1er mois à 1€

Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Violences à Lyon et en périphérie : quid de l’argument de la lutte contre le trafic de drogue ?

Violences à Lyon et en périphérie : quid de l’argument de la lutte contre le trafic de drogue ?

Nous ne sommes pas aux mêmes endroits du territoire métropolitain de Lyon. C’est l’existence des points de deal et la lutte contre le trafic de drogue qui seraient à l’origine d’une colère de la part de mafieux. Une façon pour le premier ministre de saluer la police présente dans ces quartiers où ont éclaté ces derniers jours des violences. À la Duchère (à Lyon), à Rillieux-la-Pape et à Bron.

De jeunes dealers qui voudraient imposer leur loi, a-t-on indiqué très vite, jusqu’au sein du gouvernement. Raccourci ?

Douze personnes, dont huit majeurs et quatre mineurs, ont été interpellées et placées en garde à vue, à la suite d’échauffourées avec la police, survenues dans le quartier de la Duchère (dans le 9è arrondissement de Lyon) jeudi 4 mars.

Une personne de 20 ans a été condamnée à huit mois de prison ferme, pour « violences aggravées » et « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ».

Tout aurait démarré après qu’un jeune garçon a chuté de son scooter, aux abords du lycée La Martinière-Duchère. Des témoins ont indiqué que l’accident avait été provoqué par une course-poursuite avec une voiture banalisée de la police -ce que la préfecture du Rhône a démenti. Le frère de la victime maintient cette thèse. Une enquête a été confiée à l’IGPN (inspection générale de la police nationale ou « police des polices). Une information judiciaire vient d’être ouverte (lire encadré).

Difficile de lier les événements, qui se sont succédé toutefois très rapidement. Vendredi soir puis dans le week-end, d’autres incidents violents sont survenus, à Rillieux-la-Pape notamment. Samedi soir, toujours, à Bron, avec un adolescent hospitalisé dans un état grave, après un malaise. Cinq personnes ont été interpellées, dont quatre mineurs, suite aux incidents ayant eu pour décor le quartier de Parilly.

Gérald Darmanin plie l’enquête sur RTL

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a tôt fait de mener l’enquête et de qualifier les habitants des quartiers en cause dans les échauffourées ou les violences commises dans l’espace pubnlic. Il comptait dimanche 21 interpellations.

Devant la presse, le ministre a salué le travail de lutte contre le trafic de drogue et ainsi résumé :

« Ces violences urbaines ont notamment comme explication le fait que la police, depuis plusieurs semaines désormais, intervient, harcèle les points de deal […].

Plus il y aura harcèlement de ces points de deal, plus il y a manifestement réaction des dealers, mais à la fin ce sera toujours la police qui va gagner », a assuré le ministre de l’Intérieur au micro de RTL.

Gérald Darmanin, le dimanche 7 mars 2021, au sujet des violences urbaines à Lyon et en banlieue.

Davantage de policiers et de CRS envoyés à Bron et à Rillieux

Une thèse également soutenue par Alexandre Vincendet, maire (Les Républicains) de Rillieux-la-Pape. Le jeune élu compte marcher, entouré de protection, dans les quartiers concernés ce mercredi matin.

Le maire de Bron, Jérémie Bréaud (LR également), avait déjà déjà lui aussi expliqué se battre contre des lieux de deal existants dans sa commune. Et il reliait à cela les menaces de mort portées à son encontre au début de l’année 2021.

Le ministre de l’Intérieur, quant à lui, a dépêché 200 CRS sur l’agglomération de Lyon à la suite des incidents du week-end. Il met une pression forte sur le préfet du Rhône afin que les moyens soient déployés sur les secteurs concernés par les échauffourées entre habitants et police.

Une source policière tend à nuancer ces explications très univoques, indiquant qu’il pourrait tout autant s’agir d’une série de démonstrations de force. Des jeunes qui se donneraient le mot, pour montrer un « savoir-faire » et faire parler de leur quartier. Avec « des armes de guerre dans les mains de gamins ».

« La police souffre d’un déficit de légitimité »

Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS Science-Po Grenoble, a tenté d’apporter nuances et décryptage de ces trois jours de « violences urbaines » dans Lyon et autour de la ville. Il déclare à France 3 :

« Le problème, c’est d’abord la défiance vis-à-vis de la police puisque quand il y a un incident, il y a immédiatement une suspicion. Et là, il y a deux grands facteurs qui expliquent cette suspicion vis-à-vis de la police. C’est d’abord la concentration de la pauvreté et c’est pas un hasard si les événements de Lyon ont démarré à La Duchère, puis ensuite se sont transportés à Rillieux-la-Pape. »

Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS Science-Po Grenoble

Pour lui, « la police souffre d’un déficit de légitimité ». Il convient qu’elle est particulièrement suspecte lorsqu’elle intervient dans les quartiers. 

« Il y a un choc qui est causé par la mort ou l’accident d’un enfant. Ça, c’est un choc moral, ça provoque une émotion collective et cette émotion à ce moment-là. Elle se traduit par des comportements de recherche, de correction donc de recherche de la justice et par d’autres destructions et dégradations. Et s’en suivent un certain nombre de prises à partie des des policiers et des gendarmes. »

Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS Science-Po Grenoble

« Le même mécanisme depuis une quarantaine d’années »

En l’état, l’argument d’une réplique d’organisations mafieuses faite à des actions policières visant des points de deal de drogue n’est pas étayé.

Pour le chercheur isérois, c’est « le même mécanisme qu’on a depuis une quarantaine d’années ». Difficile de trouver une recette miracle à un phénomène ancré et au discours polarisé qu’il provoque.

« Si on n’agit pas sur la concentration de la pauvreté, on ne va pas réussir. Mais si on n’agit pas non plus sur les modes d’action de la police, si on n’arrive pas à limiter tout ce qui est violences policières, discrimination policière, on n’y arrivera pas non plus. Il faut marcher sur deux pieds », déclare-t-il.

 

[Podcast] Métabolisme urbain : les villes ont-elles un corps ?

[Podcast] Métabolisme urbain : les villes ont-elles un corps ?

Romain Garcier, géographe et maître de conférence à l’ENS de Lyon, est un des invités ce 10 mars des Mercredis de l’Anthropocène, organisés par l’École Urbaine de Lyon. Il sera question du « corps des villes » ou des villes vues comme des corps humains pour mieux, par analogie, en étudier leurs mouvements et les changements qu’elles annoncent. Nous publions ici sa tribune avant cette rencontre.

Que ce soit dans les textes d’architecture ou dans le langage commun, on trouve souvent des comparaisons entre la ville et l’organisme. Parcourue de « grandes artères », nourrie par son « ventre », animée par son « cœur », la ville est souvent décrite comme un être vivant, dont elle partagerait à la fois l’organisation et l’appétit pour l’existence.

Les métaphores sont un outil puissant pour penser la réalité

Les sciences sociales se méfient beaucoup des métaphores organicistes : les mots sont toujours politiques. Dire d’une société, d’une ville qu’elle est un organisme nie les tensions qui les parcourent et naturalise la hiérarchie entre la tête et les membres. Préserver l’intégrité du corps social, du corps urbain, procure un prétexte facile pour disqualifier ou oblitérer des oppositions politiques.

Et pourtant, les métaphores sont un outil puissant pour penser la réalité : quand nous faisons l’expérience du monde, quand nous explorons une idée scientifique, c’est souvent une analogie, une image qui nous guident, plus qu’une procédure. Alors, que peut nous apprendre l’idée que les villes ont un corps ?

Corps des villes et métabolisme urbain

Vue satellite de New-York
Vue satellite de New-York. Photo CC by NASA via Unsplash

Si les villes ont un corps, de quoi est-il constitué ? On pense bien sûr aux tonnes d’acier ou de béton, aux bâtiments, aux infrastructures complexes qui donnent leur forme aux villes.

Paris, par exemple, est construite avec 215 millions de tonnes de pierres, 167 millions de tonnes de béton et quelques dizaines de millions de tonnes d’acier, de bois et de verre.

Le développement urbain en Chine, extraordinairement intense depuis le milieu des années 1990, repose sur la mobilisation de milliards de tonnes de béton. Depuis 2003, la Chine a coulé davantage de béton que les États-Unis au cours de la totalité du 20e siècle. Elle pourrait en produire près de 4 milliards de tonnes par an.

Cette perspective morphologique, anatomique, n’est pas la seule. Au-delà des stocks de matériaux qui les constituent, les villes sont animées de flux de matière, d’énergie et d’information qui circulent, s’arrêtent un peu (ou longtemps), se remettent en mouvement. Ces flux constituent ce qu’on appelle, depuis un article fondateur écrit en 1965 par l’ingénieur américain Abel Wolman, le « métabolisme urbain ».

Le métabolisme urbain : un front de recherche important et des résultats stupéfiants

L’étude du métabolisme urbain est aujourd’hui un front de recherche important, car les villes sont les moteurs du changement global qui affecte la planète. Décrire et quantifier le métabolisme social – c’est-à-dire la manière dont les sociétés utilisent les ressources et produisent des déchets – est une première manière de mettre au travail la métaphore du corps urbain, en insistant sur ses aspects fonctionnels. Le métabolisme urbain, c’est la manière dont le corps urbain fonctionne.

Il faut alors en décrire les processus, mesurer leur intensité, tracer leur déploiement dans l’espace et le temps. Les résultats sont stupéfiants : ils montrent à la fois la diversité des choses qui circulent dans les villes et l’intensité toujours croissante de ces circulations.

À parler de la ville comme d’un organisme, on court le risque de déshumaniser ses habitants

Mais le métabolisme permet d’aller au-delà de la comptabilité minutieuse des stocks et de flux, et amène à reproblématiser l’existence du corps urbain.

Généralement, on assimile le corps avec l’individu : mon corps est quelque chose qui m’est puissamment personnel, qui me définit en tant que personne, en tant que moi. Ce n’est pas sans risque et sans ambiguïtés. Transposée à la ville, la distinction entre le soi et le non-soi amène souvent à disqualifier certains quartiers ou certains habitants, vus comme allogènes.

Par exemple, les bidonvilles ou les quartiers pauvres sont souvent présentés comme une « gangrène », des « excroissances » ; les classes populaires, les vendeurs informels seraient des « parasites » qu’il faudrait faire « déguerpir ». À parler de la ville comme d’un organisme, on court le risque de déshumaniser ses habitants.

Or, on sait aujourd’hui que le sujet entretient avec son corps des relations complexes : à tout prendre, nous sommes davantage des écosystèmes que des individus. Peuplés de milliards de bactéries symbiotiques, expressions de gènes migrants, nos corps ne nous appartiennent pas tant en propre que ça. Le métabolisme est autant, voire davantage, collectif qu’individuel.

Le corps et les villes comme processus écologiques

Et si le corps des villes était comme nos corps, des systèmes complexes, qui expriment des relations écologiques ? Dès 1925, le grand livre fondateur de l’écologie urbaine, The City, décrit le développement de la ville de Chicago comme un processus écologique. Les perspectives qu’il ouvrait étaient tombées en désuétude. Elles retrouvent une actualité au moment où l’humanité se concentre comme jamais dans les villes.

Le corps des villes, ce serait alors un système écologique qui ne se limiterait pas aux choses, mais inclurait leurs habitants, humains et non-humains. Les chats, les oiseaux, les cafards, les rats et les microbes participent, par leur métabolisme, au fonctionnement du corps urbain : le vivant anime le corps des villes.

Faire une politique du métabolisme urbain à l’Anthropocène

Le philosophe Pierre Charbonnier remarque avec justesse que les perspectives métaboliques sont anciennes, mais qu’elles n’ont jamais acquis de droit de cité dans notre philosophie politique. Nous parlons de nature et de société, d’émancipation politique, pas de métabolisme. Il est très difficile de faire un sujet politique du métabolisme de nos modes d’existence.

Qui serait prêt, aujourd’hui, demain, à changer radicalement son mode de vie au motif que son poids métabolique est trop exorbitant ? Et le pourrait-on ? Le corps des villes intervient là comme facteur d’inertie, trop pesant, trop pondéreux dans sa masse et sa forme pour pouvoir s’adapter rapidement aux changements globaux.

La question du corps des villes, alors, devient une question politique à l’ère de l’Anthropocène : nous devons, à partir des villes, réfléchir au métabolisme que nos modes de production et de consommation, que nos modes de vie, mobilisent. Nous devons réinvestir et réinventer le corps des villes, en suivant les méandres des voies métaboliques.

Écouter le podcast de la rencontre :

,

[Cadeau] « Un pays qui se tient sage » de David Dufresne : Rue89Lyon vous offre le DVD

[Cadeau] « Un pays qui se tient sage » de David Dufresne : Rue89Lyon vous offre le DVD

Le film est sorti alors que le débat public autour des violences policières, de la formation des agents de police et de leur rapport aux citoyens, notamment au cours des manifestations, connaissait un pic. Rue89Lyon a offert à ses abonné.es le DVD de ce passionnant documentaire signé par le journaliste et réalisateur David Dufresne. Il est enrichi d’un livret de 44 pages.

Info-service : l’offre est désormais terminée, tous les DVDs sont partis !

Ce sont des images difficiles que David Dufresne a réunies et donne à voir dans ce film-choc. Mais pas uniquement. Ces images de violences policières sont accompagnées d’analyses, de commentaires de personnes ayant participé aux manifestations dites de « gilets jaunes », de mères de victimes, d’intellectuels ou encore de syndicalistes policiers.

Dans un entretien accordé à Rue89Lyon, David Dufresne avait déclaré :

L’idée est d’aller dans la nuance et dans le débat d’idées et pas dans les répliques ou les formules. Aujourd’hui, il s’exerce même une forme de chantage sur le mode « vous critiquez la police, donc vous êtes contre la police, donc vous critiquez la République car la police est républicaine ».

On peut très bien être républicain et critiquer la police. Il y a même des gens qui considèrent que c’est être républicain que de critiquer la police. L’idée de ce film est d’offrir un moment de réflexion et de liberté.

David Dufresne, dans une interview donnée à Rue89Lyon

Soutenez la presse indépendante à Lyon

Rue89Lyon avait animé l’avant-première du film, projeté au Comœdia. Un débat passionnant s’était tenu dans la salle de cinéma du 7è arrondissement, bien plus nuancé que ce que l’on peut entendre habituellement sur le sujet.

Pour participer au tirage au sort, il faut être abonné.e au site d’info Rue89Lyon, indépendant et détenu à 100% par ses journalistes. Si vous ne l’êtes pas encore, il est toujours temps de le faire en suivant ce lien.

Envoyez un mail ayant pour objet « DVD cadeau » à l’adresse mail hello@rue89lyon.fr. Il vous faut y indiquer votre adresse postale.

Rue89Lyon traite depuis son lancement il y a dix ans des questions soulevées par le documentaire de David Dufresne, mais aussi de l’actualité sociale, politique et culturelle locale. En vous abonnant, vous soutenez le journalisme d’investigation local à Lyon. 

Vous participez par ce biais au débat démocratique à Lyon et dans la région.

Bonne lecture, bonne chance.

Parc relais dans la Métropole de Lyon : il faudra se garer ailleurs

Parc relais dans la Métropole de Lyon : il faudra se garer ailleurs

Mis en place pour encourager les automobilistes à laisser leurs voitures aux portes de Lyon, le projet de développement des parcs relais devraient être quasi à l’arrêt sous ce mandat. Aucun nouveau ne sera construit. Enjeux pour les écologistes élus à la Métropole de Lyon : aller chercher les habitants plus loin. Et faire des économies de foncier.

Dans le reste du comité syndical du Sytral, des élus s’interrogent sur la stratégie à suivre, jusqu’au sein de la majorité de gauche.

Jour d’abondance pour les automobilistes du parc relais d’Oullins. Le lieu fait l’objet d’un article « insolite » dans le quotidien le Progrès. Son objet ? Un miracle. 150 places sont disponibles ce matin. D’habitude, le panneau à l’entrée affiche le mot  « complet » en rouge dès 8 h. Ce jour est donc une exception et pour cause : l’article est daté du 1er janvier. 

Le reste de l’année, nombre des 21 parcs relais (ou parking-relais ou encore P+R, ndlr) du Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise (Sytral) voient rouge dès 8 h – 9 h du matin que ce soit à Vaise, Cuire, Oullins, Mermoz (Lyon 8e), etc. bien qu’une légère baisse de fréquentation soit à noter fin 2020 (lire par ailleurs). (suite…)

Karen, la porte-parole des prostituées de Gerland à Lyon, est morte

Karen, la porte-parole des prostituées de Gerland à Lyon, est morte

Durant cinq ans, à Lyon, Karen a mené les combats des prostituées de rue contre les arrêtés municipaux anti-camionnettes puis contre la loi qui pénalise les clients. Elle est morte d’un arrêt cardiaque le 12 février dernier.

La première fois que j’ai rencontré Karen, ça devait être en juillet 2007. L’ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, Jacques Gérault, devenu préfet du Rhône, venait de chasser les prostituées du cours Charlemagne (Lyon 2e), avec force déploiement de policiers. Quelque 170 camionnettes ont été délogées, en accord avec le maire de Lyon d’alors, Gérard Collomb, qui voulait faire du quartier de Confluence, émergent, la vitrine de sa ville.

Karen, propulsée porte-parole des « filles de Gerland »

A visage découvert, Karen attirait les caméras et les photographes.
Un an plus tard, à l’été 2008, elle avait eu droit à ses premiers articles dans la presse nationale. Notamment après avoir attaqué devant le tribunal administratif l’arrêté municipal interdisant le stationnement des camionnettes dans les rues de Gerland.

Cette action juridique n’a pas été couronnée de succès. Mais elle l’a propulsée porte-parole des « filles de Gerland » qu’elle avait sollicitées pour l’aider à payer l’avocat.

La camionnette et le mégaphone

On ne s’est plus quitté durant ses longues années de combats. Articles, vidéos, tribunes, Karen est devenue une contributrice régulière de Rue89Lyon, dès le lancement du site d’info en 2011.

Épaulée par l’association de santé communautaire Cabiria, Karen luttait sans relâche contre ces arrêtés municipaux. Des dispositions toujours d’actualité en mars 2021.

Comme les autres prostituées exerçant en camionnette, elle vivait sous la pression des polices (nationale et municipale) qui appliquent les différentes moutures de la politique municipale, verbalisant les femmes et emmenant parfois leur véhicule à la fourrière.

De 2008 à 2013, Karen était de chaque mobilisation, organisant manifestations et rassemblements, mégaphone en main. Elle était aussi de toutes les rares rencontres avec les politiques lyonnais sur le sort de ces prostituées que la mairie voulait chasser de la partie sud de Lyon, à mesure que les friches devenaient bureaux.

Les élus de la Ville de Lyon, « des proxénètes qui s’ignorent »

D’année en année, les punchlines se sont rodées. Elle n’avait pas besoin de conseiller en communication, elle maîtrisait le sens de la formule. Un exemple parmi tant d’autres :

« Cet élu, qui décide et fait appliquer ces arrêtés municipaux [anti-camionnettes de prostituées, ndlr], avec ses pompes impeccablement cirées, une poignée de main chaleureuse et le sourire qui va avec, je me demande vraiment s’il n’est pas un proxénète qui s’ignore ».

Ou encore cette façon d’expliquer son « métier » dans le webdocumentaire qu’on lui a consacré :

« Mon corps, c’est mon corps. Il est à moi. On loue une partie de notre corps, pas la totalité. Pour un footballeur, vous louez une partie de son corps, ses jambes. C’est pareil pour nous. »

A l’aise devant la caméra, elle participait volontiers à toutes les émissions de télé, mêmes les plus racoleuses comme celle d’Harry Roselmack sur TF1 en 2011.

La fierté d’être une prostituée

Dans un secteur d’activité où l’on rase les murs, elle affichait toujours sa fierté d’être une prostituée libre :

« Je ne travaillerai pas pour un patron, que ce soit dans le tapin ou ailleurs. Non. L’esclavagisme a été aboli quand même ! »

Elle a rejoint le Syndicat du travail sexuel (Strass) dès son lancement en 2008. Mais elle rechignait à parler de travailleur ou travailleuse du sexe. Karen revendiquait le métier, mais parlait de « prostituées » ou des « filles » de Gerland. À l’ancienne.

Elle ne faisait pas partie de ces anciennes prostituées qui voient toutes les étrangères comme des concurrentes qui cassent les prix.

Dans un milieu où les rivalités sont fortes pour une place de parking ou un bout de trottoir, elle avait sympathisé avec des prostituées étrangères, africaines ou des pays de l’Est, qui forment la majorité des personnes qui se prostituent dans les rues de Lyon.

Quand la camionnette de Karen trônait dans le parc d’Artillerie, lieu-dit de « la Boulangerie », à Gerland, ses copines camerounaises et elle s’appelaient pour se prévenir de l’arrivée de la police et pour déplacer rapidement leur véhicule, afin d’échapper au PV.

« Pénaliser le client ? Les gens vont continuer à aller voir des prostituées mais de manière cachée »

Quand le projet de loi qui pénalise d’une amende les clients de prostituées est devenu une réalité, Karen a ajouté ce combat à celui contre les arrêtés municipaux.

Rassemblements, manifestations mais aussi audition par des parlementaires et publication de tribunes, Karen était partout pour porter la parole des « filles de Gerland ». Comme en juillet 2012, devant l’Hôtel de Ville de Lyon.

A l’été 2013, par une chaleur torride, on l’avait interrogée sur le sujet alors qu’elle avait emprunté le camion d’une copine, posé au bord d’une route de Saint-Chamond (Loire). Là encore, elle tirait à boulets rouges.

« On loue une partie de notre corps, pas la totalité »

Logiquement, quand on a décidé de produire un documentaire web sur les prostituées de Gerland (voir plus bas), on a longuement interviewé Karen.

Elle y raconte son rapport au corps, les clients mais aussi les PV et les mises en fourrière. Mais aussi sa première fois.

Elle a débuté dans la prostitution à l’âge de 20 ans, au début des années 80, en commençant à pied sur le trottoir lyonnais. Mais elle n’y est restée que quelques mois, craignant que sa belle-sœur qui l’avait « aidée » ne tombe pour proxénétisme.

Elle a été successivement secrétaire, dirigeante d’entreprise de location de chiens de garde puis secrétaire de direction dans une entreprise de transport.

Durant cette dizaine d’années, elle s’est mariée et a eu des enfants. Elle est revenue à la prostitution à la suite de son divorce.

Elle a ensuite connu toutes les formes de prostitution : les bars à hôtesse, les petites annonces pour des rendez-vous en appartement, puis la camionnette et un peu de trottoir et d’Internet sur la fin.

« On entend que ‘la Suisse, c’est génial, c’est légal’ : le fantasme circule »

A l’été 2013, elle a décidé de tout plaquer à Lyon. Marre des galères d’argent et de la pression policière. Pendant quelques mois, après une courte expérience en « brousse » à Saint-Chamond, elle a tenté l’expérience suisse.

Genève, où la prostitution est réglementée et le métier reconnu, faisait figure d’« eldorado » pour les prostituées lyonnaises. Elle en est revenue désenchantée. Et même si elle avait déclaré qu’elle abandonnait le militantisme en partant en Suisse, Karen a replongé dedans et créé l’Association de défense des travailleuses du sexe (ADTS).

Elle me l’a raconté un après-midi, de retour à Lyon, autour d’un panaché. Je ne savais pas que c’était l’un de mes derniers entretiens avec Karen.

A la cinquantaine bien sonnée, elle était à la croisée des chemins. Elle a levé le pied sur le militantisme tout en continuant à participer au conseil d’administration de Cabiria. Mais elle ne se prostituait plus qu’occasionnellement, un peu en appartement, un peu dans un camion qu’on lui prêtait.

Il y a quatre ans, elle a une nouvelle fois plaqué sa vie lyonnaise pour partir s’installer dans un petit village du Var.

Elle s’était remariée et avait monté une petite entreprise de paysagiste. Ses revenus était maigres et la retraite une illusion.

A 59 ans, elle avait tourné le dos à la prostitution mais avait gardé son nom de tapin, Karen.

Karen, porte-parole des prostituées, à Lyon, en octobre 2014. ©LB/Rue89Lyon
Karen, porte-parole des prostituées, à Lyon, en octobre 2014.Photo : LB/Rue89Lyon

« Karen défendait les droits des femmes et leur autonomie »

Cybèle Lespérance, l’actuelle secrétaire générale du Strass, ne l’a pas connue mais elle lui rend hommage.

« Nous nous sentons d’autant plus la responsabilité de faire abroger les arrêtés municipaux lyonnais. Ce serait réaliser ce pour quoi elle luttait. À défaut d’abroger la loi de pénalisation des clients ».

Pour l’instant, la situation est au point mort. Mais un dialogue existe entre la Ville de Lyon et les associations qui défendent le point de vue des prostituées.

Antoine Baudry, salarié de l’association Cabiria se souvient d’une Karen qui « balançait » tout le temps contre « ces féministes responsables de la loi de pénalisation des clients de prostituées » :

« Elle défendait les droits des femmes et leur autonomie ».

Il se rappelle l’une de ses formules :

« Elle faisait le parallèle entre les polémiques sur le voile et la loi de pénalisation, en disant que certaines féministes voulaient prendre le voile des musulmanes pour en faire des jupes longues pour les empêcher de faire le tapin. « Que l’on soit voilée ou au tapin, on nous fait chier ». C’était Karen dans le texte. Elle était foncièrement féministe ».



Voir ou revoir le web-documentaire de Rue89Lyon « Les filles de Gerland »

#Proxénétisme

En mars 2021, sélection livres, podcasts et concerts en ligne

En mars 2021, sélection livres, podcasts et concerts en ligne

Les premiers mois de 2021 se suivent -et se ressemblent. Toujours pas de bamboche, toujours pas de sorties culturelles. Les structures et les gens qui les font tourner continuent pourtant de bosser.

Même si on préfèrerait humer la sueur d’un voisin dans la salle, il existe des propositions -numériques- pour se nourrir la tête et l’âme. Si vous avez repéré d’autres plans, partagez-les en commentaires.

La Fête du livre de Bron, 35ème édition en ligne

Une 35ème édition qui aura une forme totalement digitale, sans surprise. La Fête du livre de Bron. On compte une quarantaine d’invité.es parmi lesquels Hervé Le Tellier, Emmanuel Guibert, Charif Majdalani, Marine Schneider, Marc Boutavant, Gaëtan Dorémus, etc.

Pour la plus connue d’entre elles et eux, on relève le grand entretien prévu avec Leïla Slimani, mercredi 10 mars à 19h -à suivre en live.

Comme chaque année, c’est aussi dans la passionnante fabrique de l’écriture que l’on peut tenter d’entrer. Au travers par exemple de l’expérience de Lola Lafon. Musicienne et écrivaine, elle racontera son « comment ça s’écrit » ce samedi 13 mars à 18h, à suivre également en ligne.

Les trois mercredis donneront l’occasion d’ateliers « jeunesse » avec des autrices et illustratrices. En 15 minutes, hop, petits exercices qui peuvent être refaits chez soi (puisqu’on y est).

On note que cette édition 2021 s’appelle « Un invincible été ». On y croit !

Du 10 au 28 mars, tout en ligne, tout gratuit.

Les Chants de Mars, c’est la 15ème édition

La chanteuse et comédienne Karimouche programmée au festival Les Chants de mars 2021. DR
La chanteuse et comédienne Karimouche programmée au festival Les Chants de mars 2021. DR

La musique live fait partie de ce qui nous manque depuis de nombreux mois. Le festival Les Chants de mars a décidé malgré tout de maintenir une 15ème édition sous une forme de captations de concerts, en plateaux et sans public, dont les diffusions sont programmées aux dates ci-après :

    Rosemarie + Oscar les vacances au Musée des Beaux Arts, avec une diffusion le samedi 20. MPL et Melba seront enregistrés au Musée d’Art Contemporain, avec une diffusion le vendredi 19 mars. Karimouche + La Belle Vie dans les salons de l’Hôtel de Ville, avec une diffusion le samedi 27 mars.

Plusieurs « capsules » sont proposées, consistant en des échanges et lives avec les artistes sous des formats courts, diffusés sur youtube, IGTV et Facebook ainsi que sur le site du festival.

Cet événement à Lyon sait repérer des petites perles rares de la chanson française et fait un travail de défrichage et de mise en avant qui, s’il se poursuit de façon quelque peu frustrante cette année, est remarquable. Cette année, c’est la scène locale qui tient la vedette.

Du 17 au 27 mars avec toute la programmation par ici.

Les Mercredis de l’anthropocène : des tables rondes urbaines

L’École urbaine de Lyon poursuit son passionnant cycle de conférences, à écouter en direct (les mercredis à 18h30) ou ensuite via des podcasts (tous relayés par Rue89Lyon). En mars, on relève notamment deux tables rondes originales, montées autour du thème de la ville.

La première, mercredi 10 mars, pose cette question quelque peu vertigineuse : « la ville a-t-elle un corps ? ». Pour y répondre, ou pour l’approfondir encore, deux géographes, Pierre Desvaux et Romain Garcier, démontreront comment le concept de métabolisme est de plus en plus adapté à la tentative de description de l’entité ville.

La seconde, mercredi 17 mars, pourrait presque être considérée comme un prolongement. L’École urbaine propose de « déplier l’appréhension de la ville », sur le fond et la forme. Pour cela, le casting rassemble un géographe, Samuel Challéat (qui travaille notamment sur la pollution lumineuse), Lou Hermann, urbaniste, et un écrivain lyonnais que l’on aime beaucoup, Grégoire Damon (relire son interview ici).

Toutes les infos sur le site de l’École urbaine de Lyon.

Lyon : les festivals de cet été sur la corde raide

Lyon : les festivals de cet été sur la corde raide

À lire sur Le Petit Bulletin

Solidays, Hellfest, Glastonbury, Garorock — ou Foreztival dans notre région : plusieurs des plus gros festivals européens prennent les devants et ont d’ores et déjà annoncé l’annulation de leur édition 2021. D’autres dévoilent comme si de rien n’était leur programmation et mettent en branle leur billetterie

Tour d’horizon des festivals​ lyonnais

Chants de Mars : uniquement sur le net

La communication du festival insiste sur le fait qu’il n’est pas annulé : « les Chants de Mars 2021 aura bien lieu du 17 au 27 mars, sous des formes inédites et adaptées au contexte. » Bon, dans les faits, c’est annulé et remplacé par plusieurs opérations sur Internet : un clip avec Ma Pauvre Lucette diffusé le 24 mars, ou encore « Les 24h du mot » — « un challenge créatif avec À Thou Bout d’Chant qui fera l’objet d’une captation et d’une retransmission en ligne le vendredi 26 mars. » D’autres alternatives seront annoncées dans les jours qui viennent.

Transfer : reporté à septembre (ou plutôt à 2022)

Ce merveilleux petit festival consacré au rock indie est dans le dur : évidemment, il ne peut se dérouler mi-mars comme prévu. Pour l’instant, il est reporté du 23 au 25 septembre 2021, avec la même programmation, incluant Shame. Mais des dates avec les artistes en question sont d’ores et déjà optionnées pour mars 2022, au cas où il soit nécessaire là encore d’annuler 2021.

Ce qui semble le plus probable : « on est déjà en train de se dire qu’il n’y aura pas de Transfer en 2021. Mais nous n’avons pas de certitudes sur la programmation en 2022 : un manager peut vouloir changer la stratégie pour son groupe, surtout sur cette esthétique — c’est dans un an », explique Éric Fillion, co-producteur avec sa structure Médiatone de l’événement, en partenariat avec Loud Booking de Malick Fadika.

Nuits sonores : l’automne dans le viseur

Le festival de musiques électroniques n’aura pas lieu à ses dates habituelles, c’est la seule certitude pour l’instant. Plusieurs scénarii sont à l’étude et la décision sera prise le 31 mars. Nuits sonores pourrait se dérouler durant l’été ou bien à l’automne. (…)

Suite du tour d’horizon et article complet à lire ici

#été

Moins de subventions à l’Opéra de Lyon : la mairie écologiste change de gamme

Moins de subventions à l’Opéra de Lyon : la mairie écologiste change de gamme

Pour l’heure, une véritable politique culturelle émanant des élus majoritairement écologistes de la Ville de Lyon n’a pas encore été présentée. La faute à la pandémie, à ses conséquences économiques et sociales lourdes. Elle pourrait toutefois commencer à se dessiner avec une décision forte qui a fuité ce jeudi. La mairie rabote cette année les subventions versées à l’Opéra de Lyon, mastodonte du paysage culturel.

À Grenoble, le maire écologiste Éric Piolle avait lui aussi provoqué un tollé en son temps, en supprimant tout net leur subvention aux Musiciens du Louvre -orchestre de musique baroque.

Difficile toutefois de comparer exactement les deux municipalités et leurs partis pris en matière de culture, malgré l’étiquette politique commune. Rue89Lyon avait dédié une longue enquête aux partis pris du maire EELV et de son adjointe en Isère. Rapports heurtés avec une bonne partie de la sphère culturelle, prises de décision incomprises, manque d’aplomb et de connaissance du terrain.

À Lyon, Nathalie Perrin-Gilbert, qui fut maire du 1er arrondissement (étiquette lyonnaise « Gram », proche de LFI), n’a jamais été encartée chez EELV mais a toutefois obtenu une place de choix dans l’exécutif après un rassemblement d’entre-deux-tours et la victoire à Lyon de l’écologiste Grégory Doucet.

« NPG » est ensuite parvenue à communiquer voire à être saluée par les premiers concernés, pour la mise en place rapide d’un fonds d’urgence, face à la crise économique et sanitaire. Une enveloppe de 4 millions d’euros en partie déjà distribués.

Pour l’Opéra de Lyon, une subvention de 7,5 millions amputée de 500 000 euros

Voilà que ce jeudi 4 mars, Frédéric Martel, journaliste à France Culture, annonce sur Twitter ce qui est encore une rumeur en début d’après-midi. La Ville de Lyon compte baisser de 500 000 euros sa subvention annuelle à l’Opéra de Lyon, une aide qui atteignait 7,521 millions d’euros en 2020.

Dans le Progrès, l’adjointe à la Culture confirme :

« Malgré cette baisse de 500 000 euros – qui représente moins de 3 % de l’aide de la Ville, l’Opéra garde de très belles marges de manœuvre pour faire de très belles choses. Je lui fais confiance. »

Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe au maire de Lyon déléguée à la Culture.

L’adjointe parle d’une coupe de 3% car elle fait grimper l’aide que la Ville apporte à l’Opéra à 18 millions d’euros (avec du personnel municipal à hauteur de 10 millions d’euros et une subvention annexe d’équipement).

L’équipement est ainsi le plus lourd en termes de subventions à Lyon, avec un budget total de fonctionnement de 38 millions d’euros (assumés également par l’État, la Région, la Métropole de Lyon).

C’est aussi un monument emblématique, un bâtiment rénové par l’architecte Jean Nouvel, qui fait face à l’Hôtel de Ville où résident justement tous ces nouveaux élus.

Nathalie Perrin-Gilbert lors du débat culture le mardi 18 février 2020. ©Houcine Haddouche
Nathalie Perrin-Gilbert lors du débat dédié à la culture, mardi 18 février 2020. ©HoucineHaddouche/Rue89Lyon

La première bagarre politique sur ce que doit être Lyon

L’indignation et l’opposition des regards que suscite cette décision est intéressante.

Pour les élus de droite et de centre droit, il s’agit d’une occasion idéale (et attendue, car cette baisse des aides à l’Opéra avait été suggérée dès la campagne électorale) d’accuser la majorité de vouloir détruire un symbole de la Ville.

Leur chef de file, Étienne Blanc, par ailleurs premier vice-président de Laurent Wauquiez à la Région, s’est le premier étouffé.

« Depuis 6 mois la majorité verts/extrême-gauche, fidèle à son obsession de la décroissance, détruit tous les symboles du rayonnement de Lyon. En supprimant 500 000 euros du budget de l’Opéra, pilier des institutions culturelles lyonnaises, c’est un premier pas vers l’idéologie des verts et de l’extrême-gauche en matière culturelle et une participation à l’affaiblissement de Lyon. »

Les élus du groupe Droite, Centre & Indépendants à la Ville de Lyon.

Une « idéologie anti-opéra »

Se jouerait ainsi une bataille des esthétiques, auxquelles on attribuera des orientations politiques inconciliables.

Pour faire court et grossier, aux lyonnais riches et âgés l’Opéra, ses spectacles haut de gamme et ses rideaux lourds ; aux lyonnais jeunes et chevelus les salles de concert bruyantes et les petits théâtres vétustes.

Cela n’est évidemment pas la réalité, ni ne raconte l’ensemble des propositions culturelles de la Ville et le fait que les uns aillent éventuellement chez les autres. Notamment par le biais d’actions (socio-)culturelles à vocation éducative. Ce que revendique d’ailleurs très souvent d’ailleurs Serge Dorny, directeur de l’Opéra de Lyon. Il aime en effet à répéter que son public est bien plus varié qu’il n’y paraît.

Pourtant, le même Serge Dorny, réagissant à la décision municipale, a aussi opté pour une lecture politique de ce rabotage de 500 000 euros. Il y voit un important marqueur idéologique :

« L’adjointe à la culture justifie cette baisse en faveur de « l’accompagnement de la création et de l’émergence », alors qu’en retirant 500 000 euros à l’Opéra de Lyon, elle supprime une part de création et d’émergence au lyrique, au chorégraphique et aux musiques transversales de notre institution. Sur le plan de la politique culturelle, nous ne pouvons que nous inquiéter de l’idéologie anti-opéra que semble sous-tendre cette décision ».

Serge Dorny, directeur de l’Opéra de Lyon, au Progrès, le 4 mars 2021.

Rééquilibrer « une politique culturelle fossilisée »

En fait, il s’agirait moins de détruire le travail et la programmation classique de l’Opéra que de rééquilibrer des soutiens financiers non extensibles. À Lyon, le budget dédié à la culture est historiquement haut, depuis Gérard Collomb. Avec 120 millions d’euros, il est le deuxième budget juste après celui de l’éducation et la petite enfance (qui pèse 355 millions d’euros en 2021).

Grégory Doucet, alors candidat EELV à la mairie, avait promis de le sanctuariser malgré la « crise-Covid », à l’occasion du débat que Rue89Lyon avait co-organisé avec le Petit Bulletin en amont du premier tour des élections. Mais bien que maintenu à une hauteur importante, ce budget culturel reste tendu et ne permet pas de déployer de nouvelles situations dans la ville.

Plus généralement, l’une des raisons principales évoquées par les pouvoirs publics, collectivités et État, pour expliquer le non-financement de nouvelles structures, de nouveaux projets, est l’impossibilité d’augmenter des budgets en période de restrictions généralisées.

Ce qui a abouti à une gestion « patrimoniale » de la culture, pour reprendre les termes de Vincent Cavaroc, à qui nous avions ouvert une tribune. Le directeur de la Halle Tropisme (à Montpellier) y appelle à « une redistribution plus équitable de l’argent public dans la culture ».

La politique culturelle à budget constant et contraint, interdit quasiment de rebattre les cartes ou encore d’intégrer de nouveaux acteurs voire de l’innovation sur un territoire.

« J’ai rééquilibré une politique culturelle fossilisée. En coulisses, on entendait les précédents adjoints à la culture expliquer que les institutions comme l’Opéra mangeaient tout le budget et qu’il ne pouvait rien faire. Moi, je fais des arbitrages et je les assume. »

Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe au maire de Lyon déléguée à la Culture.

Un choix qu’elle devra défendre lors du conseil municipal du 25 mars prochain, face à des élus d’opposition particulièrement remontés sur le dossier. La polémique a ça de bon qu’elle pourrait obliger les nouveaux élus de la Ville à mettre au jour une politique culturelle pour Lyon, pour ces prochaines années -dans l’attente que les lieux finissent par rouvrir.

Pas de confinement dans le Rhône mais de nouvelles restrictions

Pas de confinement dans le Rhône mais de nouvelles restrictions

Lyon et le Rhône échappent au confinement le week-end. De nouvelles restrictions ont toutefois étaient annoncées concernant notamment les lieux très fréquentés le week-end.

Ce jeudi 4 mars, le premier ministre Jean Castex a annoncé de nouvelles mesures sanitaires pour les départements à risque dont le Rhône fait partie. La première concerne les grands centres commerciaux non alimentaires de plus de 10 000 m2. Ils vont devoir fermer. Jusqu’ici, seuls ceux de plus de 20 000 m2 étaient concernés.

Fermeture des Castorama, Décathlon et centre commercial Carrefour Vénissieux

Les centres commerciaux de la Part-Dieu ou de Confluence étaient déjà fermés. Tout comme ceux de Saint-Priest, la Soie à Vaulx-en-Velin, Givors 2 vallées, les Galeries Lafayette à Bron, le Auchan de Caluire ou encore le magasin Ikea de Vénissieux.

A partir de ce samedi 6 mars sont également fermés : le centre commercial autour du Carrefour de Vénissieux, les magasins Castorama de Bron et Dardilly, le Décathlon de Bron ou encore le centre commercial autour du Leclerc de Grézieu-la-Varenne.

Les rassemblements ou manifestations pourront être interdits. Cela sera possible dans le cas où la préfecture estimerait que les conditions sanitaires satisfaisantes ne sont pas garanties. On parle ici de manifestations, cortèges ou rassemblements revendicatifs.

Fermeture ou limitation d’accès aux berges du Rhône ?

Le jeudi 19 mars, jour 3 du confinement à Lyon. ©LB/Rue89Lyon. Les Berges du Rhône interdites d'accès
Le jeudi 19 mars, jour 3 du confinement à Lyon. Les Berges du Rhône interdites d’accès.Photo : LB/Rue89Lyon.

Par ailleurs, le préfet du Rhône pourra réglementer ou interdire l’accès à des lieux de regroupements très fréquentés les week-ends. Le premier ministre a notamment évoqué les fortes affluences dans les lieux de promenades avec le retour des beaux jours. À Lyon, on pense notamment à une possible réglementation voire interdiction de l’accès aux berges du Rhône, très fréquentées le week-end dernier notamment.

Lors du premier confinement, en mars 2020, le secteur des berges du Rhône avait été particulièrement surveillé.

Enfin, les habitants du Rhône, comme ceux des autres départements placés « sous surveillance », sont par ailleurs invités à ne pas sortir du département, sauf motif impérieux.

Toutes ces mesures seront effectives à partir de ce vendredi 5 mars minuit.

Mise à jour 6 mars : le préfet du Rhône a indiqué qu’il ne fermerait pas pour l’heure les berges du Rhône.

La situation sanitaire dans le Rhône ne s’améliore pas

Ces mesures sanitaires doivent permettre selon le gouvernement d’enrayer l’évolution épidémique dans les départements sous surveillance. Dans le Rhône ces derniers jours la situation n’a pas évolué très favorablement. Les hospitalisations sont reparties à la hausse, faisant suite à plusieurs semaines de hausse du taux d’incidence.

Ce dernier indicateur était toujours en légère hausse dans le département en ce milieu de semaine. L’épidémie semble donc continuer de circuler de façon plus accrue, sans augmentation exponentielle toutefois. Le niveau de tension sur les services de réanimations restait, à Lyon et dans la région, toujours fort.

Deux mobilisations en faveur des droits des femmes à Lyon

Deux mobilisations en faveur des droits des femmes à Lyon

Le 8 mars est la journée nationale de lutte pour les droits des femmes. A l’appel du collectif « Droit des femmes 69 » ainsi que d’une intersyndicale, une manifestation et un rassemblement auront lieu le dimanche 7 et le lundi 8 mars à Lyon. 

La première mobilisation, se déroulera dimanche 7 mars sous forme de manifestation. Organisée à l’initiative du collectif Droits des femmes 69, elle partira de la place Bellecour à Lyon à 14h. Elle se dirigera vers la place des Terreaux avant de revenir à son point de départ.

La manifestation sera ouverte par un discours qui porte sur les femmes sans-papiers en France. Auparavant, à 12h30, au départ de la place Guichard débutera une manifestation non-mixte qui rejoindra par la suite la manifestation.

La seconde mobilisation, sous forme de rassemblement, à l’initiative du collectif « tous des lyonnes » de la CGT69, se déroulera le lundi 8 mars à 15h40 Place Jean Macé et traitera un peu plus spécifiquement des thématiques de travail et de précarité qui touchent les femmes.

« Indispensables mais sous-payées »

Les structures et syndicats organisateurs avancent que les femmes ont été plus touchées par la pandémie car elles travaillent souvent dans des métiers dits « à forte utilité sociale ». Ils considèrent qu’elles sont :

« Indispensables, essentielles mais invisibles et sous-payées »

Ils demandent une plus grande reconnaissance de l’engagement de celles-ci à l’égard de la société, une revalorisation financière et une amélioration de de leurs conditions de travail.

« Les remerciements ne suffisent pas pour les femmes »

Le communiqué de la CGT, la FSU, Solidaires, l’UNEF et la CNT SO demandent des actions rapides de la part du gouvernement.

« Un plan d’urgence financé par la redistribution et une meilleure répartition des richesses. […] Les remerciements ne suffisent pas. »

Ils ajoutent :

« Les femmes sont toujours rémunérées 25 % de moins que les hommes en moyenne. Chaque jour, elles continuent de travailler gratuitement à partir de 15h40 alors même qu’elles sont majoritaires parmi les bas salaires. »

Manifestation à Lyon le 23 novembre contre les violences faites aux femmes. @Nous Toutes Lyon.
Manifestation à Lyon le 23 novembre 2019 contre les violences faites aux femmes. @Nous Toutes Lyon.