnel plutôt qu’à un universitaire. 

Ces dispositions seront-elles bientôt à l’ordre du jour ? Un autre enseignant de l’Université Lyon 2 devrait prochainement comparaître devant l’instance dans le cadre d’une affaire révélée par Rue89Lyon. Il s’agit de Jacques Gerstenkorn, professeur de cinéma à Lyon 2 depuis les années 90 et accusé de harcèlement sexuel par plusieurs ex-étudiantes. La section disciplinaire de l’Université Lyon 2 avait prononcé à son encontre une interdiction d’exercer sa profession pendant un an. Il a lui aussi fait appel de cette sanction devant le Cneser.

Quant à l’ancien doyen de la faculté de droit de l’Université Lyon 2, Guillaume Protière, il est accusé de violences sexuelles par une étudiante, comme l’avait révélé Rue89Lyon il y a bientôt un an. Révoqué fin septembre par la section disciplinaire de l’Université Lyon 2, il dispose encore de quelques semaines pour faire appel. 

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