Le quartier de Gerland, au sud du 7e arrondissement de Lyon, poursuit sa transformation. Les anciennes friches industrielles continuent de devenir logements et bureaux. Gerland devient prisé des cadres et la typologie des commerces évolue avec la sociologie. Explications en statistiques et en cartes de l’évolution du quartier secteur par secteur.
+ 153% de cadres à Gerland
Nous sommes partis à la recherche des plus anciennes statistiques de l’Insee disponibles à l’échelle du quartier de Gerland (2006). Et nous sommes remontés jusqu’aux plus récentes (2018).
En 2006, habitaient à Gerland 2015 cadres, soit 10% de la population de plus de 15 ans. En 2018, ils et elles étaient 5092. Soit un bond de 153%. Cette très forte augmentation est à rapprocher de la croissance de la population de Gerland qui est passée au cours de ces douze ans, de 23 770 à 31 572 personnes, soit + 33%.
Les ouvriers ont suivi le chemin inverse. En 2006, ils étaient légèrement plus nombreux que les cadres (11,64% de la population). Douze ans plus tard, cette proportion passe à 7,2% . Surtout, entre ces deux dates, on compte 418 ouvriers de moins. En 2018, l’Insee ne dénombre plus que 1909 ouvriers.
En clair, les ouvriers ont continué de partir alors que les cadres ont posé leurs valises dans le quartier. Autre donnée instructive, celle prise à l’échelle des arrondissements et pour lesquels l’Insee permet de remonter jusqu’en 2019. À cette date, le 7e arrondissement compte légèrement plus de cadres que le traditionnellement bourgeois 2e arrondissement. Et l’arrivée en masse des cadres à Gerland n’y est évidemment pas pour rien.
Quant au revenu médian, il a augmenté dans le quartier, moins vite toutefois que dans le reste de Lyon : +14,25% dans le quartier, contre 18% pour l’ensemble de la Ville de Lyon entre 2008 et 2018.
Secteur par secteur, l’arrivée massive des cadres dans le quartier de Gerland à Lyon
Nous publions ci-dessous deux cartes montrant l’évolution moyenne des cadres et des ouvriers par Iris de Gerland, autrement dit les micro-quartiers au sens de l’Insee. Où l’on voit, sans surprise, que les cadres se sont installés autour de l’avenue Jean-Jaurès jusqu’au nord de l’avenue Debourg, c’est à dire essentiellement dans les nouveaux immeubles qui poussent sur les friches industrielles.
>> survolez les cartes pour voir les données par secteur du quartier de Gerland
Ce sont ces mêmes secteurs où la diminution de la part des ouvriers dans la population est aussi la plus forte au cours au cours de la période 2006-2018. Elle est la plus marquée dans le secteur Jean-Jaurès Sud (autour de l’avenue Jean-Jaurès, de la rue Chateaubriand à l’avenue Debourg) : -7,45% d’ouvriers en moins en moyenne par an sur la période, -63% au total. Autre secteur : celui Yves Farges. Un secteur à proximité directe du secteur Jean Macé, de l’autre côté des voies ferrés.
« Réaliser une telle enquête à Lyon [relative à la consommation et à la légalisation du cannabis], sans idée préconçue, auprès d’un panel très large de psychiatres » est particulièrement intéressant tant les conclusions tirées peuvent surprendre.
C’est ce que suggère son autrice, Léa Leclerc, psychiatre addictologue, et responsable des unités d’addictologie au sein du groupement hospitalier Sud des HCL (hospices civils de Lyon).
La chercheuse a produit une étude portant sur les opinions et les connaissances des psychiatres, concernant les enjeux de la légalisation du cannabis, qu’il soit médical ou récréatif, en France. En effet, on sait que la profession de psychiatre est particulièrement exposée aux consommateurs de cannabis. Et pourtant, cette profession n’est jamais interrogée sur la consommation du cannabis et son éventuel légalisation.
Est-ce que pour autant, cela induit l’existence d’un lien entre cannabis et troubles psychiatriques ?
Léa Leclerc, psychiatre aux HCL, a été récompensée par le prix de la meilleure communication orale au congrès de l’Encéphale, le 21 janvier 2022.Photo : HCL
Plus de 400 psychiatres ont participé à l’étude sur la légalisation du cannabis des Hospices civils de Lyon
Léa Leclerc opte pour une réponse qui interpelle :
« Il est difficile de répondre à cette question de façon formelle. Le débat reste ouvert. Des études assez récentes montrent qu’il y a un impact du cannabis dans le développement de troubles psychotiques. Mais, à l’opposé, il n’y a pas eu de flambée de ces troubles dans les pays qui ont récemment légalisé le cannabis, comme le Canada, l’Uruguay ou les Etats-Unis.
Nous ne pouvons pas être certains que les usagers rencontrés consomment à visée auto-thérapeutique du fait de troubles psychiatriques ou si c’est leur consommation de cannabis qui a engendré les troubles. Nous savons qu’il existe des vulnérabilités individuelles dans le développement des troubles psychotiques, qui peuvent être induits par le cannabis, mais qui n’est pas le seul facteur précipitant. »
La question est complexe et c’est ce que la psychiatre des HCL tend à démontrer. L’étude, lancée via un questionnaire diffusé sur le site de l’Encéphale (principal congrès de psychiatrie francophone), a été nourrie par les réponses de plus de 400 psychiatres.
Et la familiarité de ces médecins aux cas de patients consommateurs de stupéfiants y est confirmée : 80% d’entre eux indiquent en recevoir plusieurs en consultation, chaque semaine. Ils sont même 40% à en recevoir au moins un par jour.
« 53% des psychiatres favorables à la légalisation du cannabis récréatif »
Bien que l’enquête se poursuive jusqu’au 28 février, les premières données extraites par Léa Leclerc sont assez édifiantes :
« 77% des psychiatres interrogés sont favorables à la légalisation du cannabis à des fins médicales. Une majorité, 53%, se montre également favorable à la légalisation à des fins récréatives. »
Et de préciser les raisons invoquées par les médecins :
« Les psychiatres favorables à la légalisation soutiennent que le système actuel, basé sur la répression, n’est pas satisfaisant, car il ne permet pas la prévention. Le cannabis étant classé comme substance illégale, il ne peut pas y avoir de campagnes d’information.
Or, les Français sont les premiers consommateurs en Europe et les populations vulnérables, les mineurs notamment, se retrouvent exposés à ce phénomène sans prévention.
Les psychiatres défavorables à la légalisation évoquent, eux, leur crainte d’impacts sur la santé et les potentiels dommages sociétaux provoqués, comme l’augmentation des violences, des accidents de la route, du décrochage scolaire… »
Depuis cet été, Gerland (Lyon 7e) voit se multiplier les adresses branchées. Ces ouvertures ont été précédées par l’arrivée des cadres, de plus en plus nombreux à venir habiter ce quartier du sud de Lyon autrefois industriel.
De la brique de toutes les couleurs pour habiller un ensemble d’immeubles qui monte jusqu’à 15 étages. Il n’en fallait pas plus pour que, à Gerland, flotte “Un air de Brooklyn”. En faisant référence au quartier new-yorkais, le message publicitaire utilisé par le promoteur Nexity pour commercialiser ses appartements se veut clair : habiter à Gerland n’est plus synonyme de quartier industriel à moitié en friche mais plutôt de lieu de vie agréable doté de commerces et de lieux branchés pour sortir.
Outre cet immeuble d’habitation, le promoteur « 6e Sens » a bâti un immeuble de bureaux nommé le « brickwall » bientôt occupé par la division « immobilier » d’EDF. Ces « logements+bureaux+résidence » pour séniors se posent à l’angle de l’avenue Jean-Jaurès et de la rue des Girondins, futur axe central de Gerland.
Son inauguration en grande pompe le 22 novembre dernier par les promoteurs accompagnés d’élus lyonnais, dont le président EELV de la Métropole Bruno Bernard, symbolise le nouveau Gerland.
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Alors que des locataires de la rue Jean Fournier située dans le quartier du Château, à la Duchère (Lyon 9e) ont convié Rue89Lyon à constater, entre autres dysfonctionnements, l’absence de chauffage dans leur immeuble, ils sont aussi revenus sur les difficultés rencontrées ces dernières années avec leur bailleur social, Alliade Habitat. Reportage.
Paisible et verdoyante : ce peut être les qualificatifs que l’on a en tête en parcourant l’allée Jean Fournier, située à la Duchère (Lyon 9e), dans le quartier du Château. Juchés sur une colline et donnant directement sur Lyon en contrebas, quatre hauts immeubles à l’architecture des années 60 semblent à la fois très loin et très proches du vacarme de la ville.
Les bâtiments sont gérés depuis 2006 par le bailleur social Alliade Habitat, issu de la fusion entre les sociétés de HLM Axiade Rhône-Alpes et la Société Lyonnaise Pour l’Habitat (SLPH).
En ce début d’après-midi ensoleillé, ils sont quatorze locataires rassemblé·es à l’entrée de la barre 101, à l’angle de la rue Jean Fournier, pour réfléchir à une façon de faire entendre leurs difficultés à leur bailleur social, Alliade Habitat. Cela ferait des années que leurs conditions de vie se détériorent, et que leur santé physique et psychique en subit les conséquences.
L’immeuble 101 géré par Alliade Habitat dans le quartier du Château, à la Duchère (Lyon 9è).Photo : LS/Rue89Lyon
Pour Liliane, retraitée qui a planifié la réunion informelle, la coupe est pleine :
« Depuis 2011, on a des problèmes de chauffage tous les hivers. Là, ça fait trois semaines qu’on n’a pas eu une goutte de chauffage. Ça suffit. »
Et Christiane de poursuivre :
« On tombe malades, même à l’intérieur. »
Cette dernière phrase est suivie par un brouhaha de protestations. Chaque habitant·e rencontre des tracas à cause du froid : rhumes, grippes, engourdissements permanents, maux de tête, effritements des cloisons à cause l’humidité.
Les locataires ont pourtant tenté d’avertir leur bailleur de la situation. Christiane raconte :
« Un monsieur d’Alliade est venu à 14 heures, un jour de grand soleil. Il faisait au moins 18°c chez moi, il a dit : « Ça va, ce n’est pas si terrible ». Ils nous prennent vraiment pour des moins-que-rien. »
Dans un immeuble d’Alliade, à la Duchère : « J’ai toujours froid »
Pour les locataires qui n’ont pas des porte-monnaies extensibles, le chauffage d’appoint n’est pas une option envisageable, tant elle est coûteuse en électricité. La stratégie est donc de pratiquer le « couche sur couche ». Christiane détaille :
« Je mets paire de chaussettes sur paire de chaussettes et je m’installe sous le plaid, dans le canapé. Et encore, même là, j’ai toujours froid. »
Chantal, une autre retraitée qui habite l’immeuble depuis 1972 a quant à elle une autre technique :
« Moi je m’agite, le matin je cours un peu partout pour essayer d’avoir chaud. Bon, ça ne marche pas très longtemps. »
Un autre locataire a même déclaré laisser sa cuisinière à gaz alluméepour tenter de réchauffer son appartement.
Alors que les habitants discutent de ce qui pourrait améliorer leurs conditions de vie, un homme apparaît à l’entrée du hall vêtu d’une salopette de travail et chaussé de rangers de sécurité. On ne peut pas s’y tromper, il s’agit d’un technicien envoyé pour réparer le chauffage. Il fait des yeux ronds à la vue du nombre de personnes qui encombrent le hall.
Les locataires fondent sur l’homme pour lui faire part de leur mécontentement. Il tente de se défendre avant de s’échapper :
« C’est toujours le technicien qui prend ! Je ne peux pas régler le problème, c’est à Dalkia [une filiale du groupe EDF] de changer les canalisations. En attendant, j’ai baissé le chauffage à la 102 [le numéro de l’immeuble voisin]. »
Et les locataires de s’exclamer :
« Mais ils vont remonter les valves aussitôt ! »
« Ils » , ce sont les voisins de l’immeuble 102. Il semble que le chauffage est distribué dans les barres d’immeubles de la rue Jean Fournier par un système en cascade. L’eau chaude qui alimente les chauffages passe d’abord par l’immeuble 104, 103, puis 102 pour finir par la 101. Liliane explique :
« Difficile de savoir si le problème vient des canalisations ou simplement du débit d’eau envoyé par la chaufferie centrale, mais à chaque fois qu’un technicien passe, le chauffage fonctionne un tout petit peu dans notre barre avant de s’arrêter car les locataires des autres barres réalisent qu’ils ont moins de chauffage et remontent la valve d’alimentation de leur immeuble. »
« Alliade ne répond ni aux mails ni au téléphone »
Une situation frustrante à laquelle les locataires ont essayé de remédier à de multiples reprises, selon Liliane :
« Alliade ne répond pas au téléphone, ou alors, quand ils répondent, ils nous disent d’envoyer un mail, et en réponse au mail, ils nous disent d’appeler. »
Dans des mails que la rédaction a pu consulter, le bailleur social consent finalement à répondre en demandant aux locataires de régler le problème tout seuls, en les enjoignant à appeler les prestataires Dalkia et Engie Coffely. Liliane poursuit :
« On passe des heures au téléphone, et les deux entreprises se renvoient la balle, l’une s’occupe des canalisations, l’autre du chauffage. Engie envoie un technicien une fois de temps en temps mais ça ne résout rien, et chaque hiver c’est le même souci. »
Pourtant, d’après des factures que la rédaction a pu consulter, on peut voir que chaque mois, les locataires paient un peu plus d’une cinquante d’euros de « provisions chauffage » à leur bailleur. Liliane précise :
« Et il ne nous est rien rendu à la fin de l’année ! Une fois seulement, ils nous ont rendu 27 euros quand la panne de chauffage avait été généralisée à toute la Duchère. »
Interrogé au sujet du chauffage, le bailleur Alliade Habitat reconnaît sa responsabilité de propriétaire des lieux, mais renvoie effectivement la balle à ses prestataires :
« Sur ce type de résidence, chauffée par le réseau de chaleur urbain, c’est Engie qui travaille en notre nom avec Dalkia. Engie ne nous a pas avertis du manque de puissance délivré sur le réseau de chaleur. Nous avons fixé un rendez-vous avec les deux acteurs la semaine prochaine avec pour objectif de solutionner ce problème. »
Paradoxalement, le bailleur assure aussi être venu au cours du mois de janvier pour vérifier la température de l’immeuble suite à des plaintes des locataires et déclare :
« Il faisait 18°c à l’intérieur. »
Le « réseau de chaleur urbain » qui alimente presque tout le quartier aurait des avantages mais aussi des inconvénients. Selon Alliade Habitat :
« Ce type de réseau commun est beaucoup plus économique pour les locataires. En revanche, il est plus sensible quand il y a des grandes baisses de température. Le projet de réhabilitation est sensé améliorer cela par une meilleure isolation. »
Alliade Habitat a justement déjà commencé des travaux de réhabilitation dans les logements. Des travaux qui ont été souvent mal perçus par les habitants.
« On m’a dit de mettre des cadres pour cacher les trous dans les murs »
Tout comme les travaux de réhabilitation de la Sauvegarde, un autre sous-quartier de la Duchère, ceux du quartier du Château on pris beaucoup de retard et ne se sont pas déroulés dans un climat serein. Initialement prévus début 2020, la pandémie a obligé le bailleur social à repousser le début des opérations à avril 2021, puis à la période allant du 3 mai 2021 au 14 mai 2021.
Pendant les travaux qui ont duré une à deux semaines, les locataires n’ont pas pu utiliser leurs appartements alors qu’ils continuaient à vivre à l’intérieur. Photo : de locataire
La simple évocation de ces travaux suscite une vague de consternation chez les habitants. La venue des ouvriers dans les appartements a été vécue comme violente pour la plupart d’entre eux. Liliane raconte :
« Ils ont arraché mes lampes, cassé mon plan de travail. Ils ne prévenaient pas quand ils arrivaient et ça durait des jours, ils ne nettoyaient jamais. Et surtout, c’est vraiment mal fait. »
En effet, toutes les lampes et les interrupteurs de l’appartement ont été déplacés à quelques centimètres de là où se trouvaient les anciens, et des goulottes courent sur tous les murs pour faire passer les fils électriques. Des trous, des clous et des fils électriques pendent des emplacements où se trouvaient les anciennes ampoules. Liliane raconte :
« J’ai dit aux ouvriers que ce n’était pas possible de laisser ça comme ça. Ils m’ont dit : « mettez des cadres pour cacher ». »
Un nouveau tableau électrique, auquel sont reliées toutes les goulottes, a été placé au milieu du couloir. L’ancien gît dans un placard, inutilisable. L’évier de la cuisine est en plastique, celui de la salle de bain ne permet pas de glisser de meuble en dessous. Liliane commente :
« Ils nous ont fait un appartement comme si on était en prison, et qu’on ne possédait rien. La moitié d’entre nous a dû entreposer des meubles à la cave car ils ne tenaient plus dans les appartements. »
Les locataires jouissaient d’une petite loggia dans la cuisine, qui, elle aussi, a été rasée :
« C’était très pratique, ça réchauffait l’appartement en hiver, et ça le refroidissait en été. »
La nouvelle ampoule, reliée par une goulotte au compteur. A quelques centimètres, l’emplacement de l’ancienne ampoule. Les fils sortent du mur, la locataire les a recoupés pour qu’ils soient moins visibles.Photo : LS/Rue89Lyon
« J’ai vécu ces travaux comme un viol de mon intimité »
Les locataires ne comprennent pas cette décision de la part de leur bailleur social. De bout en bout, ils déclarent avoir cherché à s’opposer aux travaux prévus dans leurs appartements, notamment le projet de raser cette loggia :
« Ils ont fait une réunion publique au sujet des travaux de réhabilitation. On a dit les choses qui ne nous allaient pas, après avoir vu l’appartement témoin situé à la 102. Ils ont dit nous avoir entendus, mais ça n’a rien changé. »
Le nivellement du sol n’a pas été fait entre la cuisine et l’ancienne loggia, une petite marche se trouve donc au milieu de la cuisine des appartements. Liliane ajoute malicieusement :
« Ça ne sert vraiment à rien du tout d’avoir rasé la loggia, hormis à augmenter la valeur foncière des appartements. »
Autre brise-coeur pour certains habitants, la baignoire des appartements a été remplacée par une douche. Pour Chantal qui habite le même logement depuis 1972, c’est la goutte d’eau :
« J’ai vécu ces travaux comme un viol de mon intimité. Dans cet appartement il y avait des souvenirs, et pendant des semaines je devais supporter de voir des personnes aller et venir, tout casser, mettre mon appartement sans dessus-dessous et ne rien nettoyer. Maintenant j’ai l’impression d’habiter une cave : il y a des fils qui pendent, des clous apparents. C’est minable. »
Elle poursuit :
« Mon petit bonheur c’était ma baignoire, je prenais un bain de temps en temps, on pouvait y baigner les petits-enfants. J’ai tout fait pour la garder et je n’ai pas réussi, ça me tue, vraiment ça me tue. »
Interrogé par la rédaction, Alliade Habitat a déclaré que s’il reste des malfaçons, c’est que les travaux ne sont pas encore finis :
« Tous les interrupteurs inutiles seront remplacés par des caches. Les locataires n’ont pas dû comprendre que les travaux n’étaient pas finis dans leurs appartements. »
Au sujet des loggias ou des baignoires, Alliade Habitat ajoute qu’il n’est pas possible de traiter le besoin individuel de chaque locataire :
« On installe des douches à quasiment toutes les réhabilitations. C’est pour que les personnes en situation de handicap puissent s’installer dans les appartements. Pour la loggia, c’est une décision de l’architecte, on ne peut pas adapter chaque logement à chaque locataire. »
« 10 centimètres de refoulements ont recouvert le sol de la cave »
La suite des travaux tarde aussi : les ouvriers auraient dû venir à partir du 25 janvier dernier pour poser de nouvelles fenêtres dans l’immeuble 101, mais sont aux abonnés absents. Ils n’ont pas prévenu qu’ils ne viendraient pas. Maguy, locataire de 79 ans, ressent beaucoup d’anxiété à l’idée de cette nouvelle période de travaux :
« J’espère qu’ils seront plus consciencieux que l’autre fois. J’ai peur qu’ils laissent des trous béants dans les murs pendant des heures, alors qu’on n’a pas de chauffage. »
En attendant, toutes les fenêtres de l’immeuble sont pour le moins vétustes. Même fermées, le vent et l’eau passent à travers. Pour Liliane c’est l’incompréhension :
« Je ne comprends pas pourquoi ils n’ont pas commencé les travaux par ça. Je veux dire, on a des fenêtres qui coulent dès qu’il pleut, mais eux, leur priorité c’était de changer nos lampes qui fonctionnaient très bien. »
Une locataire a installé de petites lamelles de tissus sur les bords de toutes ses fenêtres. Elles empêchent un peu l’air de passer, et absorbent en partie l’eau quand il pleut.Photo : LS/Rue89Lyon
Interrogé à ce sujet, le bailleur social a déclaré que le choix de commencer la réhabilitation par l’intérieur des appartements est dû à une obtention plus rapide d’autorisations. Pour le retard, il s’agirait d’un autre problème :
« Il y a eu des retards suite à la découverte de punaises de lit dans certains logements. Les traitements peuvent prendre deux fois 20 jours. Des ouvriers se sont retirés des travaux car ils ne voulaient pas risquer de ramener chez eux des punaises de lit. »
Une dernière angoisse taraude les habitants : depuis quelques semaines, une forte odeur d’égouts envahit parfois l’immeuble. Liliane explique :
« La dernière fois qu’il y a eu ça, en mars dernier, il y a eu 10 centimètres de refoulements qui ont recouvert le sol de la cave. C’était vraiment immonde, et ça a fichu en l’air tout ce qu’on avait entreposé là-bas. »
Après l’absorption du refoulement qui a inondé les caves, les locataires découvrent le sol encore trempé par les eaux usées. Photo : de locataire
Alliade Habitat a tardé à réagir, et ne répondait ni aux messages, ni aux appels. Les mails d’au-secours des locataires (consultés par la rédaction) sont parlants :
« Depuis une semaine nous vivons avec des excréments au sol, de la puanteur et pas de solution. »
Les seules réponses obtenues étaient le plus souvent des emails automatiques. Si le bailleur social a fini par envoyer un service de dépannage pour aspirer les eaux, aucune désinfection et curage général des canalisations ne semble avoir été fait sur le moment.
Alliade Habitat a déclaré de son côté que l’entièreté des canalisations a été changée avant 2022, un curage n’était donc plus nécessaire. En sus, le bailleur social pointe une fois de plus la responsabilité des locataires :
« Les locataires jettent tout et n’importe quoi dans les canalisations, ça peut les boucher, même si elles sont neuves. »
Finalement, Alliade Habitat assure être accessible pour répondre aux problèmes des locataires :
« On a eu des problèmes pour répondre au téléphone entre septembre et novembre 2021 car nous avons fusionné avec la Cité Nouvelle [un autre gestionnaire immobilier]. Actuellement, je ne vois actuellement aucune problématique non traitée », a déclaré notre interlocutrice jointe ce vendredi 28 janvier.
À la Duchère, « s’il n’y avait pas eu Alliade, on aurait tout pour être bien »
Malgré toutes ces péripéties, les habitants ne nient pas l’attractivité du quartier, et leur attachement à celui-ci. Pour Maguy, 79 ans et habitante depuis une quarantaine d’années du dernier immeuble de l’allée, le Château est le quartier idéal :
« J’adore la Duchère, c’est un quartier très vert. De mon appartement au 4è, j’ai une vue plongeante sur toute la ville. Quand Lyon n’est pas trop polluée, je peux même apercevoir Fourvière. »
Elle poursuit en riant :
« Je n’ai pas besoin de télé, j’ai ma fenêtre. Quand il neige, j’ai même l’impression d’être aux sports d’hiver. »
De leurs appartements à la Duchère, la plupart des habitants de l’immeuble jouissent d’une vue dégagée.Photo : LS/Rue89Lyon
Un constat partagé par son amie et voisine Christiane, qui avait 6 ans quand elle a emménagé dans le quartier. Elle en a maintenant 66 :
« J’habite cet immeuble depuis 1989. Au début, quand notre bailleur social était Logirel, on s’y sentait vraiment bien. Les voisins sont gentils, il y a des jeux pour les enfants, on est protégés de la pollution ; et on rejoint Lyon en quinze minutes en bus… »
Logirel est en réalité l’ancêtre de l’actuel bailleur social des locataires de l’immeuble. De multiples fusions entre les sociétés d’HLM ont fini par aboutir à la récupération du parc immobilier par Alliade Habitat.
Elle conclut :
« Si il n’y avait pas eu Alliade, on aurait tout pour être bien. »
La réponse à la question est « oui » pour les élus communistes de la ville de Lyon, qui ont demandé le retrait de la publicité diffusée par une agence d’aides à domicile. La société se défend de tout propos raciste ou colonialiste.
Affiche 4×3 de la campagne « Petits fils » avec le message « Devenez Fatima » pour recruter des auxiliaires de vie à domicile. Rue Paul-Duvivier (Lyon 7e)Photo : LB/Rue89Lyon
Sur les « sucettes » Decaux ou sur des grands panneaux 4×3 s’affichent ces jours-ci une publicité pour un réseau d’agences d’aides à domicile. Plusieurs versions de la publicité existent, déclinant à chaque fois un prénom différent et devant inciter à rejoindre le réseau. L’une de ces publicités utilise le prénom Fatima. Pour la formulation suivante :
« Devenez Fatima, une auxiliaire de vie qui peut se dédier à Simone et André. »
D’autres versions de la campagne de publicité utilisent les prénoms Christophe, Maria ou Catherine. Cette « version Fatima » n’est pas du goût des élus communistes de la ville de Lyon. Dans un communiqué, ils la jugent raciste et colonialiste.
« Cette publicité aux relents colonialistes qui stigmatise nos concitoyens d’origine maghrébine est inacceptable. Nous exigeons son retrait immédiat de nos rues. (…) Les immigrés, leurs enfants et leurs petits-enfants ne sont pas en France pour servir, à moindre coût. Ils sont la France ! Ils sont notre France qui ne catégorise pas ses enfants par leur couleur ou leur nom.»
« Les 4 prénoms les plus fréquents dans nos agences sont Catherine, Maria, Fatima et Christophe »
Une semaine après ces critiques, la publicité est toujours là, dans ces différentes versions. L’entreprise, qui s’appelle Les Petits-Fils, s’est défendue de tout propos ou présupposé raciste :
« Notre métier est d’aider les personnes âgées dépendantes à rester à leur domicile grâce au travail de 6000 auxiliaires de vie dévoués.
Ces femmes et ces hommes s’appellent Aldjia, Nathalie, Mélissa, Ayélé, Vincent, Brigitte, Saana, Gérard, Sylvie, Valérie, Hasna, Souad, Emilie, Said, etc. Et parmi ces auxiliaires de vie, les 4 prénoms les plus fréquents dans nos agences sont Catherine, Maria, Fatima et Christophe. (…) Nous avons créé cette campagne publicitaire avec 4 affiches publicitaires et 4 prénoms différents pour valoriser nos auxiliaires de vie. »
Et l’agence de poursuivre : « Nous sommes fiers de la diversité de nos auxiliaires de vie. Nous sommes multiculturels et nous l’assumons ».
Actuellement, les emplois précaires et difficiles liés au ménage ou à l’assistance à autrui sont mis en lumière dans un film adapté du passionnant et instructif livre de la journaliste Florence Aubenas, « Le Quai de Ouistreham ».
Lors du conseil municipal de ce jeudi 27 janvier à Lyon, la mairie écologiste de Lyon a quelque peu détaillé sa politique visant à réduire le nombre de locaux et de logements vacants dans la ville.
« Pas de patrimoine vacant sans projet de destination d’ici 2026. »
Comment la mairie de Lyon compte-t-elle s’y prendre pour réaliser ce vœu pour le moment pieux ? Sylvain Godinot, adjoint au maire en charge de la transition écologique et du patrimoine, a évoqué sa feuille de route lors de la séance du conseil municipal de jeudi.
L’exécutif écologiste a donc profité de la séance du conseil pour communiquer sur ce sujet en lui donnant une dimension sociale.
Logements d’instituteurs vacants dans les écoles de Lyon, à destination d’enfants à la rue
La façade de l’école Philibert Delorme, qui héberge en urgence au sein de son logement de fonction une famille.Photo : LS/Rue89Lyon
Selon l’adjoint, 274 locaux municipaux seraient à ce jour vacants dans la ville de Lyon. Parmi eux, 60% environ seraient des logements, ce qui correspond au nombre de 160 logements. L’élu a indiqué qu’un comité de pilotage réunissant services de la mairie et élus concernés instruisaient les cas des logements vacants. La volonté de la mairie est d’orienter ces locaux vers le logement social, en fonction de leur état.
« Nous privilégions comme destination à ces locaux le logement social. Si les locaux sont voués à une destruction à terme, en fonction de leur état, nous privilégierons de l’hébergement plus temporaire ».
Parmi ces logements se trouvent notamment des loges d’instituteurs dans ou à proximité de certaines écoles. Sylvain Godinot a indiqué que la municipalité les mettraient à disposition d’enfants à la rue, dans le cadre du plan « Zéro enfant à la rue », dont les premières places d’hébergement ont été ouvertes en fin d’année dernière. Sur le modèle de l’ancien commissariat du 7e arrondissement.
A en croire son porte-parole, le collectif Lyon pour la Liberté – qui organise tous les samedis les principales manifestations anti-pass à Lyon – serait un groupe apolitique. Pourtant, on retrouve dans ses cortèges une grande partie de la galaxie de l’extrême droite radicale lyonnaise.
« Nous sommes apolitiques » ; « Nous sommes un collectif citoyen » ; « Nous sommes unitaires et a-partisan ». Voilà en résumé comment Thibault Pillet décrit son collectif, « Lyon pour la Liberté », dans les nombreuses interviews données à la presse lyonnaise.
Depuis fin octobre, chaque samedi, le jeune leader du collectif organise la principale manifestation lyonnaise contre le pass sanitaire – désormais pass vaccinal – déclarée en préfecture. Début 2022, ses cortèges réunissent entre 1000 et 2000 personnes selon la préfecture du Rhône et entre 3000 et 4000 selon les organisateurs.
Pourtant à y regarder de plus près, le qualificatif apolitique semble bien mal s’appliquer à la fois au collectif Lyon pour la Liberté, et aux manifestations qu’il organise. De fait, on retrouve dans ses cortèges la quasi-totalité de la galaxie de l’extrême droite radicale lyonnaise.
Un ancien cadre des identitaires lyonnais au mégaphone
« Ni une, ni deux, ni troisième dose », en tête du cortège anti-pass, empoignant le mégaphone aux côtés de Thibault Pillet, on trouve Gérald Pichon. Ce n’est pas un inconnu de la politique de rue lyonnaise. A la fin des années 2000, il est un des principaux cadres de « Rebeyne », extension lyonnaise des Jeunesses Identitaire (organisation qui précédait Génération Identitaire). On retrouve encore des traces du passage de ce quarantenaire à la Traboule sur l’ancien site du bloc identitaire de Lyon. En 2013, il présentait, dans le local des identitaires lyonnais situé dans le Vieux Lyon, un livre sur le « racisme anti-blanc ». Dans le tweet ci-dessous, il est situé à l’extrême droite de la grande photo.
« Je ne connais pas le CV de toutes les personnes qui sont dans la manifestation. Monsieur Pichon est venu m’aider, il met une bonne ambiance, c’est pour cela qu’il prend le mégaphone. Il ne m’a jamais parlé d’identité et il n’y a pas de slogans identitaires dans nos manifestations », s’indigne Thibault Pillet contacté par Rue89Lyon, qui ne souhaite pas en dire plus sur le sujet.
Le Guignol Squad en guise de service d’ordre officieux
Lors d’un reportage précédent, nous avions noté la présence d’un service d’ordre officieux au sein de la manifestation anti-pass du 22 janvier. Les jeunes hommes qui le constituaient portaient, à la différence de la plupart des manifestants, des masques chirurgicaux, des cache-cols, voire pour certains – plus rares – des cagoules. Tandis que les manifestants monopolisaient la route, ils marchaient sur les trottoirs et guettaient de potentiels assaillants à chaque coin de rue.
Photo prise à l’arrivée de la manifestation anti-pass du 22 janvier, parvis Renée Richard, et postée sur Ouest Casual. Crédit capture d’écran Ouest Casual.
Il s’agissait du Guignol Squad, comme l’indiquera, dès lendemain, une photo et un message postés sur le groupe Telegram « Ouest Casual » – un canal qui rassemble plus de 14 000 followers et diffuse de la propagande identitaire et néonazi ainsi que des vidéos d’agression.
Formé durant les Gilets jaunes, le Guignol Squad est un regroupement informel de militants néofascistes, identitaires et hooligans, qui revendique des actions musclés notamment à l’égard de militants jugés antifascistes. Ce sont ces derniers qui sont d’ailleurs visés dans le post Télégram.
« Ce samedi, mobilisation contre le pass sanitaire. […] Après une après-midi à les [les antifas, ndlr] chercher dans le quartier de la Part-Dieu et sur la presqu’île, un groupe sera finalement repéré au milieu de Bellecour. Heureusement pour eux, ils s’enfuiront en direction d’une voiture de police en nous voyant arriver, la leçon de mercredi semble avoir été intégrée. Courez tant que vous le pouvez, nous n’aurons jamais fini de vous traquer ».
Questionné sur le sujet, Thibault Pillet n’a pas souhaité répondre à nos questions concernant la présence du Guignol Squad au sein de sa manifestation.
La Cocarde étudiante : cortège dans la manif anti-pass lyonnaise
Distinctement séparée du reste de la manifestation par une banderole “dictature sanitaire, jeunesse réfractaire”, la Cocarde étudiante lyonnaise était également présente au sein de la manifestation anti-pass lyonnaise dans la manifestation du 22 janvier.
Cette association étudiante d’extrême droite, notamment proche de Marion Maréchal-Le Pen, prétend combattre le “gauchisme culturel” dans les universités et s’enorgueillit d’être la seule organisation étudiante à être impliquée dans le combat anti-pass. Certains de ces membres ont également fait partie du service d’ordre d’Eric Zemmour lors de son meeting à Villepinte.
Au mégaphone, on trouvait Sinisha Uroŝ, jeune candidat aux élections du Crous pour la cocarde étudiante de Lyon. Placé devant la banderole, il animait un groupe d’une vingtaine de personnes à grand renfort de slogans et de fumigènes.
Cortège de la Cocarde étudiante lyonnaise.Photo : GB/Rue89Lyon
Les intégristes de Civitas : régulièrement dans les manifs anti-pass de Lyon
On note également la présence du parti politique catholique intégriste Civitas au sein des manifestations de Lyon pour la Liberté.
Dans les manifestations anti-pass lyonnaises, à la différence de la Cocarde, les membres de Civitas ne forment pas de cortèges visibles et leur présence est plus ponctuelle. Et pour cause : le responsable de Civitas Rhône-Alpes, David Brossard, est basé à Villefranche-sur-Saône.
On le trouve toutefois régulièrement en tête des cortèges anti-pass de Lyon pour la Liberté. Au mois d’août, il participait à une bagarre avec des militants antifascites, qui avait valu un procès à sept d’entre eux.
Au sein de la manifestation anti-pass lyonnaise, les militants de Civitas portent parfois des pancartes affichant le nom de leur organisation. L’une d’entre elles, déjà épinglée dans la presse, représente plusieurs personnalités politiques comme Emmanuel Macron, Olivier Véran, ou encore Edouard Philippe, surplombées par la figure de Bill Gates. Une image qui exprime une vision complotiste de la politique française, dirigée par une élite américaine.
Malgré tous ces éléments, Thibault Pillet refuse de reconnaître que son collectif anti-pass puisse avoir un quelconque lien avec l’extrême droite radicale lyonnaise. En conclusion de nos échanges, il a également déclaré ne plus vouloir communiquer avec Rue89Lyon, qualifiant nos articles de diffamant.
Lyon pour la Liberté manifestera de nouveau samedi 29 janvier dans les rues lyonnaises.
La stratégie territoriale de sécurité de la Ville de Lyon pour la période 2022-2026 adoptée en conseil municipal a été l’occasion d’une désormais habituelle opposition prévention/sanction entre la majorité écologiste de Grégory Doucet et son opposition.
Ce jeudi 27 janvier, les élus de la Ville de Lyon ont notamment re-parcouru le thème de la sécurité. Récurrent, il est abordé à quasi chaque séance du conseil municipal autour du quartier de la Guillotière. Il s’agissait cette fois de voter le cadre général de la politique de la Ville de Lyon en matière de sécurité et de prévention pour le reste du mandat.
La « stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance » est une obligation légale, découlant d’un diagnostic réalisé par la commune dans le cadre du conseil local de sécurité.
Le texte reprend donc les grands axes de la politique en matière de sécurité de la majorité écologiste. L’occasion de nouveaux débats autour de la stratégie connue du maire Grégory Doucet, qui souhaite avant tout agir sur la prévention.
« Renouveler le dispositif de médiation sociale nocturne » pour la Guillotière
Mohamed Chihi, adjoint à la sécurité, a ainsi détaillé les lignes de la politique municipale en matière de sécurité pour les quatre années à venir. La mairie souhaite renforcer le volet prévention.
« Nous allons travailler sur l’accompagnement et la prévention notamment des jeunes avant 12 ans. »
La Ville de Lyon souhaite également renouveler ou soutenir différentes initiatives comme « Jobs d’été » pour 100 jeunes bénéficiaires, ou « Ville Vie Vacances » mené par des associations permettant à des jeunes de 11 à 18 ans des quartiers inscrits en politique de la Ville et en situation de rupture scolaire ou en difficulté d’insertion de partir en vacances. Ainsi que d’autres actions en direction de publics vulnérables ou en proie à des addictions.
Autre axe : la médiation sociale.
Mohamed Chihi a dit vouloir renouveler le dispositif de médiation sociale nocturne et de création d’un conseil lyonnais de la nuit. Par ailleurs, la mairie souhaite recréer l’observatoire municipal de la tranquillité.
Sur l’aspect plus répressif, Mohamed Chihi a assuré que la mairie poursuivrait la vidéo-verbalisation et engagerait une refonte de la coordination entre les polices municipale et nationale. Le maire en a profité pour rappeler qu’il souhaite recentrer l’action de la police municipale sur la proximité et l’ilotage (partage d’une ville ou d’un quartier en divisions administratives placées sous la surveillance d’un policier).
Une police municipale dont la majorité actuelle a revalorisé les agents et voudrait encore augmenter les effectifs.
Pierre Oliver sur la sécurité à Lyon : « Revenez avec une proposition sérieuse »
Pierre Oliver, maire de Lyon 2è à l’occasion de la conférence de presse sur l’enquête le projet de téléphérique le 8 novembre 2021Photo : LS/Rue89Lyon
Du côté de l’opposition, on a ressorti les tacles habituels. Pierre Oliver, maire Ls Républicains du 2e arrondissement, a demandé au maire de « restaurer l’ordre républicain » dans la ville et a redit sa crainte que ce dernier ne souhaite pas réellement « régler le problème de l’insécurité ».
Il alors raillé les orientations de la majorité écologiste trop tournées sur la prévention :
« Vous voulez lutter contre l’absentéisme de certains enfants sans sanction contre les parents. Vous prévoyez des rencontres culturelles et sportives avec des délinquants. Vous prévoyez des emplois alternatifs payés à la journée, des témoignages de repentis [du terrorisme notamment, ndlr] sans témoignages de victimes, un conseil lyonnais de la nuit, des rencontres théâtrales entre police et jeune, des opérations de communication contre le harcèlement de rue ou les violences contre les personnes LGBT et un plan d’apaisement de la place Gabriel Péri qui consiste en une modification de l’urbanisme et la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil…
Je vous propose de retirer cette délibération et de revenir au prochain conseil municipal avec une proposition sérieuse !»
Les écologistes vont-ils répondre aux inquiétudes avec la brigade spéciale qui sera déployée dans les prochains jours dans le quartier de la Guillotière ? Elle doit être composée de 31 policiers expérimentés et présente 7 jours sur 7.
« Il n’y a pas des indiens et des cow-boys »
Mohamed Chihi. Conseil municipal de Lyon du 10-07-2020Photo : H.Haddouche/Rue89LyonilMunicipal10-07-2020_H.Haddouche-Rue89-9
L’adjoint à la sécurité, Mohamed Chihi, lui a répondu en réaffirmant le sens de la stratégie des écologistes :
« Il n’y a pas des indiens et des cow-boys en matière de sécurité mais des individus qui s’adaptent à leur contexte. On veut agir sur le contexte pour éviter les passages à l’acte.»
Les débats ont été une nouvelle fois l’occasion de faire le procès des caméras de vidéosurveillance. Plutôt inutiles pour la majorité de gauche et insuffisantes pour l’opposition, notamment de droite. Comme il l’a déjà fait par le passé, notamment dans nos colonnes sur le secteur de la place Gabriel Péri, le maire Grégory Doucet a défendu une approche diversifiée.
« Les raisons de l’insécurité et de la délinquance sont multifactorielles et appellent des réponses et des compétences multiples, complexes et partenariales »
Rendez-vous au prochain fait-divers ou prochain conseil municipal pour une répétition de la pièce.
[Droit de suite] Le tribunal judiciaire de Lyon a condamné Grand Lyon Habitat à effectuer urgemment des travaux dans trois appartements de son parc immobilier situés rue des Deux Amants, près de Gorge de Loup (Lyon 9e).
En matière de logement indécent, on voit plutôt des propriétaires privés indélicats à la barre du tribunal. Là, il s’agit de Grand Lyon Habitat – l’un des plus gros bailleurs sociaux de la Métropole de Lyon. Trois de ses locataires ont en effet saisi la justice pour enfin faire réaliser des travaux, après de multiples alertes.
Portes calfeutrées avec du scotch pour éviter à l’air de passer, traînées noires sur les murs, factures de chauffage au coût exorbitant et même, dans un cas, la tuyauterie qui finit par exploser à cause de l’humidité : La situation de la rue des Deux Amants (Lyon 9è) dure depuis 2019 sans aucune amélioration notable.
Dans une décision datée du 17 décembre dernier, le tribunal judiciaire de Lyon a donc enjoint le bailleur social à effectuer des travaux, « dans les deux mois », avec astreinte de 100 euros par jour si les travaux ne sont pas réalisés à temps.
Ce n’est pas tout, les trois plaignants bénéficient chacun de 1 000 euros d’indemnisation de leur préjudice ainsi que de 800 euros pour couvrir l’ensemble des frais engagés.
Les travaux concernent la réhabilitation des fenêtres et portes d’entrée non étanches. Grand Lyon Habitat doit aussi effectuer des recherches sur la cause des humidités et moisissures pour les trois locataires avec pour objectif de régler le problème. Le bailleur social doit aussi réparer la VMC pour un des appartements.
Un constat d’huissier reconnaissant « une prolifération de moisissures »
Les trois familles ont été représentées par la Confédération Syndicale des Familles (CSF), une association de défense des consommateurs et des locataires située dans le Rhône. Cette décision est un camouflet pour le bailleur social qui réfute les accusations de logements insalubres portées par trois de ses locataires depuis 2019.
L’avocate de la Confédération Syndicale des Familles a notamment appuyé son argumentation sur un constat d’huissier daté de janvier 2021 auparavant effectué à la demande de CSF. L’huissier relève de nombreux problèmes dans les trois logements :
« L’humidité génère la prolifération de moisissures et endommage le mobilier meublant l’appartement, notamment les appareils électroménagers des requérants. »
Le même constat fait état de fenêtres qui laisse passe infiltrations d’eau et d’air, alors même qu’elles sont fermées.
Une enquête d’insalubrité en 2020
L’huissier note également que la situation dure depuis plusieurs années. Et ce malgré une enquête d’insalubrité déjà effectuée le 19 février 2020 par le service Hygiène Urbaine de la Ville de Lyon. Les résultats de cette enquête avaient été envoyés au bailleur social une semaine plus tard, portant à la connaissance de Grand Lyon Habitat les problèmes d’insalubrité dans différents logements.
Pourtant, le bailleur social n’a depuis effectué que des petits travaux dans les logement, comme de changer le vinyle au sol du couloir d’un des logements.
Le constat d’huissier fait état de « différentes relances des locataires » que le bailleur social aurait ignorées.
Pour Jean-Pierre Ottaviani, président de la Confédération Syndicale des Familles du Rhône et conseiller d’arrondissement du 9e, il s’agit d’une « petite victoire » qui va créer un précédent :
« Même si ça peut paraître banal, ça envoie un message : Ce n’est pas normal de faire vivre les gens dans des conditions pareilles. »
[Série 2/5] La SPA de Lyon et du Sud-Est possède un service « enquête » qui peut intervenir en cas de maltraitance animale sur les départements du Rhône, de la Loire, de l’Ain et de l’Isère. Il est de plus en plus fortement sollicité.
24 décembre 2021, à la veille de Noël. En fin d’après-midi, le commissariat de Vaulx-en-Velin appelle en urgence la SPA de Lyon et du Sud-Est.
Des dizaines d’animaux sont livrés à eux-mêmes dans un logement laissé vacant depuis plusieurs semaines. Sans eau ni nourriture, des lapins, des tortues, des lézards, de nombreuses gerbilles et d’autres rongeurs pataugent dans leurs déjections et les cadavres d’autres animaux.
Le soir-même, 19 animaux ont pu être sauvés et recueillis au refuge de la SPA de Lyon et du Sud-Est, à Brignais.
Si l’association recueille chaque année des milliers de chiens abandonnés, sa mission ne s’arrête pas là. Comme pour ce sauvetage à Vaulx-en-Velin, le service « enquête » de la SPA de Lyon et du Sud-Est est fréquemment sollicité par des particuliers ou les forces de l’ordre, pour intervenir sur des cas de maltraitance animale.
Violences physiques ou même sexuelles, négligence, combats organisés… Dans les quatre départements couverts, le Rhône, la Loire, l’Ain et l’Isère, les signalements ne cessent pas.
30 signalements de maltraitance par semaine au service enquête de la SPA de Lyon
« C’est un sacerdoce, commente Sébastien Grève, responsable de l’un des deux refuges de la SPA de Lyon et du Sud-Est, à Brignais. Nous avons quatre employés à temps plein. Chaque semaine, il y a 30 signalements. »
Lui-même a été inspecteur dans ce même service enquête de la SPA de Lyon et du Sud-Est pendant 7 ans, avec 300 saisies par an environ.
« Une fois, on a trouvé une quinzaine de cadavres de chiens dans le vide sanitaire d’une maison », se souvient-il.
Téléphone vissé à l’oreille, Sébastien Grève s’excuse et s’éloigne de quelques pas. Un inspecteur vient de découvrir un cadavre de chien.
Dans le vaste bureau du service enquête, une jeune femme prénommée Julie est pendue au téléphone tandis qu’un gros lapin inspecte les lieux. Au bout du fil, un énième signalement concernant un élevage clandestin de chiens, bien connu de la SPA de Lyon.
« Chaque jour, on a au moins un signalement, explique Julie en raccrochant. Il y a des gens qu’on suit pendant des années. On ne peut pas aller plus loin que la législation. »
D’après le texte en vigueur de cette législation, pour un chien par exemple, il suffit que l’animal ait un local avec de la lumière et une aération, un enclos de 5 m² ou une niche, de l’eau et de la nourriture, et une longe d’au moins trois mètres s’il est attaché.
Chaque semaine, le service enquête de la SPA de Lyon et du Sud-Est reçoit 30 signalements pour maltraitance animale.Photo : OM/Rue89Lyon
80 plaintes pour maltraitance déposées chaque année par la SPA de Lyon et du Sud-Est
Chaque signalement fait au service enquête de la SPA de Lyon est anonyme. L’association procède ensuite en partenariat avec les forces de l’ordre, les mairies et les directions départementales de la protection des populations, selon les situations.
Les deux inspecteurs du service enquête de la SPA de Lyon couvrent à eux seuls quatre départements : le Rhône, la Loire, l’Ain et l’Isère. Après chaque signalement, ils se déplacent sur les lieux au maximum dans les 15 jours. Dans le cas où un animal serait en urgence vitale, ils arrivent immédiatement.
La SPA peut également se constituer partie civile et porter plainte contre les propriétaires maltraitants. Ce qu’elle fait environ 80 fois par an.
Les animaux rescapés sont recueillis par le refuge de Brignais et soignés. Certains peuvent aussi être pris en charge par des associations spécialisées, comme par exemple le Groupement de Réflexion et d’Action pour l’Animal (Graal) qui s’occupe des animaux de laboratoire.
Sébastien Grève se désole de la lenteur des procédures judiciaires pour maltraitance qui peuvent durer jusqu’à deux à trois ans, que les animaux maltraités passeront au refuge, sans pouvoir être proposés à l’adoption.
Des chiens catégorisés, des malinois et même des moutons saisis
Souvent, les inspecteurs interviennent auprès de personnes souffrant de troubles psychiatriques comme les syndromes de Diogène et de Noé, qui consistent à accumuler des objets et des animaux chez soi. Mais aussi dans le cadre du trafic de chiens.
« Il y a six mois, on a saisi 56 chiens de race chez une éleveuse de la Loire, c’était un élevage clandestin, commente Sébastien Grève. On a aussi eu récemment un cas de zoophilie sur un chiot dans le Jura. »
Parmi les chiens saisis pour maltraitances, les chiens catégorisés (comme les pit-bulls, pour exemple) et les bergers belges malinois sont sur-représentés.
Le service enquête constate une augmentation du nombre de signalements, qui est liée, selon ses agents, au fait que les témoins de situations de maltraitance seraient désormais plus prompts à agir. Ainsi, les espèces saisies par la SPA de Lyon varient.
« On intervient de plus en plus sur les abattages illégaux, surtout en période de l’Aïd », précise Sébastien Grève qui évoque la saisie récente de 12 moutons.
D’après lui, comme dans le cas de Vaulx-en-Velin cité au début de cet article, les « nouveaux animaux de compagnie » (NAC) – rongeurs, oiseaux, reptiles, batraciens, etc – ne sont pas épargnés par ces actes de maltraitance, bien au contraire.
Au refuge de Brignais, de nombreux chiens catégorisés ont été confiés à la SPA de Lyon et du Sud-Est suite à des signalements pour maltraitance.Photo : OM/Rue89Lyon
« Nous avons de plus en plus de cas de sévices graves »
Les équipes du service enquête constatent une augmentation de la proportion de maltraitances dites « actives ». Sébastien Grève évoque notamment des chats découpés à la machette ou balancés contre les murs, des chiens jetés du 14e étage d’un immeuble, dans l’agglomération lyonnaise.
« Nous avons de plus en plus de cas de sévices graves. Il y a 50 ans, c’était principalement de la maltraitance passive, comme de la négligence. Dans une société qui est de plus en plus violente, les humains sont de plus en plus violents envers leurs congénères donc aussi envers l’animal. »
Quant aux combats de chiens, le responsable du refuge assure qu’il y en a toujours, bien qu’ils se fassent plus discrets en communiquant via les réseaux sociaux.
Depuis décembre 2020, la SPA de Lyon et du Sud-Est propose aux forces de l’ordre et aux administrations une formation gratuite aux questions de maltraitance animale. Le programme présente notamment la réglementation en vigueur, les autorités compétentes et le fonctionnement du service enquête de la SPA de Lyon.
« On fait comme les forces de l’ordre d’autres pays, explique Sébastien Grève. Nous, on veut professionnaliser quelque chose qui n’existe pas. »
La SPA de Lyon et du Sud-Est constate une augmentation de la proportion de sévices graves dans les cas de maltraitance, y compris chez les chiots. Ceux-là ont été trouvés dans un sac, jeté dans un champ.Photo : OM/Rue89Lyon