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À Lyon, pourquoi les écologistes ne luttent pas contre les bouchons

Problématique récurrente à Lyon, les bouchons font leur grand retour en ce mois de septembre. Une situation qui ne devrait pas s’améliorer pour les automobilistes. Pour les écologistes, les embouteillages sont simplement « inhérents » à la voiture. Analyse.

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Les bouchons à Lyon

C’est la rentrée. Fini le calme aoûtien de la ville, les écoles rouvrent (dans le respect des contraintes sanitaires), le travail reprend et, avec lui, les bouchons de Lyon.

Seront-ils plus importants cette année ? Depuis l’arrivée des écologistes à la tête de la Métropole de Lyon, cette crainte semble sur les lèvres de beaucoup d’automobilistes. Même si, dans un contexte marqué par la crise sanitaire, aucune augmentation ne semble avoir été observée jusqu’à présent.

Selon des données fournies par la Métropole, le trafic routier général n’est pas encore revenu au niveau de celui d’avant crise sanitaire, mais la congestion, en heure de pointe, atteint déjà à peu près les mêmes scores. « Une baisse du trafic ne se traduit pas toujours par une baisse de la congestion », met en garde la Métropole. Ils dépendent également des travaux pouvant être en cours.

Bref, à l’heure de la rentrée, il semble difficile de juger d’une augmentation quelconque cet fin août liée à l’action l’exécutif.

L'échangeur entre l'autouroute 46 et l'autoroute 43.
La majorité métropolitaine se positionne contre la création de nouvelles voiries.

Bouchons à Lyon : les écologistes contre le développement de la voirie

La question étant : les Verts veulent-ils mettre fin aux bouchons à Lyon ? Pour beaucoup d’élus, améliorer le trafic n’ira pas sans une augmentation du nombre de routes. À l’Est, certains comme Gilles Gascon (LR), maire de Saint-Priest, réclament la construction d’un grand contournement Est pour décongestionner le périphérique. Pendant longtemps, Gérard Collomb a, lui, défendu le bouclement du périphérique à l’Ouest, avec la construction de l’Anneau des sciences.

Un vœu pieux. Visiblement, aucune nouvelle voie ne devrait être construite prochainement. Seul le passage en 2 x 3 voies de l’autoroute A46 est en cours. Et celui-ci réussi à fâcher tout le monde, même les pro route.

En tout cas, la Métropole écologiste ne fera rien pour construire de nouvelles voiries. Elle assure que cela ne changera rien aux bouchons lyonnais, au contraire.

Interrogé sur le sujet par Rue89Lyon, le vice-président en charge de la voirie et des mobilités à la Métropole de Lyon, Fabien Bagnon, met en avant, une fois de plus, le phénomène d’ »aspirateur à voiture » :

« Jusqu’à présent, on a toujours été dans la théorie « One more line and we fix it » [N.D.LR : encore une ligne et nous n’aurons plus de bouchons], note-t-il. Avec ce genre de raisonnement, on se retrouve avec une entrée de ville avec 24 voies, comme à Atlanta. »

En gros : ce n’est pas en essayant de régler les bouchons, qu’on va… les régler. Plus on propose de place à la voiture, plus les habitants prendront le volant, plus la ville sera remplie de voitures.

« Les embouteillages sont inhérents à la voiture », lâche le vice-président de la Métropole.

Selon les écologistes, « la voiture est un outil de mobilité très efficace, victime de son succès »

Entre le passage de Lyon et d’autres villes de la Métropole en ville 30, la pérennisation des coronapistes… La circulation des automobilistes ne sera pas facilité. Ces différentes mesures devraient plutôt augmenter les bouchons, que le contraire. Un résultat logique, pour Fabien Bagnon, quand on sait que les voitures ne transportent qu’une personne, ou deux maximum, en heure de pointe.

« La voiture est un outil de mobilité très efficace, victime de son succès », affirme l’élu.

Selon lui, entre 60 et 70 % de l’espace public à Lyon et Villeurbanne est dévolu à cette mobilité. Or, selon une enquête ménage de 2015 pour le plan de déplacement urbain, les habitants de la zone centre ne sont plus que 26 % à utiliser ce moyen de locomotion pour leur trajet. « Il s’agit de partager l’espace ! »

D’accord. Sauf que, les habitants de la périphérie s’en servent toujours pour venir en ville. L’étude citée par Fabien Bagnon mentionne ainsi que le reste de la métropole (hors Lyon et Villeurbanne) est caractérisé par « un usage plus important de la voiture ».

Vers une évaporation des bouchons de Lyon ?

Alors quoi, les bouchons vont-ils s’évaporer ? C’est une des thèses portées par l’exécutif écologiste. Pour expliquer son opposition au projet de grand contournement Est, Jean-Charles Kohlhaas (EELV), le vice-président en charge des déplacements, intermodalités et de la logistique urbaine à la Métropole, nous avait déjà fait part de ce raisonnement.

À chaque fois, l’exemple choisi, par lui, comme par Fabien Bagnon, est le même : la fermeture du tunnel sous la Croix-Rousse durant neuf mois. 

« Lyon a continué de tourner malgré ça », râle Fabien Bagnon. 

Redirection vers les transports en commun, covoiturage… Les solutions pour réduire la place de la voiture en ville sont multiples. Reste à les mettre en place.

« Si les Grands Lyonnais étaient deux par véhicule plutôt qu’un et demi, tout le monde serait à l’heure au travail », affirme Fabien Bagnon. 

Autrement dit : si vous ne voulez plus de bouchons, arrêtez de prendre votre voiture. L’exécutif écologiste n’a jamais caché son désir de réduire sa place en ville (il a même été élu pour cela), rappelle l’élu. Donc, si les écolos ne disent pas clairement assumer les bouchons, ceux-ci peuvent être quand même pratique. Ils peuvent être une manière de dissuader les habitants de prendre le volant. 

Place de la voiture à Lyon : une baisse continue depuis Raymond Barre

Un raisonnement qui fait, logiquement, bondir leur opposition. En mai dernier, dans un tweet largement commenté (et moqué), l’ancien président de la Métropole, Gérard Collomb, s’était agacé « d’embouteillages monstres » en ville soulignant le développement de « plus en plus de bouchons » à Lyon. Une réalité que dément l’exécutif écolo à la Métropole et dont il est, en partie, responsable. 

Aménagement des quais du Rhône, mise en place des coronapistes sous David Kimelfeld, abandon, au final du projet d’anneau des sciences après 30 ans d’atermoiements, déclassement de l’A6-A7… Le sens de l’histoire est, depuis une trentaine d’années, à la réduction de la place de la voiture dans la seule grande ville française longtemps traversée par l’autoroute.

« Quand les écolos auront enlevé les voitures du centre-ville, personne n’ira les remettre », nous confiait un élu PRG, en évoquant la Zone à faibles émissions (ZFE).

Ainsi, les écologistes mentionnent, pour le plaisir, le mandat de Raymond Barre pour acter le début du retrait de la voiture. Ce dernier avait remis au goût du jour le tramway, un transport en commun particulièrement consommateur de voirie, qui a pris de la place à la voiture. 

« Quand Christian Philip, son premier adjoint, a fait cette proposition, ça n’a pas été simple », commente Jean-Charles Kohlhaas, qui « tire son chapeau », à l’ancien élu.

Et Fabien Bagnon ajoute :

« Cela fait 20 ans qu’on a une politique de réduction de la place de la voiture en ville ». 

L’exécutif écolo accélère un mouvement. Trop rapidement ? L’alternative n°1 pour encourager les habitants à abandonner leur véhicule personnel reste les transports en commun. Pour que la transition se fasse, ces derniers doivent être plus efficaces et moins chers que la voiture.

Malgré les forts investissements annoncés dans le plan de mandat du Sytral, ceci n’est pas encore d’actualité dans de nombreuses zones de la métropole. Et le retard pris par le « RER à la lyonnaise » ne va pas arranger les choses. Or, tant que les TER, les tramways ou les bus ne présentent pas une alternative à la voiture, les bouchons risquent de rester une réalité lyonnaise. 


#bouchons lyonnais

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