A la suite de polémique sur le menu sans viande dans les cantines scolaires, la municipalité (gauche et écolo) lyonnaise réintroduit la possibilité de choisir la viande, tous les cinq repas. L’opposition de droite rappelle qu’elle avait défendu cette solution en février dernier.
Un mois et demi après le déclenchement de la tempête médiatique liée à la suppression de la viande dans les cantines scolaires lyonnaises, l’adjointe déléguée à l’Éducation, Stéphanie Léger et son collègue Gautier Chapuis Conseiller délégué à alimentation locale donnaient ce mardi matin une conférence de presse en Visio. Le thème : « les préparatifs de rentrée scolaire après les vacances de Pâques ».
Stéphanie Léger a rapidement évacué la question du « cadre protocolaire » puisque ni les collectivités, ni même l’Éducation nationale ne le connaissent encore, si tant est que les écoles rouvrent le 26 avril prochain.
C’est donc sur le menu des cantines scolaires que l’adjointe s’est longuement arrêté.
A Lyon, le choix de la viande tous les cinq repas
Faute d’information sur les conditions d’une potentielle rentrée d’avril sous Covid, la Ville de Lyon a pris pour base de travail le protocole sanitaire de l’Éducation nationale pondu début février, celui-là même qui avait conduit au menu unique sans viande dans les cantines scolaires.
Stéphanie Léger a tenu à justifier, une fois de plus, cette décision de la Ville de Lyon :
« Déclenché dans l’urgence et sans concertation, ce protocole sanitaire nous impose une distanciation de deux mètres entre les groupes. On a perdu 20 à 25% d’espace.(…) On a dû modifier les horaires de la pause méridienne en la commençant parfois à 11h15, mobiliser d’autres espaces de restauration parfois chez nos partenaires du périscolaire et on a eu recours à un menu sans viande ».
Avec ce menu unique, l’adjointe à l’Éducation, réaffirme, comme elle l’avait déjà déclaré à Rue89Lyon, que « dix minutes » ont été gagné à chaque service grâce à ce menu sans viande.
« Donc lorsqu’il y a deux à trois services, on a pu accueillir tous les enfants et leur proposer un repas de qualité ».
Anticipant l’absence d’allègement de ce protocole sanitaire de l’Éducation nationale, la Ville de Lyon va donc continuer cette mesure « conjoncturelle et exceptionnelle » mais en l’assouplissant à la marge. Tous les cinq repas, les familles lyonnaises qui ont choisi le menu avec viande pourront voir leur enfant manger une alimentation carnée à la cantine. Pour rappel, les écoles lyonnaises fonctionnent, pour le moment, sur un rythme de quatre jour par semaine.
Mais ce n’est pas le retour au menu « classique » tel que choisi par les familles à la veille de chaque vacances scolaires pour la période suivante. Il n’y aura en effet pas d’entrée pour garantir la « fluidité et la rapidité » du service. Stéphanie Léger promet que l’accompagnement en féculents et légumes compensera, sur un plan nutritionnel, cette absence d’entrée.
Cantines de Lyon : réintroduire de l’ »autonomie »
L’adjointe à l’Éducation justifie ce retour du choix par le « travail réalisé » ces dernières semaines pour réintroduire de l’ »autonomie ». Mais la Ville de Lyon ne peut pas proposer plus de choix. Et si le protocole sanitaire national n’est pas modifié, les conditions du retour de la viande dans les cantines scolaires ne bougeront pas jusqu’aux vacances d’été.
Questionné sur « l’idéologie écologiste », le conseiller délégué à l’alimentation, Gautier Chapuis, a une fois de plus exclut l’idée d’un menu végétarien imposé dans les cantines scolaires, hors protocole Covid que nous connaissons actuellement. Il a rappelé que la municipalité actuelle veut « revenir à la normal », à savoir laisser le choix aux parents lyonnais d’un menu avec viande ou sans viande. Parallèlement, il affirme travailler sur un nouveau cahier des charges, avec « l’ensemble du secteur agricole ».
Hors Covid, les changements dans les assiettes des cantines lyonnaises ne sont pas prévus avant la rentrée 2022.
La position de la droite pour les cantines à Lyon
Après cette annonce faite à la presse, l’opposition LR a la victoire modeste en rappelant qu’il s’agissait de la position des élus du groupe « Droite, Centre & Indépendants » que l’élue du 3ème arrondissement, Béatrice de Montille, avait exprimée lors du conseil municipal du 22 février 2021.
« intégrer au moins un repas par semaine avec de la viande, pendant toute la durée du nouveau protocole sanitaire, les autres repas de la semaine pouvant comporter du poisson, ou des œufs, de façon à contenter tout le monde ».
Pour les Républicains, « la morale de cette histoire est qu’il est bien possible de servir des produits carnés aux enfants ». L’opposition ne va plus sur le terrain idéologique mais continue d’instruire un procès en incompétence :
« Il s’agit d’une question d’organisation et d’anticipation. Manifestement la majorité Verte-Extrême gauche n’avait pas su mettre à profit la période septembre 2020-février 2021 pour se préparer à ce genre de situation… »
Sans surprise, Alexandre Vincendet, le maire de Rillieux-la-Pape a été réélu président de la fédération des Républicains (LR) du Rhône et de la métropole de Lyon.
En 2021, le maire de Rillieux-la-Pape, a dû faire face à la concurrence du maire de Pierre-Bénite, Jérôme Moroge. Comme Alexandre Vincendet, Jérôme Moroge fait partie de cette génération de maires de droite élus en 2014 dans un fief de gauche, en l’occurrence communiste. Comme lui, il a été réélu au premier tour des municipales de mars 2020. Le rapprochement s’arrête là.
Alexandre Vincendet et la ligne anti-Collomb
Dans cette élection, Jérôme Moroge, était soutenu par Laurent Wauquiez alors que Alexandre Vincendet bénéficiait du soutien d’Etienne Blanc. Surtout, cette élection interne aux Républicains était une occasion de solder les différends nés de l’alliance avec Gérard Collomb pour le second tour des élections municipales et métropolitaines de juin 2020.
Dans leur circonscription du « Plateau Nord », Alexandre Vincendet et Philippe Cochet avaient refusé de fusionner avec la liste Collomb et l’avaient emporté. Contrairement à la liste conduite par François-Noël Buffet (et soutenue par Jérôme Moroge) dans la circonscription « Lônes et Coteaux » qui était arrivée derrière celle des écologistes et de la gauche.
Fort de la victoire de « sa » liste aux élections métropolitaines, Alexandre Vincendet n’avait de cesse de dire tout le mal qu’il pensait de cette alliance avec LREM version Collomb. Avec cette réélection ce 12 avril à la présidence des LR du Rhône, il a clos la séquence dans un post Facebook :
« Avec plus de 72% de participation, cette élection a été un beau succès et elle prouve que notre famille politique sait se mobiliser autour d’une ligne politique claire et assumée ».
Alexandre Vincendet a été réélu avec 56,67% des voix.
Alexandre vincendet, maire de Rillieux-la-Pape et président des LR du Rhône.Photo : Assia Mendi
Deux fois moins de militants chez les LR du Rhône
Dans son communiqué, la fédération LR du Rhône note que « 3 000 adhérents à jour de cotisation étaient appelés à élire leur nouveau Président départemental ».
Fin 2017, le Rhône comptait 6258 adhérents à jour de cotisation (chiffre donné par LR). Avec ces chiffres, on mesure mieux l’érosion militante de la droite version LR.
Quelles sont les capacités et limites de l’Intelligence Artificielle, et plus généralement des méthodes « data driven » et algorithmiques, lorsqu’elles sont utilisées comme outil de prospective urbaine ?
Cette question de la « ville prédictive » constitue le thème de la 7ème conférence des « Mercredis de l’anthropocène » ce mercredi 14 avril.
Nous publions une tribune du géographe et géomaticien Stéphane Roche qui est l’un des intervenants de cette conférence.
Peut-on réellement prédire la ville? C’est certainement l’une des questions les plus complexes à laquelle les penseurs de l’urbain (sociologues, urbanistes, architectes,…) sont confrontés depuis des décennies. À peine a-t-on posé le dernier geste concret d’un projet d’aménagement, que déjà la ville n’est plus ce qu’elle était lorsque le projet fut envisagé. Cette question n’est pas nouvelle, mais la transition numérique des écosystèmes urbains, et en particulier les perspectives récentes offertes par l’intelligence artificielle (IA) et les données massives, la soulève dans des termes nouveaux.
Le mythe numérique et l’Intelligence Artificielle magique
Quelles sont les capacités et limites de l’Intelligence Artificielle, et plus généralement des méthodes d’analyse de données algorithmiques, lorsqu’elles sont utilisées comme outil de prospective urbaine ? Au-delà du regard critique nécessaire sur les biais induits par les données exploitées pour l’apprentissage et le renforcement d’inégalités et de discriminations, quels sont les apports de ces méthodes ? Dans quels domaines et à quelles échelles spatiales et temporelles sont-elles pertinentes ?
Sur la gestion de la mobilité par exemple, il semble que l’on trouve des usages pertinents. Est-ce aussi le cas dans le domaine de l’urbanisme réglementaire et de projet, dans le cadre de la production de Plan Locaux d’Urbanisme (PLU) par exemple ?
Prédire l’état urbain à 1h peut être très utile, mais est-ce réaliste voire raisonnable d’envisager des prédictions à 50 ans ? Comment articuler modèles numériques, décision algorithmique avec l’irremplaçable expertise de terrain ? Quelles sont les limites à poser pour exploiter des outils d’aide à la décision ou de support à la délibération citoyenne sans rentrer dans une dystopie post-démocratique ?
Au cœur, l’intelligence urbaine
Depuis un peu plus de 10 ans, l’idée que la technologie, les réseaux, les capteurs et les données pourraient constituer la solution aux grands enjeux contemporains des villes (inclusion sociale, adaptation aux changement climatiques, santé durable, etc.) a fait son chemin.
Le concept de ville intelligente s’est développé et avec lui un ensemble de controverses. Le grand intérêt de cette dynamique fut incontestablement d’avoir renouvelé nos regards sur l’urbain, dans une perspective résolument transdisciplinaire, tout en plaçant la notion d’intelligence humaine articulée avec l’intelligence artificielle, au cœur des réflexions.
L’étymologie latine du mot intelligence, « intellegentia » (inter, entre) et « legere » (choisir, connecter) ou « ligare » (lier), réfère aux capacités cognitives nécessaires pour comprendre des faits, les composantes d’un système, et pour découvrir leurs inter-relations. L’intelligence est en quelque sorte l’habileté à lier les choses ensemble, à créer du sens. L’intelligence urbaine peut ainsi se définir comme l’habilité à comprendre la genèse des composantes d’un écosystème urbain (les lieux par exemple) ainsi que le niveau de pertinence de leurs connexions.
La montée en puissance du numérique, de la gouvernance urbaine par les données et les algorithmes, a également permis de remettre au « gout du jour » l’idée déjà un peu ancienne de ville apprenante (Learning City). Mais cette remobilisation du concept d’apprentissage dans un contexte urbain, offre précisément, sans doute plus efficacement aussi, que celui de prédiction, une avenue de mise en œuvre de véritables stratégies d’intelligence urbaine au service d’une prospective réaliste.
En effet, il se décline selon deux modes qui doivent articuler intelligence urbaine humaine et intelligence urbaine artificielle :
1) La ville doit offrir des conditions d’apprentissage favorables à ses communautés et ses citoyens : des laboratoires vivants et autres Fab Labs., des démarches de contribution citoyenne, des projets d’externalisation ouverte ou de sciences citoyennes par exemple.
Mais 2), la ville doit aussi se doter d’une capacité d’apprentissage de sa propre dynamique, une intelligence des dynamiques et lieux urbains de manière non seulement, à pouvoir réagir dans un temps compatible avec les phénomènes identifiés (en temps réel, s’il le faut : sécurité, crise, trafic…), mais aussi à anticiper, prévoir, planifier. On voit naître des projets de jumeaux numériques par exemple.
La ville développe ainsi une composante de système apprenant dans lequel des modèles numériques, de BIM par exemple, sont alimentés par l’Internet des objets et des capteurs, technologiques, mais aussi humains, des citoyens apprenants engagés. Au cœur bien entendu, la donnée, mais pas seulement une donnée numérique « froidement » mesurée, mais une donnée qui se constitue par traitement, croisement et usage, comme une entité sociale et politique pertinente, le « creaturing data », comme un acteur non humain de la ville apprenante.
> Conférence du mercredi 14 avril : « La ville prédictive »
Avec :
– Stéphane Roche. Géographe et géomaticien, Professeur au Département des sciences géomatiques de l’Université Laval, Québec.
– Christine Malé. Chargée de mission à la direction Planification et Stratégies Territoriales de la Métropole de Lyon, elle fut chef du projet de recherche ÉcoCité dédié à la modélisation urbaine du quartier de Gerland entre 2014 et 2018.
Animation :
– Hervé Rivano. Professeur à l’INSA de Lyon, il dirige l’équipe commune Inria/INSA Lyon Agora du laboratoire CITI).
« No Wine Is Innocent » est de retour -enfin. Lancé il y a quelques années comme un blog novateur et intelligent sur le site Rue89 (national), le voilà de retour sur sa propre plateforme. Aux manettes, Antonin Iommi-Amunategui, journaliste et éditeur que l’on connaît bien à Rue89Lyon. On co-organise avec lui et sa maison d’édition Nouriturfu la version lyonnaise de « Sous les Pavés la Vigne », le salon des vins « naturels et actuels ».
Souhaitons que toutes les conditions soient réunies afin qu’il ait lieu en 2021 (le week-end du 6 et 7 novembre), au Palais de la Bourse.
« No Wine Is Innocent » propose un regard alternatif, bien loin de la presse classique dédiée à l’univers du vin, consensuelle et liée aux acteurs par des partenariats.
Ce samedi 10 avril, un article est notamment paru sur le gel historique qui a sévi la semaine dernière, anéantissant une quantité invraisemblable de vignes. Les conséquences économiques seront lourdes, comme en témoignent plusieurs vigneron·nes. « No Wine Is Innocent » défend leur travail viticole difficile, engagé et devenu le fer de lance d’une révolution agricole et écologique.
Entretien avec Antonin Iommi-Amunategui, qui pourrait bien vous convaincre de soutenir cette nouvelle source passionnante de contenus.
« Le vin, en France, c’est 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an -juste à l’export »
Rue89Lyon : No Wine Is Innocent a refait surface il y a quelques semaines pour la joie de ceux qui l’aimaient déjà quand le blog avait été lancé sur Rue89. On est toujours et encore (très) loin de la revue classique relative au monde du vin qui proposerait du portrait classique de vigneron·ne, des commentaires de dégustation, des classements etc.
Antonin Iommi-Amunategui : On se définit comme un bloc média indépendant spécialisé. On compte parler de vin dans tous les sens, voire tous les formats (articles, mais aussi podcasts, vidéos, etc.). Sur le fond, nous avons une approche probablement plus journalistique que la moyenne des médias du vin, plus progressiste aussi, et quelquefois gonzo. Alors, en bref, on vise l’inédit. La lune quoi !
Et, en effet, on ne se préoccupe pas que de ce qu’il y a dans le verre, mais aussi tout autour : le vin, en France, c’est 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an -juste à l’export. Avec des gros sous pareils, il y a des intérêts puissants en jeu et, forcément, pas mal d’histoires à raconter.
« Le milieu du vin étant plutôt étanche, certains supportent mal de voir leur petit statut mis en question »
Tu es identifié comme un défenseur voire un activiste des vins naturels. D’ailleurs, dans ce milieu, il existe aussi des divergences vives quant aux définitions, quant à ce que sont ces vins et qui a le droit d’en parler -mais c’est une autre question.
En tout cas, tu représentes une voix médiatique sur le sujet. En cela, tu es très régulièrement pris à partie, via les réseaux sociaux et de manière virulente. Pourquoi tant de haine ? Comment arrives-tu à gérer ça ?
C’est relatif, bien sûr, mais en publiant notamment des textes qui ne se contentent pas de faire de la com’ (une bonne partie de la « presse » du vin ne fait pas autre chose), on s’expose à des réactions parfois virulentes. Dernièrement, pour avoir révélé des comportements objectivement très problématiques liés à une caricature publiée dans un magazine par ailleurs sans grand intérêt, je me suis clairement pris une campagne de dénigrement dans la figure, qui n’a d’ailleurs toujours pas cessé plusieurs mois après.
Le milieu du vin étant plutôt étanche, avec un entre-soi évident, certains supportent mal de voir leur petit statut mis en question ; ils n’ont pas l’habitude d’être critiqués, en fait, puisque ce sont eux les critiques habituellement. Peut-être qu’à force de critiquer des vins, ils ont fini par se sentir autorisés à critiquer tout le reste ? Je ne sais pas, leur psychologie m’échappe. A titre personnel, ce n’est jamais agréable, mais encore une fois quand on publie, on s’expose, ça fait partie de l’équation. Même si parfois il y a de vraies mauvaises surprises et des dérapages regrettables.
Antonin Iommi-AmunateguiPhoto : Ewa Dyszlewicz
« Si vous critiquez tel ou tel rouage du système en place, c’est évidemment considéré comme une agression »
Est-ce que cela te pousse professionnellement, éditorialement, à une forme de radicalité ?
Je ne me sens pas radical. Mais c’est vrai, je suis souvent décrit comme ça. « Radical », « militant »… Je pense que c’est surtout une manière de tenter de discréditer l’autre : « il est radical, c’est un militant, donc son propos est excessif », autrement dit inexact. Bref : faux. Et voilà, emballé c’est pesé.
Forcément, si vous dites d’un vin qui coûte 1000 euros la bouteille qu’il n’a pas grand intérêt, ou que nous avons un vrai problème d’addiction aux pesticides en France malgré toutes les belles annonces rabâchées année après année, ou encore que tout le système d’appellations (AOC devenues AOP) est bancal voire trompeur, etc., vous êtes perçu comme un provocateur. Sauf que lorsque j’écris, je tâche systématiquement d’illustrer et de sourcer mes propos. D’avoir en somme une approche journalistique.
Le problème, et on revient toujours là, c’est qu’il y a un supertanker rempli d’euros en jeu, alors si vous critiquez tel ou tel rouage du système en place, c’est évidemment considéré comme une agression et il y a des réactions fortes immédiates. Parmi lesquelles : « lui c’est un radical, un militant, ne l’écoutez pas, il raconte n’importe quoi ». Heureusement, je suis loin d’être le seul et les choses bougent.
« On ne veut pas boire du roman national, on veut des vins qui reflètent aussi la diversité, les évolutions de la société »
Le sujet du vin est aussi abordé sous l’angle féministe, autour des question de genre, d’agroécologie, d’identité… Que de « gros mots », n’est-ce pas, et de questions explosives concernant un marché pesant plusieurs millions d’euros, comme tu le rappelles toi-même.
Le fait qu’il s’agisse d’un univers économique et culturel très traditionnel rend ton projet assez unique dans le paysage médiatique…
Oui, nous sommes en 2021, il n’y a pas de raison que le milieu du vin demeure figé dans un passé essentiellement fantasmé. On ne veut pas boire du roman national, on veut des vins à l’image de la société, qui reflètent aussi sa diversité, ses évolutions ; j’ai toujours pensé que le vin naturel, en particulier, était à l’avant-garde de l’agriculture, figurant une espèce de modèle à suivre pour le reste du milieu agricole.
Mais il peut même être à l’avant-garde tout court, véritable média comestible, parti politique picolable et si possible progressiste : après tout, une bouteille de vin est produite à plusieurs milliers d’exemplaires, c’est littéralement un média. Aux vigneronnes et aux vignerons de jouer, et nous on sera là pour relayer.
Ce sont pour certains des thèmes développés dans la maison d’édition Nouriturfu que tu as lancée avec Anne Zunino. Là, sur No Wine, les formats sont plus courts, plus « actu ». Il y a aussi des podcasts. Vous avez démarré notamment avec l’alcoolisme dans le milieu du vin. Vous avez expliqué ce que sont ces ateliers de dégustation en « mixité choisie ».
Peux-tu nous parler des gens qui collaborent à No Wine et de la façon dont les sujets sont choisis ?
Nous sommes deux à écrire et produire des contenus pour le moment : Marie-Eve Lacasse et moi. Marie-Eve est romancière, journaliste, Québécoise vivant en France depuis un bail, venue au vin sur le tard, comme moi, et avec un appétit d’autant plus féroce ; elle a aussi un regard, une approche décalée, intellectuelle ou littéraire, et souvent brillante. On recherche l’inédit, des angles inattendus, et Marie-Eve ne sait tout simplement pas faire autrement ; c’est donc idéal pour NWII.
Nous avons des espèces de conférences de rédaction via l’appli Telegram, on fonctionne en ping-pong et les sujets sortent souvent de ces échanges. Nous avons aussi un technicien de haute voltige qui étale idéalement nos confitures sur la grande tartine de l’internet… Cela dit, l’une de nos ambitions à court ou moyen terme c’est de pouvoir faire appel à des pigistes, multiplier les voix originales.
« Même si tous les milieux ont leur lot de comportements dégueulasses, celui du vin est particulièrement problématique »
L’une des autrices que tu as publiées chez Nouriturfu est à l’origine d’une plainte pour harcèlement. Elle a subi une campagne de dénigrement de haute volée à la suite de la dénonciation qu’elle a faite d’un dessin sexiste, elle comme d’autres d’ailleurs, publié dans le magazine En magnum.
C’est cela qui a suscité le premier billet de No Wine en décembre 2019, sur les « vieux mâles blancs du vin » ?
Oui, comme je l’évoquais plus haut, cette histoire est hallucinante. Sandrine Goeyvaerts, autrice de Vigneronnes et, petit scoop, d’un nouveau livre à paraître en septembre chez Nouriturfu, a subi ce qu’on appelle un « harcèlement en meute », même si une personne en particulier s’est illustrée pour lui nuire. Le procès aura lieu en 2022. Avant cela, en mai de cette année, ce sera le tour de Fleur Godart, elle aussi ayant déposé plainte dans cette affaire. Tout ça pour un dessin, ont réagi certains commentateurs, minimisant en creux l’affaire.
Le problème n’était pas seulement le dessin en soi, mais les réactions totalement démesurées et déplacées que les critiques légitimement formulées à son endroit ont entraîné. Et ces réactions sont en effet presque systématiquement venues de cette caste que j’ai qualifiée – en souriant parce que je ne suis pas loin d’en faire partie moi-même – de « vieux mâles blancs du vin » : des hommes blancs d’âge mûr, installés, privilégiés, qui n’ont en bref pas supporté que des jeunes femmes en l’occurrence (plus jeunes qu’eux en tout cas) émettent… une critique. C’est formidablement éloquent.
Le « débat » n’en est plus un, car il s’agit d’une procédure judiciaire aujourd’hui. Est-ce qu’il y aurait particulièrement dans le milieu du vin un conservatisme, voire un sentiment d’impunité qui n’auraient que peu été dénoncés jusque-là et qui expliqueraient ces attitudes ?
Absolument. Un sentiment d’impunité très net, dû à la nature de ce milieu, finalement assez étanche, avec un conservatisme et un entre-soi omniprésents. Même si tous les milieux ont bien sûr leur lot de comportements dégueulasses, celui du vin est particulièrement problématique. Les types se croient à peu près intouchables et se permettent des choses invraisemblables : insultes, dénigrement, menaces, harcèlement…
Ajoutez à cela l’effet de meute et de distanciation cognitive que créent les réseaux sociaux, et vous obtenez un cocktail parfaitement imbuvable. Et, a priori, pénalement condamnable.
« J’ouvrirais bien une bouteille de ‘Putes féministes’, tiens »
Penses-tu que ce site d’info a une vocation militante ?
Non, je ne dirais pas cela, parce que ce mot a une connotation trop forte et in fine excluante. No wine is innocent est inclusif ! Alors disons plutôt que nous avons une vocation… frontalement pédagogique.
Est-ce que tu lui imagines un modèle économique et si oui, lequel ?
Nous y réfléchissons, ce n’est bien sûr pas évident. Pour le moment, on a mis en place une simple caisse de soutien via Tipeee. A moyen terme, si tout va bien, nous aurons une formule d’abonnement, un accès premium… A suivre.
Qu’est-ce que tu as envie de boire en ce moment pour kiffer la vie malgré la distanciation, le couvre-feu et la fermeture des bars et restos ?
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2/ votre adresse postale.
Il arrivera tout neuf bien emballé dans votre boîte aux lettres.
« Un pays qui se tient sage » : la réflexion au sujet des violences policières
Ce sont des images difficiles que David Dufresne a réunies et donne à voir dans ce film-choc. Mais pas uniquement. Ces images de violences policières sont accompagnées d’analyses, de commentaires de personnes ayant participé aux manifestations dites de « gilets jaunes », de mères de victimes, d’intellectuels ou encore de syndicalistes policiers.
L’idée est d’aller dans la nuance et dans le débat d’idées et pas dans les répliques ou les formules. Aujourd’hui, il s’exerce même une forme de chantage sur le mode « vous critiquez la police, donc vous êtes contre la police, donc vous critiquez la République car la police est républicaine ».
On peut très bien être républicain et critiquer la police. Il y a même des gens qui considèrent que c’est être républicain que de critiquer la police. L’idée de ce film est d’offrir un moment de réflexion et de liberté.
David Dufresne, journaliste et réalisateur
Rue89Lyon avait animé l’avant-première du film, projeté au Comœdia. Un débat passionnant s’était tenu dans la salle de cinéma du 7è arrondissement, bien plus nuancé que ce que l’on peut entendre habituellement sur le sujet. Le DVD de ce passionnant documentaire est enrichi d’un livret de 44 pages.
« City Hall » : une politique locale scrutée à la loupe
C’est d’ores et déjà une performance dans le genre du documentaire. Pas moins de 4h30 pour entrer dans l’action politique du maire démocrate de Boston. C’est ce que propose Frederick Wiseman. À 90 ans, le réalisateur qui a filmé et documenté la vie des institutions américaines depuis les années 1960, se penche sur la capitale du Massachusets. Et il s’avère que Boston ne résonne pas à vide pour lui car il s’agit de sa ville natale.
Dans le film, on plonge dans des réunions publiques, des conseils de citoyens, des unions célébrées, des moments de chants policiers ou des réunions d’anciens combattants. Frederick Wiseman a tenté d’apporter des explications sur une éventuelle velléité de discours partisan :
« Je n’ai pas tourné ce film pour qu’il soit anti-Trump, mais le film l’est devenu car le maire est pour toutes les choses que refusent Trump. Je ne crois pas avoir fait un film à la gloire de Marty Walsh [le maire de Boston, ndlr] mais tout le monde fait immédiatement la comparaison avec le président et du coup peut-être que ça peut donner cette impression là. Moi j’ai filmé un homme que je respecte car il essaie. Il ne réussit pas tout son programme, mais il est toujours dans une médiation, une négociation, un dialogue avec les citoyens. »
Le documentaire de 4h30, captivant, a été salué dans son format comme dans son propos éminemment politique -au sens d’intérêt pour la « chose publique ». Il sortira en DVD en mai, et on vous le prépare au chaud si vous vous abonnez !
« Libre », le film sur Cédric Herrou : la solidarité est-elle un délit ?
« Libre » est un film consacré au combat qu’a mené Cédric Herrou, agriculteur dans La Roya, condamné pour avoir voulu aider des migrants. Il habite dans cette vallée du Sud de la France qui fait frontalière avec l’Italie. Cédric Herrou y cultive des oliviers. Le jour où il croise la route de réfugiés, il décide avec d’autres habitants de la vallée de les accueillir, de leur offrir un refuge et de les aider à déposer leur demande d’asile. Mais en agissant ainsi, il est considéré hors-la-loi.
Michel Toesca, ami de longue date de Cédric et habitant aussi de la Roya, a participé en témoin concerné, caméra en main, à cette résistance citoyenne.
Ce film est l’histoire du combat que Cédric ne s’attendait pas à devoir mener, épaulé par des bénévoles et des associations. L’actualité autour de son dossier a été chaude jusqu’à il y a quelques jours, puisque l’agriculteur a été relaxé.
Il est le réalisateur de quelques films incontournables, comme « American gigolo » ou encore « Auto Focus ». Mais aussi le scénariste compagnon de Martin Scorsese, aux manettes des non moins cultes « Taxi driver », « Raging bull »… Paul Schrader a également signé en 1978 « Blue Collar ».
Blue Collar de Paul Schrader, avec Richard Pryor, Harvey Keitel, Yaphet Kotto… En cadeau ! DR
Soit l’histoire de trois ouvriers employés dans les usines automobiles Checker à Detroit, qui tentent de s’opposer à l’immobilisme et à la corruption d’un syndicat.
Un classique disponible en DVD devant lequel vous pourrez vous régaler pendant les longues soirées d’hiver, d’été ou de confinement.
« Lux Æterna », de Gaspar Noé
On s’accroche pour le pitch ? Allez, on le fait court. C’est l’histoire de Charlotte Gainsbourg, qui accepte de jouer une sorcière jetée au bûcher dans le premier film réalisé par Beatrice Dalle.
Mais l’organisation anarchique, des problèmes techniques et des dérapages psychotiques vont peu à peu mettre le chaos sur le tournage, tout en plongeant le film dans une atmosphère surréaliste. Les sons et lumières (du film de Béatrice Dalle, mais donc aussi de celui de Gaspar Noé) vont se dérégler et mettre actrices et personnes travaillant sur le plateau dans une situation intenable.
Le DVD vous arrivera en revanche dans un format luxe, c’est à dire un coffret prestige et format Blu-Ray.
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Cela fait un mois que le TNP (théâtre national populaire) de Villeurbanne est occupé, et que le mouvement s’organise autour d’activités artistiques et de commissions militantes. Un mois d’endurance, symbolisé par un marathon de danse ce vendredi ainsi qu’une assemblée générale commune avec les occupants de l’Opéra de Lyon, investi lui aussi depuis quelques semaines, mais dans des conditions bien différentes.
Ce vendredi 9 avril sur la place Lazare Goujon à Villeurbanne, une cinquantaine de corps ont dansé au rythme d’un groupe de musique africaine. Les chorégraphies sont simples, exécutées avec assurance. Pourtant, certains visages hagards ou crispés expriment de la fatigue.
À 15 h, une voix s’élève de la foule :
« Bravo les gars, ça fait dix heures qu’on danse ! »
Une clameur accueille la nouvelle. La plupart des danseurs sont arrivés le matin à 6 heures et ont arrêté de danser le soir à 19h. Les deux jeunes filles à l’origine du projet ? Sophie et Julie, danseuses professionnelles, qui ne se sont pas arrêtées de danser pour répondre aux questions :
“On mange et on boit en dansant”
Sophie, danseuse
Au milieu des danseurs marathoniens : Sophie, aux 1 mois d’occupation du TNP, à VilleurbannePhoto : LS/Rue89Lyon
Julie ajoute :
“Il y a beaucoup de personnes qui nous encouragent et nous soutiennent. Il y a même le commerce du bout de la rue qui nous a distribué des boissons gazeuses !”
Parmi les danseurs qui sont là depuis 6 heures du matin, il y a surtout des professionnels. En revanche, les chorégraphies faciles ont permis à d’autres de rejoindre le ballet, pour quelques minutes, parfois quelques heures. Des comédiens mais aussi une infirmière, un technicien, ont rejoint le groupe.
Cette action doit avoir une portée symbolique, selon ses instigatrices :
“On fournit un effort sur la durée et on ressent de l’épuisement : ça fait un an qu’on a pas pu monter sur scène, je trouve que ça représente bien notre vie.”
Sophie, danseuse
L’organigramme de lutte du TNPPhoto : LS/Rue89Lyon
Son amie ajoute :
« C’est aussi joyeux comme projet, ça fait du bien d’avoir le ressenti de s’engager ensemble physiquement dans la lutte. »
Julie, danseuse
Sophie, haletante, conclut :
« L’une de nos revendications de base, c’est quand même le retrait de la réforme du régime de l’assurance chômage. »
Cette première revendication a été rejointe par bon nombre d’autres, que l’on peut notamment lire sur la façade du TNP occupé : droit au logement, retrait de la loi sécurité globale, accès égal à la santé et à l’éducation…
« À l’Opéra, on est dans un taudis »
Lors de l’assemblée générale de ce vendredi, c’est l’occasion pour « l’Opéra occupé » et les militants du TNP de coordonner leurs actions. L’Opéra, situé place de la Comédie à Lyon (1er), est occupé par une population plus estudiantine. Ils se sont établis sous de moins bons hospices qu’au TNP. Au micro, quelques un des jeunes gens présents racontent :
« Ils [l’administration] ne sont pas très contents qu’on soit là, ils nous disent qu’on leur coûte de l’argent, qu’ils ont déjà des salaires à payer. »
Une jeune artiste reprend :
“On est dans un espèce de taudis, on aimerait bien avoir des loges.”
Un de ses collègues d’occupation ajoute :
“On avait le droit de dormir à dix là-bas, maintenant seulement à cinq.”
Et une dernière conclut :
« On a le droit de prendre notre douche seulement entre 6h et 8h, accompagné d’un vigile en plus. »
A cette dernière déclaration, un militant s’indigne :
“Mais c’est la prison ou quoi ?”
Certains militants du TNP ont décidé de dormir à l’Opéra le soir, pour témoigner leur soutien aux jeunes militants :
“C’est normal qu’ils aient du mal à se faire respecter, ils ont tous vingt ans. Mais c’est vrai qu’en comparaison, le TNP nous a ouvert les bras et a sorti les petits fours.”
John, militant
« Les combats sans solidarité inter-professionnelle ne menaient à rien »
Emmanuelle est comédienne, clown, et clown en hôpital. Aujourd’hui elle danse, elle participe aux assemblées générales, elle donne de la tête un peu partout. Elle a rejoint le TNP occupé il y a un mois :
« Cela me fait beaucoup de bien. Je ne peux plus faire de scène, et il y a beaucoup de choses angoissantes. On a besoin d’être ensemble, de se rencontrer, et de se voir. »
Emmanuelle, clown et comédienne, aux 1 mois d’occupation du TNP, à VilleurbannePhoto : LS/Rue89Lyon
Pour Emmanuelle, ce qui se joue avec l’occupation des lieux culturels, ça concerne bien plus que les seuls salariés et intermittents du spectacle :
« Nous, on défend le service public. On veut réaliser une convergence des luttes. On a bien vu que les combats sans solidarité inter-professionnelle ne menaient à rien. »
Pour Emmanuelle, il est aussi important de défendre sa cause que celles des autres précarisés :
« Aujourd’hui je danse. Mais hier je suis allée chanter avec la chorale du TNP au piquet de grève des salariés de Carrefour. »
John, lui, est contrebassiste. Il fait partie du collectif qui est entré en premier dans le TNP, pour l’occuper. Membre du Collectif Unitaire 69, avec son ami Thibaud, ils placent beaucoup d’espoir dans l’avenir du mouvement. Avec une cinquantaine d’actifs, ils se sont organisés en commissions pour structurer leur action :
« Je suis dans la commission ‘action’ et dans la commission ‘convergence des luttes’. On essaye chaque jour de voir comment on peut prêter main forte, où on peut être utile. »
Thibaud et John, 1 mois d’occupation au TNP, à VilleurbannePhoto : LS/Rue89Lyon
“On a achevé le premier temps de structuration. occuper des lieux inutilisés, ça a ses limites.”
Il ajoute :
“On est passés d’une revendication assez sectorielle à quelque chose de plus large. C’est bien, maintenant on est tous d’accord, il faut sortir de nos lieux.”
Le collectif a aussi lancé une chaîne youtube qui présente actions et militants, qui s’appelle « Occupons 69 » :
Les travaux de La Traboule, le local de Génération identitaire à Lyon, en partie financés par le contribuable ? Le journal Libération a épluché les comptes d’une myriade d’associations d’extrême droite. Sans contrôle ou dissimulées derrière des objets sociaux équivoques, certaines bénéficient du mécanisme des dons défiscalisables.
Les associations satellites des structures d’extrême-droite, nous en parlons souvent sur Rue89Lyon. Elles permettent à ces dernières, a minima, de louer leurs locaux. Parfois en trompant les prioritaires, dissimulées derrière des noms et des objets sociaux culturels ou humanitaires. Ce fut le cas notamment pour le Bastion Social (aujourd’hui dissous mais qui perdure à travers deux nouveaux groupes) pour ses locaux à Lyon ou encore à Chambéry.
Le 3 mars 2021, la dissolution de Génération identitaire était prise par décret en conseil des ministres. Comme nous l’évoquions, le groupe d’extrême droite n’occupe pas ses deux locaux du Vieux Lyon sous ce nom. Elle le fait à travers l’association « La Traboule », pour son bar du même nom et « Top Sport Rhône », pour sa salle de boxe l’Agogé. Des associations qui ont échappé à la dissolution et qui lui permettent toujours d’occuper les lieux, au moins épisodiquement.
Des dons défiscalisables pour rénover La Traboule dans le Vieux Lyon
Libération s’est penché sur les comptes d’une myriade d’associations de l’extrême droite radicale française. Ces associations relevant de l’intérêt général selon leurs objets sociaux, par tromperie ou absence de contrôle de l’État, bénéficient du système des dons défiscalisables pour leurs donateurs. Ce qui de fait revient à des subventions versées par l’État.
Le journal affirme avoir identifié une vingtaine de millions d’euros perçus par une trentaine d’associations. Défiscalisables à hauteur de 66% de leurs montants, il estime donc que la solidarité nationale vient en aide à ces associations d’extrême droite à hauteur de 12 à 15 millions d’euros par an.
Le quotidien cite notamment le cas de Génération identitaire. L’association d’extrême droite dont le siège national est basé à Lyon, dans le local dit de La Traboule, promettait ainsi en 2017 des dons défiscalisables à ses donateurs, pour les travaux de mise aux normes de son bar. Via son association du même nom donc. Sans qu’on puisse connaître le montant perçu.
62 500 euros pour l’opération de Génération identitaire anti-migrants dans les Alpes
Elle aurait également bénéficié de dons provenant de l’association « La France rebelle ». Une organisation qui, elle aussi, délivre des reçus fiscaux à ses donateurs. Selon Libération, elle aurait ainsi versé 12 000 euros à Génération identitaire en 2019 au titre de « charges ».
La même année, 62 500 euros environ sont collectés par l’association pour l’opération anti-migrants de Génération identitaire au col de l’Échelle dans les Hautes-Alpes. Une opération pour laquelle trois dirigeants de l’organisation ont été condamnés en première instance à six mois de prison ferme et 2000 euros d’amende. On trouve ainsi trace de 7 500 euros directement versés à Génération identitaire, une partie déclarés en frais de mailing, le reste de la cagnotte disparaissant officiellement dans la nature.
C’est une des plus grosses affaires portées aux prud’hommes en France. Environ 1200 anciens salariés de Renault Trucks Vénissieux avaient déposé tout autant de dossiers au conseil de prud’hommes de Lyon, afin de faire condamner leur employeur pour « préjudice d’anxiété » lié à l’amiante. Ce jeudi 8 avril, les jugements sont tombés : seulement 474 d’entre eux ont eu gain de cause. 666, soit deux tiers, ont été déboutés. Un nouveau choc pour ceux qui ont travaillé sur le site de Vénissieux à une époque où ils considèrent que ce matériau était partout.
Entre 2016 et 2018, quelque 1 400 salariés de Renault Trucks (ex Berliet, RVI, Iveco), très majoritairement à la retraite, ont attaqué leur employeur aux prud’hommes pour « préjudice d’anxiété » lié à l’amiante (lire encadré).
Entre 1964 et 1996, ils avaient travaillé sur le site de Vénissieux et affirment aujourd’hui avoir été exposés, directement ou indirectement, à ce matériau volatile et cancérigène.
René Delabre travaillait au montage camion de 1964 à 1982. Il explique la démarche pour faire reconnaître ce « préjudice d’anxiété » :
« Au moment où l’on a commencé à lister les lieux où il y avait de l’amiante dans l’entreprise, les gens ont commencé à stresser. Les cancers se déclarent vingt ou trente ans après. La plupart des gens qui en ont eu un étaient à la retraite. »
Une première vague de 1200 dossiers de salariés et ex-salariés est passée en procès aux prud’hommes en mars 2019.
Faute d’accord entre les juges prud’homaux, les dossiers ont sont partis en départage, c’est-à-dire confiés à un magistrat du tribunal judiciaire de Lyon.
Ce jeudi 8 avril, ce sont ces jugements qui ont été rendus pour quelque 1200 personnes. Une autre vague de jugements est attendue pour 200 autres dossiers à la fin du mois.
Trois millions d’euros d’indemnisation, contre 18 millions demandés
Au final, seulement 474 personnes ont été indemnisées sur les 1200.
La fourchette des indemnisation va de 200 euros à 10 000 euros, alors que leur avocat, Cédric de Romanet, demandait 15 000 euros par personne. Pour Renault Trucks, le montant total de l’indemnisation s’élève à un peu plus de trois millions d’euros, contre les 18 millions demandés.
Jean-Paul Carret est le président de l’Aper (Association prévenir et réparer) qui lutte pour faire reconnaître les préjudices causés par l’amiante chez Renault Truck. Il y a beaucoup de choses qu’il « n’arrive pas à comprendre » :
« Des gens qui ont travaillé le même temps, aux mêmes secteurs n’ont pas la même indemnisation. Des gens qui travaillaient aux traitement thermiques ont été déboutés alors qu’il y avait des fours. Pareil pour certaines personnes aux forges qui démontaient des machines et manipulaient des pièces. La juge a presque fait un copier-coller du discours de l’avocate de la direction ».
Même discours du côté de l’avocat des salariés, Cédric de Romanet :
« Cette décision est en contradiction totale avec la jurisprudence de la Cour de cassation et les faits. 666 salariés sont déboutés, et une centaine on une indemnisation trop faible. C’est totalement absurde. »
Les salariés et ex-salariés lésées ou déboutées ont un mois pour faire appel. Me Cédric de Romanet se dit plutôt confiant quant à une future décision de la cour d’appel.
A Renault Trucks, la longue « bataille » pour le « classement amiante«
En France, l’amiante n’est interdite que depuis 1997. Comme pour d’autres sites industriels, les ex-salariés de l’usine de Vénissieux devenue Renault Trucks ont été exposés à l’amiante durant de longues années.
Jean-Paul Carret, aujourd’hui retraité, se souvient qu’ »au début des années 2000, plus ça allait, plus il y avait de gens victimes de l’amiante dans l’établissement de Vénissieux » :
« On a décidé de créer une association. Quand on a vu l’ampleur du problème, on a essayé de faire classer le site amianté. »
Le site de Renault Trucks Vénissieux n’a été classé qu’en 2016, après, encore, de longues années de procédures. « Une bataille », se remémorent les anciens salariés. Sans ce classement, impossible de faire reconnaître les préjudices ou les maladies professionnelles liées à l’amiante, ou de partir en des préretraite.
Malgré ce classement, il y a toujours un débat sur la réalité de la présence de l’amiante :
La direction actuelle de Renault Trucks, héritière de ce passé industriel avance qu’il y avait de l’amiante dans seulement à quelques endroits, six hectares sur les quelque 79 du site de Vénissieux :
« Les activités concernées par l’utilisation d’amiante et ayant entraîné le classement du site sont uniquement les activités de fonderie et d’assemblage d’autobus. »
Au contraire, l’amiante était « partout », selon les anciens salariés. René Delabre, alors délégué au CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail), soutient une autre version :
« Quand il y a eu la décision d’interdire l’amiante. Les entreprises ont dû faire des bilans. J’étais délégué à ce moment-là et on avait connaissance de ces bilans et des localisations. A l’époque, on ne nous a jamais parlé d’une délimitation de six hectares. Il y en avait dans les composants, les machines, dans le ciment, les protections thermiques, les plafonds des bureaux… Je fais un parallèle avec le nuage de Tchernobyl dont on nous a dit qu’il s’est arrêté à la frontière. Avec l’amiante, c’est pareil. Dire que les gens dans les bureaux n’en respiraient pas, c’est faux. »
Le 12 mars 2021, deux ans après le procès aux prud’hommes contre Renault Trucks sur l’amiante, les salariés concernés s’étaient réunis devant l’entreprise pour montrer leur détermination.Photo : DR
A Renault Trucks, « l’amiante était omniprésente »
Patrick Gérard a travaillé à Vénissieux de 1967 à 2007, dans le secteur de la fonderie où «l’amiante était omniprésente ». Pour sortir les éléments des fours, « les gens prenaient aussi des pièces avec des moufles à base d’amiante ».
Son souvenir des années 80 est précis :
« II y a eu des balbutiements, on prévenait, mais on n’interdisait pas la manipulation ou n’obligeait pas les gens à prendre des précautions particulières. Il y avait quelques directives, sans plus. Les gens à l’époque savaient qu’il y avait de l’amiante, mais ne connaissaient pas sa dangerosité. L’ouvrier sur la machine ne connaissait pas ces subtilités et on ne l’obligeait pas à prendre des précautions particulières… C’est surtout ça qu’on reproche. »
René Delabre, évoque quant à lui des souvenirs de travailleurs qui prenaient les « soufflettes » pour chasser la poussière d’amiante de certaines pièces de camion. Cette même poussière pouvait aussi servir de sciure pour éponger l’huile au sol dans les ateliers d’usinage de mâchoire de frein.
« Ils nous ont aussi laissé faire avec les soufflettes et tout le monde se renvoyait la balle avec les équipements de protections. »
Renaut Trucks affirme avoir fait le nécessaire dès 1997 :
« L’entreprise a mis en place les moyens nécessaires pour maîtriser tout risque lié à l’amiante. Nous avons substitué à l’amiante de nouveaux matériaux dès que cela a été possible. Les deux décrets de 1996 sur les bâtiments et sur la protection des salariés ont renforcé les mesures déjà en application dans l’entreprise : recherche d’amiante, cartographie, utilisation de produits de substitution, commercialisation de véhicules uniquement sans contenu d’amiante. »
« On ne va pas au boulot pour mourir »
Pour ces anciens salariés, majoritairement retraités, la question du temps se pose. La procédure traîne depuis des années, et le fait d’interjeter appel la rallongerait encore.
Depuis 2018, une quarantaine de personnes sont décédées, de causes diverses.
« Ce n’est pas la peur de perdre, c’est la peur de perdre la vie avant », souffle Jean-Paul Carret.
Patrick Gérard, complète :
« Le but c’est que l’amiante disparaisse de la circulation, que les gens soient reconnus comme ayant été en contact avec cette cochonnerie et de montrer que l’entreprise n’a pas fait ce qu’il fallait. On ne va pas au boulot pour mourir et certains ne profitent pas de leur retraite. »
Au total, on compte environ 1400 ex-salariés et salariés de Renault Trucks qui tentent aujourd’hui de faire reconnaître un « préjudice d’anxiété » pour leur exposition à l’amiante. Mais ce ne sont pas pas les seules procédures en cours.
D’autres, pour qui une maladie professionnelle causée par l’amiante a été reconnue, ont deux options : se rapprocher du Fond d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) ou attaquer la direction pour faute inexcusable. Mais ce deuxième choix est plus long.
Sollicité Renault Trucks, indique ne pas pouvoir communiquer le nombre de personnes qui ont attaqué l’entreprise pour faute inexcusable ou celles qui ont eu recours au Fiva.
Lors du premier confinement en mars 2020, les hôpitaux psychiatriques ont dû s’adapter dans l’urgence. De nouvelles normes ont été instaurées, des services extra-hospitaliers ont fermé, des soignants ont dû changer d’unité et les services ont été réorganisés. Dépourvu de moyen de protection au début de la crise, le personnel soignant a dû faire face à une situation inédite.
Quatre soignantes des hôpitaux psychiatriques de Saint-Jean de Dieu et du Vinatier, protégées par leur statut syndical, ont livré des témoignages accablants, sur la façon dont ont été traités les patients et sur leurs conditions de travail. Nous nous sommes aussi entretenus avec les directions de ces hôpitaux.
Alors que la crise psychiatrique augmente, liée à un contexte de pandémie et de restrictions, où en sommes-nous de ces soins déjà déclassés dans le système hospitalier français ?
Saint-Jean de Dieu et le Vinatier, deux groupes hospitaliers dédiés à la psychiatrie
Le bâtiment du Vinatier qui regroupe toute la psychiatrie pour adultes.Photo : LB/Rue89Lyon
Depuis le début de la pandémie, les restrictions et l’isolement ont eu des conséquences psychologiques sur la population qui inquiètent de plus en plus. De nombreux psychiatres parlent déjà de vague psychiatrique.
Le rapport d’analyse des retours d’expériences de la crise Covid-19 dans le secteur de la santé mentale et de la psychiatrie indique que dans la population générale, le confinement (et bientôt les difficultés économiques et sociales) a majoré les symptômes dépressifs, anxieux, ou les addictions.
Une étude récente indique que de nombreuses personnes ayant eu le coronavirus souffrent de problèmes psychologiques ou neurologiques, après coup.
Saint Jean de Dieu est un établissement privé d’intérêt collectif spécialisé en psychiatrie, situé dans le 8ème arrondissement de Lyon. Le Vinatier est un établissement public de santé mentale à Bron. Il s’agit du plus gros hôpital psychiatrique de l’agglomération lyonnaise.
“Des services pourris, avec des chambres sans toilettes, deux douches pour 26 patients”
Saint Jean de Dieu est un établissement privé d’intérêt collectif spécialisé en psychiatrie, situé dans le 8ème arrondissement de Lyon. CC
Avant la crise sanitaire, les conditions de travail étaient déjà difficiles. C’est ce que montre un rapport de visite du centre hospitalier de Saint-Jean de Dieu d’avril 2019 réalisé par sept contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté.
Ce rapport indique que « le mal être et la souffrance au travail sont clairement exprimés par l’ensemble du personnel soignant ». Les conditions d’accueil étaient quant à elles jugées « délétères » dans certaines unités.Il indique aussi que :
« Les conditions d’hébergement sont apparues indignes[…] La longueur des durées des placements en chambre d’isolement est incompréhensible au regard des durées des crises ».
Elsa Bataille (CGT), infirmière à Saint Jean de Dieu, dénonce ainsi :
« Des conditions d’hospitalisation dans des services pourris il faut le dire ! Avec des chambres petites ou des chambres doubles, sans toilettes, avec deux douches pour 26 patients. »
Autre constat partagé par les soignantes, le manque de places à l’hôpital. Le taux d’occupation des lits a avoisiné les 100% sur l’année 2020 à l’hôpital Saint Jean de Dieu, avec parfois un dépassement de ce seuil.
“Il y a eu davantage de contentions, des patients attachés »
Le confinement de mars 2020 a donc engendré de nombreuses réorganisations dans les services. Parce qu’il fallait concilier la mission de soin psychiatrique avec le risque de contamination, il a également entraîné de nouvelles restrictions de liberté pour les patients. Ces derniers n’ont plus pu sortir autant qu’auparavant, en général moins d’une heure par jour.
Certaines unités ont été confinées pendant plusieurs semaines. Si chaque partie s’accorde à dire qu’il y a eu de nouvelles normes et procédures, un point de désaccord apparaît entre les directions et les soignantes : l’augmentation du recours à l’isolement ou à la contention durant le premier confinement. Pour rappel, la contention est un soin thérapeutique appliqué par le personnel des hôpitaux psychiatriques, visant à contenir par un moyen physique un patient en état de crise.
Pour les soignantes, c’est clair, les restrictions de liberté ont augmenté et le durcissement des méthodes employées lors des prises en charge est un fait :
« Il y a eu plus de contentions, des patients attachés. Il y a eu plus de patients en isolement », rapporte Elsa Bataille. Et de poursuivre :
« Parce qu’il fallait gérer la crise […] on était surtout sur des privations extrêmes, de gens contenus en isolement sur des durées qui étaient plus longues que ce qu’on a actuellement ».
Elsa Bataille, infirmière syndiquée (CGT)
Au contraire, les directions du Vinatier et de Saint Jean de Dieu affirment que les recours à l’isolement et aux contentions ont diminué.
C’est ce qu’assure Frédéric Meunier, médecin et président de la commission médicale d’établissement du Vinatier :
« Dans notre hôpital, le nombre d’isolements et de contentions a plutôt diminué en 2020 […]. Il est vrai qu’il y a eu un certain nombre de restrictions dans l’hôpital à la liberté des patients.”
Agnès Marie-Egyptienne, directrice générale de l’Association Handicap et Santé Mentale (ARHM, gestionnaire de Saint-Jean-de-Dieu), considère elle aussi que c’est surtout dans l’organisation qu’ »il a fallu prendre des mesures qui visaient non pas à isoler mais à confiner, pour éviter les risques de propagation ».
« Ça s’est carcéralisé, on a basculé sur du sécuritaire »
Des soignantes témoignent de ce qui s’est passé pendant le premier confinement dans deux hôpitaux psychiatriques à Lyon.Photo : ATellier/Rue89Lyon
Ces mesures visant à limiter l’épidémie ont transformé l’institution et le travail des soignants. Ces dernières rapportent une mise à mal de leur statut. La crise sanitaire ayant pris le dessus sur le soin psychiatrique.
Les demandes de l’hôpital en matière de contrôle vis-à-vis des mesures barrières n’ont pas toutes été bien acceptées par les soignants. Elsa Bataille exprime ainsi la difficulté qu’elle a eue à devoir entrer dans la vie intime des patients :
« En intra-hospitalier, ça a été un vrai confinement très strict. Plus de sortie dans le parc, plus de visite, plus de permission, ça s’est presque carcéralisé. […] Sur la fin du confinement, ils ont ouvert un local où les familles pouvaient se voir en présence d’un soignant. On rentrait vraiment dans l’intimité des relations des patients qui n’avaient pas vu leur famille depuis des semaines. Le statut soignant a été vraiment mis à mal et égratigné avec ces procédures Covid. On a viré sur du sécuritaire. »
Les fermetures des structures extra-hospitalières ont aussi laissé des patients sans soins. Pourtant, la direction de Saint-Jean-de-Dieu assure que le lien a été maintenu avec les patients :
« L’objectif était de faire en sorte que dans toutes les structures extra hospitalières qui avaient diminué, voire fermé, on maintenait le lien avec les patients ».
Au Vinatier, d’après le Dr Frédéric Meunier, cela n’a pas été le cas. Il affirme qu’ »aucun centre de consultation extérieur n’a fermé, même une seule journée » :
« Pour éviter un potentiel afflux de patients sur l’hôpital, quelques types de soins hospitaliers n’ont pas pu avoir lieu. Notamment durant le premier confinement parce qu’on était dans une situation où on manquait de protection individuelle ».
Ce dernier reconnaît toutefois que « les hôpitaux de jour ont fermé leur activité provisoirement ».
L’extra-hospitalier : « Il y a eu des décompensations, majorées par l’angoisse »
Les directions estiment que le recours à l’ambulatoire ou plutôt à la non-hospitalisation n’est pas forcément une mauvaise chose.
Dans la prise en charge ambulatoire, les patients se rendent à l’hôpital uniquement pour des consultations. Il s’agit soit d’orienter une personne vers la structure de soins adaptée à sa situation, soit de lui assurer des soins préventifs, en dehors d’une hospitalisation complète, parfois même à domicile. Les patients peuvent y consulter un médecin, un psychologue, un assistant social, ou un infirmier.
Piero Chierici, directeur adjoint du Vinatier, espère y avoir recours davantage. Il souhaite « limiter l’hospitalisation aux seuls moments nécessaires dans le parcours d’un patient et privilégier la prise en charge ambulatoire et inclusive dans la cité pour les patients ».
Mais selon les soignantes, les fermetures des services en extra-hospitalier ont eu de graves conséquences sur les patients déjà suivis à l’hôpital. Elles rapportent aussi qu’il leur a fallu prioriser certains patients plutôt que d’autres. Cette situation n’était pas satisfaisante puisque nombre d’entre eux sont revenus en crise après la crise. On parle alors d’une décompensation (une décompensation est un épisode pendant lequel une personne présente des signes de psychose. Il peut s’agir d’un premier épisode de troubles psychiatriques ou de rechutes de maladies diagnostiquées). C’est ce qu’indique Linda Garah (CFTC), infirmière à Saint Jean de Dieu :
« Il y a eu des décompensations, effectivement, majorées par l’angoisse. C’est sur les personnes de l’extra-hospitalier que les conséquences ont été les plus lourdes. Parce que les services ont fermé. »
En 2020, une augmentation du nombre de passages aux urgences de l’ordre de 15%
Dans nos divers entretiens, la notion de vague psychiatrique a été partagée aussi bien par les soignants que par les directions. Une nouvelle “file active de patients” (décompte du nombre total de patients pris en charge dans un service au cours de l’année) arrive à l’hôpital et pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils font face à cette institution. C’est ce que confirme Agnès Marie-Egyptienne, directrice générale de l’ARHM :
« Au vu des entrées qui arrivent, je pense qu’on a une proportion de primo-patients, en tout cas des patients qui n’étaient pas connus, qui se présentent aux urgences et qui sont hospitalisés dans l’établissement ».
Le même son de cloche se fait entendre parmi les soignantes comme l’infirmière Elsa Bataille :
« Effectivement on a eu des patients, des premières décompensations, des gens qui étaient fragiles mais qui arrivaient à se maintenir tant bien que mal. Mais là, avec le Covid, l’isolement, la précarité, le fait qu’il n’y ait plus de boulot, que tous les tenants sociaux soient relâchés, ils ont décompensé et sont arrivés à l’hôpital ».
La direction du Vinatier affirme qu’il y a eu une augmentation de 15% de prise en charge en urgence psychiatrique sur l’année écoulée et que ce n’est pas fini. Piero Chierici, directeur adjoint du Vinatier :
« On a une augmentation des passages en urgences avec une accélération depuis la fin de l’année 2020. »
Les deux établissements s’accordent à dire qu’il y a de plus en plus d’adolescents qui sont admis à l’hôpital. Un phénomène qui prend une ampleur inquiétante selon eux.
« Je n’ai jamais vu autant d’agents, de jeunes diplômés, qui cherchent à partir »
Différents constats sont récurrents de la part des soignantes comme des directions. Le manque d’effectifs ou encore la difficulté à recruter de nouveaux soignants. C’est ce qu’explique Sandra Werck, infirmière à Saint Jean de Dieu, syndiquée chez SUD :
« Il y a un turn-over qui est conséquent, depuis longtemps. Là, il y a vraiment des soucis de recrutement. C’est-à-dire qu’avant, les gens quittaient l’hôpital mais étaient remplacés relativement facilement. Ce n’est plus le cas. »
Toutefois, les soignantes parlent carrément d’une vague de démissions à l’hôpital. Ce que les directions ne corroborent pas.
Dernièrement, l’hôpital psychiatrique de Saint Jean de Dieu à dû se résoudre à lancer un plan blanc. Le plan blanc est un dispositif de crise face à une situation sanitaire exceptionnelle ou une activité accrue d’un hôpital. Il permet d’organiser l’accueil et la prise en charge d’un afflux massif de patients.
Nathalie Gramaje (CGT), aide soignante au Vinatier, évoque la difficulté à garder les soignants et le personnel médical dans l’hôpital :
« Ça fait depuis 1994 que je suis ici et je n’ai jamais vu ça, des agents, jeunes diplômés de surcroît, qui cherchent à partir. »
La « perte de sens » du travail en psychiatrie
Elle n’est pas la seule à pointer ce phénomène, en particulier chez les jeunes professionnels. Linda Garah partage ce diagnostic :
« Les jeunes infirmiers quittent plus souvent l’établissement. »
Une infidélité qu’elle attribue à la « perte de sens au niveau du travail ».
Les directions quant à elles insistent sur la complexité à recruter du personnel sans évoquer pour autant une « vague de démissions » au sein de leurs hôpitaux. C’est ce que soutient le docteur Frédéric Meunier :
« Nous avons une carence de recrutement actuellement faute de candidat. Ce n’est pas une volonté de l’hôpital ni une question budgétaire. »
En revanche, tous s’accordent à dire que le manque d’effectifs est une des plus grandes problématiques à l’hôpital et qu’ »il ne s’agit pas d’un problème nouveau ».
Frédéric Meunier évoque un cas particulier mais représentatif de cette pénurie en France, celui de la pédopsychiatrie :
« On est passé en France, de 1200 pédopsychiatres dans les établissements publics à 600 environ ».
Une « maltraitance institutionnelle »
Les soignantes ont aussi fait part d’une forme de “maltraitance institutionnelle » au sein des hôpitaux psychiatriques. Un fait structurel et inhérent à l’ensemble des institutions psychiatriques. Interrogées sur cette notion, les directions n’ont pas nié son existence. Comme Agnès Marie-Egyptienne :
« Dans la réflexion sur la maltraitance c’est effectivement un terme qui est utilisé […] Le fait d’être dans une institution qui induit une vie collective avec tout ce que ça implique, de source de tensions, d’organisation et de fonctionnement. C’est même intrinsèque quelque part. »
Elle explique aussi que c’est de « son devoir de la repérer et de la prévenir au mieux ». Un propos partagé par la direction du Vinatier. Le Dr Frédéric Meunier explique :
« Tous les hôpitaux y compris le nôtre s’emploient à diminuer cette maltraitance-là. Ce qui peut être lié à un excès de coercition dans le soin. Le sentiment d’être maltraité par l’institution, c’est quelque chose qui est fréquemment exprimé par les agents ».
Globalement, les soignantes expriment une perte de sens au travail due en partie à une modification de l’offre de soin en hôpital psychiatrique. Pour elles, difficile de garder de la bienveillance, pourtant au cœur de leur mission. Ce fut particulièrement le cas pendant le premier confinement, très strict. Elles affirment enfin que bon nombre de personnels envisagent une réorientation professionnelle.
Une perspective inquiétante, devant l’augmentation du nombre de passages aux urgences psychiatriques en 2020.
Alors que la crise sanitaire liée au Covid-19 provoque de manière avérée cette recrudescence des pathologies, le soin psychiatrique reste, aussi bien du point de vue des soignantes que de leurs directions, le parent pauvre du système hospitalier.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes présidée par Laurent Wauquiez (LR) vient de signer un contrat avec la chaîne Neo, lancée par le présentateur-vedette de M6 Bernard de la Villardière. Il s’agirait de produire une série de cinq vidéos « contribuant à valoriser la région à travers de belles figures de résilience », selon Mediacités.
La diffusion serait opportunément envisagée entre avril et mai, juste avant les élections régionales pour le moment prévues les 13 et 20 juin prochains. Elle vise un million de vues cumulées. De quoi outrer les adversaires du président de Région, qui peinent à faire campagne en période de crise sanitaire, de confinement et de couvre-feu.
« Sous couvert d’information, il s’agira, ni plus ni moins, d’un publireportage déguisé. »
Neo, comme d’autres chaînes web, compte en effet produire du « brand content » ou du « contenu de marque », pour se financer. Autrement dit du publireportage assez peu différencié du contenu éditorial propre au média.
Ce « partenariat s’inscrit dans l’accompagnement par la région de la dynamique de relance », a défendu le cabinet de Laurent Wauquiez. En imaginant des vidéos sur « un cordonnier médiéval (sic) dans le Cantal, une agricultrice championne de rugby ou encore un artisan savonnier ».
La Commission Nationale des Comptes de Campagne informée
La Région n’a pas communiqué le coût de l’opération. La candidate socialiste a toutefois décidé de saisir la Chambre régionale des comptes et d’informer la Commission Nationale des Comptes de Campagne de cette situation. Elle écrit que, « depuis 5 ans, et au mépris de l’intérêt général Laurent Wauquiez a fait de la région Auvergne-Rhône-Alpes un outil de communication au bénéfice de sa carrière politique ».
Pour rappel, Bernard de la Villardière avait déjà tissé des liens avec la collectivité, en acceptant de faire un « ménage » (c’est à dire une intervention rémunérée), et d’animer une conférence pour le compte de la Région Auvergne-Rhône-Alpes.
Sa chaîne Neo se présente comme une sorte de nouveau « Brut » qui pencherait politiquement à droite dans sa ligne éditoriale, avec une appétence pour les « sujets ruraux », ou « l’art de vivre à la française », entre autres.