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Être handicapée et se déplacer à vélo à Lyon : « j’ai gagné en autonomie »

Être handicapée et se déplacer à vélo à Lyon : « j’ai gagné en autonomie »

Myriam est atteinte de sclérose en plaques. En situation de handicap, elle peut cependant se déplacer à vélo à Lyon. Les bénéfices de sa pratique sont nombreux, elle milite donc pour un accès au vélo pour les personnes handicapées qui le peuvent.

Lorsqu’elle se déplace sur son tricycle à Lyon, Myriam étonne. Des personnes l’arrêtent régulièrement pour lui demander d’où vient son vélo, d’autres se retournent ou s’approchent, intrigués. C’est sûr, voir une femme adulte se déplacer sur cette étrange bicyclette à l’assise basse et aux larges trois roues, ce n’est pas habituel.

Une conseillère municipale de Lyon s’était même ironiquement moquée à l’évocation d’une personne handicapée à vélo lors d’un conseil municipal en novembre 2021. Myriam aimerait que cela devienne une vision ordinaire et non plus un sujet de moquerie ou d’étonnement. Depuis deux ans et demi, la quarantenaire a fait de son tricycle son mode de déplacement favori.

« Dès qu’un trajet fait plus de 400 ou 500 mètres, je prends le vélo »

Myriam est atteinte de sclérose en plaque, une maladie qui lui cause des douleurs et de la fatigue. Couplés à des vertiges, cela l’empêche de se déplacer longtemps à pied où en transports. Difficile aussi pour Myriam d’utiliser un vélo classique, à cause du manque d’équilibre. Assise sur son tricycle à assistance électrique, elle peut se déplacer sans trop se fatiguer, bien assise sur sa selle, avec beaucoup plus de stabilité.

« Dès qu’un trajet va faire plus de 400 ou 500 mètres, je prends le vélo. Je ressens peu de douleurs ou de fatigue, je peux faire plein de choses. »

La Lyonnaise a acquis son vélo en 2020, dépensant au passage 2850 euros auprès de la société Damius. Elle a pu bénéficier d’une aide de la Maison Départementale pour les Personnes Handicapées (MDPH), la Prestation de compensation du handicap, à hauteur de 1950 euros.

Le tricycle : une aide pour le quotidien d’une personne handicapée

Son tricycle PMR [Personne à Mobilité Réduite] est synonyme de mobilité retrouvée. Myriam peut acheter ses légumes au marché, aller chercher des courses au drive, qu’elle dépose dans le panier à l’arrière de son vélo.

« Ça a changé ma vie, j’ai gagné en autonomie. Maintenant j’arrive à aller à peu près n’importe où », résume-t-elle.

Surtout, la mère de famille peut se déplacer avec sa fille, dont le petit vélo rose trône sur le balcon. Elle l’accompagne au parc, à différentes activités et parfois même à l’école au coin de la rue lorsque le trajet à pied lui est trop fatiguant. Myriam a même fait l’achat d’un chasuble « famille à vélo ».

« J’ai suivi une formation à la Maison du vélo de Lyon car je devais accompagner seule ma fille. Mon compagnon ne fait pas de vélo. J’essaye de rouler au maximum sur les pistes cyclables avec elle. »

Depuis qu’elle a commencé à rouler, la quarantenaire y a vu un autre avantage : son tricycle lui permet de pratiquer une activité physique, sans trop se fatiguer.

« Ma kinésithérapeute me dit que c’est bien de faire du vélo, ça me permet de bouger et c’est aussi bénéfique pour ma vie sociale. »

Car sans vélo, Myriam ne pourrait pas autant sortir de chez elle : Impensable d’aller seule voir des spectacles ou participer à la vie d’une association.

Une mordue du vélo à Lyon qui ne pensait plus pouvoir en faire

Avant de tomber malade, Myriam était très active. Cette Lyonnaise, installée dans la ville depuis le début des années 2000, a d’ailleurs toujours utilisé une bicyclette pour ses déplacements.

« J’ai fait du vélo en ville dès les années 90. J’ai roulé à une époque où il n’y avait pas grand chose comme aménagement. Maintenant les automobilistes font beaucoup plus attention, mais à l’époque les voitures tournaient sans regarder s’il y avait un vélo derrière elles. »

Vélo handicapée Lyon
Myriam utilise un tricycle adapté pour se déplacer à Lyon. En situation de handicap, cela lui permet d’être plus autonome.Photo : Marie Allenou/Rue89yon

La sclérose en plaque de Myriam s’est déclarée en 2010. Pendant plusieurs années, sa maladie l’a forcée à se déplacer en fauteuil roulant ou en déambulateur. Elle s’est donc mise en retraite anticipée de l’un de ses deux métiers, l’enseignement, et a fait une croix sur le cyclisme. Même après avoir retrouvé de la mobilité, elle ne s’imaginait plus enfourcher de vélo.

« Autour de moi, je ne voyais personne qui faisait du tricycle. Je ne savais même pas que ça existait et je ne pensais pas que je pourrai refaire du vélo. »

« On n’est pas beaucoup de personnes handicapées à faire du vélo à Lyon, parce que c’est compliqué »

Elle finit pourtant par trouver des informations sur un tricycle adapté aux PMR et fait des essais avec un commercial de la société Damius (qui ne propose dorénavant plus ce service). Elle finit par acquérir un modèle, il y a deux ans et demi. Elle teste aussi les vélos Benur adaptés aux personnes en fauteuil ou à faible mobilité. Ils lui conviennent moins car il faut accéder au siège par un plan incliné, trop incliné pour l’équilibre de Myriam, ou par une marche trop haute à monter à l’avant.

Pour adapter son tricycle à sa conduite, elle y ajoute un rétroviseur. Cela lui de permet de moins tourner la tête, diminuant ses vertiges. Aujourd’hui, elle se sent à l’aise dans la circulation lyonnaise.

« On n’est pas beaucoup de personnes handicapées à faire du vélo en ville à Lyon parce que c’est compliqué. Ce qui m’a aidée, c’est que j’en ai fait par le passé. Maintenant, je roule partout, mais c’est parce que j’en ai l’habitude. »

Myriam nous emmène faire un petit tour à vélo autour de Sans-souci (Lyon 3è). Avec son assistance électrique et ses vingt années de vélo derrière elle, elle nous distance facilement. Alors qu’on peine à la suivre, elle nous attend régulièrement pour nous montrer les passages et installations qui lui posent problème.

Très rapidement, elle nous indique une première difficulté, invisible pour nous. La piste cyclable sur le bord de la route, rue du Dauphiné, est légèrement en dévers, en pente vers la droite. Une situation dangereuse pour Myriam, car avec son tricycle, elle pourrait basculer.

« Ici, je dois rouler au milieu de la route et les automobilistes ne comprennent pas toujours. Parfois aussi les contre-sens cyclables ne sont pas assez larges pour que je passe. »

Rouler à vélo en tant que personne handicapée : quelles difficultés ?

Myriam tente d’éviter au maximum ces contre-sens cyclables, l’obligeant à anticiper ses trajets. Parfois, quand la piste cyclable n’est pas adaptée, mais pas obligatoire, elle doit rouler sur la voie des voitures, occasionnant ce qu’elle nomme poliment des « conflits d’usage », autrement dit :

« Je supporte très mal de me faire engueuler par des automobilistes alors que je respecte le code de la route. »

Une problématique qu’elle partage avec les autres cyclistes qui ne sont pas handicapés. Elle évoque aussi les inévitables voitures garées sur les pistes cyclables. Un phénomène illustré quelques minutes plus tard par le stationnement d’un utilitaire, warning allumés, stationné sur une bande cyclable.

« Parfois, des conducteurs qui tentent d’être plus attentifs aux vélos se garent sur la piste cyclable en laissant un peu de place sur la droite pour laisser passer les cyclistes. Mais moi, avec mon tricycle, je ne peux pas passer. »

Au long du trajet, elle nous signale aussi de petits obstacles : potelets, rochers, petits terre-pleins ou dispositifs anti deux roues motorisées, qui l’empêchent de tourner ou d’accéder à certains endroits, comme les parcs où elle emmène sa fille jouer.

Être handicapée à vélo à Lyon : le plus dur reste de se garer

Notre petite boucle dans le quartier de Myriam nous aura permis de nous rendre compte d’une chose : faire du vélo en tant qu’handicapée à Lyon ne présente pas de difficulté majeure. C’est plutôt la somme des petits aménagements mal pensés qui rend l’expérience compliquée.

Myriam souligne que sa plus grande source de galères est de garer son tricycle. Plus large et plus imposant que les vélos classiques, il ne peut pas être accroché n’importe où. Ce qui nécessite plus de logistique.

« Il me faut un arceau complet pour me garer. Avant de me rendre quelque part, je regarde toujours où je peux stationner, pour avoir plusieurs options. Ça suscite beaucoup de stress chez moi. »

Vélo handicapée Lyon arceau stationnement
Pour garer son tricycle PMR, Myriam a besoin d’un arceau complet.Photo : Marie Allenou/Rue89Lyon

Parfois, d’autres difficultés se présentent. Lorsqu’une voiture est garée trop près des arceaux, le tricycle de Myriam ne peut pas passer avec ses 68 centimètres de large. De même, si les arceaux sont situés sur un trottoir, la marche à franchir est parfois trop haute pour le tricycle, dont le cadre est bas et proche du sol.

La quadragénaire se tourne alors vers les emplacements pour vélo cargo, qui correspondent mieux aux caractéristiques de son vélo. Même s’ils sont souvent « squattés par des scooters ou des motos », dénonce-t-elle.

Militer pour une pratique du vélo par les personnes handicapées

Malgré ces difficultés, Myriam reste convaincue que l’utilisation d’un vélo adapté pourrait être bénéfique aux personnes handicapées qui le peuvent et aux personnes âgées. Elle participe à un groupe au sein de l’association la Ville à vélo, intitulé : « Commission Vélo pour toutes et tous, vélo inclusif ».

« On essaye d’être sur des salons pour informer le public. On est aussi en lien avec la Métropole de Lyon. »

Myriam explique que peu de personnes handicapées ont pratiqué le vélo autant qu’elle dans leurs jeunes années. Ils osent donc peu passer le pas du tricycle :

« On essaye d’appuyer pour qu’à la Métropole ils mettent en place un vélo école pour les personnes handicapées. La difficulté du tricycle est d’apprendre à en faire. Au début, il faudrait faire des entraînements dans un parc puis sur de petites sorties pour être à l’aise. »

En attendant, elle pousse à son échelle pour l’édification de plus petits aménagements auprès de structures privées ou publiques. Avec la Ville à Vélo elle a pris attache avec le groupement hospitalier Est pour installer des arceaux pour vélo PMR devant le service de cardiologie et neurologie, où elle a déjà été suivie.

« Il y a la piste cyclable sur le boulevard Pinel qui est très accessible à vélo, mais pour se garer il faut rester sur le boulevard Pinel et venir à pied. Ce qui me fait parcourir plusieurs centaines de mètres ».

#PMR

Sorties à Lyon : la sélection de la rédaction du 21 au 27 septembre

Sorties à Lyon : la sélection de la rédaction du 21 au 27 septembre

La rédaction de Rue89Lyon vous suggère quelques sorties à Lyon cette semaine. Nos choix culture, concerts, théâtre, rencontre littéraire, sont les suivants. Vous pouvez la compléter de vos bons plans en commentaires.

Carrère en (13) novembre

Qu’il sévisse dans le roman, l’écrit personnel ou le récit-reportage, on est rarement déçu par les livres d’Emmanuel Carrère. Par le dernier encore moins, quand bien même le sujet – le procès des attentats du 13 novembre 2015 – serait casse-gueule et le livre un recueil de chroniques dudit procès pour L’Obs. Sauf que mises bout-à-bout, voilà un document qui décortique cet énorme procès (plus de neuf mois) avec une grande humanité et un vrai travail de mise à bonne distance de l’auteur. Comme celui-ci en parle très bien on peut aller écouter l’auteur en direct en Librairie.

Emmanuel Carrère, le 21 septembre à la Librairie Passages

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Emmanuel Carrère. Photo Hélène Bamberger

Nou(i)ba sauce arabo-andalouse

Nouiba de Fès, c’est d’abord une rencontre, lors d’une résidence au Conservatoire de musique arabo-andalouse de Fès. Entre des membres du groupe lyonno-algérois Nouiba et des professeurs et musiciens du Conservatoire. Fusion des traditions respectives (en droite ligne d’Al andalous : chaâbi, ça’naa…), élaboration d’un répertoire et voilà Nouiba de Fès. Traditions savantes et populaires maroco-algériennes et au milieu, forcément, la danse. Notons qu’en matière de son maghrébin et oriental, l’Opéra Underground ne déçoit jamais. Y aller les yeux fermés et les esgourdes grandes ouvertes.

Nouiba de Fès, le 23 septembre à l’Opéra Underground

Chaud/froid, surtout chaud

Fondé par des membres de Last Train, l’agence de diffusion et de production Cold Fame fête ses huit ans. Le groupe, lui, célèbre la fin de sa tournée au long cours The Big Picture – comme l’album du même nom. Ça valait bien une petite soirée entre amis, avec Last Train en locomotive et quelques groupes chouchous de la maison Cold Fame. A savoir les Lyonnais de Bandit Bandit, redoutable couple rock de la scène locale, et Johnnie Carwash, du bon garage mais aussi du national Mnnqns, Park (Lysistrata + François Atlas), W!zard et de l’international avec entre autres Penelope Isles pour un peu de fuzz psyché et Aratan N’akalle (énième merveille de blues touareg. Et un membre de Cold Fame pour faire le DJ. Cold mais chaud !

Cold Fame Party, le 24 septembre au Transbordeur.

Les Clochard célestes à la folie

C’est l’ouverture de la saison des Clochards Célestes et comme pour Les Célestins, il est question de changement de direction. Car le festival La Grande folie qui inaugure sa direction a été ourdi par Martha Spinoux, avec la metteuse en scène Gabriela Alarcón. Le tout est pensé comme une fête et porté par une carte blanche au collectif, féministe et féminin, les Tetch’s et cinq compagnies. Au menu : 15 jours de spectacles (Confesiones Temporales, Pratique de la ceinture, Dosis de melancolía pura para el corazón, Bocal pour un bingo, Le Rien…) performances, projections, ateliers mais aussi un Time’s up géant (pour celles et ceux qui préféreraient les jeux de société au théâtre). Ça s’est ouvert le 17 mais il reste plein de choses à voir et faire.

La Grande Folie, jusqu’au 29 septembre au Théâtre des Clochards Célestes.

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Confesiones Temporales. Julia Silvia. Photo : Silvia Echevarria Archivo Apuntador

Stavisky en villégiature

C’est la dernière mise en scène de Claudia Stavisky en tant que directrice des Célestins. Et donc un événement. La metteuse en scène adapte ici la célèbre Trilogie de la villégiature de Goldoni (La Manie de la villégiature, Les aventures de la villégiature et Le Retour de la villégiature) dans laquelle la bourgeoisie tente de rivaliser en apparence avec une aristocratie bien au-dessus de ses moyens. Mais Stavisky transpose l’affaire de la Venise du XVIIIe siècle à l’Italie des années 50. C’est vif et virtuose, servi par une pléiade de comédiens premiums. Inratable.

La Trilogie de la villégiature, jusqu’au 8 octobre au Théâtre des Célestins

Affaire Arthur Naciri : deux policiers de la BAC jugés ce jeudi à Lyon

Affaire Arthur Naciri : deux policiers de la BAC jugés ce jeudi à Lyon

Le procès de deux policiers de la BAC doit avoir lieu ce jeudi au tribunal de Lyon. Ils sont accusés d’avoir agressé Arthur Naciri en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites, en 2019. Cette affaire, révélée par Rue89Lyon et renvoyée quatre fois par le tribunal, est devenue un symbole pour les victimes de violences policières.

Le procès devrait avoir lieu, en théorie du moins. Ce jeudi 22 septembre, deux policiers de la Brigade anti-criminalité (BAC) de Lyon doivent comparaître au tribunal. Ils sont accusés d’avoir « brisé la mâchoire » et neuf dents au jeune Arthur Naciri en 2019, en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites à Lyon.

Prévu initialement le 10 décembre 2020, ce procès a déjà été renvoyé à quatre reprises, et donc reporté à chaque fois à une date ultérieure. La dernière fois, c’était le 1er avril 2022. En cause ? Une grosse affaire jugée le même jour et un complément d’information arrivé trop tard, avait annoncé le tribunal. Cette décision surprise avait entrainé un climat de tensions devant les portes de la salle d’audience. Un proche de la défense avait même tenté d’intimider le jeune homme.

Arthur Naciri au tribunal de Lyon
Arthur Naciri à la sortie de son troisième passage au tribunal de Lyon en avril dernier.Photo : PL/Rue89Lyon.

Trois ans après, Arthur Naciri toujours en attente d’un jugement

A 26 ans (23 ans au moment des faits), le jeune homme attend toujours justice. Révélées par Rue89Lyon, les photos de sa bouche en sang avaient donné à l’affaire une tournure publique. Celle-ci était devenue un emblème à l’heure des manifestations contre la loi de sécurité globale, visant à limiter la diffusion d’images de policiers. 

Pour les victimes de violences policières, l’affaire Naciri est restée un symbole de l’impunité dont bénéficient certains policiers. Selon le site Flagrant Déni, les deux membres de la BAC accusés de violences n’ont pas été suspendus de leurs fonctions. L’un d’entre eux serait même monté en grade quand l’autre participerait toujours aux jurys de formation. Deux ans et demi après la fin de l’enquête, le tribunal devrait entendre leurs versions des faits ce jeudi.

Lyon : une manifestation en soutien aux jeunes migrants de la Croix-Rousse

Lyon : une manifestation en soutien aux jeunes migrants de la Croix-Rousse

Une manifestation aura lieu ce mercredi 21 septembre pour alerter sur le sort d’une cinquantaine de jeunes migrants qui campent dans un square de la Croix-Rousse (Lyon 4e). Une situation qui rappelle amèrement celle de l’été 2021.

Depuis le 5 juillet, une cinquantaine de jeunes en situation de migration campent dans un jardin public de la Croix-Rousse, dans le 4e arrondissement de Lyon. Tous se disent mineurs, mais n’ont pas été reconnus comme tels au cours de l’évaluation effectuée par l’association Forum Réfugiés pour le compte de la Métropole de Lyon. Non pris en charge par les services métropolitains de la protection de l’enfance, ils se sont retrouvés à la rue, sans solution d’hébergement.

Retour à la case départ dans ce square de la Croix-Rousse

La situation n’est pas nouvelle. Durant l’été 2021 déjà, plusieurs dizaines de jeunes migrants campaient dans ce même square du 4e arrondissement de Lyon, pour les mêmes raisons. En un an, deux squats ont été ouverts à la Croix-Rousse, qui ont accueilli jusqu’à 150 jeunes, non-reconnus mineurs par la Métropole mais en recours devant le juge des enfants.

Nombre d’entre eux ont ensuite été pris en charge dans la Station 2, un dispositif novateur financé conjointement par les services de l’État, la Ville et la Métropole de Lyon.

Pour autant, de nouveaux jeunes continuent à se présenter devant Forum Réfugiés pour faire valoir leur minorité, mais ne sont pas reconnus comme tels à l’issue d’une évaluation. Par manque de place dans les « Stations », ils se retrouvent sous une toile de tente dans ce même jardin public du 4e arrondissement de Lyon. Plus d’un an après le premier campement, c’est un véritable retour à la case départ.

Lyon migrants
Après une mise à l’abri exceptionnelle pendant la crise sanitaire, les jeunes migrants dont la minorité a été contestée sont remis à la rue depuis début mai 2021. Jusqu’à l’ouverture d’un premier squat fin juin 2021, le Collectif de soutien aux migrants de la Croix-Rousse avait organisé un campement dans le jardin du général Ferrié.Photo : OM/Rue89Lyon

À Lyon, une manifestation et trois rassemblements en soutien aux jeunes migrants

Ce mercredi 21 septembre, les riverains bénévoles du collectif de soutien aux jeunes migrants de la Croix-Rousse appellent à une nouvelle mobilisation pour alerter sur la situation de leurs protégés. Comme pour la première mobilisation qui avait eu lieu dès le 5 juillet, le cortège se rassemblera devant l’Hôtel de Ville de Lyon le mercredi 21 septembre à 13h puis rejoindra la préfecture et la Métropole, devant lesquelles des rassemblements seront également organisés. Les Lyonnais·es mobilisé·es demandent à ce qu’une délégation soit reçue à chaque étape, dans chacune de ces trois institutions.

#Hôtel de Ville

Des mobilisations en collèges et lycées pour récupérer des CPE à Lyon

Des mobilisations en collèges et lycées pour récupérer des CPE à Lyon

Trois collèges et lycées de la métropole de Lyon se sont mobilisés dès la rentrée, pour dénoncer les suppressions de postes de CPE dans leurs établissements respectifs. Grèves, audiences avec le recteur et rassemblements : les personnels des établissements peinent à se faire entendre.

« On ne s’attendait pas à ce que le poste ait tout bonnement disparu à la rentrée », se désole Lilas Bigret-Combes, professeure d’histoire-géographie au collège Jean-Macé de Villeurbanne. Son établissement s’est mobilisé pendant toute la semaine de la rentrée pour tenter de récupérer le mi-temps de Conseiller Principal d’Éducation (CPE) dont l’équipe éducative a subitement appris la disparition. Plusieurs d’entre eux avaient pourtant été reçus en audience avec le rectorat en juillet dernier, raconte l’enseignante syndiquée au SNES :

« On voulait s’assurer qu’on n’aurait pas de mauvaise surprise à la rentrée, ça fait déjà quelques années qu’ils nous menacent de nous supprimer notre mi-temps de CPE. »

Un mi-temps durement gagné par une mobilisation globale de l’établissement en 2017. Cette année-là, les effectifs du collège avaient augmenté, notamment du fait d’une nouvelle sectorisation de la carte scolaire :

« Nous ne sommes pas un établissement d’éducation prioritaire mais une partie de nos élèves vient d’écoles en REP. Nous accueillons un public mixte et certains élèves ont besoin de plus d’accompagnement que d’autres. »

« Les CPE sont vitaux pour les établissements scolaires de Lyon »

L’équipe éducative a appris la fermeture de ce mi-temps de CPE quelques jours avant la rentrée. La majorité du personnel a souhaité se mettre en grève. Les enseignants ont donc accueilli les élèves pour la pré-rentrée avant de refermer les portes de l’établissement pour les premières jours de classe de l’année, les 5, 6 et 7 septembre 2022. Lilas Bigret-Combes considère que ce n’était pas forcément une situation idéale :

« Il a fallu expliquer aux parents des élèves de 6e pourquoi les CPE sont vitaux pour un établissement scolaire. C’est normal de ne pas comprendre quand on a connu que l’école primaire. »

Des explications qui ont visiblement fait leur chemin car ce sont les parents d’élèves qui ont organisé les « journées mortes » du jeudi et du vendredi suivant. Il s’agit de journées où seuls les parents qui n’ont pas d’alternative ont envoyé leurs enfants au collège.

Rassemblement pour un CPE au collège Jean Macé de Villeurbanne. Photo par Lagertha Photographie
Rassemblement pour un CPE au collège Jean Macé de Villeurbanne. Photo par Lagertha Photographie

Au lycée Condorcet, à Saint-Priest, c’est le 12 septembre que 60% de l’équipe enseignante s’est mis en grève. L’établissement qui compte 1600 élèves a fait face à une problématique similaire à celle du collège Jean-Macé. L’année dernière, il y avait deux postes de CPE titulaires à temps plein et une contractuelle à mi-temps. Cette année, il n’y aura plus qu’un seul poste à temps plein, deux postes à mi-temps et un tiers-temps en formation.

Des enseignants pris de court par la suppression des CPE à Lyon

Sabine Collardey est syndiquée à Sud éducation, elle enseigne la philosophie au lycée Condorcet depuis 2018. Elle rappelle que deux mi-temps ne sont pas égaux à un temps plein :

« Ce qui compte dans le métier de CPE, c’est le suivi des élèves, chaque jour. C’est pour ça que multiplier les mi-temps, ça n’a pas de sens. De même que des CPE en formation ne sont pas aussi utiles que des diplômés expérimentés. »

L’équipe pédagogique a appris la nouvelle de la suppression d’un poste à temps complet alors que deux des CPE sont en congé longue durée. C’est la stupeur générale qui aurait guidé la décision de faire grève :

« Contrairement à d’autres établissements de culture plus militante, ici, l’équipe enseignante ose moins faire grève. À chaque réforme, on essaye de bricoler en interne pour trouver des solutions. Là, on a été pris de court. On a du mal à voir une quelconque solution. »

« On n’attend plus rien d’une audience au rectorat »

À contrario, le collège Elsa-Triolet, d’ordinaire plus militant, n’a pas fait grève. Cet établissement d’éducation prioritaire situé dans le quartier des Minguettes, à Vénissieux, a du mal à cacher le sentiment d’abattement qui étreint ses équipes.

Alors que ses effectifs ont augmenté, un tiers-temps de CPE a été supprimé en cette rentrée 2022, raconte Myriam Laval, professeure d’histoire-géographie syndiquée à Sud éducation :

« On craignait que ça arrive. Il y a trois ans déjà, un poste de CPE nous avait été retiré. Nous nous étions mobilisés et le rectorat avait décidé de le rétablir. À partir de ce moment, ils ont menacé de nous retirer notre mi-temps tous les ans. L’année dernière, le rectorat a proposé de ne plus menacer le poste si nous acceptions le remplacement de notre mi-temps par un tiers-temps. »

Rassemblement pour un CPE au collège Elsa Triolet de Vénissieux. Photo Pascal Favrioux
Rassemblement pour un CPE au collège Elsa Triolet de Vénissieux. Photo Pascal Favrioux

Un marché dont il ne reste aucune trace, mais qui, si il a existé, n’aura pas fait long feu. Les équipes ont tracté et organisé un rassemblement devant le rectorat ce jeudi 15 septembre alors qu’une délégation rencontrait le recteur d’académie. Pascal Favrioux, enseignant et délégué syndical CGT au collège Elsa Triolet, commente :

« On n’attend plus rien d’une audience au rectorat. On espérait vraiment des changements il y a dix ans. Aujourd’hui on y va pour la forme, on connaît déjà tous leurs arguments, ils donnent les mêmes à tout le monde de toute façon. »

Au collège Jean-Macé, on compte 645 élèves pour une CPE

Il précise aussi que ses collègues ont de plus en plus de difficultés à se mettre en grève, à perdre des journées de salaire dans le contexte d’inflation actuel. Il déclare tout de même malicieusement :

« On se réserve pour l’interpro’ ! [la manifestation interprofessionnelle du 29 septembre 2022 ndlr] »

Les justifications données par le rectorat à Rue89Lyon sont les mêmes que celles offertes aux trois établissements : budget limité et volonté de répartir plus équitablement les forces.

« L’académie a bénéficié cette rentrée de la création de 13 postes supplémentaires de CPE, précise le rectorat. La répartition s’appuie sur un principe d’équité entre les établissements et sur des critères comme les effectifs, mais également la difficulté scolaire ou sociale. Les établissements que vous mentionnez disposent d’une dotation en CPE conforme à celle d’autres établissements aux caractéristiques identiques.  »

Rassemblement pour un CPE au collège Elsa Triolet de Vénissieux. Photo Pascal Favrioux
Les pancartes du rassemblement pour un CPE au collège Elsa-Triolet de Vénissieux. DR

Difficile d’avoir plus de détails sur les critères d’attribution ou de retrait d’un poste de CPE. Le collège Jean-Macé par exemple a vu son effectif baisser d’une quinzaine d’élèves seulement. Lilas Bigret-Combes aurait interrogé le rectorat à ce sujet :

« Le rectorat a justifié la fermeture du poste de CPE car selon leurs estimations, en 2026 nous n’aurons plus que 540 élèves. En attendant, pour cette année, nous avons plus de 645 inscrits. »

Suppressions de postes de CPE à Lyon, pourquoi ça fait si mal ?

Michelle et Camille (les prénoms ont été modifiés) sont CPE. Elles travaillent dans un établissement de Lyon concerné par la suppression d’un temps partiel de CPE. Pour elles, la décision de supprimer les temps partiels montre une méconnaissance de leurs rôles sur le terrain.

« La mission basique d’un CPE est d’assurer la sécurité des élèves, explique Michelle. Le B-A BA est d’appeler les parents pour signaler les absences par exemple. Quand on est en sous-effectif comme ça, il suffit qu’il y ait eu un événement le matin, comme une bagarre et on peut avoir deux, trois heures de retard pour prévenir les parents. »

Les deux CPE interrogées estiment que les collègues dont les postes à temps partiel ont été supprimés étaient trop peu présents ou trop peu expérimentés pour être considérés comme de véritables CPE. Mais ils allégeaient la charge de travail de celles et ceux à temps plein, leur permettant de mieux accompagner les élèves, reprend Michelle :

« Le rôle d’une CPE est avant tout de connaître tous les élèves, et d’être attentive aux problématiques de chacun : est-ce qu’il y en a un qui est toujours tout seul, est-ce qu’il y en a un qui est toujours dans les bagarres ? »

Camille insiste :

« À partir du moment ou il y a moins de présence, on va moins bien médiatiser les conflits et ça suscitera un sentiment d’injustice chez certains. On ne prendra plus en compte la parole des élèves. C’est comme ça qu’on favorise le décrochage scolaire. »

La hantise d’un accompagnement bâclé auprès des élèves

Une crainte partagée par tous les enseignants interrogés : un délitement de l’accompagnement hors du temps de classe aura forcément un impact sur les moments d’apprentissage. Au collège Elsa-Triolet de Vénissieux, Myriam Laval est inquiète :

« Nos élèves se rendent bien compte qu’il y a un problème. L’institution ne veut plus se rendre capable de les prendre au sérieux en leur offrant un encadrement réel. Ils ont déjà du mal à croire en l’école, ils vont finir par penser que l’école ne croit pas en eux. »

Les CPE Michelle et Camille le rappellent, leur travail ne consiste pas seulement à « faire la police » et à sanctionner. Elles s’impliquent aussi dans de nombreuses missions périphériques, comme les animations écocitoyennes, ou le conseil de vie citoyenne. D’après les deux CPE, cela participe grandement à un climat scolaire apaisé.

C’est la raison pour laquelle chaque établissement essaie de mettre en œuvre des projets extra-scolaires, encouragés par toute l’équipe pédagogique mais factuellement mis en œuvre par les CPE.

Justine Wagner est CPE au collège Jean-Macé de Villeurbanne depuis 3 ans et syndiquée à la CNT. Tous les ans, elle coordonne la venue du Planning familial pour les 4e, et celle d’associations luttant contre le sexisme et la LGBTphobie pour les 3e. Il n’est pas obligatoire de faire venir des acteurs extérieurs pour enseigner l’éducation sexuelle dans les établissements. Pourtant, l’équipe pédagogique du collège Jean-Macé a souhaité faire l’effort de décloisonner ces moments là, explique Justine Wagner :

« Je travaille avec l’infirmière scolaire pour organiser ça, mais ça demande du temps, de la logistique, d’être présente au moment de l’intervention. Je ne sais pas si l’année prochaine je ne vais pas manquer de temps pour le faire, ça m’angoisse car je crois que ça ouvre vraiment les yeux aux jeunes. »

« Les CPE sont le premier rempart contre le harcèlement »

Justine Wagner est catégorique, comme toutes les autres CPE interrogées, elle considère dépasser chaque semaine les 35 heures de son contrat de travail. D’après elle, l’Éducation nationale compte sur l’éthique de ses fonctionnaires pour pallier à ses propres manques de moyens :

« Aujourd’hui je ne vois pas comment il est possible de regarder la feuille de route de l’Éducation nationale, avec toutes les missions qui nous sont assignées, en se disant que c’est possible de faire ça avec aussi peu d’effectifs par établissement. »

Justine Wagner ne cache pas ressentir une certaine fatigue psychologique, qui s’accompagne à l’occasion de colère devant les discours de l’exécutif :

« Emmanuel Macron a répété maintes et maintes fois qu’il luttait contre le harcèlement scolaire. Factuellement, le vrai rempart contre le harcèlement à l’école, c’est le personnel de vie scolaire. C’est-à-dire nous, ainsi que les AED [assistants d’éducation ou surveillants, ndlr]. »

Justine Wagner en a conscience, les parents d’élèves s’inquiètent beaucoup de la suppression de postes de CPE dans les établissements de la métropole de Lyon. Tant et si bien que certains lui auraient déjà déclaré lorgner sur les collèges privés pour la rentrée prochaine. Un constat qui coïncide avec nos enquêtes sur les stratégies d’évitement de la carte scolaire.

Chronologie : 40 ans de mesures sécuritaires à la Guillotière

Chronologie : 40 ans de mesures sécuritaires à la Guillotière

La présence permanente de deux unités de CRS place Gabriel Péri est le dernier acte pris par les pouvoirs publics à la Guillotière, devenu progressivement centre de l’attention médiatique et politique. Depuis 40 ans, ce quartier d’immigration du centre-ville de Lyon a connu une profusion de mesures sécuritaires. Chronologie.

Voici pour les derniers rebondissements dans l’escalade sécuritaire qui frappe la Guillotière. À présent, rembobinons car les mesures sécuritaires ne datent pas d’hier dans ce quartier populaire du centre-ville de Lyon. Depuis 2019 en particulier, les faits divers survenus à la Guillotière font l’objet d’une large couverture médiatique, tant dans la presse locale que nationale, qui relaie – et renforce – le sentiment d’insécurité que certains habitants disent ressentir. Depuis les années 80 et l’ébauche d’une station de métro pour éloigner les classes populaires et surtout les immigrés jusqu’aux derniers renforts de CRS en date envoyés par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, les dispositifs se succèdent. Chronologie.

Les 30 CRS mis à disposition par le Ministre de l'Intérieur. Ils restent la plupart du temps statiques, à proximité du Mac Donald. ©LS/Rue89Lyon
En novembre 2021, 30 CRS ont été mis à disposition par le ministre de l’Intérieur pour lutter contre l’insécurité sur la place Gabriel-Péri, à la Guillotière.Photo : LS/Rue89Lyon

Années 80 : un tas de galets devant le Prisunic

Depuis les années 80, les aménagements urbains servent à “fluidifier” les attroupements Place du Pont (le micro quartier autour de la place Gabriel-Péri). A l’origine, on ne voulait plus des hommes maghrébins qui peuplaient la place centrale de ce quartier d’immigration. En parallèle des projets de rénovation du bâti (du projet de la « percée Moncey » jusqu’à l’inauguration du Clip au milieu des années 90) qui ont suscité de nombreuses oppositions habitantes, le mobilier urbain a été utilisé comme un outil de prévention situationnelle. En 1986, un tas de galets est installé devant l’ancien Prisunic pour empêcher les personnes de se regrouper. Il sera démonté en même temps que la démolition du Prisunic en 1989 (voir l’exposition de 2012 « Le quartier Moncey – 250 ans d’urbanisme de Marie-France Antona).

1991 : un arrêt de métro pour gentrifier la Guillotière

Dès les années 80, on note la volonté de mettre un arrêt de métro place Gabriel-Péri pour gentrifier le quartier de la Guillotière, jugé peuplé par trop de personnes issues de l’immigration. Un cas de figure étudié par Antoine Lévêque, qui a consacré sa thèse de science politique aux transports en commun dans la métropole de Lyon, plus précisément à Vaulx-en-Velin, et ce qu’ils nous disent en terme de redistribution des richesses dans les banlieue :

« Je me suis beaucoup intéressé à l’arrivée du métro à la Guillotière (en 1991) pour comprendre la politique plus globale du Sytral dans les quartiers populaires de l’agglomération. En 1981, un rapport est rédigé sur le projet d’une nouvelle station sur la ligne D. Une station à Saxe-Gambetta est nécessaire pour croiser la ligne B qui existait déjà. Or, la station Guillotière était beaucoup trop proche selon les ingénieurs. Il fallait creuser pour passer sous le Rhône, il y avait des contraintes…

L’agence d’urbanisme intervient alors à ce moment-là. Elle indique que le lieu de vie dans ce quartier-là est la place Gabriel-Péri et qu’il y aurait tout intérêt à faire une station là. Pour vendre ça aux élus, l’agence d’urbanisme réalise une cartographie de la part d’immigrés dans chaque immeuble de la Guillotière en reprenant un seuil symbolique de 15 %, au-delà duquel on comprend qu’il y en aurait trop, ce seuil étant directement issu des politiques coloniales (voir les travaux de Fatiha Belmessous).

L’agence d’urbanisme a proposé trois scénarios. Le troisième dit que la construction de la station de métro à Guillotière pourra peut-être alimenter une promotion immobilière avec des effets sur le changement de la population et l’éloignement des classes populaires et surtout des immigrés.

Pour bien comprendre le contexte, quatre ans auparavant, le préfet et certains responsables parlent de « colonisation » du centre de Lyon par les familles immigrées. »

2004 : arrivée du tram et réaménagement de la place Gabriel-Péri

A l’occasion de la création de la ligne de tramway, la place Gabriel-Péri est réaménagée. Des sortes de petites fontaines sont installées devant le Clip et les caméras de vidéosurveillance font leur apparition.

Le Clip, bâtiment emblématique du quartier de la Guillotière, sur la place Gabriel Péri (Lyon 7e).
Le Clip, bâtiment emblématique du quartier de la Guillotière, sur la place Gabriel-Péri (Lyon 7e). Photo de novembre 2021Photo : LS/Rue89Lyon

Printemps 2010 : des jardinières contre le marché à la sauvette de la Guillotière

A partir du milieu des années 90, ce sont les populations roms qui sont considérées comme indésirables. Les Roms sont venus Place du Pont dès leur arrivée à Lyon, au milieu des années 90. Leur présence s’est concentrée côté 7e arrondissement quand les autorités ont décidé d’en finir avec le marché à la sauvette qui avait lieu de l’autre côté du cours Gambetta (côté 3e arrondissement), au pied de l’immeuble de verre, le Clip. Depuis plusieurs décennies, des vendeurs, essentiellement des immigrés maghrébins, étalent par terre quelques fripes et autres objets à la provenance mal identifiée pour en tirer quelques euros.

Dans l’hebdomadaire Tribune de Lyon, le maire du 3e arrondissement de l’époque, Thierry Philip (PS) donne les raisons d’en finir avec cet usage : “Le marché sauvage qui, jusque-là était assez bien toléré s’est transformé en marché de roumains qui viennent vider les poubelles pour en vendre le contenu sur la place”.

Pour supprimer ce marché, la mairie associée à la police n’a pas lésiné sur les moyens. Pendant plusieurs jours, au moins un véhicule de police nationale ou municipale stationnait constamment place du Pont et chassait tous les vendeurs qui tentaient de s’installer.

Ensuite, la mairie a fait installer plusieurs jardinières pour occuper l’espace libre. 

13 avril 2010 : une jardinière de 14 mètres garnie de plantes piquantes à la place du marché

Côté 7e, la méthode est la même. Outre des passages réguliers des polices municipales et nationales, la mairie prévoit un nouvel aménagement de cette partie de la place.

Présenté aux riverains et commerçants le 13 avril, le plan est entré en action dans la foulée. Une jardinière longue de 14 mètres a été installée au dos de l’arrêt de tram. Dedans poussent des plantes particulièrement piquantes.

14 juin 2010 : finis les abris et les sièges à l’arrêt de tram

L’arrêt de tram “Guillotière/Place Gabriel Péri” lui-même a été modifié. Les abris ont été rasés et les sièges supprimés. Restent les poteaux et les abris de deux bornes automatiques. Les sièges, absents, sont remplacés par une barre pour s’appuyer à l’arrêt Guillotière du tram T1.

Coupe du monde de football 2014 : énorme dispositif policier à la Guillotière pour les matchs de l’Algérie

Le 22 juin, des supporters et des familles attablés en terrasse sur la place Gabriel-Péri, à la Guillotière, fêtent la qualification de l’Algérie pour la Coupe du monde de football. Les personnes dansent et chantent leur joie, bloquant notamment les quelques trams qui circulent encore à cette heure avancée de la soirée. En réponse, une intervention musclée des forces de l’ordre qui bouclent la place et arrosent les supporters comme les personnes en terrasse de gaz lacrymogène. Un homme aurait été victime de violences policières cette soirée-là.

Le 26 juin, pour les 8e de finale opposant l’Algérie à la Russie, la police déploie un énorme dispositif en prévision dans les lieux supposés à risque de l’agglomération lyonnaise : place Gabriel-Péri (Guillotière, Lyon 3e et 7e), Vénissieux et place Guy Môquet à Vaulx-en-Velin.

Été 2014 : un faux chantier pour chasser les Roms de la Guillotière

Fin juillet 2014, à l’arrière de l’arrêt de tram Guillotière, sont dressés de hauts grillages verts sur des blocs de béton. A l’intérieur de ces grillages, un espace vide. 

A demi-mot, la mairie de Lyon reconnaît qu’il n’y a pas de travaux en cours mais qu’il s’agit d’une expérience en vue d’“aménagements futurs”.

Ce faux chantier est destiné à éloigner les populations considérées comme indésirables sur la zone (Roms de Roumanie pour la majorité d’entre eux). Ils s’y réunissent chaque jour, certains pour tenter de tenir un marché à la sauvette.

Mais cette “expérience” menée par la Ville est un échec. A cause de ce vrai faux chantier, l’espace public est encore plus encombré par les biffins, qui se sont malgré tout installés, et par leurs acheteurs. Devant l’entrée du supermarché Casino, le passant doit slalomer au milieu du marché à la sauvette. Sans parler de la décharge sauvage qu’était devenu l’intérieur des enclos formés par les grillages.

Début septembre, après un début de polémique, l’enclos est démonté.

En août 2014, la municipalité dirigée par Gérard Collomb avait installé un faux chantier place Gabriel Péri pour tenter de limiter le marché sauvage de la Guillotière. ©LB/Rue89Lyon
Fin juillet 2014, la municipalité dirigée par Gérard Collomb installe un faux chantier place Gabriel Péri pour tenter de limiter le marché à la sauvette de la Guillotière.Photo : LB/Rue89Lyon

Automne 2019 : début de l’escalade sécuritaire à la Guillotière

La thématique de l’insécurité à la Guillotière revient à l’agenda politique – et médiatique. En septembre et en octobre, plusieurs descentes de police dans le quartier mobilisent à chaque fois une cinquantaine de membres de la police nationale, municipale et des douanes. Ces interventions débouchent sur des saisines de stupéfiants et de cigarettes trafiquées, des amendes et des arrestations de personnes en situation irrégulière dont la presse locale se fait systématiquement l’écho ou presque.

C’est dans ce contexte que se structure officiellement un collectif de riverains de la Guillotière qui dénonce depuis plusieurs mois des problématiques d’insécurité dans le quartier. Ce collectif prend le nom de « La Guillotière en colère » et réclame plus de mesures sécuritaires notamment en interpellant différents élus via les réseaux sociaux. Ce collectif s’est auto-dissous en juillet 2022, au motif que ses suppliques restent sans réponse.

A ce moment-là, la thématique de l’insécurité à la Guillotière commence à faire couler beaucoup d’encre dans les médias nationaux, faisant l’objet de Unes, de dossiers, suscitant même le déplacement de figures médiatiques comme l’animateur de CNews Jean-Marc Morandini (par ailleurs accusé de corruption de mineur et de harcèlement sexuel).

Décembre 2019 : extension de la vidéosurveillance à la Guillotière

Dans une délibération en date du 19 décembre 2019, Jean-Yves Sécheresse, adjoint à la Sécurité du maire de Lyon, à l’époque Gérard Collomb, acte l’extension du dispositif de « vidéo verbalisation » à de nombreuses rues du 7e et du 3e arrondissement couvrant le quartier de la Guillotière.

jeunes migrants en errance Guillotière place Gabriel Péri Lyon
Le marché à la sauvette place Gabriel-Péri en juillet 2021.Photo : PL/Rue89Lyon.

15 et 16 novembre 2021 : Casino avance son horaire de fermeture, McDonald’s suit le mouvement

Le 15 novembre, la direction de Casino affirme que suite aux nombreuses « incivilités » constatées dans et devant le magasin, elle a pris la décision d’avancer l’horaire de fermeture à 17 heures tous les soirs.

« Nous avons fermé pour assurer la sécurité de nos employés et de nos clients, c’est notre préoccupation n°1. Cette décision n’a pas été prise du jour au lendemain. Toutes les mesures de renforcement de la sécurité avaient déjà été prises, mais le problème demeure surtout à l’extérieur du magasin. Lorsque nous estimerons que la situation sera durablement viable, nous réouvrirons comme d’habitude. »

La chaîne de restaurants McDonald’s a décidé, un jour après Casino, de ne plus permettre à ses clients de manger sur place :

« La sécurité de nos équipes et de nos clients est notre principale priorité. » 

Après les décisions de ces deux enseignes, la place Gabriel-Péri, généreusement élargie à tout le quartier Guillotière fait l’objet de reportages et « débats » dans les médias nationaux.

Novembre 2021 : arrivée de la première unité de CRS et descente de police médiatique

Alors que les grandes enseignes de la place Gabriel-Péri revoient leurs conditions d’ouverture au public, le préfet du Rhône, Pascal Mailhos annonce y avoir dépêché « 30 CRS ». D’abord prévus pour 5 semaines, ces CRS resteront pour une durée indéterminée. En novembre, ce sont sept camions qui sont garés en permanence sur la place Gabriel-Péri. Les forces de l’ordre restent statiques, au croisement entre le cours Gambetta et la rue de Marseille.

Pour « inaugurer » l’arrivée des CRS à demeure et « rassurer » les commerçants, un trio composé du préfet du Rhône, du procureur de la République et du maire de Lyon assiste à une nouvelle grande descente de police le 19 novembre. Une partie de la presse est invitée. Le Figaro relate une « opération de police d’envergure mobilisant 130 policiers » et cite le préfet Mailhos qui décline les chiffres de la police depuis début 2021 :

« 4000 contrôles et 1000 interpellations dont 40% portent sur des mineurs, aboutissant à 75 mises sous écrous. Pour un total de 350 opérations de police réalisées. »

Les CRS indiquent la route à un couple place Gabriel Péri ©LS/Rue89Lyon
Le 25 novembre 2021Les CRS indiquent la route à un couple place Gabriel-PériPhoto : LS/Rue89Lyon

15 décembre 2021 : une BST pour la Guillotière

La préfecture du Rhône annonce la mise en place d’une unité de police particulière à la Guillotière : une brigade spécialisée de terrain (BST) composée de 31 policiers. À partir de février, ceux-ci interviendront quotidiennement sur les secteurs de la Guillotière et de Part-Dieu. La BST sera présente l’après-midi et le soir, prenant le relais de la police municipale du matin.

Janvier 2022 : stratégie territoriale de sécurité de la Ville de Lyon

Le 27 janvier, la Ville de Lyon adopte en conseil municipal sa stratégie territoriale de sécurité pour la période 2022-2026 : prévention, médiation sociale et poursuite de la vidéo verbalisation dans les grandes lignes. Une stratégie jugée trop laxiste par de nombreux opposants de droite, qui remettent sur le tapis la question de l’insécurité à la Guillotière.

#CRS#Gérald Darmanin

Antoine, CRS à Lyon : « Il faudrait remettre la police de proximité à la Guillotière »

Antoine, CRS à Lyon : « Il faudrait remettre la police de proximité à la Guillotière »

CRS depuis 25 ans et résidant près de Lyon, Antoine revient sur le dispositif en place à la Guillotière et sur ses conditions de travail, impactées sous Nicolas Sarkozy et plus récemment par le préfet de police Didier Lallement.

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À Décines-Charpieu, l’histoire oubliée de Jules Devaquez, ancien grand champion de foot

À Décines-Charpieu, l’histoire oubliée de Jules Devaquez, ancien grand champion de foot

Une tombe est sur le point de quitter le cimetière de Décines-Charpieu où se trouve le grand stade de l’OL. Sa particularité ? Elle abrite Jules Devaquez, un grand joueur de foot français du début du XXe siècle, oublié par beaucoup. Explications.

C’est un champion oublié de tous, a priori. Dans le cimetière de Décines-Charpieu, la tombe du footballeur Jules Devaquez est sur le point d’être retirée pour cause de fin de concession. Né en 1899 à Paris, celui que l’on surnommait « Julot » a été un des grands joueurs de l’équipe de France de foot du début du XXe siècle.

Plutôt petit, râblé, le footballeur international était connu pour sa pointe de vitesse sur son aile droite. Il a longtemps détenu le record du nombre de sélections. Un de ses faits majeurs ? Marquer un but lors la première finale de la coupe de France, le 5 mai 1918.

Tombe de Jules Devaquez
A Décines-Charpieu, la tombe d’une ancienne star de foot française.Photo : LB/Rue89Lyon.

À Décines-Charpieu : une histoire de foot déterrée par un passionné

Cette information a été découverte par un passionné de sport et d’histoire. Domicilié en région parisienne, Guy Decoulonvillers s’est fait une petite réputation pour ses recherches. Cet enquêteur bien particulier « recherche des choses que personne n’a cherché » et, plus généralement, ramène à la lumière des ex-célébrités ayant disparu des radars. 

En janvier, il avait rappelé l’existence d’Alzire Jules Armand Vivier, un ancien coureur du tour de France arrivé 15e en 1907. Toujours en cyclisme, il avait repéré la fin de la concession du coureur Fernand Augureau, enterré à Châtellerault. Troisième du premier tour de France, ce dernier avait également remporté le Bordeaux-Paris de 1904.

Cette fois-ci, le champion est plus connu. Disposant d’une page wikipédia bien fournie, Jules Devaquez n’est pas un anonyme. Il a notamment joué à l’Olympique de Paris, l’Olympique de Marseille et aurait entraîné le Lyon OU (Olympique universitaire) en 1949. 

Jules Devaquez foot Décines-Charpieu
Le joueur de foot Jules Devaquez est enterré à quelques km du stade de Décines-Charpieu. Wikimedia Commons

Jules Devaquez, enterré à Décines et entraîneur de foot à Lyon

Cette année-là, le « Lou » vit sa dernière année alliant football et rugby. Des dissensions fortes entre les représentants des deux sports vont mener à une scission. La partie rugby a, à l’époque, l’avantage sur la partie footballistique.

De ces divergences né l’Olympique de Lyon et du Rhône, futur Olympique Lyonnais, en 1950. Autrement dit, le footballeur aurait été présent à une période charnière dans l’histoire du club. Son rôle exact est cependant incertain.

Un autre entraîneur, Oscar Heisserer, aurait également entraîné le futur OL à la même période. Jules Devaquez ne faisait peut-être seulement partie du staff du « Lou ». Amateur, cet ancien dessinateur industriel est ensuite devenu concessionnaire Renault sur Lyon. 

Une performance remarquée de Jules Devaquez en équipe de France

En équipe de France, l’attaquant aura joué 41 matchs en étant à chaque fois titulaire. En tout, il aura marqué 12 buts. Son record de sélections ne sera battu qu’en 1939. À côté de ça, il a remporté trois coupes de France dont deux avec l’OM.

« Il a joué à Lyon, Paris et Marseille. En termes de figure diplomatique… On ne peut pas faire mieux ! », s’exclame Guy Decoulonvillers.

Ce passionné craint que le footballeur tombe dans l’oubli. La concession de son tombeau, où il repose avec sa femme, s’est terminée il y a plusieurs années déjà. La tombe devrait être retirée prochainement.

« En plus, il est quand même dans la ville où se situe le stade des Lumières [nom du Grand Stade de l’OL avant le « Groupama Stadium », ndlr] rappelle-t-il. Il y a peut-être quelque chose à faire. »

Jules Devaquez foot Décines-Charpieu
Jules Devaquez est un joueur de foot du début du XXe enterré à Décines-Charpieu. Domaine public.

À Décines-Charpieu, ville du Grand Stade de l’OL, une histoire de foot passée sous les radars

Comme nous, la mairie de Décines a d’abord été surprise par cette information. Contacté, le service des archives confirme avoir été en lien avec le lanceur d’alerte. Cependant, compte tenu du peu de temps qu’a passé le sportif à Décines, il n’était pas prévu de prolonger la durée de sa concession. Selon le service, la famille, contactée, n’a pas particulièrement souhaité investir dans celle-ci. Il n’y a donc pas de raison que la tombe ne soit pas retirée.

Compte tenu de son palmarès, cet oubli peut étonner. Les Lyonnais l’auraient-il laissé de côté pour une petite vexation ? S’il a terminé sa carrière à Lyon, sa première victoire en coupe de France a eu lieu contre un club lyonnais de l’époque, le FC Lyon, concurrent du « Lou ». Lors de ce match, le gardien de son équipe, l’Olympique de Pantin – qui deviendra l’Olympique de Paris – écope d’un carton rouge. Remonté, le capitaine lyonnais conteste cette décision auprès de l’arbitre. Il refuse de voir sortir le portier.

« Il a dit à l’arbitre qu’il ne voulait pas d’une victoire au rabais », sourit Guy Decoulonvillers.

Résultat des courses ? Ce fair-play finit par jouer contre Lyon qui perd la finale trois buts à zéro. Un troisième but signé Jules Devaquez pour un rendez-vous avec l’histoire du football français qu’on était pas loin d’oublier.  

Près de Lyon, un habitat « groupé » où s’entraident jeunes et personnes âgées

Près de Lyon, un habitat « groupé » où s’entraident jeunes et personnes âgées

[Série – Témoignages] Au Coteau de la Chaudane, à Grézieu-la-Varenne près de Lyon, un habitat groupé s’est monté faisant cohabiter des familles et des personnes âgées, de 4 à 79 ans. Objectif : réinventer un quotidien avec une solidarité de proximité entre les générations. Un lien qui fonctionne dans les deux sens.

Les petites allées du Coteau de la Chaudane sont calmes ce lundi matin. Depuis une semaine, les vacances ont pris fin à Grézieu-la-Varenne, à l’ouest de Lyon, et les enfants ont repris le chemin de l’école. « Normalement, ça court dans tous les sens », sourit Michèle Cauletin.

À 68 ans, la jeune retraitée a l’habitude du contact avec les bambins. Dans cet habitat participatif XXL à l’air de mini-village, ils sont 15 enfants et adolescents à courir entre les maisons. En tout, les lieux comptent 19 adultes, dont dix seniors, parmi lesquels cinq femmes et deux hommes vivant seuls. Tous sont répartis sur treize logements. Une population dont l’âge va de 4 à 79 ans. Quand ils sont arrivés à Grézieu, certains enfants n’avaient que quelques mois.

habitat groupé Lyon
Michèle Cauletin et Odile Melot ont fait parti de la première équipe pour monter cet habitat à Grézieu-la-Varenne.

Un habitat groupé à Grézieu-la-Varenne : les jeunes ont pu s’installer notamment grâce à l’apport des aînés

Avec ses maisons aux architectures diverses, l’endroit ressemblerait plus à un petit quartier qu’à l’image qu’on peut avoir d’un habitat participatif. Et pourtant. Sans le collectif et la solidarité entre générations, le projet du « Coteau » n’aurait pas pu voir le jour. Le montant du projet d’habitat participatif, à lui seul, se chiffre à 3,4 millions d’euros, en comptant le terrain viabilisé, les constructions des logements et les honoraires.

« Quelques foyers ont pu vendre leur logement rapidement, s’installer ici en location, et apporter des fonds qui ont permis aux jeunes de différer leurs demandes d’emprunts », reprend Michèle Cauletin.

Avec Odile Melot, 73 ans, elle nous accueille dans la « Maison commune », lieu central de cet habitat « groupé ». C’est là que se tiennent les réunions, mais aussi les cours de yogas, les ateliers coutures, etc. À l’étage, une chambre d’ami permet d’accueillir les voyageurs de passage. Chaque mois, ce lieu commun est géré par l’un des douze foyers. Il est un point central d’un projet parti de zéro.

Un habitat groupé près de Lyon : « Les personnes ont été unies par le projet »

Quand le collectif découvre ce terrain à Grézieu-la-Varenne, tout est à faire. Si le propriétaire, conquis par le projet, accepte de vendre, le terrain ne peut pas accueillir seulement de l’habitat participatif. En suivant le plan local d’urbanisme (PLU) qui demande une densité d’habitat obligatoire, il doit aussi se faire du logement social et de l’individuel. En tout pas moins de 36 logements doivent être réalisés. Seuls 13 seront de l’habitat participatif.

« Dès qu’on a mis le nez dans le concret, certains se sont un peu mis en retrait », se souvient Odile Melot. 

À l’image d’autres, le collectif finit par adapter son projet au terrain et au PLU. Il est obligé de se mettre dans la peau d’un « promoteur » notamment pour trouver un bailleur social. « Ce sont les circonstances qui ont fait ça », relate Michèle.

Dans la recomposition du collectif, le noyau dur a cherché à ramener des jeunes familles pour trouver un équilibre intergénérationnel. Le groupe ne se connaissait pas à la base : « Les personnes ont été unies par le projet », indique Odile Melot.

Le coteau de la Chaudane Lyon habitat groupé
Cet habitat groupé à Grézieu-la-Varenne se compose de 12 logements, chacun avec leurs spécificités.

« On parle souvent de bien vieillir avec l’habitat participatif, mais le soutien à la parentalité va de pair »

Fin 2013, l’équipe achète le terrain et engage les travaux. Trois ans plus tard, les premiers habitants arrivent sur des lieux, encore en chantier. Des logements en ossature bois, une chaudière collective aux granulés, 3 000 m² de terrain pour des jardins, une buanderie et un atelier mutualisés, un poulailler… Les toits des bâtiments ont aussi hébergé des panneaux solaires pour la centrale villageoise Cevival. Bref, l’intérêt environnemental et écologique de ce mini quartier saute aux yeux lors de la visite. Il n’est pas le seul. 

« Le but était de recréer un quotidien solidaire de proximité entre générations », développe Michèle.

Ancienne directrice dans un syndicat de communes, sa voisine, Odile, travaillait notamment sur la prise en charge des personnes âgées.

« J’ai réalisé qu’il y avait une vraie transition à opérer au niveau de la gérontologie ».

Avec ce projet, elle trouve une manière concrète d’avancer et de recréer une solidarité entre générations. Un texto, une demande de coup de main, des courses à transporter en cas de maladie… Quand les plus jeunes gardent un œil sur la santé des personnes âgées, ces dernières surveillent ou gardent les enfants en cas de besoin.

« On parle souvent de bien vieillir avec l’habitat participatif, mais le soutien à la parentalité va de pair », poursuit Michèle.

Le coteau de la Chaudane
Cet habitat groupé à Grézieu-la-Varenne se compose de 13 logements, chacun avec leurs spécificités.Photo : PL/Rue89Lyon

Le nécessaire travail pour permettre les échanges entre générations

Preuve de l’intérêt du modèle, les porteurs de projet ont eu une vraie demande, notamment du côté des personnes seules.

« Les femmes seules de plus de 50 ans représentent 70 % des personnes intéressées par de l’habitat participatif », commente à propos Audrey Gicquel, auteur du livre Les clés de l’habitat participatif.

Les constructeurs du projet ont cependant travailler à garder un certain équilibre. Pour quels résultats ?

« La vie telle qu’elle se déroule confirme bien notre présupposé de départ », sourit Michèle Cauletin.

L’échange entre générations ne va pourtant pas toujours de soi. Le rapport à l’informatique, notamment, a été un point sensible à une époque. « Je n’avais jamais entendu parler de Google Drive », se souvient Odile.

Elle insiste pour qu’une grande partie des échanges se fassent par écrit, à la maison commune. Une manière de pousser tout le monde à se voir physiquement, dans leur bien commun, mais aussi de pousser à l’échange et au dialogue direct.

Sans tomber dans la réunionite, l’équipe tient à un fonctionnement avec des rencontres régulières. Des « palabres » ont lieu tous les 15 jours, des points infos sur la vie des lieux sont fréquemment organisés en fin de journée, une fête a lieu chaque saison… À ceci s’ajoute des apéros réguliers entre habitants, sans obligation de participation.

Satisfait du fonctionnement, le collectif a donc décidé de sanctuariser cet équilibre avec des personnes âgées d’un côté, et des familles de l’autre. Si une famille part, elle doit ainsi être remplacée par une autre, idem pour les aînés. Grâce à un montage en SCIA (société civile d’attribution), le collectif choisit les nouveaux arrivants.

« On peut aussi prendre des vacances du collectif »

Particularité du projet : chaque foyer a pu demander une architecture particulière pour son logement, dans le cadre d’une structure plus générale. Malgré une dimension collective importante, les lieux s’éloignent d’un modèle communautaire tel qu’on peut le trouver dans certains habitats coopératifs ou participatifs.

« C’est une façon de rester vivante, de participer au monde. Quand on se lève le matin, on sait qu’il y aura toujours quelque chose à faire. Mais on peut aussi prendre des vacances du collectif », souligne Odile Melot.

La répartition des « tâches » en pôles permet plus facilement l’émergence de projets. Porté par une personne à la base, le poulailler a ainsi été vite adopté par tous. Grâce à une solidarité entre personnes, le jardin (3500 m2 d’espace verts) est toujours arrosé, malgré les absences.

« On a acquis le réflexe du collectif », notent les retraitées.

En cas de pépin, un habitant est plutôt connaisseur en chaudière, un autre aura plus de compétences en informatique, etc.

Le coteau de la Chaudane
Ce mini village compte 3000 m2 d’espace vert à Grézieu-la-Varenne.Photo : PL/Rue89Lyon

Un habitat collectif près de Lyon : « C’est à la portée de tous »

Un lieu de vie construit suivant le collectif qui ne relève pas d’un « idéal » inatteignable.

« C’est à la portée de tous. Je n’étais pas du métier, mais on a fait le chemin, peu à peu. La forme qu’a prise l’habitat au final est issue de ce chemin », conclut Odile.

Dans un souffle, elle regrette que la « propriété collective » ne soit pas plus dans les mentalités. Jusqu’à quand ? Dans le cadre des journées européennes de l’habitat participatif, l’équipe ouvre les portes de son habitat le 24 septembre. Un objectif : montrer que ce type de projets est possible. Le message a été transmis.

#Coopérative d'habitants

Un an après la polémique, le Lyon Antifa Fest annulé

Un an après la polémique, le Lyon Antifa Fest annulé

Faute d’une salle pour l’accueillir, la 9e édition du Lyon Antifa Fest, initialement prévue les 16 et 17 décembre, a été annulée. Ses chances de survie pour les prochaines années sont minces.

Clap de fin pour le festival de musique lyonnais, organisé chaque année par l’association Culture de classe, en soutien aux luttes antifascistes. Ce mois de décembre, il n’y aura pas de Lyon Antifa Fest. Cette année, la 9e édition devait se tenir les 16 et 17 décembre. Elle était calée – et alléchante – avec le punk celtique des ramoneurs de menhirs, le rock garage de The dizzy brains ou encore la rappeuse Soumeya. Cette fois-ci, c’est la salle qui fait défaut.

Annulation du Lyon Antifa Fest : la conséquence d’une polémique lancée par Laurent Wauquiez ?

L’année dernière déjà, pour sa 8e édition, l’événement avait dû déménager à Vaulx-en-Velin, où il avait été accueilli au Grrrnd Zero. Depuis sa création, le festival est d’ordinaire accueilli par la salle du CCO à Villeurbanne. En septembre 2021, Laurent Wauquiez était monté au créneau suite à une vidéo de présentation du festival, dans laquelle les rappeurs Original Tonio et Lax scandaient : « Tous les flics sont des bâtards ». Un slogan, traduction française d’un acronyme anglais, ACAB, qui circule dans les mouvements militants. Le président de Région avait alors annoncé la suppression de la subvention de 45 000 euros versée au CCO.

Pour les organisateurs de l’Antifa Fest, c’est bien cette punition qui empêche le CCO d’accueillir le festival cette année.

« Ils ont mis leurs menaces à exécution en supprimant les subventions de la salle du CCO, peut-on lire sur leur communiqué publié ce vendredi 16 septembre. Cette salle nous accueillait depuis 10 ans et jamais un incident n’a été à déplorer, bien au contraire. »

Pourtant, cette subvention n’a pour le moment été ni versée, ni coupée, comme l’explique le CCO :

« On est toujours dans l’attente de cette subvention ainsi que de celles votées les années précédentes, comme tous les acteurs culturels de Lyon. Ce ne sont pas les subventions de Laurent Wauquiez qui dictent notre programmation. »

Contrairement à l’année dernière, le Lyon Antifa Fest refusé au Grrrnd Zero

Le Grrrnd Zero, non plus, n’a pas voulu accueillir l’Antifa Fest cette année. D’après le communiqué des organisateurs du festival, cette décision a été motivée par plusieurs désaccords portant, notamment sur le prix des entrées, jugés trop élevé par la salle de concert :

« Le Lyon Antifa Fest survit grâce aux recettes du festival ainsi qu’aux fonds personnels des membres de l’orga qui avancent les frais. Nous avons fait beaucoup de compromis au début de l’histoire du Lyon Antifa Fest pour que celui-ci existe […] puis nous avons décidé de nous imposer nos propres règles, comme payer tous les groupes du plus petit au plus gros. […] Pour cela nous avons décidé dès le départ de faire des entrées à prix fixes qui varient selon le budget du festival mais […] nous n’avons jamais dépassé les 18 euros. Nous sommes largement en dessous du prix moyen des autres festivals et concerts avec les mêmes groupes de musique. »

Lyon Antifa Fest
Le Grrrnd Zero, à Vaulx-en-Velin, n’accueillera pas le festival.Photo : Emma Delaunay/Rue89Lyon

Contacté, le Grrrnd Zero n’a pas encore répondu à nos sollicitations.

Faute d’une salle de concert pour l’accueillir, cette année 2022 marque la fin du Lyon Antifa Fest, annoncent les organisateurs :

« Cette annulation n’est pas de notre volonté et annonce probablement la fin de l’aventure du Lyon Antifa Fest qui devait faire sa 9ème édition cette année. »

Pour l’année prochaine, ils, et elles, espèrent malgré tout trouver un lieu pour accueillir la 10e édition du festival.