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A Villeurbanne, des jeunes de la PJJ interrogent le traitement médiatique de l’islam

Dans le cadre d’un atelier consacré à la fabrique des médias, un groupe de jeunes de l’UEAJ (Unité éducative et d’activités de jour) de Villeurbanne, encadrés par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), a rédigé un article consacré au traitement médiatique de l’islam. Nous le reproduisons ci-dessous.

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A Villeurbanne, des jeunes de la PJJ interrogent le traitement médiatique de l’islam

« Islam = terroriste ».

« Islam = haine ».

« Islam = extrémisme ».

Voici les clichés souvent véhiculés dans les médias. Régulièrement, le débat sur le voile revient sur la scène médiatique. Comme dernièrement avec la loi sur les séparatismes votée cet été. Ou dans des débats télévisés, notamment dans des émissions sur CNews ou BFMTV. Dans les faits, cette loi semble surtout viser les musulmans. Alors quel en est l’impact ? Comment les musulmans le vivent-ils ?

A Villeurbanne, nous avons posé la question du traitement médiatique de l’islam à des passants, à des musulmans et des associations.

Samir de Villeurbanne : « l’islam dans les médias, c’est toujours à sens unique »

A la question : « est que vous trouvez qu’on parle beaucoup de l’islam dans les médias ? », Jamila*, 50 ans, réagit :

« Oui, ils ont oublié leurs problèmes alors ils parlent de l’Islam. il suffit de voir une femme voilée pour qu’on parle que de ça. Pourtant la vierge Marie n’a jamais montré ses cheveux non plus. »

« Que ce soit l’islam, le christianisme, le judaïsme, s’ils nous laissent tranquilles on vivra mieux, mais pas chacun dans son coin, car justement ils veulent nous séparer », ajoute-t-elle.

Assis sur un banc près de Charpennes, à Villeurbanne, Samir* répond à son tour :

« Il y a que ça dans les médias, on nous stigmatise toujours alors qu’il y a des problèmes beaucoup plus graves. »

Interrogés ensuite sur la façon dont les médias parlent de l’islam et comment ils le perçoivent personnellement, les passants ont répondu :

« C’est toujours à sens unique pour nous taper dessus, sortir que le mauvais de l’islam alors que c’est une religion d’ouverture. Je me sens attaqué dans les médias, avec Zemmour et toute leur bande. Je préférerais qu’on évoque tout ce qui est vertueux dans l’islam, être ensemble, la paix. Pour moi tous ceux qui font des attentats ne sont pas des musulmans », poursuit Samir.

« Je trouve que c’est un peu exagéré, c’est trop. On en parle en négatif », affirme aussi Mathieu*.

Un peu plus loin dans le square en face de la place Wilson, un jeune homme, la trentaine, expose son point de vue :

« Les médias terrorisent un peu la population avec leur traitement de l’islam, comme ils font avec plein d’autres sujets. Il faut être assez intelligent pour prendre un peu de distance. » On fait trop d’amalgames, ça dépend d’où on vient et de quelle catégorie socio-professionnelle. J’ai toujours été entouré de toutes les religions. Moi je suis athée et je pense que chacun croit en ce qu’il veut. »

Une jeune maman avec ses enfants en poussette complète, à voix basse :

« C’est pour attiser le feu, je trouve pas ça très instructif, c’est pour garder les clivages. Je trouve que ça n’aide pas à avancer et à trouver des solutions pour vivre ensemble », .

« Moi je n’ai pas forcément d’amis qui pratiquent l’islam, donc je vais forcément avoir l’image qu’on me montre à la télé. Et si je reste sur ce qu’on me montre, je vais pas forcément avoir une image positive de l’islam. Maintenant de par ma propre vie et convictions je n’ai rien contre l’islam mais c’est vrai que je vais rester bloquée sur les images négatives qu’on voit à la télé. »

islam et médias
Le débat de BFM sur le voile. Capture d’écran

« Le traitement médiatique n’est pas égal quand ça parle de nous, musulmans »

L’association EMF (Etudiants musulmans de France) à Lyon est engagée dans la vie étudiante, pour créer des moments de convivialité mais aussi renforcer le vivre ensemble et organiser des moments de réflexion sur des sujets d’actualité. Deux bénévoles, Ramzi (étudiant en Master 2 de droit public), et Shana (consultant en énergie) sont venus donner leur point de vue sur le traitement médiatique de l’islam. Voir la vidéo ci-dessous :

“Je trouve le traitement médiatique de l’islam souvent injuste parce qu’on ne donne pas la parole aux personnes concernées. On donne la parole à des soit disant porte-parole qui ne sont pas légitimes et on les met en avant comme s’ils nous représentaient”, expose Ramzi.  

C’est à cette situation qu’avaient répondu des femmes voilées dans une vidéo du Huffington Post.

« Le traitement médiatique n’est pas égal quand ça parle de nous – les musulmans – et quand c’est les autres », complète Shana.

“Je pense qu’il y a des sujets qui prennent beaucoup trop d’importance à la télé alors que c’est pas forcément les plus importants dans notre communauté, comme le certificat de virginité par exemple. Ou la question du voile, qui prend énormément de place. On a l’impression que 95% des femmes qui portent le voile sont opprimées et forcées à le mettre. Ce n’est pas le cas”.

Amalgame entre islam et terrorisme

Nous avons ensuite posé la question suivante : pensez-vous qu’il existe un amalgame entre islam et terrorisme ?

Leur réponse en vidéo.

Loi contre le séparatisme : l’islam stigmatisé

Pour Ramzi, « on dit que c’est une loi pour renforcer les valeurs de la République mais elle vise plus l’islam qu’autre chose. A mon sens, cette loi est stigmatisante et inutile : par exemple la polygamie est aujourd’hui déjà interdite par la loi. Idem pour l’interdiction pour les associations culturelles de faire du cultuel. Les lois dans notre pays permettent déjà de protéger les gens et de lutter contre l’extrémisme. Pour moi, cette loi a juste été faite pour stigmatiser les gens ».

Shana partage ce point de vue et ajoute :

« C’est plus joli de dire qu’on est pour la laïcité que contre une certaine communauté. Et tout le monde sait de quelle communauté on parle. »

Comment renforcer le vivre ensemble ?

“Je pense que le problème vient quand les gens ne se côtoient pas. Des français blancs qui ne côtoient pas de français d’origine étrangère. Quand tu grandis sans connaître l’autre tu grandis dans la peur de l’autre et avec une certaine idée », explique Shana.

“Au départ l’école devait jouer ce rôle de rencontre, mais malheureusement il y a des quartiers où ne vit qu’une seule communauté, et il y a aussi tous ceux qui essaient d’éviter leur école pour ne pas se mélanger”, conclue Ramzi. 

islam Villeurbanne
La Grande Mosquée de Lyon.Photo : LB/Rue89Lyon


#Éducation aux médias

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