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Guillotière : un problème qui se règle pour l’instant dans les médias

En ce mois de novembre, on parle du quartier de la Guillotière à Lyon dans beaucoup de médias locaux mais aussi nationaux. Des « débats » sont organisés sur des chaînes d’information en continu pour évoquer les problèmes de la place Gabriel Péri où son cas est souvent réglé : c’est une «zone de non-droit».

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Jean-Marc Morandini et Jordan Bardella, président du Front National, pour l'émisse "Face à la rue" du 24 novembre, consacrée au quartier Guillotière. ©LS/Rue89Lyon

Ce mercredi 24 novembre, la Guillotière a encore eu l’attention des médias nationaux. En l’occurence Cnews, la chaîne d’info en continue de Vincent Bolloré. Jean-Marc Morandini a tenté de déambuler dans le quartier avec Jordan Bardella, patron intérimaire du Rassemblement national le temps de la campagne présidentielle de Marine Le Pen. Dans le cadre de son émission « Face à la rue», l’animateur a donc souhaité trimballer le patron du parti d’extrême droite dans une « zone de non-droit» comme il l’annonce. De quoi ajouter un peu plus d’huile sur le feu.

Durant le direct de l’émission, de 10h30 à 11h45, sous haute protection policière, Jean-Marc Morandini et le numéro 1 du RN ont marché quelques mètres, du cours Gambetta au Casino de la place Gabriel Péri.

Sans que le journaliste de Cnews ne porte la contradiction, Jordan Bardella a pu répéter :

« La vérité est que ce quartier est devenu une zone de non-droit ».

Puis il a déroulé le programme présidentiel du parti d’extrême droite, composé de « charters » et de « dissolution des milices antifas », à quelques mètres de manifestants qui leur réclamaient de « dégager ».

Capture d’écran de l’émission « Face à la rue » de Cnews à la Guillotière, devant le McDo de la Gabriel Péri, le 24 novembre

La Guillotière a gagné Paris au mois de novembre

En ce mois de novembre, les problèmes que rencontre la place Gabriel péri, ont régulièrement attiré l’attention des médias nationaux. Très largement évoqués dans la presse locale, leur traitement médiatique s’est intensifié ces dernières semaines au plan national. Une multiplication des occurrences dans la presse qui a suivi notamment celle des interventions de police sur la place Gabriel Péri depuis la fin octobre. Dans un mécanisme qui semble désormais presque circulaire : le bruit médiatique accélérant une réponse sécuritaire sur le terrain qui elle même engendre de nouvelles occurrences dans les médias. Aujourd’hui, la Guillotière semble donc se résumer à la place Gabriel Péri, à Lyon comme depuis Paris.

En un peu plus d’un mois, Le Figaro a par exemple consacré au moins six articles au sujet depuis mi-octobre. Le journal évoque un « quartier livré aux trafiquants », « gangréné par la délinquance », « livré aux trafics » et une « zone de tous les droits». Le 17 novembre, la chaîne CNews a évoqué le sujet lors de son émission phare « L’heure des Pros » : « La Guillotière, zone de non-droit à Lyon ». Même chose ou presque sur BFM TV.

Mi-octobre, certains commerçants du quartier ont manifesté leur colère face aux problématiques d’insécurité de la place Gabriel Péri. Suite à la mobilisation de nouveaux effectifs de force de police, les descentes se sont multipliées. À la mi-novembre, la décision de deux enseignes de la place, le Casino et le McDonald’s, de modifier leurs horaires d’ouverture a continué d’alimenter le traitement médiatique du quartier.

Le Progrès, qui couvre largement le sujet, a même regroupé l’ensemble de ses articles dans un dossier sur son site « Guillotière : un quartier sous tension ». Comme si les problématiques, bien réelles, de la place avaient gagné l’ensemble du quartier, beaucoup plus vaste.

Un intérêt médiatique depuis les groupes «en colère»

Si l’intérêt national pour le sujet s’est amplifié ces derniers temps, il est chez certains plus ancien. Le Figaro évoquait déjà le sujet depuis au moins la fin de l’année 2020. À travers les collectifs ou comptes très actifs sur les réseaux sociaux relayant les problématiques de la place, il évoquait un ras-le-bol grandissant chez les habitants du quartier.

L’histoire de cette présence abondante aujourd’hui dans différents médias, est aussi en partie celle de ces collectifs. Dans le sillage du groupe la « Presqu’île en colère», relatant les rodéos urbains dans le 2e arrondissement notamment, s’est créé celui de « La Guillotière en colère ». Nous en parlions d’ailleurs fin 2019 dans un contexte d’évolution du quartier et de cohabitation d’aspirations différentes pour son futur, dans le sillage d’autres médias locaux.

La création de ces collectifs s’inscrit également dans un agenda particulier à cette époque : la perspective des élections municipales et métropolitaines de 2020. Leur objectif est donc d’interpeller les autorités, précédentes comme actuelles, sur les nuisances de leur quartier à l’approche des élections. Leur mobilisation a d’ailleurs entraîné des premières mesures avant même les élections. L’ancienne municipalité de Gérard Collomb a par exemple instauré la fermeture au trafic automobile de la rue Édouard Herriot certains soirs de la semaine avant même les élections. Une mesure poursuivie et étendue par la suite dans l’hypercentre.

Ces collectifs, objets de critiques sur leur représentativité ou accointance politique, ont multiplié les interventions médiatiques. Constituant ainsi des points d’accroche et un visage pour les médias, locaux comme nationaux. Tout cela s’effectuant dans un contexte politique particulier avec l’arrivée des écologistes à la tête de deux exécutifs locaux importants, attirant encore davantage l’intérêt de médias nationaux. Récemment encore, le journal Le Monde, dans sa série « Fragments de France », consacré un épisode à Lyon. Le thème était celui de la Presqu’île et de ces nuisances sous l’angle de l’opposition entre deux mondes qui s’opposent et cohabitent dans la ville et sa métropole. Les intervenants principaux étaient les fondatrices du groupe «Presqu’île en colère» et « Guillotière en colère ».

Des candidats à la présidentielle s’expriment sur la Guillotière

Ce thème de l’insécurité, avec des problématiques bien réelles place Gabriel Péri, s’inscrit dans un contexte politique et électoral particulier. Depuis l’apparition de ces initiatives favorisant l’émergence de ces thèmes dans le débat, se sont succédé les élections municipales, métropolitaines puis régionales et se prépare désormais la campagne présidentielle. Ainsi, la présence régulière dans les médias de la Guillotière amène des candidats déclarés ou putatifs à l’élection présidentielle à évoquer le sujet.

Xavier Bertrand, candidat à la primaire de la droite, a notamment évoqué le sujet le 17 novembre dernier. Suite à l’annonce de la modification des horaires d’ouverture du Casino de place Gabriel Péri, il a évoqué un « couvre-feu imposé par les caïds » sur place.

Ce contexte politique, favorisé par le traitement médiatique abondant, s’invite en conseil municipal de Lyon. Lors de la dernière séance du 18 novembre, maire Grégory Doucet a réfuté le terme de «zone de non-droit» pour qualifier la Guillotière, avançant notamment comme argument la présence quotidienne de la police municipale sur la place Gabriel Péri et régulière de celle nationale. Il a poursuivi en estimant que ceux qui l’employaient ne faisaient ainsi que «relayer les thèses de l’extrême droite».

Il est sûrement heureux que les problématiques que rencontre une partie du quartier soient autant débattues. Le traitement médiatique et politique qui lui est réservé la plupart du temps n’est toutefois pas à même de permettre d’éclairer sur les réponses, souvent complexes, à apporter.

Depuis cette semaine, après une énième descente de police et une visite du trio préfet/procureur/maire sous l’œil des caméras, des CRS sont stationnés en permanence sur la place Gabriel Péri qui a été vidé du marché à la sauvette et de la plupart des vendeurs de cigarettes de contrebande. Mais beaucoup craignent le moment où les policiers partiront, leur présence n’étant pour l’heure prévue que pour un mois environ.


#La Guillotière

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