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La Cocarde : le retour d’un syndicat étudiant d’extrême droite à Lyon

La Cocarde : le retour d’un syndicat étudiant d’extrême droite à Lyon

Depuis la rentrée universitaire 2020, la Cocarde, syndicat étudiant d’extrême droite, a fait son apparition sur les campus de Lyon. Si elle n’est représentée dans aucune des instances étudiantes, elle multiplie les actions et signe le retour de l’extrême droite lyonnaise sur les campus.

Lundi 28 février à l’université Lyon 2, sur le campus de Bron, Adil, observe un regroupement inhabituel.

« C’était aux alentours de 10h. Ils étaient 12-13, certains avaient le visage couvert et ils diffusaient des tracts. On a vite vu que c’étaient des militants d’extrême droite », raconte le militant à l’UNEF-TACLE (tendance de l’UNEF proche du NPA).

Bonne pioche, le groupe repéré n’est autre que la Cocarde lyonnaise.

Accompagnés par quelques-uns de ses camarades, il décide d’organiser un contre tractage.

« Comme on avait des tracts spécifiques contre l’extrême droite, on est allé les diffuser juste à côté d’eux. Ils étaient accompagnés de personnes plutôt à forte corpulence qui étaient clairement là pour intimider et rentrer dans le tas en cas de problème », précise l’étudiant.

Côté Cocarde, on reconnaît s’être masqué pour éviter d’être filmé par les militants de l’UNEF et on déplore des « coups ».

« J’ai repoussé un gars de la Cocarde qui fonçait sur une de mes camarades qui ne voulait pas de son tract, en aucun cas on n’a porté de coups », précise Adil.

La scène dure une trentaine de minutes et l’affaire en reste-là.

Retour sur les campus lyonnais du syndicalisme étudiant d’extrême droite

La Cocarde étudiante est créée à Paris à la faculté d’Assas en 2015. Mais il faudra attendre 2017 pour qu’une section soit ouverte à Lyon, sous la forme d’une association dont l’objet est « militantisme politique et syndicalisme étudiant ».

Bien que la structure associative soit créée, la Cocarde lyonnaise reste relativement inactive. En juin 2020, au sortir du premier confinement, la page Facebook nationale de la Cocarde annonce : « Étudiants lyonnais, à partir de septembre notre mouvement sera actif dans la capitale des Gaules ».

Depuis, si la Cocarde lyonnaise n’est toujours pas agréée en tant qu’association étudiante dans les universités lyonnaises, son activité de terrain se développe.

Dès la rentrée de septembre 2020, la Cocarde étudiante se rend visible dans les facs lyonnaises à grand renfort de collages et de stickers.

« On voit surtout leurs affiches à Lyon 3, sur le campus de la manufacture des tabacs, historiquement classé à droite (lire encadré) », explique Yann Grillet-Aubert militant de Solidaires etudiant·es.

À deux reprises au moins, les militants de la Cocarde viennent tracter sur le campus de Sciences Po Lyon, suscitant des tensions avec des étudiants peu favorables à leurs idées.

Ils utilisent également abondamment les réseaux sociaux, pour se montrer dans l’action, en train de tracter aux pieds de l’université catholique de Lyon ou bien, ce 17 mars, manifestant aux abords du site de la Manufacture des tabacs (Lyon 3) avec une banderole « les étudiants contre le racisme anti-blanc ».

A l’heure actuelle, le tractage sur le campus de Bron, considéré comme un fief de la gauche étudiante, en février 2022 apparaît comme le coup d’éclat de l’activisme de la Cocarde.

« Cela fait deux ans que ces militants prennent de la confiance, le fait qu’ils viennent sur le campus de Bron, ça nous interpelle, c’est le résultat d’un climat de banalisation de leurs idées, notamment grâce à la campagne de Zemmour », indique Adil de l’UNEF-TACLE.

Pas lourd dans les urnes 

À la différence d’autres mouvements d’extrême droite qui ont tenté de s’implanter dans les facs lyonnaises par le passé (lire encadré), la Cocarde ne souhaite pas uniquement s’adonner à un militantisme de terrain mais souhaite s’investir dans les instances.

« Avoir des élus est un objectif pour mieux représenter les intérêts estudiantins », nous assurent ses représentants qui ont répondu à nos questions par mail.

Mais pour l’heure, elle pèse encore bien peu dans les urnes. Elle n’a présenté aucune liste lors des dernières élections universitaires, que ce soit dans les conseils centraux (conseils d’administration et commissions de la formation et de la vie universitaire) ou dans les UFR.

La Cocarde lyonnaise a, en revanche, présenté une candidature aux élections du Crous pour les universités lyonnaises, où elle est arrivée en avant dernière position, recueillant 7,9% des suffrages exprimés (536 voix) mais talonnant de peu son rival de droite, le syndicat étudiant UNI (582 voix). Ces élections, dont le taux de participation était de 4,3%, ont été remportées par l’UNEF (28,5% des suffrages) et le maigre score de la Cocarde ne lui a pas permis d’avoir d’élus.

La Cocarde : le retour du syndicalisme étudiant d'extrême droite à Lyon
Cortège de la Cocarde étudiante lyonnaise le 22 janvier lors d’une manif anti-pass.Photo : GB/Rue89Lyon

Du côté de l’administration de Lyon 3, la présence montante de la Cocarde ne semble pas causer d’inquiétude.

« L’’association n’est pas référencée dans notre université », s’est contenté de nous répondre Stéphane Nivet, son directeur de la communication.

Du fait de son histoire (lire encadré), l’université est particulièrement attentive aux tentatives de développement des mouvements d’extrême droite en son sein. Quelques années plus tôt, la direction de l’université avait empêché la création d’une association étudiante d’extrême droite à Lyon 3, l’Union Défense de la Jeunesse, constituée par des membres du GUD. La directrice de la communication de l’époque affirmait :

« Nous affichons une tolérance zéro pour ce courant de pensée. Leurs valeurs n’ont rien à voir avec l’université ».

La Cocarde à Lyon : un syndicat du « camp national », anti-« wokes » et pro-Zemmour

La Cocarde lyonnaise est bien une organisation d’extrême droite. Si elle n’emploie pas elle-même ce mot, préférant se déclarer du « camp national », elle appelle à voter pour Marine Le Pen et Éric Zemmour estimant que « ni la gauche hors-sol ni la droite molle de Valérie Pécresse ne constituent une alternative réelle à l’idéologie qui nous gouverne ».

Alors que son activité reprend à la rentrée de septembre 2020, elle donne tout de suite le ton et organise des visioconférences avec le polémiste pro-Zemmour Jean Messiha et l’ancien président du Front National de la Jeunesse et également chroniqueur, Julien Rochedy.

Sur les campus lyonnais elle milite contre ce qu’elle nomme « le gauchisme culturel », appelant, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, à y « balayer les wokes ».

Au niveau national, encore, la Cocarde défile avec une banderole « islam et démocratie, qu’en pense Samuel Paty » et organise des conférence avec Marion Maréchal-Lepen ou encore Alain de Benoist, théoricien de la nouvelle droite.

« Ce qui domine [à la Cocarde] c’est clairement une thématique d’extrême droite : préférence nationale, anti-islam (et donc pas seulement anti-islamisme), anti-immigration, sécurité, avec une touche viriliste et élitiste avec son slogan « Identité – Mérite – Communauté » », analyse Alain Chevarin auteur du livre Lyon et ses extrême droite (Editions de la Lanterne).

Dans sa manière de lutter contre l’immigration, ou lorsqu’elle dénonce l’islam, la Cocarde se place définitivement à la droite de l’UNI, syndicat historique de la droite universitaire créé en 1969.

« L’UNI est un syndicat dépendant de LR, abreuvé de subventions qui le maintiennent en vie », nous affirme la Cocarde lyonnaise, qui se livre, depuis les débuts de son activité lyonnaise, à une querelle numérique avec l’UNI, postant photos et messages de moquerie.

« L’UNI représente assez bien cette droite libérale dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas, souvent teintée de mollesse », continue encore la Cocarde Lyon.

Accointances avec l’extrême droite radicale

Logiquement, les positions idéologiques défendues par la Cocarde se retrouvent dans les engagements de ses militants, qui ont opté pour le Rassemblement National (RN) et, pour Reconquête, le nouveau parti qui porte la campagne d’Eric Zemmour. Ainsi Pierre-Romain Thionnet et Luc Lahalle, ex-président et ex-secrétaire général du syndicat au plan national, sont respectivement collaborateurs parlementaires des eurodéputés RN Catherine Griset et Jordan Bardella, rappelle StreetPress.

A Lyon, une seule tête émerge pour l’heure, celle de Sinisha Milinov, étudiant en histoire à l’université Lyon 3. Le jeune porte-parole national de la Cocarde et responsable de la section lyonnaise assume un parcours ancré à l’extrême droite radicale.

 « Il est bel et bien un ancien membre de l’association dissoute Génération identitaire, ce n’est un secret pour personne. Sa participation à la campagne municipale et métropolitaine avec le RN en 2020 n’est pas un secret non plus. Ses engagements sont tous en cohérence les uns avec les autres », nous précise la Cocarde lyonnaise.

Le jeune homme a été candidat aux élections municipales de 2020 à Villeurbanne, placé cinquième sur sa liste. Récoltant 7,63 % des suffrages, il ne sera pas élu. Récemment, il a fait évoluer son engagement politique et a posté sur les réseaux sociaux sa « carte d’adhérent pionnier » à Reconquête, parti d’Eric Zemmour.

La Cocarde lyonnaise s’est enfin affichée aux côtés de nombreuses organisations d’extrême droite dans les manifestations anti-pass organisées par le groupe Lyon pour la Liberté.

En revanche, si la Cocarde étudiante parisienne s’est fait connaître pour des actions coup de poing notamment lors de blocus étudiants, de telles actions n’ont pour l’heure pas été observées à Lyon.

Le Groupe antifasciste Lyon et environs (GALE) dissous par le gouvernement

Le Groupe antifasciste Lyon et environs (GALE) dissous par le gouvernement

[Article mis à jour] C’est allé très vite. Mercredi 30 mars, à la sortie du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement a indiqué que le Groupe antifasciste Lyon et environs, « connu pour ses actions violentes » a été dissous. Autrement appelé la « GALE », le groupe va contester cette dissolution. Ci-dessous, notre article du 18 mars dernier.

[Info Rue89Lyon] Une procédure de dissolution a été engagée le jeudi 17 mars 2022 par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, contre le Groupe antifasciste Lyon et environs.

Après le média Nantes Révoltée, c’est maintenant un groupe antifasciste lyonnais qui est dans le viseur de Gérald Darmanin. Le 17 mars, le Groupe antifasciste Lyon et environs – connu sous l’acronyme la GALE – s’est vu notifier une procédure de dissolution, que Rue89Lyon a pu consulter, engagée par le ministère de l’intérieur à leur encontre.

C’est la première fois qu’un groupe antifasciste est dissous en France. Laquelle dissolution a été actée le mercredi 30 mars.

« Je pense qu’on est les premiers d’une longue série »

« On s’y attendait un peu, reconnaît Florent (le prénom a été modifié), un antifasciste lyonnais de longue date, contacté par Rue89Lyon. Comme ça avait échoué avec Nantes Révoltée, on pensait que finalement, ils n’allaient peut-être pas s’en prendre à nous. »

Les motivations de cette procédure de dissolution s’étalent sur trois pages et remontent aux débuts du groupe antifasciste, en 2014. Manifestations, posts Facebook, tweets, relais sur les réseaux sociaux… Tout a été passé au crible.

« On va devoir tout décortiquer, se lamente Florent. On nous reproche toutes les manifs qu’on a pu appeler rejoindre et qui sont parties en sucette, même si on n’y était pas. On nous reproche aussi beaucoup nos posts sur Twitter et Facebook, depuis 2014. Ainsi que tout ce qui est sur la vidéo de Livre Noir tournée lors du dernier Antifa Fest. »

Beaucoup d’éléments recensés, « sans rien de très concret » cependant, affirme le jeune homme.

« Avec tous ces motifs, on peut dissoudre pas mal de groupes en France, chez les antifascistes ou l’écologie radicale, observe Florent. Je pense qu’on est les premiers d’une longue série. »

Un rassemblement de soutien était organisé ce jeudi 4 novembre à côté du tribunal judiciaire de Lyon, pour le procès de 7 antifas accusés d'avoir commis des violences sur des membres de Civitas.
Un rassemblement de soutien avait été organisé jeudi 4 novembre 2021 à proximité du tribunal judiciaire de Lyon, pour le procès de 7 antifas accusés d’avoir commis des violences sur des membres de Civitas.Photo : OM/Rue89Lyon

« On est traité exactement comme Génération identitaire ! »

Un an auparavant, presque jour pour jour, le Conseil des ministres avait acté la dissolution du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire, basé à Lyon. Une mesure toute relative, puisque ses membres continuent leurs activités sous un autre nom, dans des locaux restés ouverts comme nous l’expliquions dans cet article.

« On est traité exactement comme Génération identitaire, c’est fou ! poursuit Florent. Je comprends qu’on dissolve des organisations qui prônent les discriminations, mais nous on à rien à voir là-dedans. Ça fait des années qu’on se bat pour ne pas qu’on nous renvoie dos à dos avec l’extrême droite. Aujourd’hui, c’est un retour en arrière. On ne peut quand même pas se mettre à dire que les Résistants n’étaient pas très cool parce qu’ils s’en sont pris à des nazis ! »

Pour lui, cette notification de dissolution d’un groupe antifasciste dénote une dérive dangereuse du gouvernement, qui pourrait s’aggraver selon le ou la candidat·e élu·e en avril prochain à la Présidence de la République française :

« On nous reproche de critiquer l’État et le système policier français sur les réseaux sociaux. On nous dit clairement d’arrêter de critiquer sinon on nous fera fermer notre gueule. »

La banderole déployée par les antifas de la Gale, lors d'un rassemblement le dimanche 17 décembre 2017. ©LB/Rue89Lyon
La banderole déployée par les antifas de la Gale, lors d’un rassemblement le dimanche 17 décembre 2017 à la Guillotière.Photo : LB/Rue89Lyon

Des appels à la dissolution du Groupe antifasciste Lyon et environs

Dès le mois de décembre 2021, la GALE avait été menacée de dissolution suite à des propos anti-police tenus lors d’un concert du Lyon Antifa Fest. Le président de Région, Laurent Wauquiez, avait même annoncé à l’association qui accueillait habituellement l’événement, le CCO de Villeurbanne, qu’elle risquait de se voir sucrer ses subventions si elle recevait l’édition 2021 du Lyon Antifa Fest. Alors même que le festival n’était pas encore affiché sur la programmation de la salle. Finalement, l’événement avait dû déménager au Grrrnd Zero, à Vaulx-en-Velin.

En janvier, la GALE avait appelé à rejoindre la mobilisation organisée à Lyon le 5 mars contre le géant de l’agrochimie Bayer-Monsanto. Dans la foulée, des élus locaux de la droite et du centre avaient demandé la dissolution du groupe antifasciste.

Il semble qu’ils aient été entendus. Les militant·es de la GALE ont eu dix jours pour se défendre.

Des mobilisations en soutien au groupe antifasciste ont été lancées par le « comité de soutien du 23 septembre ».

#Gérald Darmanin

À Lyon, des bisbilles dans l’organisation de l’aide humanitaire à l’Ukraine

À Lyon, des bisbilles dans l’organisation de l’aide humanitaire à l’Ukraine

« Solidarité Ukraine Lyon » et « Lyon Ukraine » seront bientôt deux associations distinctes. La plateforme web incarnée par Maxime Le Moing d’une part, et la plus grosse association ukrainienne de la ville d’autre part, semblent irréconciliables après plusieurs querelles au sujet de la gestion humanitaire de la crise à Lyon.

Des bisbilles qui semblent se cristalliser autour d’un clivage politique gauche-droite, mais aussi de visions différentes de ce que doit être la gestion d’une association en temps de crise.

Début mars 2022, Rue89Lyon s’interroge sur la manière de traiter au niveau local le sujet de la crise ukrainienne, et se penche alors sur les initiatives humanitaires lyonnaises. Plusieurs projets existent mais un seul est soutenu par la plupart des associations ukrainiennes locales : il s’agit d’une plateforme web plutôt simple, hébergée par Linktree, qui tend à centraliser toutes les aides de la région sur un seul site.

À l’époque nommée « Solidarité Lyon Ukraine », la page se présente comme une enfilade de liens qui renvoient vers des questionnaires et des fichiers textes. Il s’agit tantôt d’informations sur les lieux et dates de collecte à destination de l’Ukraine, tantôt de questionnaires à remplir pour accueillir des réfugiés ou aider bénévolement.

Au bas de la page figurent deux contacts : Maxime Le Moing et Katya Mozulenko, ainsi qu’un numéro de téléphone. Rue89Lyon joint donc le jeune couple franco-ukrainien dans le but de réaliser une interview.

L’occasion de mettre en avant les dispositifs d’aide auxquels peuvent participer les lyonnais, mais aussi d’écouter le ressenti d’une ukrainienne de Lyon, qui s’inquiète pour sa famille et son pays.

À Lyon, « on était submergé par les demandes pour aider l’Ukraine »

La rencontre a lieu le 3 mars 2022, au lendemain de l’envoi des deux premiers camions de dons en direction de l’Ukraine. Les relations se détériorent déjà entre l’association Lyon Ukraine et le créateur de la plateforme, Maxime Le Moing. Ce matin là, il déclare tout de même :

« On a prévu de nommer des référents de pôles qui accepteraient de donner un peu de temps bénévolement pour l’Ukraine. Il y en aurait un pour les dons, un pour l’hébergement… Chapeautés par l’association Lyon Ukraine. »

La collaboration semblait pourtant avoir bien commencé entre les deux entités. Durant le week-end du 26-27 février 2022 qui a suivi l’invasion du territoire ukrainien, les associations ukrainiennes locales se sont réunies pour penser ensemble l’aide qu’ils pouvaient apporter au pays. Markiian Peretiatko, président de Lyon Ukraine depuis 2016, se souvient :

« Je cherchais de l’aide partout, j’ai appelé Katya [fiancée de Maxime Le Moing] car on était submergé par les demandes. On a organisé une réunion Zoom à laquelle son fiancé a participé. Alors qu’on se répartissait les rôles, il s’est proposé de réaliser le site qui centraliserait les propositions d’aide pour l’Ukraine. »

Maxime Le Moing est un auto-entrepreneur mais aussi militant du parti Les Républicains (LR). Il figurait notamment sur la liste d’Etienne Blanc (candidat LR) dans le 7e arrondissement de Lyon aux élections locales de 2020.

Avec ses compétences informatiques, il gère notamment une entreprise qui intervient pour aider les commerces locaux à monter leurs sites web.

En une semaine, le nombre de visites sur le site atteint les 35 000. Dès le mercredi suivant, deux camions partent de la ville de Mions pour acheminer des dons jusqu’en Ukraine, plus précisément à Lviv et à Rivne.

Les dons viennent de 20 points de collecte répartis dans la Métropole de Lyon : municipalités, collectivités, entreprises et même quelques églises.

« On ne veut pas choisir entre le militant LR et l’adjointe au maire EELV »

Au lendemain de l’action, le ton monte entre Maxime Le Moing et une élue écologiste de la Ville de Lyon, Sonia Zdorovtzoff, qui est adjointe au maire en charges des « relations, coopération et solidarité internationales ». En commentaire d’un post Facebook de Maxime Le Moing vantant l’action réalisée la veille, elle lui reproche de n’avoir pas cité la participation de la Ville de Lyon et de la Métropole de Lyon.

Capture d'écran de commentaires échangés sous une publication de Lyon Ukraine.
Capture d’écran de commentaires échangés sous une publication de Lyon Ukraine.

Pour Jean-François Bau, siégeant au conseil d’administration de l’association Lyon Ukraine, cet oubli serait symptomatique de la façon de procéder de Maxime Le Moing :

« C’est un businessman. Il a vu l’opportunité de se faire connaître et de se mettre en avant, il l’a saisie et a utilisé le réseau de Lyon Ukraine à des fins personnelles et politiques. »

Il tacle :

« Dès qu’il voit des partis de gauche, il est mécontent, il râle. On a fait une manifestation devant le consulat de Russie à Gorge de Loup, il est devenu fou parce qu’il y avait des drapeaux de partis politiques de gauche. »

Pour Markiian Peretiatko, président de Lyon Ukraine, cette première escarmouche a mis le feu aux poudres entre l’auto-entrepreneur et l’association :

« C’était bien qu’il utilise son réseau politique pour les collectes, mais par contre, on ne veut pas choisir entre lui et l’adjointe au maire. On n’est pas là pour faire de la politique. »

« La Ville se cache derrière nos dissensions avec Lyon Ukraine pour refuser de travailler avec nous »

Pour Maxime Le Moing, c’est plutôt l’exécutif écologiste qui n’a eu de cesse d’essayer de se mettre en avant :

« Je pense qu’il y avait une volonté de montrer que la Ville de Lyon s’engageait mais parfois ça a plus été des bâtons dans les roues. Ils ont partagé une liste des besoins, qui -selon nous- n’était pas adaptée, par exemple. »

Il ajoute :

« Il y a eu le problème des camions aussi. Normalement, le mercredi 2 mars, seul un camion devait partir de Mions pour l’Ukraine. La Ville ne s’est pas adaptée à la place qu’on avait et a livré trop de palettes. Pour pouvoir tout emmener, les bénévoles -qui sont en grande partie des ukrainiens- ont payé de leur poche les 1200 euros de location d’un deuxième camion. »

Maxime Le Moing déclare qu’au moment où il a senti les relations se tendre avec la Ville de Lyon, il a perdu confiance en l’indépendance de l’association Lyon Ukraine :

« On a compris que l’association n’était pas autonome, politiquement. Et ça s’est vérifié après d’ailleurs, car la Ville se cache derrière nos dissensions avec Lyon Ukraine pour refuser de travailler avec nous. »

A Lyon, plusieurs manifestations ont été organisées pour témoigner du soutien à l'Ukraine. Une photo libre de droit Pexels par Mathias Pr Reding.
En France, plusieurs manifestations ont été organisées pour témoigner le soutien des français à l’Ukraine. Une photo libre de droit Pexels par Mathias Pr Reding.

Maxime Le Moing fait ici référence à un échange de mails que nous avons pu consulter. Dans un courrier, Maxime Le Moing demande à connaître les adresses des lieux mis à disposition par la Ville pour accueillir en urgence les réfugiés ukrainiens :

« Il y a des personnes qui nous téléphonent dans des situations vraiment difficiles, un monsieur par exemple, est arrivé sans chaussures. Nous, on s’occupe de placer en hébergement long mais pas de l’accueil dans l’urgence. »

« On ne veut pas travailler avec lui, ce n’est pas comme ça qu’on fonctionne »

La Ville a répondu par mail à Maxime Le Moing :

« La Ville de Lyon travaille en étroite collaboration avec les associations Lyon Ukraine, le Comité Ukraine 33 et Lyon Lviv. Certains de leurs membres nous ont alerté sur les pratiques de votre association et mises en garde. Je crois même qu’une main courante a été déposée contre Maxime Le Moing, co-fondateur de votre structure. Afin de ne pas mettre la Ville de Lyon en difficulté, nous ne souhaitons donc pas donner suite à votre demande. »

Sonia Zdorovtzoff maintient ces propos auprès de Rue89Lyon et insiste sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas d’une opposition politique :

« On n’est pas là pour dicter aux associations avec qui elles doivent travailler. Ce n’est pas que je ne veux pas travailler avec Maxime Le Moing, c’est plutôt que des associations sérieuses ont mis le holà et que je les écoute. »

Elle ajoute :

« Je ne veux pas travailler avec des personnes qui tentent de politiser les choses, je veux seulement travailler avec des personnes qui ont pour seul objectif d’aider l’Ukraine. »

« À l’époque, ça me semblait évident que tout était fait pour le collectif »

Interrogée au sujet de la liste de dons mise en ligne par la Ville, l’élue explique :

« La liste, nous l’avons arrêtée en accord avec la ville de Cracovie et Loutsk. Quant-à celle de monsieur Le Moing, elle contient du matériel de guerre. »

Au sujet du second camion affrété à la dernière minute pour le convoi du 2 mars dernier, l’élue s’étonne :

« Les pompiers ont été missionnés pour s’occuper de la logistique, et si il n’y avait plus de place dans le camion, ils devaient rapporter les palettes de dons à Saint-Priest pour les stocker afin de partir dans un autre convoi, ce n’était pas un problème. »

Dans son mail, l’élue fait notamment état d’une main courante pour « détournement », qui a été déposée auprès de la police par l’un des membres de l’association Lyon Ukraine. Ils reprochent à Maxime Le Moing d’avoir récolté un grand nombre de données au nom de Lyon Ukraine, pour finalement les garder pour lui.

D’après Markiian Peretiatko, président de Lyon Ukraine, il n’avait pas été prévu que Maxime Le Moing puisse être le seul détenteur des données sur les bénévoles et lieux d’hébergement :

« À l’époque, ça me semblait évident que c’était pour nous, pour le collectif. C’est vrai que je n’ai pas précisé. »

Il poursuit :

« Ce qui m’embête surtout, c’est qu’on lui ait fait de la publicité pendant une semaine et qu’il a tout gardé pour lui. Il nous a proposé de nous communiquer les lieux d’hébergement au cas par cas, pour qu’on puisse aussi aider. Mais nous, on ne veut pas travailler pour lui, ce n’est pas comme ça qu’on fonctionne. »

À Lyon, « on est avec tous ceux qui sont pour la défense de l’Ukraine »

Kostiantyn Achkasov est le vice-président de Lyon Ukraine. Il aurait proposé à Maxime Le Moing de faire un partenariat à responsabilités égales entre lui et Lyon Ukraine, qu’il a refusé :

« Ce garçon qu’on ne connaît pas voulait parler en notre nom. Si on voulait aider l’Ukraine il fallait qu’on s’inscrive comme bénévoles sur sa plateforme et qu’on travaille pour lui et son agenda politique, sans avoir aucun droit de regard sur quoi que ce soit. C’est fort quand même. »

Kostiantyn Achkasov insiste par ailleurs sur la non-appartenance de Lyon Ukraine à quelque courant politique que ce soit :

« On travaille avec absolument tout le monde, tous ceux qui veulent travailler avec nous et qui n’aiment pas Vladimir Poutine. »

Quand les deux parties ont réalisé qu’elles étaient irréconciliables, Markiian Peretietko a réalisé son propre site pour centraliser les propositions et dispositifs d’aide :

« Ce n’est pas très difficile à faire. Il ne faut pas avoir inventé la poudre pour écrire un questionnaire sur les dimensions d’un logement, ou les horaires de disponibilité. »

« Il n’y a pas de mauvais et de bon dans cette histoire »

Le nouveau site est soutenu par six autres associations ukrainiennes lyonnaises. Il indique lui aussi des lieux de don ainsi que la possibilité de s’inscrire pour héberger une famille ukrainienne. Markiian Peretietko conclut :

« Je suis content de ce que Maxime fait pour les ukrainiens. C’est la manière dont il le fait qui me déplaît, c’est pour ça qu’il fallait qu’il se dissocie de nous. Aussi, c’est un peu ennuyeux qu’il s’appelle Solidarité Ukraine Lyon et nous Lyon Ukraine, les gens confondent. »

Par ailleurs Lyon Ukraine essaye de valoriser son savoir-faire en matière d’organisation d’événements culturels :

« Nous avons d’autres priorités. Il y a des professionnels de l’humanitaire comme la Croix-Rouge qui sont plus utiles que nous. Nous, on donne surtout un coup de main aux nouveaux arrivés, on les accueille, on gère les hébergements. On réfléchit à faire l’école en ukrainien le samedi pour que les enfants puissent continuer d’apprendre dans leur langue natale par exemple. »

Il conclut :

« Il n’y a pas de mauvais et de bon dans cette histoire. Il est peut-être même plus efficace que nous, c’est juste qu’on n’arrive pas à travailler ensemble. »

« Les ukrainiens se moquent bien des querelles politiques »

Un constat partagé par l’intéressé, Maxime Le Moing, qui déclare aussi se désoler du tour qu’ont pris es échanges :

« On ne pense pas qu’on est meilleur que Lyon Ukraine, et d’ailleurs les ukrainiens se moquent bien des querelles politiques qui opposent les associations de soutien. Ce qui est sûr c’est que ces histoires ont entravé nos avancées, les leurs comme les nôtres. »

Même si sa lecture des événements est évidemment différente :

« Je voulais seulement mettre mon savoir-faire et mon réseau au profit de la communauté. J’ai eu l’impression qu’on voulait m’évincer du projet dans lequel je m’investissais énormément depuis plus d’une semaine. Je n’étais pas d’accord avec ça. »

Maxime Le Moing a déclaré ce lundi la création de son association auprès de la préfecture :

« Ça avance bien, on attend juste la validation et on pourra encaisser un certain nombre de dons qui ont été faits sur le compte de l’association. Depuis deux semaines, on a fait partir trois semi-remorques de dons de la Ville de Mions. »

Il déclare aussi avoir monté une équipe de plus de 80 bénévoles. Il ajoute :

« On travaille avec beaucoup de communes autour de Lyon. »

La plupart des municipalités qui travaillent avec l’association de Maxime Le Moing sont encartées LR, comme Bron ou Mions par exemple, tandis que la Ville de Lyon, dirigée par un exécutif écologiste et gauche (PC, PS…) ne répond plus à ses sollicitations.

Friche Nexans à Lyon-Gerland : un bras de fer à plusieurs millions d’euros entre Bouygues et les élus

Friche Nexans à Lyon-Gerland : un bras de fer à plusieurs millions d’euros entre Bouygues et les élus

[Info Rue89Lyon] Avec ses 4,1 hectares, les anciennes usines Nexans constituent l’une des plus grandes friches dans le centre de la métropole de Lyon, au nord de Gerland (7e arrondissement). Les exécutifs de la Ville et de la Métropole de Lyon ont engagé un bras de fer avec Bouygues pour tenter d’imposer leur projet urbain au promoteur qui a acquis la parcelle à prix d’or.

Quand Nexans a fait savoir son intention de quitter son site historique de Gerland (Lyon 7e), cette annonce a fait saliver plus d’un promoteur immobilier. Cette ancienne usine de fabrication de câbles se situe à quelques encablures de la place Jean-Macé.

Certes, c’est de « l’autre côté des voûtes », mais la gentrification en marche du quartier et les prix stratosphériques de l’immobilier permettent d’envisager une opération à plusieurs centaines de millions d’euros.

C’est Bouygues qui a emporté le morceau en 2017 et l’a acquis pour une quarantaine de millions d’euros (seul chiffre approximatif communiqué par la Métropole de Lyon).

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#Urbanism

A Lyon Gerland, les projets urbains de Gérard Collomb réorientés « à la marge »

A Lyon Gerland, les projets urbains de Gérard Collomb réorientés « à la marge »

Dans le centre de la métropole de Lyon, le quartier de Gerland regorge des plus grandes friches. C’est un territoire-clé pour l’exécutif gauche-écologiste aux manettes des collectivités (Ville et Métropole) depuis l’été 2020. La majorité hérite de renouvellement urbain imaginé sous Gérard Collomb et n’a réorienté qu’« à la marge » les projets lancés.

Après la sociologie, place à l’urbanisme : Rue89Lyon continue son exploration de cet immense quartier du 7e arrondissement.

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Sam d’Extinction Rebellion : « Les actions symboliques, le seul choix avant une révolution violente »

Sam d’Extinction Rebellion : « Les actions symboliques, le seul choix avant une révolution violente »

[Portraits de militants écolos] Élevé par des parents écolos, Sam, 19 ans, est depuis plusieurs années déjà militant au sein du mouvement Extinction Rebellion. Il manifestait, samedi 5 mars, à Lyon, aux côtés de nombreuses autres associations et collectifs contre le géant de l’industrie agro-industrie Bayer-Monsanto.

Ce 5 mars, plus de 1500 personnes ont manifesté dans le quartier de Vaise (Lyon 9e) contre le géant de l’industrie pharmaceutique et agrochimique Bayer-Monsanto. Des étudiants en journalisme de l’université Lyon 2 sont allés à leur rencontre. Nous publions leurs portraits.

Dans la foule rassemblée samedi 5 mars place Valmy, à Lyon, le drapeau vert paré d’un sablier noir d’Extinction Rebellion (XR) se repère facilement. A son pied, Sam, 19 ans, étudiant à Sciences Po Dijon et militant du mouvement depuis sa création en 2018.

Issu d’un milieu « écolo, anarchiste ou apparenté », il se considère comme une « anomalie » dans son école qu’il juge « de droite ». Ils sont cependant une poignée à être venus de la capitale bourguignonne, encouragés par Sam, manifester à Lyon contre Bayer-Monsanto.

Avant de rejoindre Extinction Rebellion, il crée son groupe d’action écologiste dans son lycée

L’étudiant originaire de l’Allier à « toujours eu une activité politique ». Il a fait partie d’un syndicat lycéen et fondé son groupe d’action écologiste dans son lycée. En 2018, au moment de la création du mouvement Extinction Rebellion, il crée un groupe local dans l’Allier.

Pour lui, la force de ce mouvement né au Royaume-Uni est qu’il est « bien structuré et international ».

« On a donc une vraie capacité d’action ».

A 19 ans, Sam est inquiet pour l’avenir de la planète et le fait savoir. Les données alarmantes publiées dans le dernier rapport du GIEC et sa faible couverture dans les médias traditionnels interpellent le jeune homme. Pour lui, la place accordée à l’écologie dans le débat public est dérisoire et les actions menées par Extinction Rebellion sont une manière de mettre ce sujet à l’agenda :

« Faire des actions à haute portée symbolique, qui vont frapper un peu, qui vont passer dans la presse, c’est le seul choix qui reste avant la révolution violente. Si on peut éviter de passer par là, c’est cool. »

En 2021, Sam a ainsi pu prendre part à une action de désobéissance civile de grande envergure avec ses « camarades » d’XR contre la Banque de France à Paris. Une action coup de poing, visant à dénoncer le financement des énergies fossiles par les banques françaises, qui a particulièrement marqué le jeune homme.

Les militants avaient ainsi accroché, à l’occasion d’une performance musicale et théâtrale, une banderole sur la façade du bâtiment qu’ils avaient ensuite recouvert d’une peinture noire représentant le pétrole.

Sam d'Extinction Rebellion lors de la manifestation contre Bayer-Monsanto lors des Soulèvements de la Terre le samedi 5 mars 2022
Sam d’Extinction Rebellion lors de la manifestation contre Bayer-Monsanto lors des Soulèvements de la Terre le samedi 5 mars 2022

« Plus il y a de mouvements de désobéissance civile, plus la société civile s’éveille »

Dès qu’il en a l’occasion, Sam participe à des rassemblements militants. Les Soulèvements de la Terre de ce samedi 5 mars à Lyon est la plus grande convergence à laquelle il a pu prendre part.

« Plus on est nombreux, mieux c’est. S’enfermer dans le partisanisme d’une ou l’autre association ou groupe ça ne sert à rien. Pour nous, plus il y a de monde, d’associations, de mouvements de désobéissance civile, plus la société civile s’éveille ».

Dans le cortège de ce samedi 5 mars, Sam note un « front commun » qui se justifie par des objectifs partagés :

« On est des millions à pouvoir être d’accord sur la fin de l’hyper industrialisation et des pesticides dans les champs et ça ».

Sur les pancartes brandies par les manifestants, on peut lire, pêle-mêle, « Bayer-Monsanto, exterminateur du vivant », « Bayer tue » … Une position que partage largement l’étudiant pour qui l’entreprise agro-chimique est « un des plus grands meurtriers qui existe en Europe aujourd’hui ».

Il évoque une étude publiée en 2017 par la revue PLoS One qui pointe la responsabilité des produits phytosanitaires dans la disparition de près de 80% des populations d’insectes en 30 ans sur le continent.

Pour Sam, rien ne bougera vraiment tant que la France n’opèrera pas un changement politique profond. Ce changement doit passer, selon lui, également par une modification de la constitution pour permettre plus de prise de décision à l’échelle locale. Ce qu’il résume par une analogie simple :

« Quand on est pompier à Paris, on ne peut pas éteindre un incendie dans le Gard ».

Il cite l’exemple de la Bolivie et de l’Equateur qui ont inscrit le droit de la nature dans leurs constitutions respectives. Une décision forte qui n’est pas près d’être prise dans l’Hexagone selon le jeune homme, qui fait preuve d’un certain pessimisme.

Fin des voitures polluantes à Lyon avec la ZFE : les mesures des écologistes pas assez sociales ?

Fin des voitures polluantes à Lyon avec la ZFE : les mesures des écologistes pas assez sociales ?

La Métropole de Lyon a voté des premières mesures dérogatoires et compensatoires concernant la suppression progressive des véhicules des particuliers du cœur de l’agglomération, dans le périmètre de la Zone à faibles émissions ou ZFE de Lyon. Une partie de la majorité et de l’opposition reprochent aux écologistes des mesures pas assez sociales.

Le sujet, plutôt technique, est depuis longtemps politique. La mise en place d’une zone d’exclusion progressive des véhicules les plus polluants est prévue par loi. Plusieurs fois condamnée pour des dépassements répétés des seuils de pollution de l’air, la France a fixé en 2019 et 2021 le cadre des Zones à faible émissions (ZFE) dans les grandes métropoles. En place depuis 2020 pour les véhicules utilitaires professionnels, elle concernera les premiers véhicules particuliers à partir du 1er janvier 2023. Son déploiement par l’actuelle majorité écologiste suscite des oppositions.

Aides au changement de véhicule, les écologistes donnent des gages de « justice sociale »

Ce lundi 14 mars, au cours de la séance du conseil de Métropole, les premiers dispositifs d’aide au changement de véhicules et de dérogations ont été votés. Ils concernent les détenteurs des véhicules les plus anciens et polluants, classés en vignette Crit’Air 5 notamment, qui ne pourront plus circuler dans le périmètre de la ZFE à partir du 1er janvier 2023.

La majorité écologiste a décidé de compléter les aides pour le changement de véhicule proposées par l’État. Les aides de la Métropole de Lyon pour les détenteurs de véhicules Crit’Air 5 ont été par ailleurs élargies pour bénéficier à davantage de ménages. En allant au-delà des dispositions légales, les écologistes veulent ainsi répondre à une réalité : les propriétaires de ces véhicules sont bien souvent modestes. Ils veulent ainsi donner des gages de « justice sociale ».

Aides ZFE Métropole de Lyon
Dispositifs d’aides au changement de véhicules dans la Métropole de Lyon. Document Métropole de Lyon

Des dérogations à la ZFE de Lyon dès son entrée en vigueur

Ces aides s’accompagnent de dérogations. Ces mêmes bénéficiaires d’aides au changement de voiture (ménages au revenu fiscal de référence de moins de 19 600 euros par part) bénéficieront d’une dérogation jusqu’à la fin de l’année 2023. Ceux qui résident dans le périmètre de la ZFE ou viennent d’une commune de la Métropole de Lyon pour se rendre dans la ZFE, pourront continuer à circuler pendant l’année 2023. Pour ces automobilistes, rien ne changera donc, pendant un an au moins.

Ce dispositif de dérogations sera par ailleurs étendu aux résidents de communes extérieurs à la Métropole de Lyon mais venant travailler dans le périmètre de la ZFE. Une disposition issue d’un amendement proposé par l’opposition.

Dérogations ZFE Lyon
Dérogations pour entrer dans la Zone à faibles émissions ( ZFE ) de Lyon à partir du 1er janvier 2023. Document Métropole de Lyon

Sur la ZFE, les écologistes de la Métropole de Lyon n’ont pas convaincu toute la majorité

Périmètre de la Zone à faibles émissions (ZFE) de Lyon.

Lors des débats, ces premières dispositions n’ont pas été réellement discutées. Elles ont été l’occasion de refaire le débat autour de la ZFE dont la concertation vient de se terminer. Et il a confirmé les positions divergentes au sein de la majorité métropolitaine.

Pour le groupe « Lyon en commun » (LFI et apparentés), le principe même de la ZFE pose problème. Opposé au cadre voulu par l’Etat, ce groupe n’est pas emballé par la déclinaison portée par l’exécutif de Métropole de Lyon. Il souhaiterait qu’elle soit « élargie à l’ensemble des communes de la métropole de Lyon ». Le périmètre actuel restreint (intra-périphérique : Lyon, Villeurbanne, Caluire) va selon lui « reporter la pollution sur d’autres territoires » et les systèmes d’aides votés créer « une ségrégation spatiale ». Ces élus se sont abstenus.

Tout comme les élus communistes pour qui le dispositif, malgré les aides, demeure punitif tant que l’offre de transports en commun n’est pas suffisante. Le PCF plaide pour « échelonner les contraintes d’entrée dans la ZFE en fonction du calendrier de mise en service des équipements de transports en commun ». Dans la majorité, seul le groupe des élus socialistes a voté en faveur des délibérations aux côtés des écologistes. A noter que le groupe Synergies Métropole a également voté favorablement la délibération sur la ZFE, après avoir émis plusieurs réserves, notamment en s’opposant l’extension de l’interdiction de circuler pour les véhicules Crit’Air 2, principal angle d’attaque de l’opposition.

Pour l’opposition, les écologistes vont toujours trop vite sur l’interdiction des véhicules Crit’Air 2

Dans l’opposition, on en a profité pour remettre sur la table la question du calendrier. Trop pressé. Pour rappel, le calendrier prévu est le suivant :

    Véhicules Crit’Air 5 interdits de ZFE à partir du 1er janvier 2023Véhicules Crit’Air 4 interdits de ZFE à partir du 1er janvier 2024Véhicules Crit’Air 3 interdits de ZFE à partir du 1er janvier 2025Véhicules Crit’Air 2 interdits de ZFE à partir du 1er janvier 2026 (ensemble des diesel et essence d’avant 2011)

C’est cette dernière échéance qui cristallise les oppositions.

« Les dispositions de la loi climat de 2019 fixant le cadre des ZFE ne concernent pas les Crit’Air 2 ».

Gaël Petit, conseiller métropolitain de Caluire du groupe de la Droite et du centre

L’opposition de droite reproche donc aux écologistes d’aller trop vite pour la fin des moteurs thermiques ou presque dans la ZFE. De leur côté les écologistes indiquent respecter simplement la loi. Pour les vignettes Crit’Air 2, ils assument leur position et le calendrier. Jusqu’ici, les débats avec les élus ou la concertation publique, n’ont pas infléchi leur position.

Christophe Geourjon, élu UDI d’opposition, a par ailleurs reproché aux écologistes de ne pas prévoir « d’objectifs de qualité de l’air » au cours de ce calendrier. Et de limiter d’ores et déjà l’amplification de la mise en place de la ZFE avec différentes dérogations (qu’il a pourtant demandé d’étendre).

« Bon courage à nos concitoyens pour comprendre quoi que ce soit »

« La ZFE de Lyon se terminera comme l’écotaxe »

Gaël Petit (LR) prévoit déjà un échec :

« La ZFE se terminera comme l’écotaxe, par un recul. Cela se manifestera au moment de sa mise en place ».

Face à ces critiques, la majorité écologiste assure tenir une position médiane. Réfutant aller beaucoup plus loin que ce que prévoit la loi dans les mesures trop contraignantes, tout en la respectant.

« Montpellier et Strasbourg déploient leur ZFE sur l’ensemble de leur métropole. Chez nous, c’est seulement sur le cœur de la métropole de Lyon – qui représente 50% de la population -, là où il y a des alternatives en transports en commun. L’État prévoit une communication minimale de 3 mois avant sa mise en place réelle, nous allons la faire jusqu’à la fin de l’année soit 9 mois ».

Jean-Charles Kohlhaas, vice-président de la Métropole de Lyon en charge des mobilités et des transports

Une ZFE pédagogique pour les véhicules individuels à partir de septembre 2022

Avant son entrée en vigueur au 1er janvier 2023 pour les particuliers, une phase pédagogique aura lieu à partir du 1er septembre 2022. Ainsi, des contrôles en circulation ou au stationnement, seront effectués. Les automobilistes en infraction se verront notamment invités à contacter l’Agence de la mobilité.

La création de ce nouveau guichet a été votée également ce lundi 14 mars. Il aura pour mission d’orienter sur les automobilistes sur aides à leur disposition pour changer leur véhicule.

A Lyon, une nouvelle manifestation pour une « revalorisation immédiate des salaires et des traitements »

A Lyon, une nouvelle manifestation  pour une « revalorisation immédiate des salaires et des traitements »

Une nouvelle manifestation interprofessionnelle a lieu ce jeudi 17 mars à Lyon, à l’appel d’une intersyndicale qui réclame « une revalorisation immédiate des salaires et des traitements ». Le départ est prévu à 11h30 de la place Jean-Macé.

A la suite d’une première journée de grève et de manifestations interprofessionnelles le 27 janvier (entre 1500 et 4000 personnes dans les rues lyonnaises, selon la préfecture ou l’intersyndicale) les syndicats appellent de nouveau à une journée d’action, notamment à Lyon pour « la revalorisation immédiate des salaires et des traitements » .

C’est un « petit » parcours qui a été choisi plutôt que le « grand » parcours entre la Manufacture des tabacs et Bellecour. Le départ de la manifestation est ainsi prévu à 11h30, place Jean-Macé (7e arr.). Elle devait se terminer aux Cordeliers, devant le Palais de la Bourse. Mais la préfecture du Rhône a refusé que la manifestation se termine en centre-ville, devant la CCI. Finalement, la manif interpro s’achèvera au niveau de la préfecture, sur les quais du Rhône.

L’appel est signé par une intersyndicale légèrement changée : autour de la CGT, on retrouve toujours la FSU, Solidaires, la CNT, CNT-SO, l’UNEF. Pour cette journée d’action, l’Unsa a rejoint l’intersyndicale. C’est une nouveauté pour ce syndicat dit « réformiste ». Exit, en revanche, FO qui n’est plus signataire de l’appel.

Grève et manifestation à Lyon pour une « revalorisation des salaires et des pensions »

Face à une inflation élevée – 2,8% sur un an (chiffre de décembre 2021) -, l’intersyndicale insiste sur la nécessité de revaloriser « immédiatement » tous les salaires et revenus, allant des allocations pour les jeunes en formation aux pensions retraites.

Palais de la Bourse à Lyon manifestation salaires
La banderole de l’intersyndicale devant le palais de la Bourse à Lyon, terme de la manif du 19 octobre 2017 contre les ordonnances réformant le code du travail.Photo : LB/Rue89Lyon

Implantation des dark stores à Lyon : un eldorado pour les livreurs ?

Implantation des dark stores à Lyon : un eldorado pour les livreurs ?

[Série 2/2] La Ville de Lyon a déclaré vouloir s’opposer aux dark stores notamment à cause des mauvaises conditions de travail des livreurs. Pourtant, les dark stores tablent sur un marketing agressif vantant leurs conditions de travail. Si l’implantation semble inévitable à Lyon, Rue89Lyon a décidé de questionner dès maintenant le modèle.

Les entreprises dont il est question (Cajoo, Flink, Gorillas, Getir…) sont parfois aussi nommées « licornes » : des start-up qui ont moins de deux ans d’existence et dont la valeur est évaluée à plus d’un milliard de dollars. Pour l’instant elles sont relativement nombreuses sur le marché, et doivent s’étendre le plus vite possible car il n’en restera pas autant d’ici quatre ans.

Malgré la rude concurrence, elles mettent toutes en avant leur volonté de respecter leurs travailleurs. On peut par exemple citer le site de Gorillas :

« Une équipe solidaire qui est toujours là pour vous aider et écouter votre avis. »

Ou encore l’une ou l’autre des vidéos promotionnelles de Flink où on peut voir une jeune salariée déclarer tout sourire :

« J’aime beaucoup le fait que l’entreprise prenne autant soin de ses employés que de ses clients. J’ai l’impression de faire partie d’une grande famille. »

Des propos qui semblent pourtant difficile à faire coexister avec l’exigence d’hyper rentabilité et la promesse de livrer toutes les denrées alimentaires souhaitées en 10 minutes seulement.

« À Lyon, on s’oppose à ce travail de plus en plus déshumanisé pour les dark stores »

À Lyon, C’est Camille Augey, adjointe à l’économie durable et locale à la Ville de Lyon qui s’est emparée du sujet. Elle a signifié la volonté de la Ville de Lyon de lutter contre ce type d’établissements qui sont quelque peu invisibles et difficiles à détecter à leur installation.

Des établissement qui participent selon l’élue à la désertification des centre-villes, qui occasionnent une gêne sonore et visuelle avec des livraisons incessantes, ainsi qu’une concurrence déloyale pour les petits commerces locaux. L’élue place le plus souvent en premier l’argument la précarité des livreurs.

« On sait que le cadencement est assez important, que les livreurs peuvent subir une énorme pression au travail. Celle-ci implique forcément une prise de risque, un respect du code de la route parfois aléatoire ainsi que des gros risques d’usure professionnelle. On a vu que souvent, les charges maximum étaient dépassées, les horaires aussi. On s’oppose à ce travail de plus en plus déshumanisé. »

Camille Augey
Camille Augey, 11e adjointe à l’économie durable et locale à la Ville de Lyon

Pourtant, quand on compare les conditions de travail offertes par les dark stores avec celles des plus gros services de livraison de repas chauds, tels que Deliveroo et Uber Eats, il semble que les dark stores proposent des conditions de travail un peu plus correctes.

Hormis Just Eat et quelques initiatives locales, les géants de la livraison de repas chauds obligent encore aujourd’hui leurs livreurs à travailler sous le statut d’auto-entrepreneurs : pas d’assurance maladie, pas de congés, pas de revenu minimum, les livreurs sont (mal) rémunérés à la tâche.

Questionnée à ce sujet, l’élue n’en disconvient pas :

« Si il faut comparer les deux modèles, c’est clair et net que les dark stores sont mieux. On a d’un côté des sociétés qui exploitent des livreurs en situation de précarité, parfois sans papiers, dans des situations sociales désastreuses et de l’autre, le salariat qui garantit d’être rémunéré au SMIC. »

« À Lyon, la Ville ne propose pas beaucoup d’emplois pour les précaires »

Elle poursuit :

« Pour des livreurs Deliveroo ou Uber Eats, aller travailler dans un dark store c’est sans doute une bonne perspective : ils ont un véhicule qui est fourni. Ils ont aussi la sécu, ils ont des congés. Je le reconnais tout à fait. C’est mieux, mais est-ce que c’est bien pour autant ? Livreur à vélo c’est un métier d’avenir, c’est sûr, mais c’est la manière dont c’est fait qui m’inquiète. »

Les Dark stores qui tentent de s'implanter à Lyon promettent pour la plupart de vous déposer vos courses sur le pas de votre porte, même si c'est au huitième étage sans ascenseur. Photo Pexels par Mart Production.
Les dark stores qui tentent de s’implanter à Lyon promettent pour la plupart de vous déposer vos courses sur le pas de votre porte, même si elle est au huitième étage sans ascenseur. Photo Pexels par Mart Production.

Ludovic Rioux, délégué syndical CGT livreurs à Lyon et coursier Just Eat considère ce positionnement contre les dark stores à Lyon comme un peu facile :

« Peu importe la qualité de l’emploi, ça reste de l’emploi. Les boîtes sont nouvelles et embauchent à tour de bras. Et puis au moins là, l’entreprise leur paye le matériel. »

Ludovic Rioux en profite pour tacler son employeur, Just Eat. Une entreprise de livraison de repas chaud qui certes salarie (au minimum légal) mais qui demande à ses employés soit d’utiliser leur propre véhicule pour travailler ou alors déduit une partie de la location du vélo électrique de leur salaire. Il ajoute :

« La Ville ne propose pas beaucoup d’emplois pour les précaires. Alors oui, personne n’est dupe : ces entreprises ne sont pas particulièrement vertueuses en termes de conditions de travail, les boîtes n’ont pas de perspective de long terme, il y a énormément d’intérimaires et de renouvellement de personnel. Si on a conscience de ça, il ne faut pas simplement condamner, il faut proposer autre chose. »

« Quand on se plaint, ils nous ignorent »

Ludovic Rioux a tenté de rencontrer les livreurs embauchés dans les quelques dark stores qui ont réussi à s’implanter à Lyon :

« On essaye d’aller à la rencontre des livreurs des dark stores tous les mois et à chaque fois on tombe sur des nouvelles personnes. Les livreurs ne restent pas longtemps. »

Afin d’entendre un témoignage des conditions de travail de livreur pour un dark store sur la durée -et imaginer des conditions de travail plus ou moins similaires à Lyon-, Rue89Lyon a interrogé un livreur parisien qui officie dans le 3e arrondissement de la capitale.

Les Dark stores qui tentent de s'implanter à Lyon livrent par scooter ou vélo, parfois en vélo électrique. Photo Pexels par Mart Productions.
Les dark stores qui tentent de s’implanter à Lyon livrent en scooter en ou vélo, parfois en vélo électrique. Photo Pexels par Mart Productions.

Icham (qui a préféré utilisé un prénom d’emprunt) a été embauché chez Flink il y a 9 mois, à l’ouverture de l’enseigne proche de l’arrêt de métro Réaumur Sebastopol. Il a d’abord travaillé 7 mois comme livreur, il est désormais préparateur de commande. C’est Flink qui lui fournit son outil de travail (un vélo électrique) et il est rémunéré au SMIC. Il complète :

« Je suis toujours chez Uber Eats et Deliveroo pendant mes jours de congés pour faire un peu plus d’argent. »

Icham a noté une détérioration importante de ses conditions de travail depuis trois mois :

« Sur le contrat avec Flink, soit tu signes sous le statut de livreur, soit de préparateur, il n’y a pas de profil polyvalent. Pourtant depuis trois mois, chaque week-end je fais les deux. La demande est devenue bien plus importante et ils n’embauchent pas plus. Quand on se plaint, ils nous ignorent. »

« Si tu ne livres pas en 10 minutes ta commande, ta période d’essai n’est pas prolongée »

Il déclare se sentir « en permanence sous pression », et soupçonne Flink de peiner à attirer de nouveaux livreurs :

« Les concurrents paient mieux. La majorité des livreurs essaient de travailler à Gorillas, Pour l’instant ils rémunèrent à hauteur de 1850 euros par mois. »

Icham note aussi que les managers sont intraitables avec les jeunes recrues :

« Si tu ne livres pas en 10 minutes ta commande, ta période d’essai n’est pas prolongée. »

Des délais de livraison qui ne prennent pas toujours en compte le fait que les livreurs sont parfois particulièrement chargés. Contrairement aux livreurs de repas chauds, les coursiers des dark stores sont parfois amenés à porter sur leurs dos plusieurs packs d’eau par exemple :

« Moi, je milite pour qu’on ait des Top cases [des porte-bagages sur les vélos, ndlr] mais pour l’instant, ce n’est pas au programme, alors on se casse le dos. »

Bientôt, des sections syndicales dans les dark stores

L’entreprise berlinoise essaierait tout de même d’endiguer la fuite des livreurs vers la concurrence :

« Quand ils ont vu que les livreurs partaient chez Gorillas, ils nous ont payé une journée au parc Astérix, ils organisent aussi des fives [matchs de football à cinq joueurs, ndlr] entre entrepôts »

Ce n’est pourtant pas ça qui donne à Icham l’envie de rester :

« Je reste parce que je veux monter une section syndicale à Flink, ils y seront légalement obligés quand ils atteindront deux années d’existence. »

Un constat en demi-teinte donc, qui ne présente pas sous de très bons auspices le développement de l’activité de livreur pour les dark stores à Lyon.

Pour Elias, 24 ans, livreur salarié chez Agilenville à Lyon et déjà interviewé en octobre 2021 au sujet de son ancien employeur, Just Eat, il ne faut pas mettre toutes les entreprises de livraison dans le même panier :

« Avant je travaillais pour Just Eat, et encore avant pour Uber Eats et Deliveroo. Ce n’était vraiment pas terrible : des cadences infernales, personne ne m’aidait si j’avais un souci avec mon vélo. En plus, c’était vraiment mal payé. Je ne me sentais pas respecté. »

« Il n’y a pas l’obsession du chiffre comme dans toutes les plateformes à l’américaine »

Depuis mai 2021, il travaille pour Agilenville, une petite entreprise fondée en 2018 à Marseille qui s’est implantée il y a plus d’un an à Lyon, Villeurbanne et Oullins. Il livre majoritairement des produits des Carrefour de proximité, qu’il achemine aux domiciles :

« On a vraiment deux types de clients, ceux qui ont la flemme et qui commandent de chez eux, et ceux qui viennent choisir leurs courses en magasin puis qui rentrent tranquillement chez eux pendant qu’on leur livre à vélo. C’est pratique pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées par exemple. »

Elias est payé au minimum légal :

« Je suis payé au SMIC. Après, il y a des primes à la caisse, primes à la pénibilité quand on commence tôt ou qu’on livre des courses un peu plus lourdes, ou encore les primes au nombre de commandes. Ce n’est pas trop difficile de les atteindre. »

« J’ai envie de rester, parce que j’ai l’impression qu’eux aussi, ils veulent que je reste »

Elias livre de 10h à 19h30 avec une pause de midi de 14h. Un mécanicien vérifie son vélo cargo une fois par mois. Mais ce que le jeune lyonnais a apprécié dès son embauche, c’est l’esprit d’équipe :

« Il n’y a pas tout le temps l’obsession du chiffre comme à Just Eat et toutes les plateformes à l’américaine. On a une ambiance d’équipe, si quelqu’un a un problème, on va l’aider. On a un groupe What’s App sur lequel on discute souvent. Une fois, j’étais coincé dans un ascenseur, j’ai un collègue qui est venu me délivrer. Il s’est mis un peu en retard sur sa commande mais ce n’était pas grave pour mon manager. »

Elias pointe du doigt ce qui aurait été impensable chez ses précédents employeurs :

« Il y a des jours on a plein de boulot et on est presque débordés, d’autres, il n’y a pas trop de commandes, alors on prend des cafés, on nettoie les vélos tranquillement, en rigolant. »

Le jeune lyonnais est attaché à son entreprise, qu’il considère à l’écoute de ses problématiques :

« Dans quelques mois j’aurai un an d’ancienneté donc j’aurai le droit à des tickets restaurants, c’est cool. J’ai envie de rester, parce que j’ai l’impression qu’eux aussi, ils veulent que je reste. »

#Dark stores

Karine, Faucheuse volontaire : « on est des lanceurs d’alerte »

Karine, Faucheuse volontaire : « on est des lanceurs d’alerte »

[Portraits de militants écolos] Karine, habitante de la Loire fait partie du collectif des Faucheurs et Faucheuses volontaires qui luttent contre les OGM et les pesticides dans l’agriculture. Le 5 mars, elle était place Valmy à Lyon à l’occasion des Soulèvements de la Terre contre Bayer-Monsanto alors qu’un autre groupe de Faucheurs.euses menait une « inspection citoyenne » dans les locaux de BASF à Genay.

Ce 5 mars, plus de 1500 personnes ont manifesté dans le quartier de Vaise (Lyon 9e) contre le géant de l’industrie pharmaceutique et agrochimique Bayer-Monsanto. Des étudiants en journalisme de l’université Lyon 2 sont allés à leur rencontre. Nous publions leurs portraits.

A 52 ans, cette assistante comptable stéphanoise a rejoint les Faucheurs·euses volontaires il y a « une petite dizaine d’années ». Ce samedi 5 mars, Karine porte un tee-shirt floqué à l’effigie de son mouvement. Elle se tient au milieu des drapeaux et autour d’une table où l’on vend du jus de pomme pour soutenir le collectif.

Au fait des luttes pour l’environnement et ayant « toujours été sensible à l’écologie », Karine découvre le collectif des Faucheurs·euses volontaires par hasard :

« Il y a quelques années ils ont fait l’assemblée générale à côté de chez moi, dans un village du Pilat. J’ai hébergé des Faucheurs, et depuis j’ai décidé d’adhérer au collectif. »

Elle avait déjà entendu parler de leurs actions, mais n’avait jamais osé franchir le pas. Pour elle, s’engager est une façon de s’investir concrètement sur des sujets qui lui tiennent à cœur tout en ayant cette idée d’appartenance à un collectif qui se bat pour les mêmes idées. Elle vient s’ajouter à la trentaine de personne qui compose le groupe des Faucheurs volontaires du Rhône et de la Loire.

« Les fauchages c’est impressionnant »

Depuis 2003, les Faucheurs·euses mènent des actions de désobéissance civile contre les OGM et, plus généralement, contre l’agro-industrie. Lorsqu’un champ est identifié par le collectif comme produisant de la culture OGM, des fauchages sont organisés. Karine se souvient d’une action en particulier. Une nuit de juillet 2017, le collectif détruit un champ de tournesol de type OGM près de la commune d’Usclas dans l’Hérault :

« Les fauchages c’est impressionnant. On est arrivés dans un champ où les tournesols étaient beaucoup plus haut que ce qu’ils devaient être, les tiges on aurait dit des troncs, il n’y avait pas d’herbes entre les plants. Ça fait 5 ans et on attend toujours le procès. »

Si les plantes que décrit Karine s’apparentent à des monstroplantes, signe extrême d’une mutation génétique, la plupart des cultures OGM ne se distinguent pas à l’œil nu.

Les procès, cela fait aussi partie de la stratégie des les Faucheurs volontaires. Pour eux, être attaqué en justice est une façon de faire connaître leur collectif et de légitimer leurs luttes :

« on a eu plusieurs procès où on a été relaxés. On est des lanceurs d’alerte, on dénonce. » Mais les procès restent rares. Pour Karine, si les entreprises ne vont pas jusqu’au procès, c’est parce-que « ce n’est pas dans leur avantage de divulguer au grand jour qu’ils sont hors la loi. »

En France, la culture d’OGM est interdite par la réglementation européenne. Cependant, une centaine d’OGM, notamment de maïs, colza, soja et betterave sucrièresont autorisées à l’importation et peuvent être commercialisés à des fins de transformation.

Un Soulèvement de la Terre contre les pesticides

Karine et les Faucheurs·euses volontaires participent pour la première fois à des Soulèvements de la Terre. Ce 5 mars à Lyon, c’est la lutte contre les pesticides qui était sur le devant de la scène avec une arrivée de la manifestation initialement prévue devant le siège de Bayer-Monsanto.

Pour les Faucheurs·euses, la présence de plusieurs associations écologistes est le signe d’une véritable « convergence des luttes », comme le dit Karine :

« Ce sont des gens qui sont sensibles à ces sujets donc on adhère. Après, ce ne sont pas les mêmes modes opératoires. Le mouvement des Faucheurs·euses est non-violent, mais on respecte tous les types d’actions ».

Karine, militante au sein du collectif des Faucheurs volontaires du Rhône et de la Loire. Le 5 mars à Lyon lors des Soulèvements de la Terre contre Bayer-Monsanto
Karine, militante au sein du collectif des Faucheurs volontaires du Rhône et de la Loire. Le 5 mars à Lyon lors des Soulèvements de la Terre contre Bayer-Monsanto

Faucheurs volontaires : dénoncer le « manque d’information pour le consommateur »

Bayer-Monsanto, dont le siège était l’objectif initiale de la manifestation, est connu pour avoir produit du glyphosate, aujourd’hui interdit par loi. Il développe également de nouveaux OGM. Leurs activités ne sont pas illégales, mais pour les Faucheurs·euses volontaires, produire des OGM, c’est déjà trop. Pour Karine, le but premier du collectif est de dénoncer « le manque de transparence et le manque d’information pour le consommateur ».

Le 4 mars, la vielle du Soulèvement de la Terre, des Faucheurs·euses sont entrés dans les locaux de BASF (production et commercialisation de pesticides, herbicides et fongicides) à Genay, au nord de Lyon.

Il s’agissait de ce que le collectif appelle une « inspection citoyenne », c’est à dire s’introduire illégalement dans les locaux de l’entreprise pour aller y vérifier les produits. Ils affirment dans un communiqué avoir trouvé du Fipronil, un insecticide nocif pour les abeilles et interdit depuis de nombreuses années. Pour Karine, ces actions, bien qu’illégales, ne sont pas vaines :

« On ne récupère pas les produits pour les récupérer. Ce serait du vol. Mais on prend des photos pour donner l’alerte, pour montrer ce qu’on a trouvé. »