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29/03/2024 date de fin
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« Libérons la parole contre l’appropriation du Vieux Lyon par l’extrême droite »

Jeudi soir, place du Change, une centaine de personnes se sont réunies pour célébrer le « Vieux Lyon solidaire et son patrimoine ».  Associations, commerçants, habitants et élus voulaient ainsi montrer que ce quartier historiquement « ouvert aux autres » n’appartient pas aux groupuscules d’extrême droite radicale. Et ainsi remettre les pendules à l’heure.

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« Libérons la parole contre l’appropriation du Vieux Lyon par l’extrême droite »

Depuis l’attaque de la boutique de « l’horloger de Saint-Paul » il y a deux mois, c’est le premier événement qui a lieu dans le Vieux Lyon, contre l’extrême droite. Organisé par l’horloger lui-même, Philippe Carry, ce rassemblement avait pour objectif de « libérer la parole ».

Il l’avait annoncé lors d’une conférence de presse :

« Ces groupes veulent faire pression sur ce quartier. Nous allons faire pareil, mais avec nos armes : la parole, l’échange et la volonté de faire connaître et de promouvoir le Vieux-Lyon et ses richesses ».

Ce jeudi soir, c’est à l’initiative de Philippe Carry que plusieurs artistes se sont succédé sur le parvis du temple de la place du Change, pour rendre hommage à un petit bout d’histoire et de patrimoine du Vieux Lyon, à son esprit créatif et à ses « valeurs humanistes ».

Dans un silence attentif, ponctué d’applaudissements à chacune des interventions, le public a pu assister à la lecture du texte « La fileuse de Haine » d’Ahmed Kalouaz ou d’un passage de « Matin Brun » de Franck Pavloff.

Des poèmes ont également été lus et, dans un registre plus théâtral, un mini spectacle de marionnettes a été proposé par une compagnie lyonnaise. Une comédienne a fait revivre l’espace d’un instant Victoria Nicollet, habitante de la rue Saint-Georges, morte en 1945 dans un camp de concentration.

Philippe Carry, au micro, a lu un poème intitulé « Libre » © TS/Rue89Lyon

« L’enquête fait du surplace »

En introduction de la soirée, Bruno Guichard rappelait que « tout ce qui attaque la femme et l’homme ne mérite que l’irrespect et l’inégard, c’est une insulte à l’espèce humaine, à la beauté. […] Ce soir, avec Philippe, nous vous invitons à dire, à raconter et à partager la beauté ».

Cet ancien directeur de la Maison des Passages, une des associations culturelles du quartier qui subi aussi les attaques de l’extrême droite radicale, a participé à l’organisation de ce rassemblement :

« On ne voulait pas attendre plusieurs mois pour faire quelque chose. Pour ne pas laisser s’effriter la solidarité ».

L’idée était aussi de reparler de l’enquête en cours. Bruno Guichard ne cache pas son désappointement à ce sujet :

« Le maire, Georges Képénékian, et le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, ont assuré Philippe Carry de leur soutien. Mais on ne voit rien venir : l’enquête fait du surplace ».

« Ces groupuscules s’approprient la jouissance du quartier et en nient les racines »

Outre quelques représentants du Collectif de vigilance 69 contre l’extrême droite, des dizaines d’habitants sont venus assister à cette soirée artistique et politique.

Une manière pour eux de lutter et de faire passer un message à ceux qui veulent s’approprier le quartier. C’est le cas de Michel, qui habite dans le quartier depuis une trentaine d’années :

« Si je suis là ce soir, c’est parce que je suis profondément hostile à ces idées identitaires. Ils veulent faire un tri sélectif des habitants du quartier et c’est insupportable ».

Andrew, qui habite lui à proximité de l’atelier de Philippe Carry, partage ce sentiment :

« Ce qui s’est passé, ces intimidations, ça concerne tout le monde, il faut une prise de conscience. Ce soir, ça permet de dire ″stop″, de prendre position ».

Les représentants des principales associations du quartier avaient aussi tenu à être présents.

En juillet prochain, toutes ces associations, avec la MJC, la Maison des passages et le Musée Gadagne, devraient organiser à l’occasion de Dialogues en humanité un événement pour montrer « les valeurs d’ouvertures, de tolérance et de générosité » du Vieux Lyon.

Parmi les personnes qui ont pris la parole, on comptait Yves Neyrolles de la Renaissance du Vieux Lyon. Il a écrit un texte sur « son » Vieux Lyon en évoquant, sans la nommer, la rue Juiverie dont la plaque est régulièrement tapissée d’ autocollants des groupes d’extrême droite :

« C’est une mise à mort symbolique. Ces groupuscules sont venus s’approprier la jouissance du quartier et en nient les racines. Ici, place du Change, les gens venaient de l’Europe entière échanger leurs marchandises. On parlait toutes les langues. C’est une histoire cosmopolite. »

Etienne Régent, président des Dragons de Saint-Georges, est venu « à titre personnel » soutenir Philippe Carry :

« Il y a des évidences à rappeler, quand on oeuvre dans son quartier. On ne peut pas accepter cette violence. »

La présidente du conseil de quartier, Marie-Jeanne Courtier, était également là pour montrer sa solidarité avec « l’horloger de Saint-Paul » :

« On ne peut pas accepter n’importe quoi. On accueille tout le monde ici. C’est important de le rappeler. »

Place du Change, jeudi 23 novembre © TS/Rue89Lyon

La mairie « occupe le terrain »

Alors que Gérard Collomb avait brillé par son silence sur ce sujet au cours de son mandat, le nouveau maire de Lyon, Georges Képénékian n’avait pas hésité à prendre la parole et condamner publiquement l’attaque qu’a subie l’horloger.

Un changement de ton qui s’est traduit ce jeudi soir par la présence de plusieurs élus de la mairie, notamment celle de Djida Tadzaït, conseillère municipale aux Droits des citoyens, qui représentait le maire.

Jean-Yves Sécheresse, adjoint au Maire et délégué à la Sécurité était également sur les lieux. Il estime que « ce genre d’événement est une nécessité, afin d’occuper le terrain face à l’extrême-droite », tout en rappelant que le GOM, groupe opérationnel mobile de la Police municipale, avait augmenté ses passages dans le secteur.

Gilda Hobert, élue à la culture du 5ème arrondissement, a elle appelé à multiplier ces événements qui permettent « d’aller vers les gens » et de témoigner que « le Vieux-Lyon est à tout le monde ».

« On ne peut pas se taire »

Philippe Carry compte bien organiser d’autres rassemblements de ce type dans les mois à venir. D’ailleurs, il a organisé cette première soirée bien plus tôt que ne l’envisageait la municipalité.

« On ne peut pas attendre les Dialogues en Humanité, en juillet prochain. C’est beaucoup trop loin ».

Il juge qu’il faut continuer d’agir.

« On ne peut pas se taire. Il y a des habitants dans le quartier qui sont contres ces groupuscules mais qui n’oseront pas parler. Avec ces événements, c’est comme si on portait la voix de ces gens ».

Signe d’une situation très loin d’être résolue, les policiers nationaux et municipaux quadrillaient le quartier, autour de la place du Change.

Les militants d’extrême droite n’ont pas pointé le bout de leur nez.

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