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La délirante polémique autour du menu sans viande à Lyon

L’annonce par la Ville de Lyon du maintien temporaire d’un unique menu sans viande (mais avec poisson et œuf) dans les cantines scolaires a provoqué une polémique. Plusieurs ministres ont pris la parole, le préfet du Rhône a été saisi, la FNSEA manifeste… C’est quoi le problème ?

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Plat végétarien. Un plat qui peut être servi à la cantine à Lyon

Vous n’avez rien suivi ce week-end et découvrez le fatras ce lundi 22 février ? Voici une tentative d’éclairage.

Un courrier de la mairie de Lyon pour expliquer le nouveau protocole sanitaire

Le lundi 15 février, la Ville de Lyon, à travers son adjointe en charge de l’Éducation, Stéphanie Léger, écrit aux mairies d’arrondissement. Puis aux parents d’élèves le jeudi 18 février. L’objet ? Les informer des nouvelles mesures sanitaires à venir dans les écoles et notamment au sein des cantines. Tout cela pour se conformer au nouveau protocole demandé par la ministère de l’Éducation Nationale. Quelles sont-elles ?

  • Allongement de la pause méridienne de 11h30 à 13h45 pour étaler le passage des classes.
  • Service de repas froids dans quelques établissements où le repas de midi se fait dans des bâtiments extérieurs à l’école.
  • Et, donc, le maintien d’un menu unique sans viande pour permettre « d’optimiser le service de restauration » selon les termes du courrier. En clair, permettre de fluidifier au mieux le service entre des classes qui ne doivent pas se mélanger.

Si la mention explicite n’apparaît pas dans ce message adressé aux parents d’élèves, qui parle de mesures « exceptionnelles », la Ville de Lyon précisera par la suite qu’elles s’appliqueront temporairement, jusqu’aux vacances de printemps.

L’opposition de droite monte au créneau suivie de Paris

Rapidement, les élus municipaux d’opposition de droite s’étranglent dans un communiqué dès le vendredi 19 février. Ils y voient là un « choix idéologique », une « volonté d’accélérer ce qu’ils [les écologistes] avaient prévu dans leur programme de campagne », sous couvert de protocole sanitaire. L’opposition de droite lyonnaise dénonce également un manque de concertation.

À partir de là, « l’affaire » prend une ampleur nationale.

La liste est longue tant sont nombreuses les personnes, au plan national comme local ailleurs en France, à avoir pris la parole sur le sujet (sans avoir toujours bien regardé le sujet de près).

Retenons que plusieurs membres du gouvernement se sont exprimés sur le sujet pour exprimer une « inquiétude » voire leur dégoût face à un choix prétendument idéologique de la Ville de Lyon. Comme le ministre de l’agriculture, qui a même annoncé avoir saisi le préfet du Rhône.

Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, y voit lui une « insulte aux agriculteurs et aux bouchers » dans cette mesure qui priverait les »enfants des classes populaires » des seuls repas où ils peuvent manger de la viande.

D’autres membres du gouvernement, peu ou prou, sur la même ligne ont pris la parole sur le sujet durant le week-end.

Ce lundi 22 février, à partir de 10 heures, ce sont même des agriculteurs de la FNSEA (syndicat agricole majoritaire) qui se sont réunis devant l’Hôtel de Ville de Lyon. Le responsable départemental du Rhône du syndicat expliquant au quotidien local à quel point, selon lui, cette décision était un coup de poignard supplémentaire pour les éleveurs locaux.

Un menu sans viande déjà en place à Lyon

Qu’est-ce que ce menu « sans viande » ? Il ne sort pas de l’imagination de la nouvelle municipalité. Il a été instauré depuis plusieurs années à Lyon. Il est même en place tous les jours de la semaine à côté du menu classique. C’est une alternative à ce dernier, sans viande, donc, comme son nom l’indique. Deux jours par semaine, ce menu sans viande comporte du poisson. En clair, il est réellement végétarienne (sans poisson ni viande) deux jours par semaine.

C’est donc ce menu « sans viande » qui a été retenu par la Ville de Lyon comme menu unique pour le semaines à venir. Un menu sans viande mais qui n’est pas totalement végétarien (il y aura certains jours du poisson) ; et en aucun cas végan (il y aura soit du poisson soit des œufs).

La précédente majorité avait fait le même choix. En mai 2020, au moment du déconfinement, Gérard Collomb et sa majorité avaient mis en place le menu sans viande comme menu unique pour simplifier et fluidifier le service de midi là aussi. Sans polémique.

Dans l’emballement un peu surréaliste dans son ampleur, démarré ce week-end, certains éléments factuels semblent donc avoir été emportés. Comme le caractère temporaire ou le fait que ce ne soit pas un menu végétarien.

Le « végétarisme rampant » dans les écoles de Lyon ?

Pourquoi ce menu sans viande ? Parce qu’il est celui qui pose le moins de contraintes en termes de choix alimentaires. Les parents choisissant ce menu pour leurs enfants le font pour différentes raisons : religieuses, alimentaires, éthiques, etc.

Ce menu est donc celui qui satisfait le plus de monde à défaut de tous. Mais pas totalement. Avant même cette polémique, sûrement vaine, il faisait déjà des mécontents, notamment les végétariens (vu qu’il n’est pas affranchi de toutes protéines animales en servant du poisson).

Une parent d’élève végétarienne nous racontait sa situation face à ce « menu végétarien » seulement deux jours par semaine. Une situation plutôt ironique quand le végétarisme en a semble-t-il étranglé certains durant le week-end.

La question du personnel scolaire et des filières agricoles

Tout ce brouhaha et certaines attaques semblent donc davantage briller par leur opportunisme politique que par leur véritable intérêt (ou sens). Derrière ce menu sans viande se posent sûrement d’autres questions plus intéressantes.

Celle notamment de la gestion de la pause méridienne et du repas dans les écoles de Lyon. Les grèves de cantine y sont fréquentes, ces derniers temps encore. Le service de cantine est notamment assuré par les ATSEM (Agent territorial spécialisé des écoles maternelles). Ces derniers, ainsi que d’autres personnels des écoles de Lyon, ont notamment manifesté il y a un mois environ pour dénoncer leurs conditions de travail.

Des conditions rendues beaucoup plus lourdes avec les protocoles sanitaires et pour lesquelles ils demandent des renforts.

Pour certains parents à Lyon, ce qui leur est imposé n’est pas le menu dans l’assiette de leurs enfants mais plutôt l’absence de service de restauration. Dans certaines écoles, les grèves sont assez fréquentes. Le choix ne porte plus alors sur le menu mais sur la possibilité de récupérer son enfant à midi ou de lui fournir un pique nique froid. Dans certaines écoles, bien souvent ce choix n’est d’ailleurs même pas possible les jours de grève, le personnel n’était pas suffisant pour surveiller le pique-nique des enfants. Nous reviendrons prochainement sur cette question des grèves dans les cantines sur Rue89Lyon.

Plus intéressante que la polémique en cours concernant, se pose également la question l’approvisionnement des cantines scolaires. Il n’est pas le seul mais Gérard Collomb (LREM) l’a posée au maire Grégory Doucet (EELV) ce lundi 22 février lors d’une séance du conseil municipal. Il lui a demandé de construire de « véritables filières locales ». Travail en cours selon le maire de Lyon. Même s’il s’agissait par là selon Gérard Collomb de « réduire la polémique » en cours, sa remarque pointe un sujet plus profond et structurel de l’action d’une municipalité sur ce terrain de l’alimentation.


#Cantines scolaires

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Photo : PL/Rue89Lyon

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