Karen dans sa camionnette. Crédit : Natacha Boutkevitch
La semaine dernière, les deux dernières descentes de la police nationale ont été relayées par la presse. On nous dit qu’environ 500 camionnettes auraient été mises en fourrière et 9 000 PV dressés dans le courant de l’année 2012. Si l’on fait un calcul grossier, 9000 PV à 35 euros aboutissent à la somme de 315 000 euros, et 500 mises en fourrière à 136 euros pour récupérer le camion aboutissent à la somme de 68 000 euros. Soit un total de 383 000 euros pour l’année écoulée.
De qui se moque-t-on ? Sachant qu’en moyenne, il y a une vingtaine de camionnettes enlevées à chaque passage, trois fois par semaine, cela voudrait dire que l’on aurait subi la fourrière uniquement deux mois dans l’année 2012. Pour moi, qui le vis au quotidien, ces chiffres sont largement sous-estimés.
Et quand bien même ce serait exact, puisque la loi considère que ma coiffeuse est une proxénète pour 30 euros la coupe, comment la loi doit-elle considérer ceux qui nous dépouillent de plusieurs milliers d’euros ?
C’est simple, ces arrêtés municipaux anti-camionnettes rendent légal ce qui ne l’est pas : le proxénétisme. Je m’explique : en dehors de nos clients, l’Etat considère comme proxénète toute personne à qui nous, prostituées, donnons de l’argent, même quand il y a une contre-partie. Cela concerne donc le propriétaire des appartements que l’on loue, le coiffeur et le garagiste chez qui l’on se rend, etc. La liste est longue. C’est ce qu’on appelle le « proxénétisme de soutien ».
Mais la Ville de Lyon, elle, en fabriquant des arrêtés municipaux qui visent les camionnettes des prostituées dans le quartier de Gerland, nous rackette en toute légalité.
Il y a une grande différence parce qu’au moins, avec ma coiffeuse, quand je paye 30 euros et je ressors avec un brushing. Avec l’Etat ou la municipalité (en fonction des polices, nationale et municipale, qui mettent les PV), je n’ai rien en compensation, si ce n’est le droit de récupérer ma camionnette à la fourrière.
Survivre, c’est de ça qu’il est question. Chaque matin, des milliers de gens se lèvent, en se demandant comment ils vont pouvoir manger, s’abriter, trouver un travail ou simplement le garder. Nous nous posons la même question, avec une boule dans le ventre parce que l’on ne peut pas exercer notre profession, parce que nous sommes sans cesse harcelées de la façon la plus emmerdante qui soit : en nous enlevant nos véhicules, en nous ponctionnant notre argent de façon légale mais injuste.
Alors cet élu, qui décide et fait appliquer ces arrêtés municipaux, avec ses pompes impeccablement cirées, une poignée de main chaleureuse et le sourire qui va avec, je me demande vraiment s’il n’est pas un proxénète qui s’ignore.
NON pas auto proclamée : Porte-parole du collectif de Gerland, désignée par ses consoeurs et membre du Strass.
Mais si cet article m'a interpellé, c'est que le hasard qui guide l'affichage des flux RSS, c'est que, par un raccourci saisissant, le titre « la Ville de Lyon est proxénète pour 383 000 euros » était immédiatement suivi de "La domination de Lyon n’est pas une bonne nouvelle pour le foot féminin".
Forcément, ça intrigue...
Peut-on accepter que le plaisir des uns passe par la mise en danger, l'instrumentalisation et le désespoir des autres (même si je conçois que certaines prostituées vivent bien leur activité, le client, lui, n'a aucun moyen de savoir si la femme qui paye est forcée par un proxénète, par la misère économique, par un profond mal-être du à des abus sexuels vécus dans sa jeunesse...)
Autant le fait que l'Etat et les municipalités harcèlent les prostituées me met hors de moi, autant l'idée de tout simplement légaliser le proxénétisme comme dans les pays que vous citez (où le nombre de prostituées contraintes a explosé) me répugne au plus haut point.
Il y a bien d'autres façon de connaître le plaisir sexuel qu'en achetant le consentement de quelqu'un (avec en prime aucun moyen de savoir si ce consentement n'est pas déjà forcé par le proxénétisme...)
Dans les régions pauvres, les filles vont au tapin pour financer les études des fils, ce qui répand l’idée insidieuse que les femmes n'ont pas d'autres perspectives que la prostitution. Les revenus de la prostitution sont repartis comme tel : 50% pour la famille, 30% pour le copain thaï et 20% en dépenses courantes.
Beaucoup d'anciennes prostituées manipulent ensuite leurs filles pour gagner de l'argent sur leur dos.
PS : j'ai écrit "prostituées", mais le masculin est aussi vrai.
- la concurrence fait baisser le prix des prestations (60€ la demi-heure en Allemagne),
- les prostituées perdent 50% de leurs revenus en charges et taxes.
En outre, pour en revenir a l'exemple de l'Allemagne, les prostituées sont des "indépendantes", ce qui signifie qu'elles peuvent faire 8 heures de présence par jour, voir travailler de nuit, mais n’être rémunérées que sur les passes.
Et sincèrement, les prostituées d'Europe de l'Est, on s'en fout. Ce n'est quand meme pas la faute de la France si ces états ne font pas leur boulot !
Cette vision est en plus insultante pour les hommes, qui sont considérés comme des êtres privés de leur libre-arbitre sexuels, soumis à leurs pulsions et ne pouvant s'empêcher de violer. Non, les hommes ne sont pas naturellement des violeurs, et ce n'est pas la prostitution qui les empêchera de violer, mais l'éducation, la lutte contre le sexisme et tout un travail social et judiciaire pour que les viols soient enfin punis et punis suffisamment sévèrement.
Quand à l'argument "il y aura toujours des prostituées, aucune loi n'y changera rien", si on va par là, on peut alors dépénaliser le meurtre, puisqu'il y aura toujours des meurtriers...
Là où je suis d'accord, c'est qu'il faut cesser de pourrir la vie des prostituées (un bon pas en avant, c'est l'abrogation fin mars du délit de racolage passif, qui était une honte).
Seule solution la légalisation.... hélas les honnêtes gens qui nous gouvernent ne voient pas trop ce que ça pourrait leur rapporter...
Bravo quand même de ne pas vous laisser marcher sur les pieds par cette bande d'hypocrites !