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29/03/2024 date de fin
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A la veille du Beaujolais nouveau, réflexions d’une vigneronne

En ce moment (et depuis longtemps en réalité), c’est la crise en Beaujolais. La période du Beaujolais nouveau s’approchant, il s’agit de remettre les points sur les i avec les négoces (« faudrait peut-être acheter le vin un prix décent pour que les vignerons puissent en vivre »).

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Isabelle Perraud (Côtes de la Molière). Crédit : DD/Rue89Lyon.

Isabelle Perraud (Côtes de la Molière). Crédit : DD/Rue89Lyon.
Isabelle Perraud (Côtes de la Molière) sera présente au Salon des vins Rue89 Lyon. Crédit : DD/Rue89Lyon.

Apparemment, cela aurait l’air de s’arranger. Les caves coopératives auraient parlementé avec les négoces et ils se seraient mis d’accord sur le prix. Il me semble qu’on a juste oublier de demander aux vignerons s’ils étaient d’accord. Mais les négoces et les caves coop’ (qui travaillent en étroite collaboration) disent que oui, les vignerons sont d’accord.

Cet accord permettrait, je cite « de limiter la casse du côté des exploitations » (on est très touché qu’ils s’en inquiètent).

Les vignerons n’ont pas trop le choix. Plus les jours passent, plus les marchés deviennent pressants, et plus il devient urgent de signer un contrat de vente, si tu ne veux pas te retrouver le bec dans l’eau.

Mais je n’ai jamais compris pourquoi les caves coop’ vendent aux négoces. Ils ont pourtant assez de volume pour « s’attaquer » aux mêmes marchés que ces derniers. Ils pourraient s’entourer de personnels compétents (des commerciaux aux dents longues sortants des grandes écoles de commerce) pour vendre la production ? Pourquoi s’adressent-ils aux négoces ?

Dévitaliser la vigne

Cette année encore, de nombreuses parcelles vont s’arracher. Le ras le bol, le découragement, la lassitude d’un monde figé dans une crise à laquelle on s’est attaché au fil des années. C’est le moment de la dévitalisation… Je suis effrayée, consternée, dépitée.

Le blog Alambic City raconte :

« Avant de procéder à l’arrachage des pieds de vigne, le viticulteur aura pris soins de dévitaliser la vigne au glyphosate après la récolte à la dose de 3 à 4% en mouillant le feuillage dans son intégralité. Le but de la dévitalisation est de détruire chimiquement le système racinaire pour éviter la survie des racines vecteurs de maladies (comme le court-noué).

Cette dévitalisation doit se faire rapidement après avoir vendangé la parcelle afin de profiter du maximum de la surface foliaire active car certaines années… »

Mais aussi :

« L’applicateur après avoir revêtu sa combinaison pour la préparation de son pulvérisateur réalisera ce traitement dangereux à l’abri dans sa cabine de tracteur. »

Voilà comment on remercie les parcelles de pépé de nous avoir permis de vivre pendant des décennies.

Le vigneron s’assure de ne rien laisser en vie après son passage. Peut-être pas même lui d’ailleurs.

On ne se demande même pas si ces parcelles pourraient éventuellement intéresser un autre vigneron, en location par exemple.

Une femme, qui propose du bio de surcroît

J’ai connu un jeune vigneron du Beaujolais qui a tenté de s’installer. Il a cherché des vignes un peu partout en Beaujolais. Il n’a pas trouvé. Et on n’a même pas pu l’aider. C’est un comble, non ?

Pourquoi nos représentants ne s’occupent-ils pas de ce problème. En incitant à créer par exemple des bourses d’échange. Il y a des vignerons qui exploitent des parcelles difficiles et d’autres qui arrachent des parcelles facilement mécanisables.

Il y a de jeunes vignerons qui cherchent à s’installer ou à s’agrandir et d’autres qui arrachent. Le bruit court que personnes n’en veut. Mais a-t-on seulement demandé à qui que ce soit.

On ne me demandera pas mon avis de toute façon. D’abord parce que je suis une femme ; ensuite parce que nous sommes en bio et, en plus, j’aime les vrais vins natures !

J’entends l’argument : « c’est ma vigne, j’en fais ce que je veux, si j’ai envie de tout tuer, c’est mon problème ».

Et aussi :

« Toi, tu n’y connais rien et puis quand on voit tes vignes comme elles sont entretenues… » (oui, parce que quand tu es en bio, tu es toujours plus ou moins considéré comme un branleur tricheur qui doit éviter de parler de ces choses-là, à part peut être avec des vignerons bio qui sont d’accord avec toi, histoire de rester entre nous et de ne pas avancer).

Photo des vignes des Côtes de la Molière, dans le Beaujolais. Par Isabelle Perraud.
Photo des vignes des Côtes de la Molière. Par Isabelle Perraud.

Les vignerons du Beaujolais ont oublié ce qu’ils savaient faire

Evidemment, ça jette un froid. Je suis juste choquée par cette solution extrême qu’est la dévitalisation. Je suis juste triste qu’on n’arrive pas à envisager autre chose que l’arrachage.

Il n’y a même pas de débat. On ne s’y risque pas. Peut-être parce que ça arrange le plus grand nombre. Peut-être parce que certains sont encore assez idiots pour penser que « si le voisin arrache, il y aura moins de vin, et que s’il y a moins de vin, les prix aux négoces vont remonter ».
Ce ne sont que des foutaises.

Les centaines d’hectares qui se sont arrachées depuis 10 ans n’ont rien résolu et cela continuera. Certes, il y a moins de vin, mais les prix sont toujours à la baisse et de nombreuses cuves ne trouvent encore pas d’acheteur.

On se trompe de problème. Et c’est pour cette raison qu’on ne trouve pas de solution.

Nous vivons au milieu de tout ça. Je n’ai pas de solution miracle.

Le Beaujolais, c’est ma terre d’adoption. C’est une région magnifique avec des vignerons attachés à leurs racines. On a juste voulu leur faire croire qu’ils étaient de trop ou qu’ils ne faisaient pas comme il faut. Foutaises encore !

A vouloir trop écouter ceux qui leur disaient comment faire, ils en ont oublié ce qu’ils savaient faire.

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#Beaujolais

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