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A Lyon, la manifestation antifasciste interdite par la préfecture

[Article mis à jour régulièrement] Après l’attaque menée par des militants d’extrême droite contre la librairie libertaire « La Plume Noire » (Lyon 1er), une manifestation antifasciste a été déclarée en préfecture pour ce samedi 3 avril. Le préfet du Rhône a décidé de l’interdire. Les organisateurs dénoncent « la complaisance de l’Etat face à l’extrême droite ». La préfecture conteste en mettant en avant la récente dissolution de Génération identitaire. Un recours déposé les organisateurs a été rejeté par le tribunal administratif.

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La librairie-bibliothèque "La Plume noire" en décembre 2017, le local de la CGA devenu UCL, sur les Pentes de la Croix-Rousse (Lyon 1er). Ce local est régulièrement la cible de l'extrême droite ©LB/Rue89Lyon

Cette manifestation antifasciste est appelée par l’Union communiste libertaire (UCL), l’organisation dont le siège lyonnais est situé à « La Plume Noir », à la fois librairie autogérée et local politique.
Cette initiative est soutenue activement par la Jeune Garde, un des deux groupes antifas de Lyon et par d’autres organisations d’extrême gauche et de gauche dont la CGT, Attac, la LDH ou encore le PCF.

La manifestation antifasciste à Lyon interdite par le préfet

Le rassemblement puis le parcours déposé en préfecture devait faire partir les manifestants à 14h de la place des Terreaux pour se rendre place Bellecour puis dans le Vieux Lyon, siège national du mouvement Génération identitaire, récemment dissous; avant un retour place des Terreaux.

La préfecture du Rhône a d’abord refusé le départ des Terreaux et le passage par le Vieux Lyon. A la suite d’une rencontre entre les autorités et les organisateurs, ces derniers avaient accepté un nouveau parcours entre la Manufacture des tabacs et la place Jean Macé.

Finalement, jeudi 1er avril, la préfecture a décidé d’interdire toute manifestation antifasciste. Ce vendredi, le préfet du Rhône justifie cet arrêté dans un communiqué de presse :

Compte tenu du contexte sanitaire et de la tension qui règne actuellement entre les groupuscules d’ultra-gauche et d’ultra-droite, cette manifestation présente des risques de troubles graves et avérés à l’ordre public et des mouvements de foule, voire des affrontements entre opposants idéologiques.

Parallèlement, le préfet a pris un autre arrêté interdisant toute manifestation sur l’ensemble de la Presqu’île, du boulevard de la Croix-Rousse (au nord) jusqu’à Perrache (cours Verdun – au sud).

C’est la troisième fois, en deux semaines que la préfecture interdit une manifestation. Comme pour celle contre la loi « sécurité globale », la préfecture met en avant la situation sanitaire et les violences potentielles.

« La complaisance de la préfecture face à l’extrême droite »

Dans un communiqué de presse délivré vendredi 2 avril, les organisations signataires de l’appel à manifester (UCL, CGT, Solidaires, CNT, FSU ou encore le PS et les Insoumis – regroupés au sein du Collectif « Fermons les locaux fascistes ») dénoncent « la complaisance de la préfecture, représentante de l’Etat, face à l’extrême droite » mais également « l’application claire d’une politique du « deux poids deux mesures » face aux fascistes et aux réactionnaires ».

Selon ces organisations, il y a « complaisance » de la préfecture car :

« Agression après agression, violences multiples sur les personnes, attaque après attaque, nous ne constatons aucune réaction : ni interpellation ni condamnation. Au contraire les services de l’État laissent les fascistes s’installer à Lyon, autorisent leurs rassemblements et protègent leurs agissements.

Et il y a « deux poids deux mesures » de la préfecture car :

« La Préfecture nous affirme que la Presqu’île et la rive droite sont des zones interdites à toutes manifestations… sauf pour les manifestations des réactionnaires anti-choix comme celle de dimanche dernier. Attaquer une librairie associative à une cinquantaine un samedi à 14h ne semble pas répréhensible (…). Par contre, déposer un parcours prenant en compte le lieu de l’attaque et les locaux fascistes encore ouverts malgré la dissolution de Génération Identitaire est jugé inapproprié par la Préfecture ».

En réaction à cette charge des organisateurs de la manifestation interdite, la préfecture du Rhône a tenu à répondre dans un tweet :

« Le préfet conteste catégoriquement faire le jeu de l’ultra-droite. Il rappelle que l’État a dissous Génération identitaire. La manifestation «antifasciste» de ce jour a été interdite pour des raisons évidentes de sécurité, notamment la présence d’éléments violents en son sein ».

« Contre les violences de l’extrême-droite et pour la fermeture des locaux fascistes »

Même dissous, le bar associatif et la salle de boxe continuent d’être louées par des associations de la mouvance identitaire qui ne sont pas concernées par le décret de dissolution de Génération identitaire.
C’était tout l’enjeu de cette manifestation.

Pour l’UCL, parmi ceux qui ont attaqué la librairie « La Plume Noire » se trouvent des militants de feu Génération identitaire.

« Nous savons pertinemment que cette attaque a un lien direct avec la dissolution de Génération identitaire, notre implication politique contre l’extrême droite et la symbolique que représente notre librairie.(…)
Notre implication politique depuis des années des les collectifs unitaires luttant contre les groupes d’extrême droite à Lyon fait de nous une des cibles permanentes des fascistes et néonazis lyonnais ».

Dans cet appel à manifester, L’UCL et les organisations signataires demandent la « fermeture définitive des locaux ».

Autre problème soulevé, l’absence d’interpellation des auteurs de l’attaque :

« les assaillants ont pu repartir en groupe, traverser plusieurs rues des pentes avant de poser avec une banderole dérobée sur la devanture de la librairie sans être nullement inquiétés par les forces de l’ordre. (…) Nous avons appris de la part de policiers eux mêmes que ce groupe dangereux avait été repéré dès le début et suivi sur les caméras de surveillance. »

Une enquête a été ouverte.

Après l’interdiction préfectorale, l’UCL promet de « reporter la manifestation à une date ultérieure ».

Le recours des organisateurs rejeté mais

Ce samedi à 12h30, le tribunal administratif de Lyon a rejeté le recours des organisateurs.

Mais dans ses motivations, le juge a laissé une petite porte ouverte à une manifestation. En effet, les deux arrêtés préfectoraux pris le 1er avril ne portent que sur le parcours qui devait se dérouler dans la Presqu’île et le Vieux Lyon et pas sur le « nouveau tracé » – entre la Manufacture des tabacs et la place Jean Macé – proposé le 31 mars par la préfecture et que les organisateurs avaient fini par accepter.

« Le nouveau tracé de la manifestation prévue le samedi 3 avril 2021, proposé par les services préfectoraux lors de la réunion du 31 mars 2021 avec les requérants, organisateurs de la manifestation, et accepté par ces derniers, ne présente aucune des difficultés mentionnées dans les arrêtés en litige, dès lors que ces deux décisions portent respectivement sur un itinéraire et sur un périmètre ne comprenant aucunement ledit tracé évoqué le 31 mars 2021 ».

Ordonnance du samedi 3 avril 2021 du tribunal administratif de Lyon

Le problème est que, même rendu en urgence, cette décision a été délivrée le samedi à 12h30 alors que la manifestation était censée démarrer à 14h. Trop juste pour avertir de potentiels participants. Le samedi soir, les organisateurs du Collectif « fermons les locaux fascistes » ont envoyé un ultime communiqué dans lequel ils reviennent sur le déroulé des événements jusqu’à la décision du tribunal de Lyon :

« La manifestation de ce samedi avait été déposée il y a 2 semaines. La préfecture a attendu le 31 mars pour recevoir les déposants et leur imposer un trajet alternatif qu’ils ont accepté. Malgré cela, la préfecture a refusé d’accorder un récépissé pour ce parcours et attendu 2 jours avant la manifestation pour l’interdire sur la base du trajet initial, en prétendant ensuite que cette interdiction concernait l’ensemble des parcours, afin d’entretenir la
confusion. Ce délai extrêmement court visait manifestement à empêcher tout recours ».

Le communiqué évoque également les conditions dans lesquelles ils disent avoir tenu une conférence de presse :

« Cette décision [du tribunal administratif] rendue 1 heure avant la manifestation rendait impossible sa tenue. Le collectif a donc choisi d’organiser une conférence de presse devant l’Opéra. Un gros dispositif policier avec
menaces de verbalisation ou de gazage avait comme seul but de ne pas nous laisser dénoncer
publiquement les violences d’extrême-droite ».

La librairie-bibliothèque "La Plume noire" en décembre 2017, le local de la CGA devenu UCL, sur les Pentes de la Croix-Rousse (Lyon 1er). Ce local est régulièrement la cible de l'extrême droite ©LB/Rue89Lyon
La librairie-bibliothèque « La Plume noire » en décembre 2017, le local de la CGA devenu UCL, sur les Pentes de la Croix-Rousse (Lyon 1er). Ce local est régulièrement la cible de l’extrême droitePhoto : LB/Rue89Lyon

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