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Mixité sociale dans les collèges de Vénissieux : « Il faut sortir les gamins des Minguettes »

Mixité sociale dans les collèges de Vénissieux : « Il faut sortir les gamins des Minguettes »

Le quartier prioritaire des Minguettes, à Vénissieux, est un exemple-type du manque de mixité sociale dans les collèges publics de la métropole de Lyon. Pour l’association vénissiane de parents d’élèves « No Ghetto », des solutions existent pourtant.

Les collèges du plateau des Minguettes, à Vénissieux, illustrent particulièrement bien le manque de mixité sociale dans les établissements scolaires de la métropole de Lyon. Environ 22 000 personnes vivent dans le secteur des Minguettes-Clochettes, classé quartier prioritaire de la « politique de la ville ». D’après les chiffres de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, en 2018, un habitant du quartier sur deux vivait avec moins de 60% du revenu médian annuel métropolitain (22 480 euros), soit moins d’un SMIC par mois.

Concernant les catégories socio-professionnelles des habitant·es, les employé·es et les ouvrier·es sont surreprésenté·es dans le quartier, alors qu’à l’échelle métropolitaine, on compte davantage de cadres et de professions intermédiaires.

D’après les données de 2010, 78% de la population du quartier des Minguettes-Clochettes n’avait aucun diplôme. Le taux de chômage y est particulièrement élevé, avec environ 16% de chômeur·ses actuellement, contre moins de 10% pour la métropole de Lyon.

En bref, il s’agit d’un des quartiers les plus pauvres de la métropole de Lyon.

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En rouge, les anciennes zones urbaines sensibles (ZUS). En bleu, les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) des Minguettes-Clochettes à Vénissieux et de l’Arsenal à Saint-Fons. Capture d’écran du SIG ville.

Ce quartier prioritaire des Minguettes-Clochettes est également un de ceux où le niveau scolaire est le plus bas. Le plateau des Minguettes compte trois collèges publics : Paul Eluard, Elsa Triolet et Jules Michelet. Chacun a une capacité de 650 à 750 élèves. Le taux de réussite au brevet des collèges oscillait entre 60 et 80% dans les trois établissements, avec de belles remontées dans les années 2010.

Dans ces établissements scolaires, le manque de mixité sociale est frappant. A Paul Eluard, par exemple, d’après le dernier projet d’établissement, plus de la moitié des parents d’élèves sont ouvrier·es ou inactif·ves et seulement 4% appartiennent à la catégorie des cadres.

Depuis 2019, une association de parents d’élèves de Vénissieux baptisée « No Ghetto » milite pour favoriser la mixité sociale dans les établissements scolaires de la métropole de Lyon, y compris les collèges des Minguettes. Mais comment faire ?

collège Jules Michelet Vénissieux Minguettes Métropole de Lyon
Le collège Jules Michelet est l’un des trois collèges du plateau des Minguettes, à Vénissieux.Photo : OM/Rue89Lyon

« Pour survivre dans des classes comme ça, avec ces enfants, il faut devenir aussi dur qu’eux »

Infirmier libéral aux Minguettes, conseiller municipal à Vénissieux, Farid Ben Moussa a fait de la mixité sociale dans les collèges son cheval de bataille. A 45 ans, il garde un souvenir amer de son adolescence passée à Vénissieux, sur le plateau des Minguettes. Devant la grille de son ancien collège, Jules Michelet, il se rappelle cette époque-là, qui a transformé « l’enfant gentil » qu’il était en « voyou », affirme-t-il.

Ce sont ses années de 4e et de 3e qui ont le plus marqué Farid Ben Moussa. Encore aujourd’hui, il garde un souvenir cuisant de l’expérimentation « 4e-3e en trois ans » dont il a fait partie dans les années 90, l’exact inverse de la mixité sociale qu’il défend aujourd’hui :

« Tous les enfants qu’on ne pouvait pas cadrer à l’école, ont été mis ensemble, dans la même classe, explique-t-il en jetant un regard noir au bâtiment. En mettant plus de profs et plus de moyens, ils pensaient pouvoir les tirer vers le haut. Ça s’est arrêté en cours de route, en deuxième année, tellement ça se passait mal. »

Et de préciser :

« Des agressions de profs, des fugues d’élèves, des règlements de compte… Un jour, la police est venue fouiller notre classe. On se serait cru à Leroy Merlin quand ils ont ouvert nos sacs : tournevis, scies à métaux… On aurait pu monter un magasin de bricolage. J’étais un enfant gentil quand je suis rentré dans cette classe. J’en suis ressorti, j’étais un voyou. Pour survivre dans des classes comme ça, avec des enfants comme ça, il faut devenir aussi dur qu’eux. »

Farid Ben Moussa, de l'association No Ghetto, devant son ancien collège, Jules Michelet, l'un des trois collèges du quartier des Minguettes à Vénissieux. ©OM/Rue89Lyon
Farid Ben Moussa, de l’association No Ghetto, devant son ancien collège, Jules Michelet, l’un des trois collèges du quartier des Minguettes à Vénissieux.Photo : OM/Rue89Lyon

Le jeune Farid Ben Moussa a ensuite intégré le lycée Jacques Brel, toujours aux Minguettes, dont il s’est fait exclure. Il a passé un bac STMG en candidat libre et fait une première année de fac d’histoire à l’Université Lyon 2 tout en préparant les concours d’infirmier en parallèle. Il raconte que c’est cette année de fac, et la rencontre de gens totalement différents de ceux de son quartier, qui lui a permis de se calmer et de se concentrer sur ses études.

« Le premier jour à Lyon 2, je m’embrouille avec quelqu’un pour une histoire à la con, et je commence à faire ce que je faisais à Vénissieux. Ça commence à crier, à pousser… Et j’ai vu le regard des gens. J’étais passé de la star de mon lycée à un singe. A Jules Michelet, quand je faisais le con, j’avais des applaudissements. A la fac, quand je faisais du bruit en cours, j’entendais un ‘chut’ venant de 50 personnes. Ça m’a calmé ! »

Des parents d’élèves vent debout contre le nouveau collège de la Métropole de Lyon aux Minguettes

Devenu père de famille, Farid Ben Moussa a décidé d’agir. En 2019, il apprend qu’une extension provisoire va être ajoutée au collège Alain pour accueillir plus d’élèves. « Un collège bungalow », comme il l’appelle, « collé à une station essence et à un point de deal », ajoute-t-il en désignant de la tête un adolescent avachi sur un canapé miteux, à deux pas de l’entrée du collège.

« Il y avait beaucoup de parents d’élèves qui pensaient que ce n’était pas une bonne idée pour nos gosses, je n’étais pas tout seul », précise-t-il.

C’est alors qu’ils apprennent qu’un nouveau collège, en dur celui-ci, verra le jour en 2022 entre les Minguettes et un quartier prioritaire de Saint-Fons, l’Arsenal.

« Ça a été la goutte d’eau », explique succinctement Farid Ben Moussa en secouant la tête d’un air dégoûté.

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Le site de l’un des futurs collèges annoncés par la Métropole de Lyon, à proximité des Minguettes, entre Vénissieux et Saint-Fons.Photo : OM/Rue89Lyon

Il discute alors du problème avec Pierre Obrecht, assistant parlementaire d’Yves Blein, élu LREM de la 14e circonscription du Rhône, dont la permanence est voisine du domicile de Farid Ben Moussa à Vénissieux. Sur ses conseils, les parents d’élèves montent l’association « No Ghetto », qui milite pour qu’il y ait davantage de mixité sociale et d’origine dans les collèges de la métropole de Lyon.

Outre Farid Ben Moussa qui en est le secrétaire, le bureau de l’association est composé de deux autres parents d’élèves de Vénissieux : Khady Rebuzzy, présidente, et Fazia Ouatah, trésorière et également conseillère municipale d’opposition à Vénissieux.

En circulant entre les tours défraîchies du boulevard Lénine Corsière, au bout du plateau des Minguettes, Farid Ben Moussa se remémore son enfance et son adolescence dans le quartier.

« Il y avait une population mixte à l’époque. Mes voisins avaient un travail, il y avait des profs, des infirmiers… Aujourd’hui, il n’y a plus que des gens au RSA. A mon époque, s’en sortir était compliqué, aujourd’hui c’est impossible. »

Son diplôme d’infirmier en poche, il est revenu exercer au quartier et intervient souvent dans ces logements sociaux décrépis.

« Les gamins viennent de milieux défavorisés, avec des parents en difficulté. En tant qu’infirmier libéral je rentre dans beaucoup de maisons et d’appartements de Vénissieux et des Minguettes. Certaines familles vivent à huit par terre, il n’y a pas d’ordinateur, rien pour travailler… Je compare à ma fille, qui a un grand bureau, une bibliothèque… Ma femme et moi, on lit un livre par jour, à table on peut parler de plein de choses avec elle. Eux ils parlent de quoi ? »

Quelles réponses de la Métropole de Lyon ?

L’association No Ghetto demande clairement une refonte totale de la carte scolaire pour favoriser la mixité sociale dans les collèges, ceux des Minguettes comme ceux du reste de la métropole lyonnaise. Or, c’est la Métropole de Lyon qui est compétente en matière de découpage de carte scolaire.

La vice-présidente en charge des collèges, Véronique Moreira, et l’association se sont rencontrées une première fois à ce sujet en octobre 2020. Une nouvelle réunion doit avoir lieu au cours de ce mois d’octobre 2021.

Bruno Bernard Métropole de Lyon collèges
Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, et Véronique Moreira, vice-présidente en charge de l’éducation, ont annoncé vendredi 17 septembre une enveloppe de 300 millions d’euros pour les collèges de la métropole.Photo : OM/Rue89Lyon

Interrogée par la presse locale le 23 septembre dernier sur la question du nouveau collège de Vénissieux/Saint-Fons, dans le viseur de l’association No Ghetto, Véronique Moreira a renvoyé la balle dans le camp de l’Etat et des familles elles-mêmes :

« On démarre les travaux avec le souci d’avoir une carte scolaire qui permette – en tout cas sur le papier – d’avoir une diversité. Après, rien ne dit que la diversité qu’on essaie de mettre en place sera suivie par les familles.

On a aussi la concurrence du privé qui fait que tout le monde ne choisit pas le collège public. On a aussi un travail très important à faire avec l’Education nationale pour s’assurer que dans ce bâtiment, qui sera exemplaire, ils mettent les moyens en termes d’enseignements de qualité et de filières attractives. »

La vice-présidente s’est tout de même engagée à mettre en place un « indice de mixité sociale et d’origine », comme le demande l’association No Ghetto, et d’en évaluer les résultats à la fin du mandat.

« Il faut sortir les gamins des Minguettes »

« C’est une vraie absence de courage politique, tacle Pierre Obrecht. Je comprends que ce soit compliqué. Modifier la carte scolaire est le pire des sujets car ça implique de modifier les habitudes des gens. »

Plus mesuré que Farid Ben Moussa, Pierre Obrecht évoque la possibilité de prendre en compte l’indice de position sociale des élèves (IPS), créé en 2016, lors du découpage de la carte scolaire, pour améliorer la mixité sociale.

« On aimerait que ce soit rendu obligatoire », explique-t-il.

Et de citer l’exemple de Paris, qui a mis en place des expérimentations pour améliorer la mixité sociale dans ses collèges. Après les attentats de Charlie Hebdo, en 2015, une vingtaine de territoires s’étaient portés volontaires pour tester des solutions qui favoriseraient la mixité sociale dans leurs établissements scolaires, à l’appel de l’ex-ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem. Parmi ceux-là, Paris, Montpellier, Strasbourg, Clichy, Redon, La Rochelle, Brest ou encore Nancy. Pas Lyon, ni aucune des communes de la métropole.

D’après l’évaluation de l’Institut des politiques publiques sur l’expérimentation menée à Paris depuis 2017, c’est un succès.

« Ça cartonne, les parents ne contournent plus la carte scolaire ! » résume Pierre Obrecht.

Farid Ben Moussa Pierre Obrecht No Ghetto mixité sociale collèges Métropole de Lyon Vénissieux Minguettes
Farid Ben Moussa et Pierre Obrecht, de l’association No Ghetto qui milite pour plus de mixité sociale dans les collèges de la Métropole de Lyon.Photo : OM/Rue89Lyon

Des secteurs « bi-collèges » comme à Paris ?

Le concept ? La création de « secteurs bi-collèges » sur des périmètres voisins. Les enfants peuvent donc être affectés sur l’un de ces deux collèges, et non plus sur le seul correspondant à l’adresse de leur domicile.

A partir de là, plusieurs solutions sont à l’étude pour favoriser la mixité sociale. La « montée alternée », par exemple, consiste à échanger les élèves de 6e de deux périmètres voisins. Cette dernière serait tout à fait applicable à la métropole de Lyon, estime Pierre Obrecht, en raison de sa densité et de son réseau de transport performant.

Une seconde option pourrait être de fusionner les deux collèges, chacun ayant tous les élèves sur deux niveaux uniquement (tous les 6e et tous les 5e pour l’un ; tous les 4e et tous les 3e pour l’autre par exemple). Le « choix scolaire régulé », plus stigmatisant peut-être, consiste à laisser les affectations scolaires aux bons soins d’un algorithme, qui prend en compte l’origine sociale des élèves, et peut ainsi les affecter en fonction des résultats dans plusieurs collèges différents.

Pour Farid Ben Moussa, quelle que soit la solution retenue, il ne faut pas essayer d’attirer une population plus aisée à Vénissieux par des options et filières attractives, mais sortir les jeunes de leur quartier.

« Il faut sortir les gamins des Minguettes, les sortir des histoires de bande, se faire des amis autres… Pour trouver un boulot, c’est les études mais aussi du réseau. C’est quoi notre réseau à Vénissieux ? Des préparateurs de commande ? Des gens au RSA ? »

Quitte à faire un long trajet en TCL ?

« Et alors ? répond-t-il du tac au tac. J’ai fait deux heures de transport tous les jours, moi, pour être infirmier. Ma fille, dans le privé, elle fait une heure de bus pour chaque jour. Quand c’est pour la réussite scolaire, aucun parent ne va chipoter. Il faut viser le collège, après c’est trop tard. »

En attendant une refonte de la carte scolaire de la métropole de Lyon, l’association No Ghetto surveille attentivement l’évolution du chantier du nouveau collège de Vénissieux/Saint-Fons. Ils envisagent de s’opposer au permis de construire, sitôt celui-ci déposé. Tout plutôt qu’un nouveau collège « ghetto » dans le quartier, affirme Farid Ben Moussa d’un ton sans appel.

Just Eat à Lyon : « Une autre forme d’esclavage des livreurs, avec une jolie couverture marketing »

Just Eat à Lyon : « Une autre forme d’esclavage des livreurs, avec une jolie couverture marketing »

Dans le monde des plateformes de livraison qui rémunèrent leurs coursiers à la tâche et avec le statut d’autoentrepreneur, Just Eat fait figure de chevalier blanc. C’est en début d’année 2021, que l’entreprise a déployé sa flotte de livreurs salariés dans certaines grandes villes de France. À Lyon, l’entreprise entendait embaucher « 400 livreurs », CDI à la clé. Rencontre avec ces coursiers à vélo pour qui l’enthousiasme n’a duré qu’un temps.

Ce mardi 5 octobre, avant de rejoindre le cortège de la manifestation interprofessionnelle avec des livreurs de Deliveroo et Uber Eats, six des salariés de Just Eat se sont donnés rendez-vous un peu plus loin sur le cour Gambetta, devant les locaux lyonnais de l’entreprise. Ludovic Rioux, délégué syndical de la CGT livreurs de Lyon explique :

« On va leur annoncer qu’on est en grève. Tous les six, on est censés commencer le boulot à midi. Mis à part les nouveaux qui commencent leur période d’essai, je pense qu’on est 7 ou 8 seulement prévus pour cette heure là, ça nous donne de l’impact. »

Livreurs à vélo Just Eat grève Lyon
Les livreurs Just Eat de Lyon entrent dans les locaux de Just Eat à Lyon.Photo : LS/Rue89Lyon

À peine entrés dans les locaux, les livreurs sont apostrophés par le directeur de l’antenne lyonnaise :

« Si je comprends bien, vous considérez avoir les mêmes conditions de travail que chez Uber ou Deliveroo ? »

Un cortège lyonnais regroupant Just Eat, Uber Eats et Deliveroo

Les salariés en grève refusent la comparaison, et pointent un salaire trop faible et l’absence de primes de risques pour les livreurs. L’un d’eux illustre :

« Dimanche il pleuvait, il n’y avait que nous comme livreurs dans les rues : Les livreurs Uber Eats et Deliveroo sont restés chez eux. Les patins des vélos freinent mal sous la pluie et un de nos livreurs a eu un accident. On souhaite une prime de pluie. »

Le directeur martèle :

« Nous sommes dans les clous de la législation française. »

Il souligne aussi la difficulté pour l’antenne de Lyon de faire bouger les choses à l’échelle nationale avant de leur souhaiter une bonne manifestation.

Une fois la manifestation interprofessionnelle rejointe, les livreurs forment un groupe d’une vingtaine de personnes rassemblées derrière une banderole « Livreurs unis, à la conquête de nos droits ». Et c’est au son des klaxons stridents des vélos électriques que le groupe avance, derrière la camionnette CGT.

Même s’ils veulent témoigner d’un front uni contre « la précarité globale » à l’œuvre dans leur profession, les livreurs des plateformes qui rémunèrent à la tâche et sous statut d’autoentrepreneur font face à des problématiques différentes des salariés de Just Eat.

Just Eat se pose en chevalier blanc des livreurs de Lyon

Alors que l’entreprise Deliveroo et trois de ses ex-dirigeants ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris en septembre dernier pour « travail dissimulé », Just Eat boit du petit lait. Là où Deliveroo, Uber Eats et Stuart proposent un travail à la tâche et aux revenus incertains, sans mutuelle, arrêt maladie, ou possibilité de prétendre au chômage, Just Eat salarie ses livreurs avec un CDI et toutes ses garanties pour, en théorie, les mêmes conditions de travail.

Sur son site, Just Eat insiste sur le salariat et les conditions sociales qui en découlent. Une stratégie de communication qui a le mérite de stimuler l’embauche mais aussi d’assurer la réputation « éthique » de la plateforme :

« Tu es payé·e à l’heure. Tu gagnes donc de l’argent, même lorsque tu attends une commande. »

Livreurs à vélo Just Eat Lyon Manif 5 octobre 2021
Les livreurs de Just Eat, Deliveroo et Uber Eats manifestent ensemble à Lyon mardi 5 octobre.Photo : LS/Rue89Lyon

La marque Just Eat, héritière d’une des premières plateformes françaises de livraison à domicile, Allo Resto, a été rachetée en 2020 par l’entreprise TakeAway.com. À Lyon, Just Eat considère avoir presque rempli son objectif affiché d’embaucher « 400 livreurs » : 389 coursiers sont en effet passés par Just Eat depuis début 2021. Mais seulement 60 sont encore en activité. L’entreprise le justifie ainsi :

« Beaucoup exercent le métier de livreur en parallèle d’une autre activité ; nous avons par exemple beaucoup d’étudiants qui travaillent comme livreurs pour avoir un complément de revenu en parallèle de leurs études. Durant les périodes de congés ou de rentrées, nous voyons donc des vagues de départs, notamment chez les jeunes. »

Pour certains ex-travailleurs des plateformes qui rémunéraient à la tâche et sous statut autoentrepreneur, obtenir un contrat salarié a réellement été salvateur.

Daniel (prénom d’emprunt) a 31 ans, il est arrivé en France avec sa famille il y a un peu plus d’un an. À Lyon, le seul emploi qu’il a trouvé était celui de coursier pour Uber Eats :

« Ce n’était vraiment pas bien. Il y a beaucoup trop de pression. Tous les jours j’avais peur de ne pas faire suffisamment de commandes pour gagner ce qu’il faut d’argent pour faire vivre ma famille. »

Daniel ajoute :

« Si je tombais malade, je n’avais pas de congé maladie. C’était vraiment tout pour ma pomme. »

Daniel a été embauché à Just Eat en février dernier, il travaille 35 heures par semaine, rémunéré au Smic. C’est peu. Ce qui pousse ce père d’une petite fille à rester dans l’entreprise : le contrat de travail. Le CDI lui a permis de trouver un logement, là où son statut d’autoentrepreneur précaire refroidissait agences et propriétaires. Il ajoute :

« J’ai aussi pu contracter un prêt à la banque, pour acheter un véhicule. »

Les livreurs de Lyon doivent fournir et entretenir leurs outils de travail

Mais Daniel pointe d’importantes difficultés qui rappellent les pratiques des plateformes concurrentes, dont Just Eat souhaite pourtant se démarquer.

« Pour moi le problème le plus important, c’est le matériel. À Just Eat, on est obligés de rouler à vélo, avec nos vélos. C’est seulement quand on fait plus de 24 heures par semaine qu’on a le droit de demander à colouer un vélo électrique à l’entreprise. »

« Colouer » un vélo ? En effet, les coursiers qui souhaitent utiliser un vélo électrique doivent payer le tiers de sa location à une entreprise partenaire de Just Eat, VelyVelo. Ceux-ci voient donc tous les mois 36 euros déduits de leur salaire.

Un des livreurs de Just Eat, à Lyon, à côté de son vélo électrique ©LSRue89Lyon
Un des livreurs de Just Eat, à Lyon, à côté de son vélo électriquePhoto : LSRue89Lyon

La location de vélo par les employés est considérée comme un avantage en nature offert par l’entreprise, car les livreurs peuvent utiliser le vélo en dehors de leurs heures de travail.

Les livreurs doivent aussi payer le rechargement de leur batterie :

« Après le travail, je monte la batterie de mon vélo dans mon appartement et je la fais charger toute la nuit. »

Daniel ajoute :

« Je suis tout le temps connecté à Internet pour mon travail, on reçoit nos consignes de livraisons via une application. Mes dépassements de forfait, je les paye aussi de ma poche. »

Interrogé à ce sujet, Ludovic Rioux, responsable de la CGT livreurs de Lyon dénonce les indemnités des livreurs Just Eat :

« L’indemnité kilométrique est en dessous du minimum conventionnel : on a 6 centimes par kilomètre parcouru. Pour les indemnités téléphoniques c’est 2 centimes par heure de travail. C’est dérisoire. »

Just Eat dépend de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires qui fixe à 0,13 centimes l’indemnité par kilomètre parcouru à titre professionnel.

Les salariés gagnent aussi 25 centimes de bonus à la course. Ludovic Rioux ironise :

« Mais ça va, ce n’est pas précaire, à la 250ème course, on passe à 50 centimes. »

« À chaque panne, je suis en congé sans solde »

Daniel a le sentiment de devoir « payer son outil de travail ». Un vélo électrique dont il est par ailleurs mécontent :

« En moyenne, je tombe en panne trois ou quatre fois par mois. »

Les conséquences des pannes répétées de ces vélos électriques se font ressentir :

« Quand je tombe en panne, j’accroche mon vélo, je signale sa position à Just Eat, et ils me mettent en congé sans solde jusqu’à ce qu’ils l’aient réparé ou qu’on m’en prête un autre, mais ma journée est fichue. »

Sur la fiche de paie, des heures de congé sans solde sont en effet déduites de son salaire presque tous les mois.

Just Eat précise que des vélos électriques de prêt sont proposés aux livreurs :

« Nous remédions à cette situation en tenant à disposition des vélos de prêt dans notre hub, pour aider les livreurs à rester en activité en cas d’avarie, sans compromis sur leur sécurité. »

« Les mots « mutuelle » et « salaire fixe » m’ont fait rêver »

Elias a 25 ans, titulaire d’un CAP cuisine, lui aussi a d’abord travaillé pour Uber Eats pendant un an, avant de s’engager chez Just Eat de mars à juin 2021 :

« Ils ont dit les mots « mutuelle », « salaire fixe », ça m’a fait rêver. »

Il a alors troqué son scooter pour un vélo, qu’il a entièrement payé, car son contrat de 15 heures ne lui permettait pas de bénéficier de la possibilité de « colouer » un vélo électrique.

« Quand j’ai eu mes premières casses de matériel, j’ai vraiment ri jaune. Changer la chaîne, le dérailleur, les freins, au bout d’un moment, ça chiffre. Surtout que pendant les jours de réparation, je n’étais pas payé. »

Le vélo électrique d'un des livreurs de Just Eat, à Lyon. ©LSRue89Lyon (2)
Le vélo électrique d’un des livreurs de Just Eat, à Lyon.Photo : LS/Rue89Lyon

« On gagne deux fois moins que chez les concurrents »

Concernant les vélos non-électriques de remplacement en cas de problème, Elias affirme :

« À ma connaissance, il n’y en a que deux pour tout Lyon. Moi, ils m’ont seulement proposé un minuscule VTT. Je mesure deux mètres… »

Interrogée au sujet du coût engendré par l’achat d’un vélo personnel ainsi que des dépenses de réparation, Just Eat s’est justifiée :

« Si nous n’imposons pas l’utilisation d’un vélo spécifique, c’est d’abord parce qu’une grande majorité de livreurs nous a indiqué préférer utiliser son propre vélo. Jusqu’ici, une allocation de 6 centimes par kilomètre leur était versée afin qu’ils puissent entretenir leur véhicule. »

Just Eat a ajouté qu’une revalorisation de l’indemnité kilométrique était envisagée, sans donner de montant ou de date précise.

Livreurs Just Eat grève manifestation interprofessionnelle du 5 octobre
Des livreurs Just Eat, Deliveroo et Uber Eats à la manifestation interprofessionnelle du 5 octobre à Lyon.Photo : LS/Rue89Lyon

Pour Elias, ces indemnités étaient insuffisantes, et il ne lui a fallu qu’un mois pour qualifier l’entreprise d’« Uber déguisé » :

« Just Eat est une énorme arnaque, tu gagnes deux fois moins que chez les concurrents alors que tu n’as pas la flexibilité des horaires ou la possibilité de refuser certaines commandes. C’est une autre forme d’esclavage, avec une jolie couverture marketing. »

« Les plateformes profitent des situations précaires des livreurs »

Les livreurs sont payés au minimum légal, et les indemnités ainsi que les bonus à la commande sont trop faibles d’après les salariés :

« Les bons mois, je gagnais le triple chez Uber Eats ; et comme j’étais en scooter, j’allais plus vite et je me fatiguais moins. Chez ceux qui paient à la tâche, plus les distances à parcourir sont grandes, mieux tu es rémunéré. Pour Just Eat, j’ai déjà fait des trajets Confluence/Sainte-Foy-lès-Lyon en vélo pour des sommes vraiment faibles. »

Elias ajoute :

« Je ne dis pas qu’Uber Eats, Stuart ou Deliveroo sont mieux, au contraire. Je dis seulement que ces plateformes sont toutes les mêmes : elles profitent des situations précaires des livreurs. »

Elias travaillait chez Just Eat tous les soirs et tous les week-ends. Il gagnait alors un peu moins de 500 euros par mois pour un contrat de 15 heures de travail par semaine.

« J’avais des dépassements de forfait et des réparations régulières à faire sur mon vélo, et ça grignotait ma paye déjà ridicule. »

Elias n’avait d’ailleurs pas choisi de travailler tous les week-ends, c’est l’entreprise qui lui aurait imposé :

« Je faisais des bornes et des bornes, sans m’arrêter et sur des horaires imposés, qu’il pleuve, qu’il vente et souvent je recevais un petit message de Just Eat pour me dire d’aller plus vite. »

En effet, même si les livreurs n’ont pas accès à leurs évaluations, leurs performances et donc leur rentabilité sont tout de même évalué à chacun de leurs trajets. Khalid, un coursier de 25 ans chez Uber Eats raconte ne pas avoir validé la période d’essai de deux mois chez Just Eat :

« Just Eat m’ont dit que je n’étais efficace qu’à 83% et que ce n’était pas assez pour me garder. Pourtant, chez Uber Eats, qui me donne accès en direct à mes évaluations de performances, je suis à 96%. »

Les critères d’évaluation de l’entreprise ne sont pas connus dans le détail mais reposent sur une moyenne des notes données par les consommateurs et les restaurateurs, ainsi que sur la productivité en termes de commandes prises par les employés.

Les livreurs Just Eat
Les livreurs Just Eat sont venus signaler être en grève pour la manifestation interprofessionnelle du 5 octobre.Photo : LS/Rue89Lyon

Elias poursuit :

« En plus, contrairement aux autres plateformes, on ne peut pas refuser une course, même si elle nous semble dangereuse. »

C’est parfois la boule au ventre que les coursiers de Just Eat empruntent certaines rues lyonnaises. Daniel aussi en témoigne :

« Je ne me sens pas en sécurité sur certaines routes comme la montée de la boucle (Caluire) ou la montée de Choulans (Lyon 5è), et je ne peux pas le signifier à mon employeur. »

Interrogé à ce sujet, Just Eat a assuré être à l’écoute des inquiétudes de ses salariés :

« Lorsqu’un livreur témoigne son inquiétude quant au secteur de livraison qui lui est attribué, il a la possibilité d’en discuter avec ses superviseurs qui mettront en œuvre la meilleure solution. »

« À Lyon, Just Eat fait le minimum du minimum »

Ils sont nombreux à avoir ressenti de la désillusion après s’être faits embaucher chez Just Eat. Comme avec les autres plateformes, il est très difficile pour les employés de faire entendre leurs difficultés à la hiérarchie. D’après Elias :

« On fait remonter les problèmes aux chefs, ils disent qu’ils vont voir ce qu’ils peuvent faire, et il ne se passe jamais rien. »

Des coursiers de Just Eat ont souhaité désigner un délégué syndical pour défendre leurs intérêts : Ludovic Rioux, le responsable de la CGT livreurs à Lyon. Refus de la direction. Just Eat nous explique ce refus, en se cantonnant à l’application stricte du code du travail :

« La loi requiert que l’entreprise ait atteint le quota de 50 salariés depuis 12 mois ou plus […] et que le représentant syndical ait 12 mois d’ancienneté au sein de l’entreprise. C’est pour ces raisons-là uniquement, qui relèvent du droit du travail français, que nous avons dû contester la nomination d’un représentant de la section syndicale. »

vélo livreurs
Les livreurs de Just Eat, Deliveroo et Uber Eats lors de la manifestation interprofessionnelle à Lyon du 5 octobre.Photo : LS/Rue89Lyon

En attendant « l’élection d’un comité social et économique au mois de novembre 2021 » promis par la direction en application de la loi, sont organisées des « tables-rondes ouvertes à tous permettant à chacun de faire remonter les difficultés rencontrées sur le terrain ».

Pour le cégétiste Ludovic Rioux, c’est insuffisant :

« C’est quand même un comble, de la part d’une entreprise qui se revendique « éthique » de toujours faire le minimum du minimum, imposé par le code du travail, et de proposer des dispositifs non-contraignants pour essayer de garder la face. »

#Just eat#stuart

Festival de street art à Lyon : attention, peinture fraîche !

Festival de street art à Lyon : attention, peinture fraîche !

Le festival « Peinture Fraîche » revient dans la Halle Debourg (Lyon 7è) pour sa troisième édition, qui a démarré ce 1er et durera jusqu’au 31 octobre. Celui-ci réunira plus de 50 artistes nationaux et internationaux issus de divers mouvements artistiques, qui se partageront les murs de ce vaste lieu niché à Gerland, devant le tramway.

Parmi les graffeuses et graffeurs, des artistes émérites, issu·es de domaines aussi variés que la BD, le documentaire, l’animation numérique et la littérature seront invités. Pour cette édition, le festival aborde quatre thèmes principaux au travers de sa programmation : les nouvelles technologies, l’écologie, les regards féminins et l’abstraction.

Une illustration de Madame, photo par DR
Une illustration de Madame / photo : DR

La Halle Debourg offrira à voir un pêle-mêle d’artistes aux inspirations diverses : Lady Bug, street-artiste nantaise passionnée par le continent africain qui dessine des visages géants faits de minuscules points, mais aussi la « maroufleuse » Madame, qui détourne avec extravagance photographies, gravures anciennes et illustrations dadaïstes, ou encore le toulousain Lenz, délaissant les aérosols pour les pièces de Légo.

Un festival « Peinture Fraîche » très high tech

Le public pourra s’essayer au graffiti sur tablette, les créations seront projetées sur les murs de la Halle Debourg. Dans la zone ateliers, outre les démos et customisations réalisées par les artistes, il sera aussi possible de colorier en réalité augmentée.

Une photo du festival Peinture fraîche par Kian Yenny
Une photo du festival Peinture fraîche par Kian Yenny

Des jeux vidéos disponibles sur des bornes interactives offriront la possibilité de découvrir les créations du festival de manière ludique. C’est en avant première que le public pourra essayer « Zdey The Game », par le street-artist Tim Zdey : Il s’agit d’un jeu de plateforme en 2D inspiration rétro dans lequel le joueur incarne le graffeur au cœur du métro parisien.

La fresque 4x3 de Big Ben "Save our saouls" au festival de street art "Peinture Fraîche". ©DR
La fresque 4×3 de Big Ben « Save our saouls » au festival de street art « Peinture Fraîche » 2019.Photo : DR

Le public pourra aussi s’amuser « IRL », (ou dans la vie réelle pour les non-joueurs). Comme l’année passé, il sera possible d’exprimer sa créativité sur le mur extérieur de la Halle Debourg.

Plus d’informations et billetterie.

#Peinture fraîche

A Lyon, des marchandises vont arriver en centre-ville par péniche

A Lyon, des marchandises vont arriver en centre-ville par péniche

A partir de juin 2022, un pousseur avec barge va faire un aller-retour chaque jour du pont Morand au port Edouard-Herriot de Lyon pour alimenter les commerces du centre-ville via un système mêlant bateau et vélo. Objectif : verdir le transport de marchandises et libérer de la place sur la voirie.

Et si on faisait passer les marchandises par le fleuve plutôt que par la route ? Ce lundi 4 octobre, la société alsacienne ULS (Urban Logistic solutions) a été officiellement choisie à la suite d’un appel à projet lancé par Voies navigables de France (VNF) et la compagnie nationale du Rhône (CNR), en juin dernier.

Début 2022, l’entreprise de transport va acheminer des marchandises du port Edouard-Herriot de Lyon, au Pont Morand, non loin des péniches du Rhône. Après un débarquement réalisé grâce à une grue, une dizaine de vélos cargo électriques récupéreront les marchandises pour les porter aux commerçants, aux particuliers, aux restaurateurs, etc. du secteur. Les cyclistes (salariés de l’entreprise) couvriront les commerces présents à dix minutes en vélo du pont Morand.

« Ils pourront livrer toute la presqu’île jusqu’à Perrache », indique Cécile Avezard, directrice territoriale Rhône Saône.

Via un navire d’une vingtaine de mètres de long, ULS doit transporter jusqu’à 40 tonnes de marchandises dans le centre de Lyon (l’équivalent de 50 camionnettes). Ce dernier effectuera une rotation six jours sur sept. En tout, l’entreprise table sur 8 000 tonnes transportés par an, a minima, via ce point d’attache.

A terme, l’entreprise souhaite faire tourner deux navires de 122 tonnes sur Lyon avec comme objectif 50 000 tonnes transportés par an. Au retour, les navires reviendront chargés de déchets en direction du port. La société a indiqué vouloir verdir totalement ses navires d’ici 2025-2026. En attendant, ce dernier fonctionne pour l’instant au GTL (gas to liquid), un carburant constitué à partir de gaz naturel liquide.

Pierre Meffre Cécile Avezard Jean-Charles Kohlhaas
Pierre Meffre, directeur valorisation Portuaire de la CNR, Cécile Avezard, directrice territoriale de VNF Rhône Saône et Jean-Charles Kohlhaas pour la Métropole de Lyon.Photo : PL/Rue89Lyon.

A Lyon : verdir le transport de marchandises et libérer de la place sur la voirie.

Parti prenante dans la sélection des candidats de l’appel à projets, l’exécutif écologiste, à la ville comme à la Métropole, s’est réjouit de cette initiative. Evoquant la mise en place prochaine de la Zone à faible émission (ZFE), Jean-Charles Kohlhaas, vice-président à la Métropole de Lyon en charge des déplacements, de l’intermodalité et de la logistique urbaine a rappelé que le fleuve pourrait être utile pour sortir les camions des routes saturées de bouchons.

« Il y a d’autres projets que celui d’ULS en cours, indique-t-il. Ce secteur est dans une bonne lancée et j’espère qu’il aura beaucoup d’autres projets. »

Il note que ce type d’initiative pourra être encouragée, côté Métropole, notamment en modifiant certaines réglementations. Pour lui, l’idée serait de réduire le nombre d’heures de livraison dédiées aux véhicules polluants, et d’augmenter les possibilités de livraison pour les moyens de transport décarbonnées.

De quoi pousser à emprunter la voie fluviale. Dans cette optique, deux autres projets devraient voir le jour d’ici la fin de l’année, un au niveau du Pont Wilson et un au niveau du pont Lafayette.

Petit à petit, un retour du transport fluvial entre Rhône et Saône

« L’idée de l’appel à projet était de réceptionner le plus de projets possibles, commente Cécile Avezard. La récolte faite, d’autres idées intéressantes vont émerger. »

La directrice territoriale de VNF se réjouit ainsi de voir revenir (petit à petit) sur le devant de la scène le transport fluvial mis de côté depuis de nombreuses années. Depuis longtemps, son institution se bat pour mettre en avant le fleuve comme moyen de transport. « On a du mal à y revenir », concède-t-elle.

Une illustration de cette réalité ? Valentin Lugenstrass, adjoint au maire de Lyon en charge des mobilités et de la logistique urbaine, a rappelé qu’un travail de pédagogie serait nécessaire auprès des habitants. « Il va falloir expliquer pourquoi il y a ces navires qui circulent sur le Rhône. » Une preuve que ce dernier n’a pas l’habitude d’accueillir beaucoup de trafic.

Du transport de marchandises à celui de passagers : quelle place pour les fleuves à Lyon ?

Forte de deux fleuves, la ville de Lyon utilise peu son réseau fluvial pour le transport de marchandises, comme de passagers. Mise à part le Vaporetto côté Saône ou les péniches touristiques, la voie d’eau reste en retrait, malgré des demandes, notamment, du côté du conseil de quartier du 9e arrondissement, pour la mise en place d’une navette fluviale.

Ces premières initiatives semblent donc faire office de premier pas. Avec ce projet, Lyon suit l’exemple de Strasbourg en développant ce moyen de transport plus vert. La capitale alsacienne a été une des premières à tenter l’expérience avec la mise en place de pousseurs avec barge par cette même société ULS en juillet 2020.

#Port de Lyon

[PODCAST] Comment enseigner l’anthropocène à l’université ?

[PODCAST] Comment enseigner l’anthropocène à l’université ?

La Convention Citoyenne pour le Climat, qui a permis à 150 personnes de travailler ensemble d’octobre 2019 à l’été 2020 sur une proposition commune d’adaptation de la société au changement climatique a-t-elle fait des petits ? Comment réagit l’université côté enseignant et côté étudiant ? Comment enseigner l’anthropocène à l’université ?

Cette question des suites de la Convention Citoyenne pour le Climat à l’université sera abordée dans le cadre de cette session des « Mercredis de l’anthropocène » ce mercredi 6 octobre. Plus particulièrement, la focal sera mise sur une expérience grenobloise avec l’« Université éphémère du Design : vers une convention citoyenne universitaire ».

Cette première séance de la saison 6 se déroulera de 17h à 18h30 à l’Université Claude Bernard Lyon 1, sur le campus de la Doua, salle Fontannes (Faculté des Sciences, Bâtiment Charles Darwin D RdC – Pass sanitaire et masque obligatoire). A écouter également en podcast.

Cette conférence s’inscrit également dans le cadre de la Rentrée Anthropocène #2021.

Retrouvez ci-dessous le texte d’Agathe Malbet, designer, stagiaire à la Design Factory Grenoble; Eric Fache, designer, maître de conférences associé à l’Ecole Nationale d’Architecture de Grenoble; et Joel Chevrier, physicien, professeur à l’Université Grenoble Alpes.

A l’Université Grenoble Alpes (UGA), dans le cadre de sa nouvelle « Design Factory pour les transitions », un atelier «  Faire école ensemble… » s’est déroulé en février 2021. Inspiré par la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), et par le mouvement de contestation des élèves de l’école de design l’ENSCI Les Ateliers, « L’ENSCI fait le mur ! », ce fut un moment d’intelligence collective. Il en émerge un projet de Convention Citoyenne Universitaire Climat et Biodiversité (CCU-UGA) : identifier et mettre en avant des valeurs fondamentales communes, c’est un socle pour apprendre ensemble, enseignants, chercheurs et étudiants, et pour devenir ces citoyens engagés, acteurs dans le monde de l’anthropocène au-delà de, voire grâce à nos différences.

Apprendre le réchauffement climatique à l’université  ?

Dans une tribune datée de 2019, le climatologue Jean Jouzel et dix universitaires du monde entier interpellaient :

« Face à la dégradation de l’environnement et à la perte très importante de biodiversité, les universités devraient prioriser la préparation adéquate de leurs étudiants et de leur personnel à des temps de plus en plus difficiles. » et d’autre part, « En tant qu’établissements d’enseignement, les universités ont par ailleurs un potentiel inégalé. Plusieurs millions d’étudiacnts à travers le monde obtiennent leur diplôme chaque année. Ils sont et seront de plus en plus touchés par les changements climatiques. L’humanité a besoin de citoyens engagés qui comprennent les innombrables implications des perturbations climatiques et peuvent y faire face dans l’urgence. »

La question est difficile pour les universités  : comment être vite à la hauteur de l’enjeu  ? Pratiquement 3 millions d’étudiants en France. Les enseignants qui, en face des étudiants, peuvent afficher une réelle légitimité sur des sujets comme l’évolution du climat, l’effondrement de la biosphère, les ressources énergétiques, en eau et en matériaux sont une minorité, en nombre très largement insuffisant. Et puis qu’enseigner à tous les étudiants  ? Ces questions systémiques et complexes, à la fois globales et locales, ne se découpent pas aisément en sujets isolés et se projettent encore moins sur les disciplines universitaires en place.

Jean Jouzel parle de citoyens engagés. Comment l’université peut-elle accompagner les étudiants et leur permettre de se construire sur ces sujets en citoyens engagés, acteurs tous différents mais rassemblés dans une société ? Le système universitaire actuel n’a pas été construit pour répondre à ces immenses défis. Pour l’université, un futur dentiste sera d’abord un dentiste, et un futur juge, un juge.

Comment « faire université » dans l’anthropocène  ?

Accompagner les étudiants dans l’Anthropocène devient donc toujours plus un enjeu majeur mais aussi un réel casse-tête pour les universités ! Alors où a-t-on vu des personnes étrangères les unes aux autres, venir s’organiser collectivement pour d’une part mobiliser des connaissances, et d’autre part chercher au creux de leurs différences, ce qui les rassemble, les valeurs fondamentales partagées à partir desquelles construire un récit commun  pour atterrir dans le monde réel, et faire ensemble  ? Nous avons retenu deux expériences dans cette construction de la CCU-UGA  : d’une part, «  faire société  !  » avec la CCC, et d’autre part, «  faire école  !  » avec le mouvement «  l’ENSCI fait le mur  ».

La Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) inspire l’université

Un universitaire note rapidement que, en seulement 7 week-ends, la CCC est parvenue à mettre en route un collectif apprenant de 150 personnes totalement différentes et étrangères les unes aux autres.

Le collectif CCC, participants et accompagnement, sur la base de connaissances partagées et validées, s’est interrogé au grand jour en citoyens engagés : “Quel est le monde dont nous voulons aujourd’hui et que nous allons construire, en sortant de la civilisation thermo-industrielle ?” Peut-être est-ce le résultat le plus important de cette expérience même si le seul. Par ses principes fondamentaux et ses méthodes, la CCC est bien une inspiration pour les universités.

« L’ENSCI fait le mur » : ou comment «  faire école  ! »

En novembre 2019, les élèves et le personnel de l’école de design, l’ENSCI Les Ateliers, ont occupé ses locaux. Tout est parti d’un refus de la nomination d’un nouveau directeur de l’école par les tutelles. Les membres de l’école (élèves, enseignants, personnels…) ressentaient cette nouvelle direction comme un danger en regard des principes et des valeurs de l’école. Les élèves ont alors bloqué l’école et ont travaillé avec le personnel et les enseignants sur la gouvernance de l’école. L’intérêt ici est que les contestataires, en designers, ont aussi recherché collectivement des dispositifs, d’une part, ancrés dans des principes et des valeurs, mais aussi opérationnels pour construire une gouvernance s’articulant sur l’ensemble des acteurs appelés à s’engager dans ce projet collectif d’école. Et nous bénéficions aujourd’hui de leur effort collectif de documentation, caractéristique des designers. Il nous permet d’explorer les archives de ce mouvement et de nous en inspirer.

université anthropocène
« L’ENSCI fait le mur » : Réalisation d’affiches de présentation des différents thèmes du workshop auxquels s’inscrivent les étudiants. «Temps précieux est un workshop de réflexion autour des problèmes internes à l’ENSCI- les Ateliers. Suite au mouvement ENSCI-Fait le mur qui agite l’école en novembre 2019, nous décidons collectivement de travailler sur le fonctionnement interne de l’école. Divisé en 9 thématiques différentes (diversité; bien- être ; accès aux ressources ; rayonnement à l’international ; gouvernance ; modes pédagogiques ; local ; inégalités liées au genre ; développement durable), ce workshop est un temps dédié à la réflexion commune pour imaginer des scénarii de solution en réponse aux problématiques posées. Élaboré pendant deux mois, nous proposons ce workshop à l’ensemble des étudiants et personnels de l’école en février 2020. »

L’atelier de l’Université Éphémère du Design à l’UGA : « Faire école  ! »

Des élèves de l’ENSCI sont venus accompagner les étudiants grenoblois engagés autour de la question : «  À quoi ressemblerait l’école dans laquelle nous voulons étudier ?  » En vue de la CCU-UGA, ce pas de côté a permis de mettre au centre de l’expérimentation une nouvelle perspective. Dans «  Faire école  !  », les étudiants partent de ce qu’il partage, des valeurs qu’ils ont en commun et qui les installent dans un échange et une collaboration qui peut alors se nourrir des différences. Et donc, avant tout, revisiter et expliciter les valeurs partagées qui fondent cette aventure collective entre étudiants et enseignants qu’est l’université.

Une Convention Citoyenne Universitaire (CCU-UGA) pour un monde en commun(s)

La CCC est partie du climat en cherchant d’abord à équiper collectivement ses participants d’une base de connaissances partagées. Au terme de ce cheminement et de ces expériences, nous envisageons d’explorer dans l’université, un scénario différent de construction d’un collectif apprenant, qui cherche à agir dans l’anthropocène. Ce sera la CCU-UGA. Bien sûr, appréhender les conséquences des évolutions en cours reste au centre. Évidemment, bâtir sur des connaissances partagées, pertinentes et validées est au cœur de la démarche scientifique et de recherche qui définit l’université.

Mais nous souhaitons explorer avec des étudiants, comment ces deux dimensions peuvent prendre appui sur un questionnement premier  : qu’est-ce qui nous est commun  ? Qu’est ce qui nous importe par-dessus tout et fait récit commun pour une humanité qui vient recréer le monde futur dans lequel elle veut atterrir  ? Finalement, dans l’université, il s’agit de partir des valeurs fondamentales que nous avons en partage au-delà de toutes nos différences et qui fondent notre humanité aujourd’hui. En 2022, la CCU-UGA, sera un dispositif pédagogique expérimental de co-construction avec les étudiants qui cherchera à suivre Jean Jouzel :

« … L’humanité a besoin de citoyens engagés qui comprennent les innombrables implications des perturbations climatiques et peuvent y faire face dans l’urgence. »

« Vers des conventions citoyennes universitaires en faveur du climat et de la biodiversité ? » une conférence en direct le 6 octobre de 17h à 18h30 puis disponible en podcast.

Avec :

Joël Chevrier, professeur de Physique à l’Université Grenoble Alpes, en délégation Université de Paris (CRI Paris). Son activité 2020-2021 portait sur Être enseignant à l’université dans l’anthropocène : Convention Citoyenne Universitaire Climat/Biodiversité, en préparation pour la rentrée 2021, à l’Université Grenoble Alpes.

Éric Fache, designer, enseignant à l’ENSA de Grenoble, et chercheur à la Cité du Design.

Jérémie Klein, élève-ingénieur à G-INP, il fait partie des étudiants très engagés à l’Université de Grenoble dans son évolution et l’accompagnement des étudiants en anthropocène.

Animation : Valérie Disdier

Le salon des vins naturels est de retour à Lyon en novembre

Le salon des vins naturels est de retour à Lyon en novembre

« Sous les pavés la vigne à Lyon » est de retour. La 7e édition du salon des vins naturels et actuels (c’est à dire qui font l’actualité) aura lieu les samedi 6 et dimanche 7 novembre prochains. Ce n’est rien de dire que l’on est heureux de vous y accueillir, car l’événement est co-organisé par l’équipe de Rue89Lyon et l’éditeur Nouriturfu.

Un week-end de dégustation de vins, rares pour certains (l’Arménie pour la première fois en France), sains et bien faits, représentatifs de toutes les régions. Mais aussi dégustation de bière artisanale, de saké, d’huîtres, de charcuterie et de fromages italiens… N’est-ce pas le meilleur rendez-vous qu’on pouvait vous donner en novembre ?

Ce festival du vin naturel et bio a trouvé sa place et son public dans la ville. Il est probable qu’il ait aussi participé à modifier les cartes des restaurants et des bars de Lyon, où l’on trouve désormais sans problème voire en majorité ce type de vins produits avec conscience, à la vigne comme à la cave. Les vigneron·nes ont attendu près de deux ans pour vous retrouver, et la programmation est donc particulièrement belle.

Vous la retrouvez mise à jour sur l’événement Facebook -et ci-après.

Cette année encore, deux débats auront lieu autour des questions environnementales, sociales et économiques que permet de soulever le vin naturel. À 15 heures, samedi et dimanche.

Verre du salon des vins Rue89Lyon en balade à la piscine du Rhône. Photo BE/Rue89Lyon
Le plus joli des verres, en balade à la piscine du Rhône. Il est offert au salon.Photo : BE/Rue89Lyon

LA PROGRAMMATION EN DÉTAIL : PLUS DE 70 EXPOSANTS

ALSACE : Domaine Achille e, La Grange de l’Oncle Charles, Domaine Vincent Gross, Domaine Neumeyer, Domaine Muller-Koeberle
BUGEY & SAVOIE : Domaine Renardat-Fache, Domaine des Fables & Maudit Flacon (négoce hexagonal)
ISÈRE : Domaine Thomas Finot
BOURGOGNE : Domaine Bruno Dangin
LOIRE & AUVERGNE : Le Facteur sur le Vélo, Domaine Nicolas Suteau, Pierre-Olivier Bonhomme, Domaine Les Grandes Vignes,
Domaine de Trivel, Mattia Carfagna
BEAUJOLAIS : Domaine des Côtes de la Molière, Romain Zordan, Domaine de la Cure, Thomas Rivier
RHÔNE & ARDÈCHE : Isabelle Guichard, Le Vin de Blaise, Domaine Le Breton Vial, Le Cri de L’Araigne e, Domaine Morlanche, Johan Tête, Domaine Élodie Jaume, Domaine des Maravilhas, Domaine L’Agramante, Domaine de Mucelle (Pays de Gex)
BORDELAIS : Château Le Geai, Château Gombaude-Guillot & Satellite Wines, Les Chais du Port de la Lune, Domaine Rousset Peyraguey
SUD-OUEST : Domaine Plageoles, Domaine Philémon, Le Petit Clou des Vents, Château Tour Blanc
LANGUEDOC : Domaine de Pélissols, Domaine du Verdouble, Domaine Obrière, Domaine Lous Grezes, Domaine Pion, Domaine Les Abrigans, Ugo Lestelle, Les Éditions de Vins Rares (et d’ailleurs)
ROUSSILLON : Vinoceros, Domaine Padié, Domaine Rousselin
CORSE : Domaine Santamaria
SUISSE : Domaine Piccard
ITALIE : Massimo Coletti, Silvio Morando, Domaine San Donatino, Piana dei Castelli, Al di la del Fiume
ARMÉNIE : WineArt (Sutak), AreWine, Trinity Canyon Vineyards, Alluria, Tushpa
BRASSEURS, DISTILLATEURS & SAKÉ : Brasserie La Marmotte Masquée, Brasserie Valdaz, L’Atelier du Bouilleur, Distillerie Baptiste, L’Eau des Vivants, Pure Sake is Good

𝗖𝗔𝗙É : Mokxa

SOLIDE : Mattia Carfagna (charcuterie et fromages italiens), É Così di Giusi (Sardaigne, sandwiches italiens), Profil Grec (huile d’olive, miel, feta…), Les Mollusques (huîtres naturelles et autres nourritures non-terrestres), Les cookies de Rue89Lyon, « chocolat et caramel beurre salé, 100% indépendants 100% fondants »
LIBRAIRIE : Le Bal des Ardents
EXPO & « GLOUDIES » : Rose Perraud (expo peinture inédite), Laura Guitte Jewellery (bijoux viniques)
ET ENCORE : Le Syndicat de de fense des vins naturels (a l’initiative du label « Vin Me thode Nature »), Raisin (l’appli #1 du vin naturel), RadioVino (webradio dédiée)


DÉBAT
Un débat d’actu crépitant et constructif, le samedi 6 novembre à 15h : « Label ou la bête ? Y voir clair dans la jungle des labels », avec notamment Jacques Carroget (président du Syndicat de défense des vins naturels) et Valérie Murat (porte-parole de l’association Alerte aux toxiques)

ANNIVERSAIRE

Rue89Lyon offrira un verre à boire de différentes cuvées de 2011 pour célébrer les 10 ans d’existence de son site d’information et d’enquêtes à Lyon, 100% indé, 100% détenu par ses journalistes. Dimanche à 16h.


LIVRES & AUTEUR·RICES (en dédicace)
André Deyrieux (Le calendrier perpétuel de la vigne et du vin), Jules Gaubert-Turpin & Charlie Garros (La Route des Vins s’il vous plaît), Olivier Grosjean (Glou Guide 4), Isabelle Guichard (Précis à l’usage de ceux qui pensent que Demeter n’est qu’une déesse grecque), Arnaud Heckmann (Histoire mondiale du vin français), Antonin Iommi-Amunategui (Le guide des vins dont vous êtes le héros, nouvelle édition de poche), Willy Kiezer (Le vin et la biodynamie, manifeste), Stéphane Lagorce (Grand Précis des vins au naturel, nouvelle édition augmentée), Éric Morain (Plaidoyer pour le vin naturel), Cédric Rabany (Les Agronautes)

Et enfin : « Des mag’ sous le macadam » (dégustation « happening » de cuvées rares ou quasi épuisées, en magnum).

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#Salon des vins 2021

« De mon collège de Vénissieux, on est peu à avoir choisi le chemin des études »

« De mon collège de Vénissieux, on est peu à avoir choisi le chemin des études »

Mehdi* habite à Vénissieux où il a fait son collège et son lycée. A 19 ans, il poursuit des études dans le commerce et assiste à la plongée de certains de ses anciens camarades de classe dans le trafic de drogue. Aujourd’hui, Mehdi souhaite témoigner de son impuissance à aider ses amis à s’en sortir et mettre en garde les jeunes qui seraient attirés par cette économie souterraine.

« Je m’appelle Mehdi* (le prénom a été modifié), j’ai 19 ans. Je suis titulaire d’un baccalauréat général ES et actuellement en deuxième année de BTS Négociation et digitalisation de la relation clients (NDRC) en école de commerce à Lyon.

Je suis ma formation en alternance car depuis le lycée, je n’aime pas dépendre financièrement de mes parents. Au lycée, j’étais gêné de leur demander de l’argent pour sortir manger ou autre. J’ai choisi un contrat professionnel pour également me changer un peu du 100% scolaire et rentrer dans le monde du travail tout en étudiant.

Pour gagner leur vie, certains de mes camarades de Vénissieux n’ont malheureusement pas choisi la meilleure des voies après le collège : drogue, activités illicites, prison.

De l’école jusqu’à la fin du collège, on a évolué dans les mêmes classes à Vénissieux. Ils étaient assez dissipés à l’école, avaient des difficultés, faisaient des bêtises et subissaient de mauvaises influences. Moi aussi j’en avais des difficultés mais ça ne justifie pas le chemin de vie qu’ils ont choisi.

« Tout s’est joué à la fin du collège à Vénissieux »

De mon collège de Vénissieux, on est peu à avoir choisi le chemin des études et du travail. Tout s’est joué à la fin du collège. A 16 ans, à l’entrée du lycée, on peut arrêter l’école et c’est cette période qui a énormément joué je pense. Le début d’une descente en enfer.

Ce sont les mauvaises fréquentations depuis le collège, désobéir à ses parents… Dès leurs premières clopes, je leur disais d’arrêter, que ça allait avoir un effet domino, que ça commençait avec la cigarette puis que ça allait aller plus loin après.

collège Jules Michelet Vénissieux Minguettes Métropole de Lyon
Le collège Jules Michelet est l’un des trois collèges du plateau des Minguettes, à Vénissieux.Photo : OM/Rue89Lyon

Du jour au lendemain, j’ai vu certains de mes amis avec un joint dans la bouche.

Je leur dis toujours d’arrêter même si j’ai l’impression de parler à des murs.

« C’est un piège, de l’argent maudit »

Eux, ils me souhaitent de réussir. Ils m’encouragent, ils me disent que j’ai raison de prendre cette voie. Quand je leur parle de mes projets professionnels, ils me disent tous la même chose : que ce sera long et qu’eux n’auraient jamais tenu.

Il y a beaucoup de regrets de leur côté. J’ai discuté avec l’un d’eux il n’y a pas très longtemps. Le mot « regret » revenait très souvent. Il m’a dit qu’il essayait d’arrêter. Je lui parle souvent d’école, de formations professionnelles car tout le monde n’aime pas l’école. Il n’est pas fier du tout de ses activités.

Quand on est jeune, on te dit « Tu fais partir dix paquets, tu garderas la moitié », pour une vente qui dure dix secondes grand max. A cet âge où on cherche l’indépendance, un moyen si facile de gagner de l’argent ça fait rêver.

Il y a un certain confort quand on arrive à se faire de l’argent si facilement. On n’a pas envie d’en sortir. Mais c’est un plaisir à double tranchant, s’il tombe ça peut détruire leur vie et celle de leurs parents. C’est un piège, de l’argent maudit.

« Pour moi, mon argent aura plus de mérite si j’ai travaillé pour l’avoir »

Aujourd’hui, il y a tellement de moyens légaux pour se faire de l’argent facilement. Pour moi, mon argent aura plus de mérite si j’ai travaillé pour l’avoir.

Mes parents en ont eu l’expérience avec mon grand-frère, c’est pour ça qu’ils ont autant été derrière moi. Mon frère n’était pas dans le trafic de drogue mais dans les conneries et la consommation. Maintenant, il a plus de 30 ans. Il est sorti des conneries mais pas de la drogue. Encore aujourd’hui, j’ai une preuve vivante de ce que toucher aux drogues peut faire sur une vie.

Je ne suis pas tombé là-dedans car j’ai toujours écouté mes parents, quand ils me disaient de ne pas sortir avec telle ou telle personne, de ne pas toucher à la cigarette, de ne jamais lâcher le chemin de l’école… C’est à eux que je le dois.

Minguettes Vénissieux Vénissy tram T4 Lyon
Le quartier de Vénissy, sur le plateau des Minguettes, à Vénissieux.Photo : HP/Rue89Lyon

Aujourd’hui, je suis téléconseiller dans la rénovation énergétique car c’est en rapport avec le projet final de mon BTS mais je vise un bac +5 et un poste dans la finance. J’ai également des projets personnels en cours dans du e-commerce et si ça prend de l’ampleur je me concentrerais sur ça seulement.

Mon avenir, je le vois tout autour du monde. Je ne me vois pas rester en France toute ma vie. Comme tout le monde quasiment, j’espère faire un tour du monde, mais pas en tant que touriste. J’aimerais vivre un peu dans certains pays, me rapprocher de près des cultures, me faire des connaissances à travers le monde.

« À Vénissieux c’est très facile d’avoir de la drogue en revanche j’ai eu beaucoup de mal à trouver une alternance ! »

Ceux qui dealent aujourd’hui devant chez moi restent évidemment mes amis, ça me touche, ça touche également mes parents qui nous ont vus grandir ensemble. Je me fais du souci pour eux. Je leur dis sans voile que leurs activités sont mauvaises, que ça les mènera à la prison ou à la mort.

Entre eux et moi, je ne vois aucune différence. Je sais que certains sont capables de faire mieux que moi s’ils sortent de cette spirale et qu’ils s’y mettent. Personne n’est bête, on vient du même endroit, de la même classe sociale, on peut tous réussir. Je garderai toujours contact avec eux, ça c’est sûr.

C’est compliqué de s’en sortir en habitant à Vénissieux. C’est très facile d’avoir de la drogue et à bas prix. C’est devenu quasiment banal. En revanche j’ai eu beaucoup de mal à trouver une alternance !

Pour éviter que d’autres ne tombent dans le trafic, j’aimerais dire aux petits jeunes au collège ou au lycée actuellement :

N’oubliez pas que l’argent facile n’existe pas. Ne vous laissez pas avoir par tout ce qu’on voit ou ce qu’on entend, que ce soit par des amis ou même dans le rap. La finalité dans tout ça, c’est trois chemins qui vous attendent : la mort, la prison ou la dépendance à la drogue jusqu’à la fin de votre vie. Écoutez vos parents et restez dans le chemin de l’école et du travail. Vous aurez l’impression de sacrifier une partie de votre vie mais vous vous rendrez compte plus tard que ça vous l’aura sauvée. »

A Lyon, une première manifestation interprofessionnelle mardi

A Lyon, une première manifestation interprofessionnelle mardi

Mardi 5 octobre, plusieurs syndicats du Rhône appellent à une grande manifestation à Lyon afin de lutter pour une amélioration des conditions de travail. Il s’agit de la première mobilisation interprofessionnelle de la rentrée à Lyon.

L’heure de la rentrée sociale a (vraiment) sonné à Lyon. Une première manifestation intersyndicale et interprofessionnelle est prévue mardi 5 octobre. Les syndicats CGT, FO, FSU, Solidaires, CNT, UNEF, CNT- SO, du Rhône, appellent l’ensemble des travailleurs, du privé et du public, à se mettre en grève pour demander de meilleures conditions de travail.

« En cette rentrée, l’emploi est une des préoccupations essentielles des jeunes et du monde du travail. La précarité est en forte hausse et, malgré une opposition unanime, la mise en œuvre de la réforme de l’assurance chômage reste d’actualité, indiquent-ils dans un communiqué. Le retour de la réforme des retraites que nous avons combattue et empêchée revient à l’ordre du jour. Le gouvernement et le patronat veulent imposer de nouveaux reculs sur les retraites. »

Parmi leurs revendications, les syndicats demandent notamment :

    une augmentation des salaires,l’abandon définitifs des réformes de l’assurance chômage et des retraites,l’augmentation du SMICet la fin des licenciements et dérogations au code du travail.
Les syndicats tentent de mobiliser à Lyon. ©LB/Rue89Lyon
Le cortège des cheminots CGT lors de la manifestation du 9 janvier 2020. Les syndicats vont tenter de retrouver des chiffres propres à cette période.Photo : LB/Rue89Lyon

A Lyon, les syndicats essayent de relancer la machine après la pandémie

Après un été marqué par les manifestations contre le pass sanitaire, cette manifestation signe un retour aux préoccupations sociales. Le pass sanitaire ou la politique vaccinale du gouvernement ne sont pas mentionnés dans les tracts. Ces dernières manifestations, rassemblant moins de syndicats, continuent d’avoir lieu le samedi.

L’enjeu est de taille pour l’intersyndicale. Depuis le début de l’épidémie, les organisations professionnelles ont du mal à mobiliser. L’an dernier, à la même période, une journée d’action interprofessionnelle n’avait rassemblé que 2 000 à 4 000 personnes. En février, ils étaient entre 1600 et 3000, avec une forte représentation de la CGT. Des chiffres bien faibles par rapport aux mobilisations contre la réforme des retraites, avant l’épidémie. A l’époque, les chiffres tournaient d’avantage entre 10 000 et 20 000 manifestants, à Lyon.

Le rendez-vous est donné à 11 h, mardi 5 octobre, devant la Manufacture des tabacs. La manifestation s’élancera ensuite vers la place Bellecour. 

#Intersyndicale#Solidaires

Des surveillants dénoncent des collègues néonazis à la prison de Moulins-Yzeure

Des surveillants dénoncent des collègues néonazis à la prison de Moulins-Yzeure

[Info Rue89Lyon] Au centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure, dans l’Allier, un groupe de surveillants est accusé depuis plusieurs années de harcèlement, racisme et discours néonazis par des collègues de la même prison. Une plainte a été déposée en janvier 2020, donnant lieu à une enquête préliminaire encore en cours à ce jour. L’enquête administrative, elle, n’a débouché sur aucune sanction. 

Dans cette affaire, il aura fallu le courage de quelques surveillants pour tenter de libérer la parole.

Très peu de personnes osent dénoncer les violences et actes racistes à l’œuvre en prison. Si les détenus ne portent quasiment jamais plainte, les dénonciations de ces phénomènes sont encore plus rares du côté des surveillants, où les menaces de représailles et/ou de placardisation sont permanentes.

Ce qui est raconté ici concerne la prison de Moulins-Yzeure. Pour en rendre compte, nous nous appuyons sur de nombreux témoignages d’agents qui ont eu à cœur d’exposer des faits et de pointer l’inaction de leur administration. Nous avons recueillis cette parole auprès des surveillants eux-mêmes et nous avons utilisé les témoignages consignés dans la plainte déposée en janvier 2020 auprès du procureur de la République et que nous avons pu consulter.

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Pass sanitaire : deux manifestations prévues à Lyon ce samedi

Pass sanitaire : deux manifestations prévues à Lyon ce samedi

Deux manifestions sont prévues sur Lyon contre le pass sanitaire ce samedi 2 octobre. L’une a été déclarée en préfecture, l’autre non.

Les semaines passent, mais le mouvement est toujours là. De moins en moins nombreux, les manifestants contre le pass sanitaire se retrouvent à Lyon pour une douzième semaine d’action ce samedi 2 octobre. Cette semaine, deux rassemblements sont prévus. L’un déclaré, l’autre non.

Le traditionnel cortège contre la « Coronafolie » reprendra le même lieu de départ que les semaines précédentes. Il quittera les Brotteaux à 14 h pour se rendre à Foch.

Le collectif est connu pour partager sur les réseaux sociaux les positions publiques de Florian Philippot, le leader très à droite du mouvement « Les patriotes ». Néanmoins, il se revendique apartisan. Le rassemblement a été déclaré en préfecture.

Le mouvement « Un notre monde AURA », présent lors des dernières manifestations, n’a pas annoncé de rassemblement pour sa part. Ce dernier avait marché lors de la neuvième semaine de mobilisation au côté du collectif contre la coronafolie.

Pass sanitaire : Une manifestation Gilets jaunes prévue à Villeurbanne

Non déclarée, la manifestation des Gilets jaunes a été, elle, annoncée sur les réseaux sociaux. Contre le pass sanitaire, pour la liberté vaccinale, pour la protection des acquis sociaux… Les manifestants se retrouveront à 14h place Lazare Goujon.

Un appel « citoyen » sans participation des syndicats. Ces derniers ont appelé à une journée de mobilisation interprofessionnelle le mardi 5 octobre. Cette dernière ne concerne pas la mise en place du pass sanitaire.

A la différence de début septembre, aucun appel à manifester n’émane des bibliothécaires. Les soignants de l’hôpital Edouard Herriot n’ont pas non plus appelé au rassemblement ce samedi.