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Lyon Populaire : un trait d’union entre néonazis et Manif pour tous

Les affrontements du lundi 28 juin rue Mercière impliquent de nouveau l’extrême droite radicale, dont un cadre du mouvement dissous Génération identitaire et l’un des leaders de Lyon Populaire. Moins connu, ce groupuscule, héritier du Bastion Social, fraye avec toutes les mouvances, de la Manif pour tous aux identitaires, en passant par les néonazis.

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Lyon Populaire : un trait d’union entre néonazis et Manif pour tous

Enquête.

Lundi 28 juin 2021, rue de la Monnaie puis Mercière (Lyon 2ème). Alors que des centaines de supporters sont massés pour suivre France – Suisse, de violents affrontements éclatent en fin de match, provoquant un grand mouvement de foule.

En cause : une trentaine d’individus, pour certains cagoulés et armés d’objets contondants, venus pour en découdre. Tables, chaises, bouteilles, tout y passe. Les projectiles fusent, des coups sont échangés.

Ce mardi, le secrétaire général adjoint à la préfecture du Rhône, Julien Perroudon, a évoqué des affrontements « a priori entre supporters », soulignant « qu’à l’heure actuelle, rien n’est démontré sur les responsabilités ». Une enquête a été ouverte.

Pourtant, ces violences portent les marques de l’extrême droite radicale, du mode opératoire aux slogans rapportés par les témoins, en passant par le profil des assaillants. De plus, les violences ont été revendiquées sur le canal Telegram prisé des néonazis européens « Ouest Casual », comme les attaques du bar La Pinte Douce ou, plus récemment, de la librairie La Plume Noire ou du rassemblement pour la fierté lesbienne.

Selon nos informations, confirmées par des vidéos des violences, l’un des leaders de Lyon Populaire, Eliot Bertin, était présent rue Mercière, ceinture en main et ramassant des projectiles. A ses côtés, manches de chemise retroussées et short kaki, se trouve également Adrien Lasalle, cadre du mouvement dissous Génération identitaire. On le voit notamment sur une vidéo, en train de rassembler les assaillants en faisant de grands gestes.

Contacté Eliot Bertin, n’a pas donné suite. Quant à Adrien Lasalle, également contacté, il ne nous a pas répondu.

Rue Mercière, la présence de deux militants connus de l’extrême droite radicale

Eliot Bertin et Adrien Lasalle sont deux militants connus de l’extrême droite radicale à Lyon, qui posaient ensemble pour promouvoir la salle de boxe identitaire « L’Agogé » dans le Vieux Lyon, comme le révélait dans un article le média stéphanois «Le Gueuloir» et les antifascistes lyonnais de la «Gale».

Tout à gauche de la photo, les deux figures de Lyon Populaire : Eliot Bertin et, poing serré et bras tatoué à côté de lui, Anthony Renaud. Le deuxième en partant de la droite est Adrien Lasalle, de feu Génération identitaire.

Les militants de Lyon Populaire s’affichent régulièrement dans les mobilisations lyonnaises aux côtés des identitaires. Malgré la dissolution en mars dernier de Génération Identitaire, ils disposent encore d’un vivier militant conséquent et de leurs deux locaux dans le Vieux Lyon.

Héritier du Bastion social, le groupuscule Lyon Populaire entretient également des liens avec la Manif pour tous comme avec la mouvance néonazie. Malgré leur activisme, ses militants sont restés sous les radars médiatiques.

Lyon Populaire : « Le fond idéologique reste celui du fascisme »

« Communauté militante » créée en septembre 2019, Lyon Populaire est née sur les cendres du Bastion Social. Un mouvement néofasciste issu du GUD vantant son action sociale faite de collectes alimentaires et de maraudes auprès des « Français de souche précarisés ». Cette façade a rapidement été fissurée par la violence et le racisme de ses membres. Accusé d’appeler à la haine, aux discriminations et aux actions violentes, le mouvement a été dissous en Conseil des ministres en avril 2019.

Se posant en héritier du Bastion Social, Lyon Populaire pourrait tomber sous le coup d’une procédure pour « reconstitution de groupe dissous », sa dizaine de jeunes militants en étant principalement issue. Sur leurs réseaux, ils affichent un esthétisme renouvelé et une apparence lisse. Exit le look skinhead cliché crâne rasé, bomber et rangers : les militants de Lyon Populaire adoptent le look « casual », qui prend sa source dans les tribunes des stades.

Côté militantisme, on retrouve les mêmes recettes que le Bastion Social. Outre les traditionnels tractages et collages, le groupe affiche également un visage social avec des collectes alimentaires et des maraudes auprès des plus démunis.

Cet héritage l’inscrit pleinement dans la mouvance nationaliste-révolutionnaire (NR), « anti-impérialiste » et animée « par une volonté anti-bourgeoise qui implique une radicalité antisémite », souligne l’historien Nicolas Lebourg. Un courant post-Mai 68 dont « le fond idéologique reste très clairement celui du fascisme », poursuit-il. Logiquement, le groupuscule lyonnais entretient des liens politiques et amicaux avec toutes les résurgences du Bastion Social et le reste de la mouvance NR : une quinzaine de groupes dans l’Hexagone mais aussi à l’étranger, en Italie et en Suisse principalement.

Une implantation dans les Monts du Lyonnais

Dans la région lyonnaise, ils ont notamment entretenu des liens forts avec Terra Nostra. Un groupuscule basé dans les Monts du Lyonnais, inactif depuis plus d’un an, qui dissimulait son militantisme derrière la promotion de produits locaux. Drapeau de Lyon Populaire en main, plusieurs militants lyonnais ont d’ailleurs immortalisé, en février 2020, l’inauguration de leur local situé à Larajasse.

Une présence loin d’être étonnante : ce local, que Terra Nostra a depuis dû quitter, était loué par « Les délices de Lug ». Une association créée en septembre 2019 et dirigée par… Eliot Bertin, selon des documents que nous avons pu consulter. Contacté, Lyon Populaire assume et parle « d’une aide administrative pour la location [du] local ». Par ailleurs, cette même association bénéficiait des dons faits au groupuscule via son compte PayPal. Une possibilité supprimée depuis.

Lyon Populaire dans le service d’ordre de la Manif pour tous

Membres de Lyon Populaire en amont de la mobilisation du collectif Marchons Enfants, le 31 octobre 2020 place Bellecour Photo : capture d’écran du compte d’un militant de Lyon Populaire

Mais Lyon Populaire n’est pas sectaire, et sait diversifier ses contacts à l’extrême droite. Outre ses liens avec les identitaires, Lyon Populaire est également proche du collectif Marchons Enfants, dont fait partie la Manif pour Tous. Samedi 10 octobre 2020, aux côtés d’Adrien Lasalle ou de royalistes de l’Action Française, au moins sept de ses militants ont participé au service d’ordre de la mobilisation contre le projet de loi bioéthique, brassards « sécurité » autour du bras et casque de moto ou parapluies dans les mains.

Présent ce jour-là, Eliot Bertin est même monté sur scène en fin de rassemblement pour discuter avec Aliette Espieux, porte-parole de la Marche pour la Vie et colistière du Rassemblement National dans le 5e arrondissement lyonnais aux dernières municipales. Une scène captée par la chaîne KTO. Contacté, le groupe confirme la présence de « certains de [ces] membres […] à titre personnel », ajoutant « qu’aucune violence n’a été commise envers les contre-manifestants ». De leur côté, le collectif Marchons Enfants et la Manif pour Tous n’ont pas souhaité réagir à ces informations, malgré plusieurs relances.

La tentation de la violence

Les militants de Lyon Populaire n’hésitent d’ailleurs pas à faire le coup de poing, comme Mayeul Michon du Marais. Masque de Lyon Populaire et parapluie en main, il participe le 30 janvier dernier à des affrontements à Angers. Une ville que cet étudiant en commerce connaît bien, pour y avoir étudié. Bonnet vissé sur la tête, on le voit aux côtés de membres de l’Alvarium, association catholique et identitaire locale impliquée dans plusieurs agressions ces derniers mois. Ils lancent des projectiles sur des manifestants pour la PMA et contre l’extrême droite, mobilisés suite à l’incendie d’un local associatif par des néonazis. Contacté, il n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Il n’est pourtant pas le seul à user de la force chez Lyon Populaire. L’attrait pour la violence de certains de ses militants tranche avec l’image de militants associatifs au service des plus démunis qu’ils promeuvent. Une violence que Lyon Populaire ne rejette pas, mais qu’elle utilise seulement dans un « cadre d’auto-défense populaire », nous répond le groupe. La réalité est pourtant différente.

Pour éviter les poursuites judiciaires, plusieurs militants mènent leurs actions violentes sous d’autres bannières. Un des militants actifs de Lyon Populaire dont l’identité reste un mystère, est l’un d’entre eux. Présent dans le service d’ordre de la Manif pour Tous en octobre 2020, il était également présent lors des violences du 31 janvier dernier en marge d’une manifestation organisée par la Manif pour tous. Aux côtés de militants lyonnais armés de gants coqués ou de ceintures, il participe ce jour-là à l’attaque de la contre-manifestation, objet contondant en main. Une présence immortalisée par la « photo souvenir » de revendication publiée sur le compte Telegram « Ouest Casual ».

Selon plusieurs sources, Eliot Bertin et Anthony Renaud, les plus actifs chez Lyon Populaire, se mobilisent avec le Guignol Squad. Il s’agit d’un regroupement informel de militants néofascistes, identitaires et hooligans, formé durant les Gilets jaunes.

L’historien Nicolas Lebourg analyse :

« Le temps des groupuscules est pratiquement achevé. On est aujourd’hui beaucoup plus sur des nébuleuses et des réseaux affinitaires ».

Leur objectif : tenir la rue, comme lors de l’acte XIII des Gilets jaunes, le 9 février 2019, où ses membres ont attaqué le cortège antiraciste sur le cours Lafayette. Une bataille rangée, au cours duquel Anthony Renaud se distingue, en première ligne ceinture en main, à quelques mètres de ses camarades frappant avec des parapluies ou des chaînes de vélo.

Lyon Populaire extrême droite néonazis
Tractage de Lyon Populaire place Ampère, le 27 mai 2020 Photo : Capture d’écran compte Instagram de Lyon Populaire

Nostalgiques du Troisième Reich

S’il a abandonné les Gilets jaunes, le Guignol Squad n’a pas disparu pour autant. Son nom réapparait régulièrement sur Ouest Casual pour revendiquer agressions et mobilisations de rue.

Ce canal Telegram où l’on retrouve entre autres des revendications d’agressions, des vidéos de bagarres ou des visuels glorifiant le nazisme ou le terroriste de Christchurch Brenton Tarrant.

Tee-shirts European Brotherhood, marque nationaliste au logo formant une croix celtique, Eliot Bertin et Anthony Renaud s’affichent sous cette bannière début mai avec les Zoulous Nice. Un groupuscule violent et nostalgique du Troisième Reich, reprenant le symbole SS de la Totenkopf sur ses stickers et célébrant la nouvelle année bras tendus, devant un drapeau orné de croix gammées et d’un soleil noir, symbole du mysticisme nazi.

Eliot Bertin et son masque Totenkopf Photo : capture d’écran Facebook

Des positions qui ne dérangent pas les deux Lyonnais, et pour cause : ils y adhèrent. Eliot Bertin s’affiche lui-même avec un masque Totenkopf sur ses réseaux personnels. Son compère Anthony Renaud, qui fréquente également l’Agogé, n’est pas en reste, s’affichant sourire aux lèvres en faisant un salut nazi.

Un « folklore d’auto-marginalisation », reprend Nicolas Lebourg:

« Ce folklore permet de justifier [son] existence marginale : cela ne s’inscrit évidemment pas dans un objectif de conquête politique ».

Leurs positions néonazies expliquent notamment pourquoi ils ont contribué personnellement à Ouest Casual.

Auteur d’un fichier décrivant les structures « d’extrême-gauche » à Lyon, Eliot Bertin a trahi son anonymat, omettant de supprimer les métadonnées, contenant son identité, lors de la publication du fichier. De son côté, Anthony Renaud aime promouvoir Lyon Populaire sur le canal… avec des photos déjà publiées sur ses comptes personnels. On le voit par exemple à Rome, en janvier 2020, pour rendre hommage à trois militants nationalistes italiens aux côtés des néofascistes locaux de Casapound, ou cagoulé, drapeau de Lyon Populaire en main, devant le Palais de la civilisation italienne, symbole de l’architecture fasciste.

Joints à propos de leurs accointances avec la mouvance néonazie, ni Eliot Bertin, ni Anthony Renaud n’ont donné suite à nos sollicitations. Seul le groupe a répondu, affirmant refuser « de jouer à la police de la pensée, [concevant] la liberté de conscience comme […] primordiale ».


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