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A Lyon, un leader identitaire condamné : « ça aurait pu se terminer devant les assises »

Ce lundi, le tribunal correctionnel de Lyon jugeait en comparution immédiate Adrien R., dit Adrien Lasalle, un cadre identitaire lyonnais. Il a été condamné à 18 mois de prison dont six mois avec sursis pour des faits de violences, notamment deux coups de couteau qui auraient pu avoir des conséquences graves. S’il a nié ces faits, il a reconnu avoir frappé un policier lors de son interpellation. Récit.

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Tribunal de Lyon extrême droite

Dans la nuit de jeudi à vendredi, au bas des Pentes de la Croix-Rousse (Lyon 1er), Adrien R., dit Adrien Lasalle, une figure de Génération identitaire, mouvement d’extrême droite aujourd’hui dissous, était interpellé à l’intérieur d’un restaurant tandoori.
Quelques heures plus tard, le candidat dissident de la gauche dans la 2e circonscription, Raphaël Arnault révélait, sur son compte Twitter, que deux jeunes s’étaient fait poignarder, donnant une coloration très politique à cette affaire, avec un contexte de fin de campagne des législatives.

Adrien R., cadre identitaire lyonnais, reconnu comme l’auteur des coups de couteau

Ce lundi après-midi, devant la 14e chambre du tribunal correctionnel de Lyon, changement de décor. Les deux victimes présentes, Ichem, 18 ans, et Jean-Marie, 22 ans, partagent le même point de vue que le prévenu, Adrien R., 26 ans. Le contexte électoral n’a rien à voir avec les faits reprochés.
C’est le seul point d’accord : Adrien R. était aux prises avec une foule qui l’a reconnu, ce qui l’a amené à se réfugier dans un snack du quartier des Terreaux.

Sur le reste du dossier, un désaccord majeur demeure. Ichem a reçu un coup de couteau « profond » au bras droit en voulant se protéger le visage. Jean-Marie présente quant à lui une estafilade de neuf centimètres dans le cou, qu’il aurait subi en essayant d’éviter un coup. C’est cette photo que le désormais ex-candidat aux législatives (et ancien représentant de la Jeune Garde) a également publié sur son compte Twitter.
Les deux reconnaissent Adrien R. comme l’auteur de ces coups de couteau. Ce qu’il nie en bloc.

Zones d’ombre

À la barre, le bras droit en écharpe, Ichem s’exprime avec difficulté, encore « sous le choc », explique-t-il à la présidente.

Jean-Marie déroule le récit d’une « foule qui descendait de la rue Romarin vers la place des Terreaux ». Lui, il a essayé de « rabattre » Adrien R. vers « la foule » quand il a entendu « Ichem a été poignardé ». C’est là qu’Adrien R. a essayé de lui « lacéré » le visage.

Des récits des victimes, il ressort qu’on ne sait pas si Ichem a été poignardé avant ou après Jean-Marie.
On ne connaît pas, non plus, l’origine de ces agressions. Ichem comme Jean-Marie disent s’être approchée d’une « foule » de « plusieurs personnes » qui en voulaient à Adrien R.

Plutôt que d’être jugée à la hâte en comparution immédiate, l’affaire aurait pu faire l’objet d’une instruction, comme l’a souligné l’avocat des victimes, Vincent Calame-Schmidt. On aurait pu, peut-être, comprendre pourquoi cette « foule » d’une poignée de personnes à une vingtaine voire une quarantaine de personnes, selon les récits et les moments, poursuivait Adrien R.

Au tribunal correctionnel de Lyon, le leader identitaire lyonnais se défile

Le tribunal aurait pu également convoqué un certain Andres qui a été auditionné par la police. Celui-ci, selon le récit de la présidente, a décrit une foule d’« une quarantaine » de personnes qui a « roué de coups » Adrien R., avec « matraques » et « gazeuse ».

Il dit avoir assisté « par hasard » à la scène. Mais cette personne, remarque la présidente, serait l’ami d’Adrien R. et s’est enfui devant la foule hostile. Ce même « ami » a fait l’objet d’une main courante déposée à la suite d’une rixe dans le Vieux Lyon, en 2017, où il est décrit comme appartenant à un groupe identitaire. La présidente préfère écarter ce témoignage.

« Pourquoi cacher ce lien d’amitié ? », s’interroge une des juges. Peut-être que la foule vous poursuivait pour votre appartenance politique. C’est une piste d’explication ».

En matière politique, Adrien R. reconnaît seulement « avoir appartenu » au mouvement Génération identitaire aujourd’hui dissous.

Lorsque la présidente revient à la charge et lui parle de sa présence à la salle des boxe des identitaires, il botte encore en touche alors que l’avocat des deux jeunes produit la photo du compte officiel Twitter (aujourd’hui fermé) de l’Agogé où on voit Adrien R. faire la promotion de la boxe identitaire.

Il répond, lapidaire :

« Ça m’est arrivé occasionnellement d’y aller ».

Et d’ajouter :

« A 26 ans, j’ai passé un cap ».

Ce lundi, chemise bleue et pantalon clair, il se présente comme « agent commercial dans l’immobilier ».
Adrien R., de son pseudonyme Adrien Lasalle chez les identitaires, voudrait effacer ce qu’il présente comme un passé -embarrassant.

Cette figure identitaire locale, connue comme étant l’un des leaders des actions de rue de l’extrême droite radicale, préfère faire profil bas.

Même son mouvement ne semble pas le soutenir puisque c’est une avocate de permanence qui a dû assurer sa défense. Et dans le public, une poignée seulement de soutiens sont venus le voir. Poursuivi pour de graves faits de violence, Adrien Lasalle fait tâche alors que, localement, le mouvement qui a pris la suite de Génération identitaire, « Les Remparts de Lyon », commence tout juste à se lancer dans l’activisme politique.

identitaire lyon
Adrien Lasalle, deuxième en partant de la droite. Capture d’écran du compte Twitter de l’Agogé aujourd’hui supprimé.

« Vous avez un problème avec la violence »

Dans son réquisitoire, la procureure de la République a insisté sur son appartenance à la « mouvance identitaire » lyonnaise, en citant les renseignements territoriaux (RT).

Elle a également listé toutes les condamnations et les affaires en cours. Poursuivi pour avoir brandi une banderole sur la CAF de Bobigny en mai 2019, il est en attente de l’arrêt de la cour l’appel.

Adrien R. est également sous le coup d’un contrôle judiciaire dans le cadre d’une instruction ouverte après la vandalisation du local du député LREM Thomas Rudigoz en mai 2020.

Adrien R. présente une condamnation définitive datée de novembre 2019 prononcée par le tribunal de Bar-le-Duc, pour des coups de poing contre un agent de police en octobre 2018. Ce Lorrain d’origine, installé désormais à Lyon, a donc agi en récidive.

Cette liste amène la procureure à conclure :

« Mr R., vous avez un problème avec la violence ».

Ce lundi, dans cette nouvelle affaire, Adrien R. a seulement reconnu des coups de poing contre l’agent de police qui a tenté de l’interpeller, mettant cette agression sur le compte de son état d’ébriété. Après avoir reçu des coups, l’agent avait dû lâcher le chien policier sans muselière pour le maîtriser et lui passer les menottes.

Si l’accusé nie avoir poignardé les deux victimes présentes au procès, la procureure égrène les éléments pour démontrer qu’il est bien l’auteur des coups de couteau : les images des caméras de vidéosurveillance où on le voit avec un objet long à la main ; un étui à couteau de 13 centimètres retrouvé sur lui ; le gérant du restaurant Tandoori qui l’a vu rentrer avec un objet à la main et, bien sûr, deux victimes blessées qui reconnaissent leur agresseur.

Mais le couteau n’a pas été trouvé dans le snack. De son côté, Adrien R. prétend que cet « objet long » serait sa cigarette électronique dont il n’a pas parlé en garde à vue et que les policiers n’ont pas signalée à la fouille.

12 mois de prison ferme et 6 mois avec sursis

Dans son réquisitoire, la procureure a demandé 12 mois de prison ferme avec maintien en détention et 6 mois avec sursis, avec interdiction de contacts avec les victimes, de paraître dans le premier arrondissement de Lyon 1er, et de détenir une arme; obligation de soins et d’indemniser les victimes; et privation du droit à l’éligibilité.

Rendu ce lundi soir, le jugement du tribunal de correctionnel de Lyon colle en totalité avec le réquisitoire, à une grosse nuance près : la peine de 12 mois de prison ferme n’est pas assortie d’un mandat de dépôt. La peine d’Adrien R. sera donc aménagée sans incarcération.

Pour l’avocat des victimes, Vincent Calame-Schmidt, « l’absence de maintien en détention rend la décision assez légère. »

Plus tôt, au cours de sa plaidoirie, l’avocat avait souligné que cette affaire aurait pu se passer autrement d’un point de vue judiciaire :

« Ce monsieur s’est entraîné au sport de combat. Les deux coups de couteau visaient le visage. Ça aurait pu se terminer devant les assises ».


#Extrême-droite

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