L’« éco-anxieux », pour qui n’est pas familier de ce terme, ne désigne pas une personne terrorisée par les écologistes. Ce n’est pas quelqu’un qui, par exemple, stresse à l’idée qu’il n’y ait pas de sapin à Noël dans les mairies, que les écoliers deviennent tous végétariens ou qui fait une crise d’angoisse dès lors qu’il voit fleurir une nouvelle piste cyclable.
D’ailleurs il faudrait aussi trouver un terme pour désigner cette inquiétude-là. « Écolophobe » peut être ? Quoi qu’il en soit l’éco-anxieux, c’est tout l’inverse. Et s’il nourrit des craintes vis-à-vis d’une gouvernance écolo, ce serait plutôt pour son manque de radicalité ou de cohérence que vis-à-vis d’une hypothétique dictature verte.
Mettons que l’éco-anxieux ait 40 ans…
En fait, l’éco-anxieux ne parvient pas à mettre en veille son petit voyant qui s’est allumé avec la prise de conscience du désastre écologique en cours.
Il n’arrive pas à garder son calme quand en plein mois de janvier, alors qu’il fait 25°, le présentateur météo évoque une bien belle journée et des températures très « douces ». Il aimerait qu’il s’exclame : il fait « flippant » aujourd’hui !
Il a des sueurs froides dès qu’il sent les prémisses d’une nouvelle mode absurde et polluante, car il a l’intuition qu’elle va rapidement se généraliser, que ce soit celle des pick-ups ou des publicités numériques dans les vitrines, des vacances en croisière ou de la clim’.
Mettons que l’éco-anxieux ait aujourd’hui une quarantaine d’années, alors il a une conscience aigüe que son existence s’est déroulée en parallèle d’une dégradation sans précédent des écosystèmes.
Il ressent en permanence une irrésistible envie de tirer tout un chacun par la manche pour lui demander : « Dis, t’as lu le dernier rapport du GIEC ? ».
L’éco-anxieux reste durablement perturbé par une discussion avec un paysan concernant la sécheresse, avec une ornithologue à propos de la disparition des oiseaux, et n’arrive pas à se résoudre à trouver normal de voir un long défilé de SUV dans sa rue, qu’il continue, jour après jour, à percevoir comme une grande marche quotidienne « contre » le climat.
Chez l’éco-anxieux, pas de mécanisme régulateur
Peut-être, se dit-il, le déni de la situation est-il facilité chez ses contemporain.e.s par cette capacité, plutôt salutaire, que nous avons à ne pas penser à la mort à chaque instant de nos vies.
Sans doute est-ce le même mécanisme qui entre en jeu pour ne pas réellement percuter sur des échéances funestes pour l’humanité à très court terme et des phénomènes qui affectent déjà fortement une bonne partie de la population mondiale. Et dans ce cas, il est possible que l’éco-anxieux présente, en ce qui le concerne, une défaillance de ce mécanisme régulateur.
Car, par delà la conscience de sa propre finitude, il ne peut s’empêcher de considérer ce que ses enfants après lui pourraient faire de cette Terre, et de ressentir une tristesse immense à ce que ces possibilités leur soient réduites à tout jamais du fait même des générations qui les ont engendrés.
Une carte imaginaire signée Kobri. DR
L’éco-anxieux vit sa préoccupation au premier degré
Dans ce contexte, il perçoit l’incongruité qu’il y a à discuter avec de jeunes parents qui projettent à l’horizon de quelques décennies un avenir pour leurs enfants fait d’orientations successives, pétri d’un modèle qui a été le nôtre, et qui ne prend à aucun moment en compte cette réalité physique.
Ainsi, l’éco-anxieux vit cette préoccupation au premier degré, dans son quotidien. Et s’il est évidemment touché par la lecture d’un article précisant l’ampleur des dérèglements en cours, il l’est sans doute plus encore par ce sentiment permanent que la grande majorité des orientations que prend la société sont à l’opposé même de celles qui permettraient de faire face à la situation.
Que les miracles promis à travers une célébration constante de la technologie sont une illusion, et que, de toutes façons, même si un milliardaire arrivait à recréer des drones pollinisateurs pour pallier à la disparition des abeilles, il n’y a rien de bien désirable dans cette perspective.
Tenir les comptes de cette nouvelle mandature
Cela dit, l’éco-anxieux n’est pas un triste sire, un rabat-joie, il aime la vie, a plein de désirs de société et illustre a sa manière l’adage selon lequel seuls les vrais optimistes peuvent se permettre d’être pessimistes.
Et pour tout dire, l’éco-anxieux en a marre d’utiliser un terme psycho-médical pour se définir (eut-on imaginé dans les années 30 des personnes diagnostiquées « fascisto-flippées » et traitées en tant que telles de manière à pouvoir vivre sereinement les choses ? »). Et, en réalité, il aspire à être plus éco-actif qu’éco-anxieux.
Alors, quand la ville dans laquelle il habite, comme d’autres villes en France, passe au mains des écologistes, il s’emballe un peu, voit le Vert à moitié plein et se dit qu’anxiété partagée est déjà à moitié apaisée. Et puis ses inquiétudes lui reviennent avec la conscience que beaucoup d’obstacles peuvent se mettre en travers des élu.e.s les plus sincères comme la tendance, chez celles et ceux qui le sont moins, à se glisser dans les vieux habits de la vieille politique.
Alors, sans fonder des espoirs déraisonnables sur cette nouvelle municipalité, et en continuant à participer à l’agitation protéiforme autour des sujets qui le préoccupent, il est bien décidé à tenir scrupuleusement les comptes de cette nouvelle mandature.
[Droit de suite] Le 3 mars 2021, Génération identitaire était dissoute. Pourtant, son siège basé dans le Vieux Lyon reste toujours occupé. Au moins occasionnellement. La préfecture du Rhône assure surveiller l’activité de ses militants.
La dissolution de l’association Génération identitaire, prise en conseil des ministres, ne servirait-elle à rien ? Le lendemain de cette annonce, Rue89Lyon pointait l’absence dans ce décret des associations satellites du groupuscule d’extrême droite. Notamment celles à travers lesquelles les identitaires louent leurs locaux dans le quartier du Vieux Lyon : son siège national et bar associatif « La Traboule » ainsi que sa salle de boxe « L’Agogé ».
De l’activité autour des locaux identitaires, la préfecture assure les surveiller
« La Traboule », le bar associatif identitaire à Lyon. Photo de janvier 2017Photo : Léo Germain/Rue89Lyon.
Déjà, son bar « La Traboule » restait fréquenté par les militants de Génération identitaire. Et ce malgré la fermeture de ce type d’établissement en raison des mesures sanitaires en vigueur. Confirmant ce que nous avait affirmé depuis la préfecture du Rhône, Le Progrès indique que cette dernière assure surveiller les lieux.
La présence de militants et d’activités au sein de leurs locaux pourraient les rendre coupables de « reconstitution de ligue dissoute ». La préfecture indique au journal régional qu’à chaque contrôle de police les locaux semblaient déserts.
« On veille de façon précautionneuse à la non-reconstitution de Génération identitaire »
Préfecture du Rhône au journal Le Progrès le 7 avril 2021
Toutefois, journaliste comme témoins indiquent la présence à plusieurs reprises de personnes aux abords ou dans les lieux.
Deux autres associations derrière les locaux de Génération identitaire à Lyon
Arnaud Delrieux, un responsable de Génération identitaire lors de la conférence de presse inaugurale de « l’Agogé », leur salle de boxe, 27 janvier 2017Photo : Léo Germain/Rue89Lyon.
À défaut d’avoir pu motiver leurs fermetures, le décret du ministère de l’intérieur évoquait explicitement « La Traboule » et « L’Agogé ». Il affirmait qu’ils étaient, en particulier la salle de boxe, des lieux où Génération identitaire pouvait préparer des violences.
A travers l’association « La Traboule » les identitaires occupent et louent leur bar du même nom. Et c’est derrière l’association « Top Sport Rhône » qu’ils occupent la salle de boxe « L’Agogé ». Les associations « La Traboule » et « Génération Identitaire », fraîchement dissoute, sont d’ailleurs domiciliées à la même adresse : celle de leur local montée du Change dans le Vieux-Lyon.
Le bar associatif des identitaires, « La Traboule », a rouvert le 12 septembre 2020 après plus d’un an et demi de fermeture administrative. L’établissement ainsi que la salle de boxe attenante avaient été fermés par deux arrêtés municipaux pris par Jean-Yves Sécheresse, alors adjoint à la sécurité de Gérard Collomb. Ils interdisaient l’accueil du public pour raison de sécurité principalement liée à des risques incendie.
Après les travaux de mise en conformité, la municipalité écologiste avait autorisé la réouverture de la Traboule à l’automne dernier.
Dans le cadre d’une journée nationale de mobilisation des AESH (Accompagnant·es d’élèves en situation de handicap), un rassemblement est organisé ce jeudi 8 avril à 14h30 devant le rectorat de Lyon (7ème arrondissement).
Ce rassemblement est lancé par une large intersyndicale (FSU, Sud, FO, SNALC et CGT). C’est la troisième fois en deux mois que des AESH de la métropole de Lyon ainsi que des professeurs et des parents d’élèves se rendent devant le rectorat pour protester contre la réforme des Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisé (PIAL). Comme on peut lire dans leur communiqué :
“ [Le ministre] fait le choix de maintenir dans la précarité les 110 000 AESH qui jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement de ces élèves, refuse de s’engager vers une amélioration de leurs conditions d’emploi et dégrade leurs missions à travers la mise en œuvre des PIAL.”
A Lyon, « la mise en place des PIAL a considérablement dégradé les conditions de travail des AESH »
Le Collectif de parents d’élèves lyonnais pour les AESH s’associe à cette journée de mobilisation nationale :
“La mise en place des PIAL a considérablement dégradé leurs conditions de travail : un-e même AESH est appelé-e à intervenir sur plusieurs écoles, collèges ou lycées, à accompagner toujours plus d’élèves et à changer d’établissements scolaires, d’emploi du temps et d’élèves à tout moment de l’année scolaire.”
Le collectif a notamment lancé une pétition pour « exiger » plus d’AESH et pour une plus grande reconnaissance de celles-ci dans la région de Lyon. Aujourd’hui, elle a atteint 17 085 signatures.
« Le nombre d’heures d’accompagnement mutualisé par enfant s’est réduit comme peau de chagrin, à 3,7 heures, quand il était auparavant de 6 à 9h. Et les AESH absents ne sont pas remplacés (1000 sur 4000 actuellement dans le département du Rhône) ».
Rassemblement de soutien aux AESH du 24 mars 2021 à Lyon, devant la Direction des Services Départementaux de l’Éducation nationale du Rhône.Photo : LS/Rue89Lyon
A la Duchère (Lyon 9ème), le secteur de la Sauvegarde est le nouveau front de l’opération de renouvellement urbain. Ici, cela fait plusieurs mois que des travaux de rénovation des logements sociaux ont commencé. Fin mars, nous avons rencontré des habitantes qui vivent encore dans des bâtiments particulièrement vétustes. Malgré tout, elles observent d’un œil circonspect l’opération de réhabilitation en cours.
On reconnaît la barre 440 à son architecture des années 1960. Elle jouxte des espaces verts, tantôt un parc avec des jeux pour enfants, tantôt de grandes pelouses. Les murs à la peinture défraîchie, les volets métalliques abîmés et les petits halls aux carreaux usés témoignent d’une vétusté certaine.
Fatma habite cette barre depuis une dizaine d’année, elle est âgée et ne parle pas français. Son appartement est propre mais sa cuisine a les murs humides. La tapisserie est gondolée et les plafonds sont moisis. Jean-Pierre Ottaviani, président de l’Union de la Métropole de Lyon et du Rhône de la Confédération syndicale des familles (CSF), expose la situation de Fatma :
“Cet hiver, il faisait entre 14° et 16° dans les appartements. Et ce, malgré le chauffage central.”
En cause ? Des fenêtres qui n’en portent que le nom. Même fermées, les interstices entre le cadre et les battants font plusieurs millimètres. Le cadre en bois est lui aussi rongé par l’humidité. Jean-Pierre Ottaviani commente :
“Cet hiver, Grand Lyon Habitat a proposé des radiateurs électriques aux locataires, tu parles d’une solution.”
Deux allées plus loin, dans la même barre de la Sauvegarde, à la Duchère, vit Zohra, la fille de Fatma. Elle a 32 ans et travaille dans une association du quartier. Son appartement en tout point semblable à celui de sa mère est aussi très joliment agencé. Zohra a grandi à la Sauvegarde, elle a brièvement habité dans un autre sous-quartier de la Duchère, le Plateau, dans le bâtiment surnommé “Chicago”. Mais comme elle le dit avec un grand sourire, elle est « une vraie dame de la Sauvegarde ».
Sur le plafond de Fatma, des tâches d’humidité, qui reviennent sans cesse.Photo : LS/Rue89Lyon
Elle a ré-emménagé en 2015. Faire de son nouvel appartement un endroit chaleureux pour elle, son mari et leurs quatre enfants n’a pourtant pas été chose facile.
“J’ai racheté tous mes meubles. A la Chicag’ on était infestés de cafards, je ne voulais pas en emmener dans mon nouvel appartement. Ici ça a été les puces de lit.”
Zohra, locataire de Grand Lyon Habitat à la Sauvegarde (la Duchère)
Les bâtiments de la rue Marius Donjon, à l’architecture des années 1960 (barre 440)Photo : LS/Rue89Lyon
« Tout gondole, tout gonfle et pourrit »
A peine installée, toute la famille s’est couverte de plaques rouges. Sous les lames de parquet recouvertes par un fin lino, les bêtes se comptent par centaines. Zohra se dépêche d’appeler Grand Lyon Habitat :
“Ils m’ont dit que c’est moi qui les avait ramenées. Ils ne voulaient pas prendre en charge le problème. C’est quand on a pris des photos et qu’on leur a envoyées qu’ils se sont dit “bon d’accord”. Et après, Grand Lyon Habitat a mis plus d’un mois à intervenir.”
Les punaises n’ont pas été le seul souci de Zohra et sa famille, comme sa mère, elle doit se battre chaque jour contre l’humidité :
“Le problème de l’humidité est vraiment pesant. On a beau refaire refaire tout le temps. La VMC ne fonctionne pas bien, alors tout gondole, tout gonfle et pourrit”
Zohra, dans sa cuisine au murs abîmés par l’humiditéPhoto : LS/Rue89Lyon
En effet, sur les murs fraîchement repeints apparaissent des bulles, à certains endroits ce sont de longues traces noires.
“C’est les meubles de la cuisine du voisin. C’est tellement mal isolé que son humidité abîme notre côté du mur.”
Zohra, locataire de Grand Lyon Habitat à la Sauvegarde
Le mari de Zohra travaille dans le bâtiment. C’est lui qui a fait la majorité des travaux. Il a même donné des coups de pouce aux voisins.
“Il a tout refait. Je ne saurai même plus dire tant il y a de choses. Le sol d’origine par exemple se déchirait, donc on l’a refait. On a repassé tout le mur de la cuisine avec de l’enduit.”
Zohra, habitante de la Sauvegarde, à la Duchère
Une prise de courant mal en point, chez Zohra.Photo : LS/Rue89Lyon
Le mari de Zohra n’est cependant pas électricien. Alors, pour les prises de courant avec des fils à nu, ils n’ont rien pu faire.
“Grand Lyon Habitat sait que j’ai des enfants, j’y pense souvent, j’ai peur qu’ils jouent avec.”
Zohra, locataire de Grand Lyon Habitat à la Sauvegarde
« Le plafond s’émiettait sur ma mère toute la journée »
La famille de Zohra a dépensé beaucoup d’argent dans les travaux et l’ameublement. Elle a investi dans une cuisine équipée pour pouvoir se faire à manger correctement.
“On en a eu pour 3000 euros, mais au moins là on est bien. Le souci c’est qu’avec l’humidité, ce qu’on a acheté va s’abîmer vite.”
Zohra, locataire de Grand Lyon Habitat à la Sauvegarde
Selon Jean-Pierre Ottaviani :
“En moyenne, les locataires du quartier doivent réinvestir de l’argent tous les 18 mois pour faire des travaux dans leur appartement.”
Zohra et son mari ont les ressources physiques et financières pour réaliser des travaux réguliers. En revanche, elle a dû batailler avec Grand Lyon Habitat pour que le bailleur assure un logement décent à sa mère :
“Le plafond s’émiettait sur ma mère toute la journée, il tombait sur elle. J’ai appelé Grand Lyon Habitat un paquet de fois. Ils me répondaient : “votre maman est chargée de l’embellissement de son appartement” mais ce n’est pas de l’embellissement c’est de la sécurité.”
Elle ajoute :
“Après ils ont dit qu’il fallait 15 ans d’ancienneté dans un appartement pour qu’ils fassent des travaux. Ma mère, elle, n’a peut-être pas fait quinze ans dans cet appartement, mais elle a fait 36 ans à Grand Lyon Habitat ! On ne se sent pas respectés.”
Zohra sait que tout l’argent investi pour améliorer son logement sera perdu quand elle déménagera.
Pour la jeune femme, les locataires qui bénéficient de logements sociaux vivent dans la peur de ne pas avoir de logement du tout, alors ils ne se rebiffent jamais :
“Il y a un peu une culture du “du moment qu’on a un appartement, on ne va pas chipoter”. Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas de logement, on le sait.”
Zohra, locataire de Grand Lyon Habitat à la Sauvegarde
Les balcons construits dans les années 90 sur la barre 440.Photo : LS/Rue89Lyon
« A la Sauvegarde, on est envahis par les pigeons »
L’appartement de Zohra -tout comme celui de sa mère- subit les assauts journaliers de visiteurs indésirables : les pigeons.
“Au milieu des années 1990, la Métropole a fait poser des balcons sur tous les appartements des bâtiments rue Marius Donjon. Ils donnent sur un joli parc très vert, mais rempli de pigeons. En fait, ils ont posé des perchoirs à pigeons.”
Jean-Pierre Ottaviani, président local de la Confédération syndicale des familles
Tous les locataires des appartements visités ont déserté leur balcon, ceux-ci sont souvent recouverts de déjections, et abritent parfois des nids. Zohra explique :
“On est envahis de pigeons. Chaque locataire a tout essayé pour les faire partir. Non seulement ça fait beaucoup de bruit, surtout sur les balcons inoccupés, mais en plus c’est un peu dangereux, on ne peut pas laisser la porte ouverte pour aérer par exemple.”
Le balcon de Zohra, envahi de pigeons.Photo : LS/Rue89Lyon
Elle précise :
“Une fois j’étais au travail, ma fille m’a appelée morte de peur, on avait laissé la porte ouverte, il y en avait trois à l’intérieur de chez moi.”
Des habitantes de la Sauvegarde, à la Duchère, dépitées
Questionnée par Rue89Lyon, la direction de Grand Lyon Habitat reconnaît que la prise en compte du problème des pigeons a été insuffisante :
“Les pigeons sont nombreux sur la résidence et notamment sur le balcon d’un logement vacant. Une intervention a eu lieu sur le balcon en question pour déloger les nids et nettoyer.”
Et ajoute :
“Une nouvelle intervention (pose de filet pour éviter de nouveaux nids) est prévue ce vendredi 26 mars [après notre reportage]. En parallèle, une campagne d’affichage, demandant de ne pas nourrir les volatiles, a eu lieu dans les allées début mars 2021.”
Sarah habite aussi rue Marius Donjon, dans le même bâtiment que Fatma. Sa technique contre les pigeons, c’est de recouvrir son balcon d’aluminium. Elle en rigole :
“Je vous préviens, ça ne marche pas.”
Sarah est femme de ménage à l’Ecole Centrale Lyon et a emménagé dans cet appartement en 1997, après une première réhabilitation. Elle a trois enfants, de six, huit et vingt-cinq ans. Sarah a des relations pour le moins conflictuelles avec le bailleur Grand Lyon Habitat, qui a un local à l’entrée du quartier. Elle l’appelle « Opac » pour Office public d’aménagement et de construction. Les pigeons, la moisissure, les prises de courant arrachées aux fils découverts, elle vit avec depuis 23 ans :
“Je paye mon loyer, pourquoi ne veulent-ils pas que j’habite dans de bonnes conditions ? Il n’y a rien qui va à l’Opac. C’est “donne le loyer et c’est tout”.”
Sarah a tenté de mettre de l’aluminium pour faire fuir les pigeons.Photo : LS/Rue89Lyon
« Les relations avec le bailleur se dégradent »
Au début du mois de novembre, tout son bâtiment a subi une coupure de chauffage qui a duré quinze jours.
“Ils avaient fait des bêtises en faisant les travaux à quelques rues d’ici. En réalité, chaque année il y a quelque chose qui tombe en panne, et aucun dédommagement ou quoi.”
Sarah, habitante de la Sauvegarde, à la Duchère
Elle regrette des relations tendues avec son bailleur, qu’elle a vu se détériorer au fur et à mesure des années :
“J’ai constaté un changement. Il y a vingt ans les choses se passaient mieux, ils étaient plus réactifs. Les charges ont augmenté mais le service est moins bon, il faudrait m’expliquer.”
Sarah, une habitante de la barre 440 de la Sauvegarde, à la Duchère (Lyon 9ème).Photo : LS/Rue89Lyon
A la Duchère, des travaux de rénovation annoncés comme salvateurs
Les travaux de requalification et de résidentialisation auraient dû commencer en 2020 dans ce secteur de la Sauvegarde, à la Duchère. Ils doivent finir en 2030.
La crise sanitaire a provoqué le report de la concertation qui s’est tenue en janvier 2021 au lieu de fin 2020. Les travaux ont été lancés sur la barre 460 en décembre, trois mois après la date prévue. Le bâtiment s’est notamment retrouvé à nu, sans isolation pendant plusieurs semaines de décembre à janvier. Cela étant dû à une mauvaise organisation sur le chantier. Les travaux sont encore en cours sur ce bâtiment.
Les travaux du bâtiment 440 devaient commencer en septembre 2021, mais la pose de nouvelles fenêtres a été avancée de quelques mois. Elles sont en train d’être changées.
La directrice de la communication de Grand Lyon Habitat, explique à Rue89Lyon que les problèmes dénoncés par les habitants de la barre 440, notamment celui de l’humidité et des fuites, vont être réglés avec la rénovation des logements :
“Les problèmes d’humidité peuvent être liés à une ventilation défaillante et/ou à un défaut structurel du bâti […]. De plus, dans certains logements, on constate des infiltrations d’eau via les joints des menuiseries d’origines également liées à la vétusté.”
Elle ajoute :
“La réhabilitation permettra de traiter l’ensemble de ces problèmes via l’isolation extérieure, le remplacement des menuiseries et la réfection de la ventilation.”
Chez Sarah, la moisissure s’infiltre également partout.Photo : LS/Rue89Lyon
Elle ajoute que face à l’urgence d’isoler les logements formulée par les habitants, des remplacements ont été anticipés :
“En accord avec le collectif de locataires, Grand Lyon Habitat a anticipé le remplacement des menuiseries extérieures sur la barre 440 (les premières interventions ont débuté la semaine du 15 mars 2021 mais il n’est pas possible d’anticiper tout le programme de travaux. Les locataires devront encore patienter.”
On remarquer que devant le numéro 448 de la rue Marius Donjon, dans le secteur de la Sauvegarde à la Duchère, des fenêtres neuves sont nonchalamment posées au pied de la façade.
Devant le 448, de nouvelles fenêtres attendent d’être poséesPhoto : LS/Rue89Lyon
“Maintenant Grand Lyon Habitat s’y prend à l’avance pour faire des travaux, depuis que France 3 est passé. Avant, ils étaient toujours en retard, d’en moyenne 3 mois.”
Jean-Pierre Ottaviani, de la Confédération syndicale des familles
À la Duchère, à reculons vers la rénovation
Les habitantes en sont venues à redouter la rénovation de leur appartement. Le logement témoin ne leur fait pas très envie, ni les difficultés que vont amener la période de travaux.
Nora habite la barre 510 avec sa famille, à deux rues de la barre 440, de l’autre côté du petit parc. Son appartement est agencé comme celui de Fatma et Zohra, mais sans balcon. Les fenêtres sont fermées avec du sopalin pour combler les interstices, ainsi que du scotch. Elle est très ennuyée par sa cuisine humide :
“Tous les ans on refaisait toutes les peintures mais mon fils a dit qu’il ne voulait plus qu’on mette d’argent là dedans, que ça ne servait à rien. En quelques mois ça pourrit.”
Cet hiver, le chauffe-eau est tombé en panne et n’a pas fonctionné durant un mois avant que Grand Lyon Habitat ne le répare.
Le plan de rénovation urbaine du secteur de la Sauvegarde à la Duchère. Capture d’écran GPV
Et Nora continue : la faïence de la salle de bain qui se casse à cause des murs qui gonflent, les prises de courant avec les fils à nu… Pourtant, si elle pouvait, elle n’accepterait pas la rénovation de son appartement.
La faute à l’appartement témoin dont la façade se détache au milieu des vieux appartements décrépis, dans la barre 440. Les habitants qui l’ont visité en sont ressortis très mitigés.
L’architecte a souhaité installer des WC suspendus. Charmante idée, mais cela a avancé le siège dans le cabinet déjà minuscule. Si bien qu’une personne d’un mètre soixante-dix ne peut pas s’y asseoir et fermer la porte. Nora tempête :
“Je ne veux pas qu’ils mettent leurs toilettes chez moi, mon fils est grand, je veux qu’il puisse fermer la porte.”
L’appartement témoin, rue Marius Donjon (bâtiment 440)Photo : LS/Rue89Lyon
Elle ajoute :
“Moi je veux une jolie cuisine. dans le nouvel appartement le lavabo est placé dans un petit coin, à côté de la chaudière. Ce ne sera pas joli, ni pratique d’ailleurs ! En plus c’est aussi là qu’ils mettent toutes les prises.”
Grand Lyon Habitat explique ce problème de place dans les toilettes :
“Outre la modernisation de l’équipement, cette solution technique permet de masquer la nouvelle colonne eaux usées et d’améliorer nettement l’isolation acoustique vis-à-vis du voisin, qui était auparavant source de gêne importante. A l’inverse, cette solution réduit la profondeur disponible d’environ 10cm et donne la sensation aux locataires d’un espace étriqué.”
Cependant, après avoir reçu les plaintes des habitants, Grand Lyon Habitat a promis de revoir les toilettes. Mais pas pour tout le monde, précise Jean-Pierre Ottaviani de la CSF :
“Les locataires qui ont eu les travaux avant le recalibrage garderont ce problème de place dans les toilettes.”
Nora est également inquiète de voir la luminosité de son appartement disparaître après la rénovation. Les nouvelles fenêtres seront à moitié couvertes par un paravent noir inamovible, qui empêchera en partie la lumière de passer.
Grand Lyon Habitat tente pourtant de rassurer :
“Cette modification participe aussi à la modernisation de la façade. La nouvelle menuiserie reste d’une dimension généreuse. La surface vitrée de ces pièces est supérieure de 25% aux exigences actuelles dans les constructions neuves. Les locataires peuvent constater dans le logement témoin que la luminosité de la pièce reste largement suffisante même par temps couvert.”
« Ils s’activent beaucoup plus, par peur de la médiatisation »
Les locataires ne comprennent pas les décisions qui ont été prises. Pour Jean-Pierre Ottaviani, la communication n’a pas été très fluide avec les habitants :
“En fait, pendant la concertation, ils présentaient les projets plus qu’ils ne laissaient place au débat. Ils considéraient que s’ils n’avaient pas de retour c’est que les choses étaient OK. Mais parfois c’est juste que les habitants n’étaient pas au courant.”
La directrice de la communication de Grand Lyon Habitat déclare pourtant qu’un panel de dispositifs de communication et de concertation a été déployé :
“Des réunions publiques ont été organisées ; un logement pédagogique a été aménagé en 2018 puis un logement témoin en 2019 pour expliquer les travaux envisagés pièce par pièce […]. Une plaquette présentant le projet des travaux a été adressée à chaque locataire en décembre 2019 accompagnée d’un bulletin de vote. Un bulletin de suivi des travaux va être diffusé dans les tout prochains jours.”
Grand Lyon Habitat promet un suivi individualisé de la rénovation pour les locataires :
“Dans le cadre du chantier, une visite préalable de chaque logement est réalisée afin d’informer les locataires sur les travaux, le calendrier de réalisation et les contraintes qui en découlent.”
La barre 460, premier bâtiment concerné par les travaux de rénovation, dans le secteur de Sauvegarde, à la Duchère.Photo : LS/Rue89Lyon
Depuis décembre dernier, Jean-Pierre Ottaviani organise des réunions toutes les six semaines entre les responsables de Grand Lyon Habitat et les habitants, par petits groupes de cinq. L’opinion de Zohra est mitigée à propos de ces rendez-vous :
“A la première réunion, ils ne voulaient rien entendre. Maintenant, par peur de la médiatisation, ils s’activent beaucoup plus.”
« J’aime bien ce coin de la Duchère, c’est familial »
Un autre problème se pose : Les appartements sont refaits cinq par cinq. Lorsque les travaux de salle de bain sont entamés dans un appartement, les familles doivent aller se doucher dans l’appartement témoin pour au minimum une semaine.
“Cinq familles qui doivent aller se doucher dans l’appartement témoin, qui parfois se trouve à plus de cinquante mètres de leur appartement, ce n’est pas le top quand même.”
Jean-Pierre Ottaviani, délégué syndical de la Confédération syndicale des familles
Le plan de végétalisation du secteur de la Sauvegarde, à la Duchère. Capture d’écran GPV
Les locataires de la Sauvegarde que nous avons rencontrées sont pour beaucoup très attachées à leur quartier, et vivent souvent comme Zohra, sa mère et son frère, dans trois appartements différents à une cinquantaine de mètres de différence. Comme le dit Younes, le fils de Nora :
“J’aime bien ce coin de la Duchère. J’ai mes habitudes. C’est un beau quartier, vert et les gens s’entraident.”
Le collectif occupant le TNP Villeurbanne appelle à une manifestation contre la réforme de l’assurance-chômage ce mercredi 7 avril à 14h au départ du théâtre.
De la place Lazare Goujon, les manifestants devraient marcher jusqu’à la tour Swiss Life dans le quartier de la Part-Dieu. Cette tour est notamment le siège de la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation du Travail et de l’Emploi) d’Auvergne-Rhône-Alpes.
Le collectif dans son communiqué dénonce l’application envers et contre tout de la réforme de l’assurance-chômage initialement annoncée en 2020, cette fois-ci prévue pour début juillet 2021 :
“Alors que 4 mois de travail sur 28 suffisaient pour toucher ses allocs, il faudra désormais avoir cotisé 6 mois sur 24.”
Et d’ajouter :
“Un tiers des personnes qui auraient ouvert des droits avant la réforme en seront ainsi privées. Là où jusque-là il suffisait de retravailler un mois pour avoir le droit d’être de nouveau indemnisé, la réforme exige à présent six mois.”
D’après le communiqué du collectif :
“L’objectif ici est bel et bien d’exclure de l’indemnisation chômage des dizaines de milliers de chômeur.euses potentiel.le.s, passant ainsi sous les radars des chiffres du chômage, et basculant dans l’immense précarité du RSA ou de l’ASS.”
Convergence avec les profs de Villeurbanne
La manifestation sera notamment rejointe par La coordination éducation de Villeurbanne. Ces profs avaient prévu une manifestation le même jour à 16h, afin de protester contre “les conditions de rentrée catastrophiques dans les établissements scolaires villeurbannais ».
Cependant leur manifestation a été interdite par le préfet du Rhône, explique la coordination dans un communiqué :
“Les services de la préfecture nous ont répondu le 2 avril que notre rassemblement du 7 avril ne serait pas possible en raison des conditions sanitaires.”
Le collectif a donc décidé de rejoindre la manifestation contre la réforme de l’assurance chômage.
Photo prise par un des comédiens présents à l’assemblée générale du 12 mars 2021 du TNP occupé à Villeurbanne. DR
[Droit de suite] Les soignantes d’un Ehpad de Saint-Priest filmées à leur insu, notamment dans les toilettes, réclament justice. Elles viennent d’obtenir de premières avancées judiciaires.
En octobre dernier, les soignantes de l’Ehpad « le Château » ont découvert que le technicien de maintenance les filmait depuis trois ans, notamment dans les toilettes du vestiaire à l’aide de mini-caméras.
Après ce choc, elles ont dû batailler pour être reconnues comme victimes.
Dépôts de plainte dissuadés, enquête bouclée en trois semaines, caractère sexuel non-retenu… une majorité de ces femmes estimaient ne pas avoir été entendues par la police et la justice.
Ehpad de Saint-Priest : audience en correctionnelle et réouverture de l’enquête
Ce vendredi 2 avril, le technicien de maintenance de 53 ans devait comparaître en CRPC (convocation sur reconnaissance préalable de culpabilité). Un plaider-coupable qui ne convenait également pas aux soignantes de l’Ehpad de Saint-Priest.
Préalablement, le 8 mars, leur avocate Sarah Just avait déposé 19 nouvelles plaintes – dont une au nom d’une stagiaire mineure – auprès du parquet de Lyon. Ce qui porte à 34 le nombre de plaignantes dans ce dossier. Le Réseau Oméris, propriétaire de l’Ehpad « Le Château », en tant que personne morale a également porté plainte.
Le procureur de la République de Lyon a finalement entendu les victimes et a renvoyé l’affaire en correctionnelle « classique », le 5 novembre. Surtout, il a accordé, sur la base de ces nouveaux dépôts de plainte, la réouverture de l’enquête.
Ce sont 22 heures de vidéos trouvées dans l’ordinateur personnel et huit mini-caméras saisies qui pourront être investiguées.
« Les soignantes sont soulagées que le parquet ait réagi, même au dernier moment. Elles ont le sentiment d’avoir enfin été prises en compte. C’est une première victoire. »
Sarah Just, avocate des soignantes de la « Résidence du Château » à Saint-Priest
Les victimes du voyeur de l’Ehpad de Saint-Priest réclament justice. Elle viennent d’obtenir une « première victoire ». Photo d’illustration : l’intérieur du tribunal judiciaire de Lyon.Photo : DR
Quelle sera la suite ? À défaut de pouvoir la prédire, l’histoire de l’anthropocène permet de voir sa construction. Et précisément comment l’homme et les sociétés se sont adaptés aux transformations entraînées par leurs volontés de maîtrise du vivant et de leur environnement. Le recul historique nous montre que tout n’est pas forcément inéluctable. Si la période néolithique s’est achevée sur le début de l’ère de l’anthropocène, la suite de notre monde aujourd’hui globalisé n’est pas forcément synonyme de fin de l’histoire.
Cette conférence du 7 avril fait directement écho à un autre évènement démarré à Lyon. Le 2 avril 2021, s’est en effet ouverte au musée des Confluences, l’exposition La Terre en héritage : du Néolithique à nous, à laquelle le néolithicien Jean-Paul Demoule et le géographe Michel Lussault ont contribué scientifiquement. Cette exposition montre la richesse des échanges entre les spécialistes de ces époques qui révolutionnent le Monde et questionnent l’habitabilité de la Terre.
On retrouvera les deux hommes ce mercredi 7 avril. Jean-Paul Demoule a signé le texte de présentation qui suit. Pour écouter la conférence en direct.
« Il n’est jamais très honnête chez les cruciverbistes (dont je ne fais pas partie) de finir, en panne d’inspiration, par regarder la solution d’un mot croisé. Pour ma part, il m’arrive, un polar à peine commencé, de passer tout de suite aux dix dernières pages, afin de m’épargner plusieurs heures d’une lecture haletante qui, au bout du compte, m’auraient laissé l’impression frustrante d’avoir perdu mon temps. Concernant le néolithique en revanche, il est tout à fait passionnant, pour un néolithicien, d’observer les conséquences à long terme (mais provisoires) de sa période de prédilection, dans un dialogue abouti avec les anthropocénistes.
Quand tout a commencé
Rembobinons le film, donc. Il y a douze mille ans, dans un éternel recommencement, un nouvel interglaciaire commence, au rythme des oscillations de l’axe de la terre par rapport au soleil, ainsi que l’a démontré il y a déjà près d’un siècle le savant serbe Milutin Milankovitch.
Là, un certain nombre de petits groupes d’homo sapiens, qui depuis 300.000 ans vivaient fort bien de chasse, de pêche et de cueillette et dont le nombre total ne dépassait pas un ou deux millions d’individus sur l’ensemble de la planète, entreprennent, indépendamment en divers points du globe, de prendre le contrôle d’un certain nombre d’espèces animales et végétales, disponibles dans leur environnement immédiat.
Cela ne fut pas une « révolution » brutale et immédiate. D’une part certains d’entre eux avaient déjà transformé, depuis plusieurs millénaires, des loups en chiens, tandis que l’apprivoisement, pour l’agrément, de petits animaux sauvages était bien attesté chez divers groupes de chasseurs-cueilleurs récents, voire même une petite horticulture d’appoint. D’autre part, cette prise de contrôle d’une partie de la nature fut tâtonnante, progressive, et certainement semée d’échecs provisoires et de retours en arrière.
Maison néolithique reconstituée, site de Cuiry-lès-Chaudardes (Aisne), vers – 4900 avant notre ère Photo : UMR 8215 – Trajectoires – du CNRS
Homo sapiens se transforme en une espèce invasive
Néanmoins, en deux ou trois millénaires, la démographie humaine va partout exploser. En effet, avec la sédentarité et une nourriture mieux sécurisée, malgré d’inévitables aléas climatiques, les nouvelles agricultrices mettent désormais au monde un enfant presque chaque année – au lieu d’un tous les trois ou quatre ans chez les chasseuses-cueilleuses.
Certes, la nouvelle alimentation à base de céréales, plus molle et sucrée, convient moins bien à ces estomacs de chasseurs-cueilleurs, la proximité d’avec les animaux et le confinement dans des villages en dur favorisent les épidémies, la mortalité infantile est massive et les gestes répétitifs et pénibles de l’agriculture entrainent des troubles musculo-squelettiques importants, au point que dans un premier temps la taille des agriculteurs diminue. Il n’empêche, homo sapiens se transforme peu à peu en une espèce invasive qui élimine, et de plus en plus, toutes les espèces biologiques qui ne lui conviennent pas.
Les trois conséquences majeures
Ce boom démographique a eu trois conséquences majeures qui mènent à l’anthropocène, si tant est que l’anthropocène ne commencerait pas avec le néolithique, d’abord en signaux très faibles – pour devenir étourdissants aujourd’hui.
La première conséquence fut qu’il fallait nourrir de plus en plus d’humains sur une planète finie. Donc déboiser de plus en plus les sols pour les mettre en culture, mais aussi en augmenter sans cesse la fertilité en développant outils et machines, tout comme en multipliant engrais et pesticides, avec des effets sanitaires aujourd’hui catastrophiques, même si les lobbys agro-alimentaires les nieront jusqu’à la limite du possible, comme ce fut le cas pour le tabac ou l’amiante. L’élevage intensif, de même, contribuera à la dégradation environnementale et climatique. Plus globalement, la fabrication en nombre exponentiel d’objets censés indispensables à ce nombre exponentiel d’humains entraine aussi le rejet dans ce qui reste de la « nature » de leurs objets devenus obsolescents, avec une dégradation exponentielle des terres comme des mers.La seconde conséquence est qu’avec l’ancrage, chacune sur son territoire, de communautés humaines de plus en plus denses, les conflits armés n’ont pu que se développer, tout comme la sophistication des armes – ce que l’archéologie confirme aisément, avec la multiplication des charniers, la fortification des habitats et la course aux armements, qui commence avec les premières épées, il y a près de 4.000 ans, et n’est pas près de s’achever.La dernière conséquence est que l’on voit apparaître au sein de ces sociétés, et dès le néolithique, des individus beaucoup plus riches que les autres et qui ont, grâce aussi à des relations visiblement privilégiées avec le surnaturel, un pouvoir politique et économique croissant sur leurs semblables.
La fin de l’histoire ?
Tout cela était-il écrit d’avance, du moins si l’on regarde (en trichant, donc) ce point d’aboutissement (provisoire) du néolithique qu’on appelle anthropocène, terme qui déplait si fortement à certains de nos collègues climatologues et géologues et qui inscrirait encore un peu plus l’emprise humaine (anthropos) sur la planète ?
D’une part toutes les sociétés n’ont pas traité aussi brutalement leur environnement et toutes les sociétés n’ont pas été aussi fortement inégalitaires, certaines se gardant de pouvoirs trop forts et tâchant, à toutes époques, d’instituer au moins des prises de décisions collectives. Symétriquement, un bon nombre de sociétés sont allées dans le mur, soit pour avoir surexploité leur environnement, soit parce que les abus de leurs dirigeants ont conduit à des révolutions politiques plus ou moins violentes, quelles qu’en aient été les suites.
Si cette espèce invasive, homo sapiens, s’est imposée sur toute la planète, sinon au-delà, c’est aussi que ses facultés d’adaptation sont fortes. Il sera donc très intéressant d’observer à l’avenir comment, dans un mode désormais globalisé, elle arrivera à surmonter les inévitables crises, environnementales comme politiques, qui sont devant elle. Et là, nous n’avons pas encore la fin de l’histoire. »
Avec :
– Jean-Paul Demoule. Archéologue et préhistorien, professeur émérite de protohistoire européenne à l’université de Paris I (Panthéon-Sorbonne) et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France. Ses travaux portent sur la néolithisation de l’Europe, ainsi que sur les sociétés de l’âge du Fer, sur l’histoire de l’archéologie et son rôle social, ou encore sur ses constructions idéologiques et, à ce titre, sur le « problème indo-européen ». Ses derniers livres : Aux origines, l’archéologie. Une science au coeur des grands débats de notre temps (La Découverte, 2020), Trésors, les petites et les grandes découvertes qui font l’archéologie (Flammarion, 2019), Les dix millénaires oubliés qui ont fait l’histoire. Quand on inventa l’agriculture, la guerre et les chefs (Fayard, 2017).
– Michel Lussault. Géographe, professeur à l’Université de Lyon (Ecole Normale Supérieure de Lyon), membre du laboratoire de recherche Environnement, villes, sociétés et du Labex IMU. Dans son travail, il analyse les modalités de l’habitation humaine des espaces terrestres, à toutes les échelles et en se fondant sur l’idée que l’urbain mondialisé anthropocène constitue le nouvel habitat de référence pour chacun et pour tous. Afin de pouvoir amplifier de telles recherches qui exigent une véritable interdisciplinarité, il a créé, en 2017, l’Ecole Urbaine de Lyon. Ses derniers livres : Chroniques de géo’ virale (École urbaine de Lyon & Deux-cent-cinq, coll. À partir de l’Anthropocène, 2020), avec Yann Calberac, Olivier Lazzarotti, Jacques Lévy, Carte d’identités. L’espace au singulier (Hermann, 2019), Hyper-lieux. Les nouvelles géographies de la mondialisation (Le Seuil, Coll. la Couleur des idées, 2017).
Animation :
– Bérénice Gagne. Issue d’un parcours de formation pluridisciplinaire entre littérature, sciences du langage et sciences politiques, elle réalise, depuis 2019, la veille hebdomadaire de l’École urbaine de Lyon sur l’Anthropocène.
Pour suivre ou réécouter la conférence :
À lire aussi sur le sujet : Néolithique Anthropocène. Dialogue autour des douze mille dernières années (coédition École urbaine de Lyon & Deux-cent-cinq, coll. À partir de l’Anthropocène, printemps 2021)
Ce samedi 3 avril en plein après-midi, la Maison de la Mésopotamie (7e arrondissement de Lyon) a été la cible d’une attaque d’un commando d’ultra-nationalistes turcs. Bilan : quatre blessés. La communauté kurde, qui exploite le local, accuse les « Loups gris » et dénonce une attaque liée au récent rapprochement entre Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan.
Devant la Maison de la Mésopotamie, place Mazagran, environ deux cents personnes se sont réunies ce dimanche 5 avril pour manifester leur solidarité envers la communauté kurde lyonnaise.
La veille, samedi vers 14h30, le local politique et culturel des Kurdes de Lyon, situé rue Mazagran (à la Guillotière, 7ème arr.), était attaqué par un commando constitué d’une vingtaine d’ultra-nationalistes turcs (autrement appelés « Loups gris ») cagoulés et munis de battes de baseball et d’armes blanches. Vitres cassées, intérieur vandalisé et, surtout, quatre membres de l’association, qui faisaient le ménage dans le local, sérieusement blessés.
Trois d’entre eux ont été conduits à l’hôpital. Ce lundi matin, l’un d’eux était toujours hospitalisé. L’association « Espace Culturel Mésopotamie », qui exploite le local, ainsi que trois des blessés ont porté plainte.
Policiers devant l’entrée de la Maison de la Mésopotamie rue Mazagran (à la Guillotière – Lyon 7ème) après l’attaque des « Loups gris » le 3 avril. Crédit : DR.
« Un camarade a reçu des coups de batte de baseball et a huit points de suture à la tête. Un autre a douze points de suture à cause d’un coup porté par un point américain. Après l’attaque, des policiers sur place nous ont dit de ne pas nous inquiéter, qu’ils allaient trouver les agresseurs. Mais ce que nous voulons c’est que les services de renseignement les arrêtent avant qu’ils agissent. Au lieu de ça, ils ne font rien », affirme Amed, adhérent de la Maison de la Mésopotamie.
Ce dimanche, c’est aux cris de « Erdogan assassin, Macron complice », que la manifestation constituée de membres de la communauté kurdes et de leurs soutiens (syndicalistes, organisations antifascistes et libertaires, Parti Communiste Français…) ambitionnait de se diriger jusqu’à la préfecture.
Sol et tables maculées de sang dans la Maison de la Mésopotamie à Lyon après l’attaque des « Loups gris ». Crédit : DR.
Sur le trajet, un commerce turc situé à l’angle de la grande rue de la Guillotière et du boulevard Jean Jaurès, et identifié par des manifestants comme appartenant à des nationalistes turcs, a été la cible de jets de pierre.
La manifestation, stoppée à grands renforts de gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre, n’est pas parvenu jusqu’à la préfecture.
Les signes avant-coureurs d’une attaque
L’attaque menée par les « Loups Gris » contre le local des Kurdes à Lyon ce 3 avril était annoncée. Littéralement.
Le 20 mars dernier, des menaces ont été retrouvées taguées en turc sur la porte de la Maison de la Mésopotamie : « Akili olun » traduire « soyez intelligents », comprendre : « faites attention ». Un message agrémenté des trois croissants, logo du MHP, (parti ultra-nationaliste turc) et des initiales RTE pour Recep Tayyip Erdogan. Elles laissent peu de doute quant à l’identité de leurs auteurs.
Ces dégradations répondaient à la mobilisation de la communauté kurde qui, ce même samedi 20 mars, organisait un rassemblement de plusieurs centaines de personnes place Bellecour à l’appel du collectif Solidarité Kurdistan.
« Là encore, une vingtaine de « Loups gris » avaient suivi plusieurs de nos camarades qui rentraient à la Maison de la Mésopotamie à la fin de la manifestation. Ils ont agressé deux d’entre eux à la Guillotière.
Depuis trois ans, les violences des fascistes turcs augmentent à Lyon « , soutient Amed.
Dimanche 4 avril, départ de manifestation kurde depuis la Maison de la Mésopotamie, place Mazagran (Lyon 7ème).Photo : GB.
Les agissements des « Loups gris » dans le Rhône ne visent pas seulement la communauté kurde.
A l’automne, les ultra nationalistes turcs avaient organisé des manifestations anti-arméniens à Vienne et à Décines. Plusieurs centaines de personnes avaient alors défilé dans les rues, ce qui avait valu au groupuscule « Loup gris » d’être dissous en conseil des ministres le 4 novembre 2020 et au jeune Ahmet Çetin, identifié comme l’un des organisateurs de ces manifestations, d’être condamné pour « incitation à la violence ou à la haine » à la suite de propos anti-arméniens, tenus sur Instagram.
« On remarque aujourd’hui que ces mesures n’ont eu aucun effet », commente Roseline Kisa, co-présidente de l’association France-Kurdistan Rhône.
Une attaque des « Loups gris » après le rapprochement diplomatique turco-français »
« Il n’est pas anodin que ces attaques violentes et organisées des « Loups gris » à l’encontre de la communauté kurde en France interviennent à l’issue du rapprochement diplomatique turco-français », écrit le Conseil Démocratique Kurde en France dans un communiqué.
« Ce rapprochement entre Emmanuel Macron et Recep Tayyip Erdogan participe au sentiment d’impunité des « Loups gris », commente Roseline Kisa.
Début mars, un entretien téléphonique entre les deux présidents signait la fin d’une longue période de tensions qui durait depuis septembre 2020, Paris dénonçant les vues turques sur les hydrocarbures chypriotes et grecs; Ankara fustigeant la « loi séparatisme » et taxant la politique française « d’islamophobe ».
Manifestant kurde, dimanche 4 avril, place Mazagran tenant une pancarte que l’on peut traduire par « main dans la main contre le fascisme ».Photo : GB.
« Depuis ce rapprochement, la communauté kurde est dans le viseur de l’État français. On le voit avec les opérations de police qui ont eu lieu le 23 mars à Paris et à Marseille : des locaux associatifs ont été perquisitionnés et plus d’une dizaine de personnes placées en garde à vue », soutient Roseline Kisa.
Cette thèse est d’ailleurs reprise par plusieurs organisations politiques et syndicales françaises comme le syndicat Solidaires ou encore le Parti Communiste Français qui déclare dans un communiqué qu’Emmanuel Macron « normalise ses relations avec Recep Tayyip Erdogan sur le dos des Kurdes. »
Ces dernières années, la question des mineurs non-accompagnés (MNA) s’est peu à peu imposée dans le débat public à Lyon. Ces jeunes arrivés de l’étranger sans leurs parents, dont le nombre a connu une forte hausse en 2017-2018, sont pris en charge par la Métropole de Lyon, au titre de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Alors que ces dernières années leur sort commençait à être pris au sérieux, nombre d’entre eux deviennent aujourd’hui majeurs. Malgré l’existence d’un dispositif pour les jeunes majeurs, l’incertitude règne et beaucoup sont de nouveau livrés à eux-mêmes.
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