À moins d’une heure de Lyon, Vienne semble une destination toute trouvée pour une balade urbaine à la fois gourmande et historique.
Bienvenue à Vienne, petite ville historique de près de 30 000 habitants située à la limite du Rhône et de l’Isère, à une demi-heure de train de Lyon. Son riche patrimoine de l’Antiquité fascinera les férus d’histoire tandis que les épicuriens trouveront assurément leur bonheur sur l’un des généreux étals du marché. La destination idéale pour une balade urbaine.
Une matinée à Vienne pour éveiller vos papilles
Une fois débarqué du TER, empruntez immédiatement les petites rues du centre-ville de Vienne pour atteindre le deuxième plus grand marché de France, place de Miremont. Marché quotidien qui se tient du mardi au dimanche chaque matin, avec 6 km de linéaires et près de 400 intervenants. Ainsi, vous vous promènerez dans Vienne, tout en attisant votre appétit.
Au cœur du centre-ville, dans les petites rues pavées, vous ne manquerez pas de trouver de nombreux endroits pour vous restaurer. Vienne est une ville connue pour les nombreux vignobles qui l’entourent. Vous trouverez des restaurateurs labellisés Vignobles & Découvertes s’engageant à proposer une carte de vins locaux. Côté gastronomie, située entre l’Isère et le Sud, vous trouverez aussi bien des spécialités régionales, que des produits plus méridionaux. Pour tous les goûts et tous les budgets.
Marché place de Miremont. Photo : Office de tourisme de Vienne
Voyage à l’époque des Romains le temps d’un après-midi
L’après-midi, quant à elle, peut être placée sous le signe de la culture. Ancienne colonie de l’Empire romain, idéalement située dans la vallée du Rhône, Vienne est doté d’un théâtre antique que l’on peut visiter. Il est accessible du mardi au dimanche, pour une entrée à 6 euros en plein tarif. Construit entre 40 et 50 après J-C, ce vestige est de ce fait l’un des plus importants de toute la Gaule romaine. Accueillant notamment le Festival Jazz à Vienne, ce lieu offre aussi une programmation culturelle diverse.
Site archéologique au sein du musée Gallo Romain. Office du tourisme de Vienne/Rue89Lyon
Le musée du site archéologique gallo-romain de Saint-Romain-En-Gal est à voir absolument. Implanté au cœur de l’ancienne cité antique de Vienna, il vous transportera dans l’une des plus riches cités de la Gaule romaine des Ier et IVe siècles après JC. L’occasion d’une fascinante virée dans le passé.
Les expos du musée sont un mélange d’expos permanentes sur la Vienne antique et temporaires qui tissent des ponts entre l’antiquité et l’époque moderne. Le musée est ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, avec une entrée entre 3 et 6 euros.
Après le musée, et pour rejoindre l’autre rive, notre balade nous fera emprunter le quai d’Herbouville longeant le Rhône. Celui-ci vous mènera jusqu’à la Passerelle, un pont piétonnier, d’où vous bénéficierez ainsi d’une vue à 360° sur la ville et ses vestiges.
Temple d’Auguste et de Livie. Photo : Office du tourisme de Vienne
Sur le chemin du retour, il est possible de passer près du Temple d’Auguste et de Livie, le premier empereur romain et sa femme. Ce monument est l’un des vestiges antiques incontournables du centre-ville. Avant de reprendre le train pour Lyon, prenez donc le temps de l’admirer en sirotant un café à l’une des nombreuses terrasses situées juste en face .
Alors que la Ville de Caluire refuse de s’impliquer dans la gestion des chats errants, celle de Lyon encourage les associations à nourrir ces derniers malgré l’interdiction du préfet. Quelle politique mener pour endiguer la multiplication des chats errants ?
« C’est simple il y a un règlement sanitaire qui dit qu’il est interdit de nourrir les chats errants. Je respecte la loi », martèle avec agacement Vincent Amoros, chef de cabinet du maire de Caluire-et-Cuire, Philippe Cochet (LR).
Une certaine fébrilité pointe dans le ton de sa voix, il s’en explique :
« On ne nous parle que de cette histoire de chats errants, c’est vrai qu’on en a assez. »
À l’origine de cette polémique « chats », une pétition a été lancée le le 6 juin 2022, intitulée « SOS animaux en détresse sur Caluire ». Celle-ci a presque réuni 44 800 signatures. Rédigée par l’association Dignité Animale et Entraide Amis des Chats et des Pigeons des Villes (EACPV), la pétition débute ainsi :
« La mairie de Caluire ne répond pas aux appels des chats errants, qui vivent la misère de l’abandon et de la souffrance (maladies, actes de cruauté, faim et reproduction à tout va) sur cette ville. »
« Les associations qui nourrissent les chats sont hors-la-loi »
Dans leur pétition, les deux associations animalistes reprochent à la Ville de Caluire de refuser de les recevoir pour prévoir ensemble la gestion des populations de chats errants dans la ville. Ils estiment que les élus se rendent responsable de la souffrance des chats du territoire. Pour Vincent Amoros, la problématique est toute autre :
« C’est une association hors-la-loi qui nourrit chats et pigeons et qui l’a mauvaise parce qu’on ne leur donne pas de subvention. À Caluire, on aime les animaux, mais on aime aussi respecter la loi qui vise à éviter la multiplication des chats errants. »
Vincent Amoros assure que depuis la publication de la pétition, la mairie a reçu des courriers courroucés de toute la France, et même de l’international :
« On a reçu des lettres de Troyes, de Valenciennes, de Russie ! C’est dingue, il n’y en a aucun qui a déjà mis les pieds à Caluire et ils se permettent de nous traiter d’ennemis des animaux. »
Comme dit précédemment, Vincent Amoros se cramponne au règlement sanitaire départemental datant de 1980, qui stipule à l’article 120 qu’il est interdit de nourrir les animaux domestiques errants. Pourtant, comme de nombreuses associations animalistes, EACPV nourrit les chats. Cela fait partie de ses volets d’actions avec l’apport de soins, l’identification et la stérilisation.
« Je vois régulièrement des chats faméliques »
Christiane Bouzaher est présidente d’EACPV, une association qui oeuvre à Lyon dans de nombreuses villes environnantes. Travaillant bénévolement pour l’association depuis sa retraite, il y a 24 ans, il lui serait impensable de ne pas nourrir les chats errants :
« Je vois régulièrement des chats faméliques, maintenant qu’ils sont là, c’est terrible d’imaginer les laisser mourir de faim. »
Des chats libres dans le quartier Croix Rousse, à Lyon.Photo : MA/Rue89Lyon.
À cela, elle ajoute qu’il existe un avantage stratégique à nourrir les chats errants qui seraient particulièrement furtifs :
« On les nourrit toujours aux mêmes endroits, ça nous permet de les attraper pour les stériliser. C’est la seule manière acceptable d’endiguer la multiplication des chats errants. »
La petite dizaine de bénévoles d’EACPV « trappent » les chats la nuit, pour les faire stériliser par une vétérinaire de Caluire qui accepte les tarifs associatifs.
La présidente déclare que l’association stérilise plusieurs centaines de chats errants chaque année, des actes médicaux financés par les cotisations des adhérents d’EACPV. Elle aurait souhaité que la Ville de Caluire accepte de signer la convention 30 millions d’amis qu’elle lui a proposé en janvier dernier, la contraignant à payer 50% de chaque stérilisation et identification.
Autour de Lyon, « des collectivités refusent de signer une convention de stérilisation »
Une proposition que le maire Philippe Cochet a refusé net, rappelant qu’ils ont déjà une convention de fourrière avec la SPA. Vincent Amoros, son chef de cabinet, détaille :
« Je ne vois pas pourquoi on devrait signer cette nouvelle convention, il n’y a pas de problème de chats errants à Caluire » et insiste : « On ne marche pas sur des chats à Caluire. De jour comme de nuit, on en voit très peu. »
Ce type d’altercation au sujet de la gestion des chats errants est monnaie courante entre associations et collectivités, notamment car il est difficile de dénombrer les individus sur un territoire, donc d’estimer le phénomène. On ignore combien de chats errants compte la ville de Caluire. Le seul consensus chiffré qui existe aujourd’hui concerne l’entièreté du territoire national. On compterait au moins 11 millions de chats errants en France.
Si les collectivités sont légalement tenues de conventionner un service de fourrière, ce n’est pas le cas pour la stérilisation. Christine Bouzaher précise que contrairement à Caluire-et-Cuire, plusieurs collectivités autour de Lyon ont signé des conventions de stérilisation des chats errants, qu’elles soient encartées à droite ou à gauche :
« Nous avons fait signer la convention 30 millions d’amis à Chasselay, Saint-Foy-lès-Lyon, nous venons d’obtenir la participation de Lentilly ainsi que de Bron. »
Lyon adoube la stratégie « nourrir pour stériliser »
La SPA de Lyon dont le refuge se trouve à Brignais est elle aussi en partenariat avec de nombreuses villes dans la métropole, et partage les regrets d’EACPV :
« Bien que plus de 300 communes ont signé la convention de fourrière de la SPA de Lyon, malheureusement un certain nombre d’entre elles refusent, encore actuellement, de signer la convention de stérilisation et préfèrent avoir recours à une gestion différente des surpopulations. »
En 2021, la SPA de Lyon a stérilisé 715 chats dans le Rhône. La Ville de Lyon participe quant-à-elle depuis 2019 à la stérilisation des chats errants avec la SPA de Paris via le dispensaire situé dans le 3è arrondissement de Lyon, ainsi que l’école vétérinaire VetagroSup. La Ville subventionne l’association des Chats de Loyasse, la SACPA (fourrière animale) et la Direction de la Santé de la Ville de Lyon. Elle ne cache pas être en faveur du nourrissage des chats errants malgré l’interdiction préfectorale :
« Si aujourd’hui nous arrivons à savoir où se trouvent les principales populations de chats errants, c’est en grande partie grâce à cette proximité sur le terrain des associations et des personnes qui nourrissent les chats errants. Ces personnes offrent une alimentation régulière aux chats et de l’affection ; elles jouent un rôle important pour le bien-être animal et sont partie prenante du dispositif de la Ville pour stériliser les chats errants. »
« Notre action est une goutte d’eau dans l’océan »
La Métropole évite quant-à-elle de se mouiller :
« Ce sont les communes qui ont la compétence de la gestion des chats, et pas la Métropole de Lyon. »
Même si la Métropole n’a pas de responsabilités concernant les chats errants, cette non-réponse peut étonner. La collectivité a pourtant voulu montrer son volontarisme sur la question animale en nommant un vice-président à l’environnement, à la protection animale et à la prévention des risques ainsi qu’une conseillère issue du Parti animaliste en charge d’une mission sur la condition animale, Pierre Athanaze et Nathalie Dehan.
L’association Les chats de Loyasse rappelle qu’en dépit de l’aide apportée par la Ville de Lyon, ils manquent de tout : de fonds comme de bénévoles. Frédéric Belle est co-fondateur de l’association. Il illustre :
« On trappe une soixantaine de chats par an, c’est une goutte d’eau dans un océan. »
« Il y a beaucoup d’initiatives individuelles pour stériliser les chats errants de Lyon »
Les chats de Loyasse ont commencé leur action dans le 5è arrondissement de Lyon en 2017 mais aujourd’hui, ceux-ci essayent d’intervenir dans tous les quartiers. Frédéric Belle précise :
« On est plusieurs associations sur le terrain mais il y a aussi beaucoup d’individus qui font le même travail que nous à leur échelle. Ils nourrissent, ils trappent et ils emmènent les chats se faire stériliser au dispensaire SPA situé rue Saint Maximin, dans le 3è arrondissement. »
Ce dispensaire permet à ceux qui ont peu de moyens de faire stériliser leur chat, ou, dans ce cas précis, des chats libres. Malgré la position de la Ville de Lyon sur le sujet, Frédéric Belle déplore que de nombreux lyonnais tentent encore de les empêcher d’effectuer leurs actions :
« Il y a des personnes qui retirent la nourriture et les abris contre la pluie installés par les mères nourricières [appellation des bénévoles, ndlr]. Ils doivent penser qu’on participe à la multiplication, alors que c’est tout le contraire. »
Frédéric Belle est persuadé de l’effet positif de leurs actions sur les populations :
« Dans le 5è arrondissement, on avait une colonie d’une vingtaine de chats errants près d’un parc. Des bénévoles les ont fait stériliser les uns après les autres, aujourd’hui ils sont quatre. On n’a pourtant jamais cessé de les nourrir. »
Cependant il ne faut pas s’y tromper, les populations de chats errants ne baisseraient pas dans la métropole.
« Les propriétaires ne stérilisent pas leurs chats, ça ruine nos efforts »
Le président des Chats de Loyasse esquisse une hypothèse : le confinement aurait grandement participé à la multiplication des chats errants. Il dit avoir remarqué l’apparition de beaucoup de chats inconnus par ses équipes sur le terrain :
« Je pense qu’il y a beaucoup de nouveaux propriétaires de chats qui n’ont pas stérilisé leurs compagnons et qui les laissent aller dehors. Ça ruine nos efforts. »
Photo de chats errants par evg kowalievska sur Pexels.
Autre hypothèse : Les chats errants auraient été bien moins dérangés durant les confinements, favorisant leur reproduction. La SPA de Lyon dont le refuge se situe à Brignais a elle aussi remarqué une hausse des naissances :
« Nous recevons actuellement beaucoup de chatons en abandon, des portées non désirées, ou trouvés par des particuliers, probablement des abandons sauvages. »
Frédéric Belle insiste, tous les propriétaires de chats qui donnent un accès à l’extérieur à leur animal doivent le stériliser, sinon la problématique des chats errants ne pourra se résorber.
Une inquiétude partagée par les professionnels de la faune sauvage, comme Patrice Franco, directeur de la Ligue de protection des oiseaux du Rhône (LPO) qui porte un regard inquiet sur la multiplication des chats dans la métropole :
« On compte des millions d’oiseaux tués par an par des chats, sans oublier la petite faune : les musaraignes, les lézards… »
« Les chats représentent un vrai problème écologique à Lyon »
Patrice Franco ne mâche pas ses mots, il parle de « vrai problème écologique ». Il rappelle que les chats domestiques que l’on trouve chez nous sont originaires d’Asie et du Moyen-Orient. Les chats sauvages européens vivent sur un territoire bien plus étendu, et sont donc bien moins mortifères :
« Là, on se retrouve avec des populations de chats monstrueuses dans des villes et villages en lisière de campagne. Il faut imaginer un petit territoire avec dix lions, et trois gazelles. »
Il salue l’initiative des associations qui stérilisent les chats errants, mais ne donne pas trop de crédit à l’argument selon lequel les chats bien nourris, chassent moins :
« Le chat est un prédateur, il chassera par instinct et laissera sa proie sans la manger une fois tuée. »
Patrice Franco conclut, catégorique : un chat qui tue un oiseau sauvage, ce n’est pas « la nature » :
« La nature est un équilibre, le fait d’amener de nombreux chats dans un milieu implique forcément un déséquilibre dont l’homme est responsable. »
Notre journaliste rêve de faire du vélo à Lyon. Seul problème : elle appréhende la circulation et la proximité des voitures. Pour y remédier, elle a participé à un stage pour apprendre à se déplacer à vélo en ville et raconte son expérience.
Au détour d’une période de canicule, étouffant sous mon masque dans le métro en pleine reprise de l’épidémie de covid, une (pas si) folle idée m’a traversé l’esprit. Pourquoi ne pas me mettre au vélo ? J’enviais les cyclistes qui profitaient du plein air, bien plus libres de leurs déplacements que moi.
Très vite, une première appréhension m’a saisie : comment rouler à vélo en pleine circulation ? Où me placer ? Comment me repérer ? Aucune carrosserie ne serait là pour me protéger au moindre choc. D’abord tentée d’écarter l’idée du vélo de mon esprit, j’ai finalement pris mon courage à deux mains.
Je me suis dit que je n’étais sûrement pas la seule à me sentir un peu bête avec ces appréhensions, un frein à la pratique du vélo dont on ne parle pas vraiment. J’avais entendu parler d’un stage gratuit pour apprendre la circulation en ville à vélo, dispensé par la Maison du Vélo.
Après un peu de procrastination, et une seconde vague de canicule, j’ai fini par prendre rendez-vous pour un cours d’une heure trente, un jeudi à 18 heures, en plein pendant les heures de pointe. Parfait.
Un vélo-école pour apprendre à circuler en vélo à Lyon
À la Maison du Vélo, Isabelle m’accueille. Celle qui sera ma monitrice, floquée d’un gilet fluo « vélo école », prépare les vélos pour notre cours.
Avec moi, trois autres néophytes attendent de se mettre en selle. Marie veut apprendre à circuler pour accompagner son fils lors de balades en ville. Christelle aimerait se mettre au vélo, mais ne sait trop comment rouler en ville. Pareil pour Gauthier, grand pratiquant du vélo à la campagne dans son enfance mais perdu dans l’intense circulation lyonnaise.
Isabelle commence par nous indiquer quelques vérifications de sécurité sur le vélo : les freins, la pression des pneus, la fixation des roues, les réflecteurs… Je me vois confier un Vélo’v pour le temps de notre trajet, ainsi qu’un casque et un gilet jaune fluo, plus vraiment tendance depuis 2018 mais qui doit assurer ma sécurité.
Casque, vélos et gilets jaunes sont fournis par la maison du vélo de Lyon.Photo : MA/Rue89Lyon
J’ai la désagréable sensation de me retrouver à mes 16 ans dans la voiture de l’auto-école
Les débuts sont faciles, une piste cyclable en double sens borde la Maison du Vélo. Je découvre les feux réservés au vélo, la cohabitation avec les piétons et les panneaux M12 qui nous autorisent à nous élancer dans un carrefour malgré un feu rouge pour les automobiles.
Au départ un peu perdue, j’ai la désagréable sensation de me retrouver à mes 16 ans, dans la voiture de l’auto-école, stressée, en train de découvrir une nouvelle manière d’appréhender la route.
Même si je sais faire du vélo, tendre le bras pour indiquer ma direction me cause quelques déséquilibres, et je zigzague parfois en redémarrant, me créant une ou deux frayeurs. Finalement, je réussi très vite à prendre en assurance et à me sentir plus à l’aise.
Pas bien différent de mon expérience d’automobiliste
Isabelle fait des arrêts réguliers pour nous expliquer le comportement à adopter suivant les situations. Elle nous questionne sur les panneaux que l’on croise sur notre route. On dépoussière notre code de la route. J’apprends la différence entre piste cyclable obligatoire et recommandée ou encore que le pictogramme vélo nous indique où nous placer sur la voie (au centre ou à droite).
Une route en travaux m’aurait posé quelques difficulté si Isabelle n’avait pas été là. Un côté de la piste cyclable obligatoire est barrée. Il faut se déporter sur la voie d’en face, puis faire un détour dans le carrefour pour reprendre la voie initiale. Tout ça au milieu de la circulation des voitures.
Peu à peu, je me rends compte que ce n’est pas bien différent de mon expérience d’automobiliste. Il suffit de suivre les indications, et de bien vérifier à droite, à gauche et ses angles morts. Le plus dur étant de ne pas se déséquilibrer.
Circuler à vélo sur les berges à Lyon : un passage agréable
Au bout d’une vingtaine de minutes, nous voilà arrivés sur les quais du Rhône, le moment le plus agréable du trajet, celui que j’attendais. C’est en partie pour le plaisir de filer au bord du fleuve que j’avais envie de me mettre au vélo. Le soleil de plomb de fin de journée est bien plus agréable avec la brise créée par la vitesse.
Là, sur la voie partagée, il faut faire particulièrement attention aux piétons. Mais c’est aussi l’occasion de s’entraîner à lâcher un côté du guidon, et apprendre à conduire avec une seule main, pour pouvoir tendre l’autre rapidement et efficacement.
L’appréhension de la cohabitation entre voitures et vélo
La petite escapade sur les bords du Rhône sera d’assez courte durée. Très vite, on remonte pour entrer dans le vif du sujet. Finies les pistes cyclables obligatoires ou recommandées, séparées de la chaussée, nous allons à présent nous insérer dans la circulation. La partie que j’appréhende le plus.
Une de mes principales craintes, qui m’a jusque là empêchée d’enfourcher un vélo, est de me faire doubler par un bus ou une voiture. Surtout si le véhicule passe trop proche de moi. Isabelle nous conseille :
« S’il n’y a pas assez de place pour qu’une voiture ou un bus vous double de manière sécurisée, mettez vous au milieu de la chaussée et le conducteur patientera. En plus la majorité des rues de Lyon sont limitées à 30 km/h maintenant »
Contrairement à mon premier réflexe (me faire toute petite à droite de la route), je suis rassurée de savoir que je peux prendre pleinement ma place dans la circulation. Difficile de se départir de l’idée que la voiture est forcément prioritaire. Mea culpa, j’ai déjà été moi-même passablement agacée derrière un·e cycliste.
À la fin du stage pour apprendre à faire du vélo en ville, on finit par prendre la confiance.Photo : MA/Rue89Lyon
Dernière difficulté du trajet : se déporter à gauche dans une rue où la piste cyclable est à droite. Là encore, Isabelle nous guide et nous indique la marche à suivre. Nul besoin de se précipiter, il est possible d’attendre que le flot de voiture soit passé pour se déporter. Et si le carrefour nous semble vraiment mission impossible, il suffit de descendre du vélo et d’emprunter le passage piéton.
De retour à la Maison du vélo, ce qui me semblait hors de portée m’apparaît bien plus faisable. Je pose quelques dernières questions à Isabelle avant de m’en aller. Cette fois j’emprunte à nouveau le métro. Mon prochain défi est de faire, seule, le trajet en vélo.
À Rue89Lyon depuis 2022, aujourd’hui journaliste associée. Enquêter sur l’extrême droite, c’est lutter contre l’extrême droite.
J’écris aussi sur la politique, le sans-abrisme, le logement, les violences sexistes et sexuelles. Pour me filer une info ou me contacter, c’est par là : mallenou@rue89lyon.fr
Depuis le déclenchement de l’alerte canicule à Lyon, la Croix-Rouge renforce ses maraudes. L’association distribue de l’eau et veille à la santé des plus fragiles, les sans-abris en premier lieu.
« Je peux avoir de l’eau ? » À peine garé sur la place Carnot (Lyon 2e) avec le trafic estampillé « Croix-Rouge », Philippe est déjà sollicité par un homme qui a reconnu l’association. Dans le coffre, des dizaines de bouteilles d’eau dans des contenants isothermes attendent d’être distribuées. En ce début d’après-midi, le soleil et la chaleur sont difficilement supportables sur la place malgré l’ombre apportée par les arbres.
Depuis une semaine, les bénévoles de la Croix-Rouge écument Lyon pour distribuer de l’eau et s’enquérir de l’état de santé des plus fragiles avec les températures étouffantes qui ne retombent même pas la nuit.
Les bénévoles de la Croix-Rouge transportent plus d’une centaine de bouteilles d’eau à distribuer pour la canicule.Photo : MA:Rue89Lyon
Sans-abris et personnes âgées : les publics les plus vulnérables face à la canicule à Lyon
L’association a été sollicitée par la préfecture pour mener ces maraudes, dans le cadre de l’alerte canicule déclenchée depuis le 17 juillet. Depuis, les températures ne sont pas redescendues. Les bénévoles accordent une attention particulière aux sans-abri, mais pas seulement.
« Il y a les personnes en vulnérabilité mais aussi les personnes âg… Oula, là tout de suite le monsieur et la dame on va aller leur donner de l’eau ! »
Philippe s’interrompt et illustre sa propre explication. Le bénévole se dirige droit vers un homme âgé, qui se déplace avec un canne, et sa femme. Quelques touristes qui traînent sur la place hériteront aussi d’une bouteille d’eau.
Plus loin, Raimond, binôme de Philippe et responsable de la communication de la Croix-Rouge de Lyon, repère un homme allongé sur un banc en plein soleil. Il échange quelques mots avec lui, pour s’assurer qu’il est suffisamment lucide et qu’il ne souffre pas des rayons brûlants.
« Il n’était pas alcoolisé et il était réactif sur les réponses. Il va bien », débriefe-t-il, de retour dans le trafic.
À Lyon, un gymnase au frais pour se protéger de la canicule
Un enjeu de ces « maraudes canicule » est aussi de faire connaître l’ouverture d’un gymnase frais, non loin de la place Carnot, sur demande de la Ville de Lyon et de la préfecture. De 10 heures à 20 heures, toutes les personnes qui le souhaitent peuvent venir s’abriter de la chaleur et trouver de l’eau réfrigérée.
« Oh la Croix-Rouge, vous n’auriez pas un sac de couchage ? »
Alexis, 56 ans, interrompt les bénévoles dans leur déambulation. Pas de sac de couchage aujourd’hui, mais Philippe et Raimond proposent à l’homme sans-abri qui dort près de Perrache de les suivre jusqu’au gymnase. Là-bas, quatre personnes sont assises autour de tables en plastique, accompagnées de deux bénévoles de la Croix-Rouge.
Dans un gymnase rue Condé, les personnes qui le souhaitent peuvent venir se mettre au frais et boire de l’eau, encadrés par la Croix-Rouge.Photo : MA/Rue89Lyon
Jocelyne, 58 ans, lunettes sur le nez, pose la main sur son livre fermé. La quinquagénaire n’est pas sans domicile mais sollicite régulièrement l’aide des Petits frères des pauvres et de la Croix-Rouge :
« J’étais déjà venue hier, car pour lire, même à l’ombre, l’air est chaud. Ici, on arrive et on a de l’eau. »
Mais depuis le matin, seulement sept personnes sont venues profiter de la fraîcheur du gymnase. Philippe explique :
« C’est dur de mobiliser les gens. Ils ont toute leur vie dans leurs tentes, c’est difficile de laisser leurs affaires. Mais c’est important qu’en période de canicule ils aient un endroit pour se poser au frais et pouvoir s’asseoir sans qu’ils soient embêtés. Parce que dans les endroits climatisés comme les magasins ou les centres commerciaux, ils vont se faire jeter. Ici on les accueille »
Plus tôt, Raimond avait tenté de convaincre une mère et sa fille, en train de se restaurer devant leur tente, de venir dans le gymnase. En vain.
« Une bouteille d’eau fraîche, ça coûte un euro cinquante, c’est trop cher »
Sous un auvent, dans un coin de la place Carnot, Anthonio se repose dans l’une des tentes alignées le long du mur. Il accepte volontiers la bouteille d’eau qu’on lui tend. Âgé de 24 ans, il vit depuis ses 14 ans dans la rue. Il décrit son quotidien pendant la canicule, émaillé par l’agressivité de ses voisins d’infortune :
« En ce moment c’est dur, je n’en peux plus avec la chaleur mais surtout les gadjos (les types, ndlr) qui sont là. Avec la chaleur, ils sont tous très énervés, tous les quarts d’heure il y a une embrouille. »
Il se plaint de ses vêtements, un jogging noir, épais, et son T-Shirt de sport bleu.
« J’aimerais avoir de la nourriture et des vêtements pas lourds pour la chaleur. Il y a de moins en moins de maraudes pour les vêtements. Ça c’est trop lourd », dit-il en tirant sur son jogging.
Anthonio et Paul ont installé leurs tentes sous un auvent place Carnot, ils acceptent volontiers les bouteilles d’eau distribuées par la Croix-Rouge en pleine canicule.Photo : MA/Rue89Lyon
Anthonio s’est laissé convaincre par les bénévoles. Avec son chargeur de téléphone, il se dirige vers le gymnase pour se rafraîchir et se reposer. Philippe et Raimond, eux, reprennent leur véhicule pour poursuivre la maraude, direction la place de la République (Lyon 2e).
Sur place, ils retrouvent un homme qu’ils connaissent bien et qui les accueille chaleureusement. Ismaël habite la place avec sa tente depuis plusieurs mois. « C’est la mort », lance-t-il en parlant de la canicule. Son amie, Lisa (le prénom a été modifié), abonde :
« Une bouteille d’eau pas fraîche ça coûte 50 centimes, mais de l’eau fraîche c’est 1,50€, c’est trop cher. Et souvent les fontaines publiques ne sont pas hyper fraîches. »
Les petites bouteilles fraîches distribuées par la Croix-Rouge les soulagent momentanément, alors que les heures les plus chaudes de la journée commencent.
« Les sans-abris meurent plus souvent en période de canicule qu’en période froide »
Depuis le début des maraudes canicules, Raimond dénombre deux situations où il a du appeler les secours. L’une d’elle concernait un nourrisson de moins de trois mois, qui avait du mal à réguler sa température. Raimond détaille comment la Croix-Rouge opère dans ce genre de cas :
« On laisse toujours le choix tant qu’il n’y a pas de danger de mort. Nous ne sommes jamais là pour contraindre. Je leur dis ‘est-ce que je peux appeler le 15 ?’ et je leur explique ce qui peut se passer quand on appelle le 15. »
Près de la gare Part-Dieu à Lyon, les bénévoles de la Croix-Rouge distribuent de l’eau aux personnes sans-abris installées dans des tentes, dans le cadre d’une maraude spéciale canicule.Photo : Marie Allenou/Rue89Lyon
À chaque personne qu’ils aident, les maraudeurs ont la même formule d’au revoir : « Prenez soin de vous ». Une façon de dire aux sans-abris de faire attention, sans être moralisateurs.
« Il y a eu ce mois-ci plusieurs décès chez les SDF dans la Métropole de Lyon. En réalité, les sans-abris meurent plus souvent en période chaude qu’en période froide. On se rend compte que donner de l’eau, des sourires, du soutien ça peut permettre parfois d’éviter ce genre de drame, qui fait que la personne ne va pas lâcher. »
Parce que la Croix-Rouge ne peut pas tout, Philippe en appelle alors à la vigilance collective :
« C’est très important que les particuliers qui voient des gens assoiffés au pied de leur immeuble pensent à leur amener des bouteilles d’eau. »
À Rue89Lyon depuis 2022, aujourd’hui journaliste associée. Enquêter sur l’extrême droite, c’est lutter contre l’extrême droite.
J’écris aussi sur la politique, le sans-abrisme, le logement, les violences sexistes et sexuelles. Pour me filer une info ou me contacter, c’est par là : mallenou@rue89lyon.fr
Grand déménagement pour les seize familles d’un centre d’hébergement d’urgence de Rillieux-la-Pape, au nord de Lyon. L’association Habitat et Humanisme ferme les portes de son foyer, exceptionnellement ouvert en décembre 2021. Toutes les femmes et leurs enfants devraient être relogés d’ici le 31 juillet.
Au sud de Rillieux-la-Pape, une ancienne bâtisse bourgeoise accueille des mères sans-domicile et leurs enfants depuis quelques mois. Au bout de l’allée menant à la grande maison blanche, des enfants jouent dans le parc. Un grand trampoline et une fresque peinte sur la baie vitrée confirment qu’il s’agit bien de leur lieu de vie.
Au 31 juillet, ces enfants et leurs mamans devront plier bagage car ce centre d’hébergement d’urgence, tenu par l’association Habitat et Humanisme, doit fermer. La préfecture assure que les familles seront toutes relogées. Pour l’heure, toutes n’ont pas encore reçu de proposition pour leur prochain lieu d’hébergement.
Les enfants ont dessiné une fresque bariolée sur la baie vitrée de la véranda.Photo : MA/Rue89Lyon
La fin d’un dispositif d’hébergement exceptionnel à Rillieux-la-Pape
Fin juin, Pablo (le prénom a été modifié), militant lyonnais contre le mal-logement, reçoit un coup de fil paniqué. Edona (le prénom a été modifié), une maman de deux enfants logée dans ce centre d’hébergement d’urgence à Rillieux-la-Pape lui explique qu’il va fermer et qu’elle n’a pour l’instant aucune solution d’hébergement.
Ouvert en décembre 2021, le dispositif tenu par l’association Habitat et Humanisme avait d’emblée vocation à être temporaire. La fermeture aurait même dû avoir lieu plus tôt dans l’année, mais le dispositif avait été prolongé par la préfecture.
« C’était une dispositif exceptionnel, avec un financement déterminé, pour la mise à l’abri de public vulnérable. La fermeture était programmée et décidée avec l’association dès l’ouverture, d’abord au 31 mars 2022, puis repoussée fin juillet 2022 », explique la préfecture.
Au total, 16 familles sont actuellement hébergées dans le centre de Rillieux-la-Pape. À l’exception de deux couples, toutes, comme Edona, sont des mères isolées, pour la plupart sans papiers ou en attente de papiers. Les femmes et leurs enfants bénéficient d’une chambre dans cette grande bâtisse, avec une salle de bain. Des espaces communs complètent le tableau : salle de jeu pour les enfants, cuisine, buanderies, « salle des mamans », ainsi qu’une terrasse.
La bâtisse, propriété de Entreprendre pour humaniser la dépendance, peut accueillir jusqu’à 47 personnes. Les travailleurs sociaux sont présents en après-midi et soirée, et une personne de permanence est disponible par téléphone « 24h sur 24 pour les mamans », précise le directeur Philippe Rebouffat-Roux.
L’organisation du lieu permet aux mères d’être en autogestion pour la surveillance des enfants, les repas et les tours de ménage. L’occasion de « permettre à ces mères de reprendre leurs fonctions parentales et aux enfants d’aller moins mal », explique le directeur.
Des mères hébergées au centre de Rillieux-la-Pape pas encore relogées
Le doute plane encore sur l’avenir de certaines femmes actuellement hébergées dans le centre de Rillieux. Car si la préfecture explique que toutes les femmes seront bien relogées, Edona, par exemple, attend encore une proposition de la Maison de la veille sociale, après plusieurs rendez-vous avec son assistante sociale. Sans papiers, avec ses deux enfants, elle a vécu à la rue, puis a connu un squat et plusieurs lieux d’hébergement d’urgence de la Métropole de Lyon.
Edona est entrée au foyer de Rillieux peu après l’ouverture du centre. Elle retrace :
« Je suis arrivée il y a plusieurs années en France, j’ai été hébergée par le 115 (numéro de l’hébergement d’urgence, ndlr) pendant l’hiver deux années de suite. Ensuite, j’ai été à la rue pendant plus d’un an et j’ai dormi dans un squat. Mes enfants me demandent ‘Maman, quand est-ce qu’on aura une maison ?’ «
Le directeur de la structure, Philippe Rebouffat-Roux, explique que plusieurs femmes ont déjà été relogées, et que les autres sont en attente de proposition. Il se rend compte de l’inquiétude des familles et assure que les équipes les accompagnent :
« Effectivement c’est traumatisant parce qu’elles sont obligées de changer de lieu, mais elles restent dans le dispositif d’hébergement. Leurs dossiers sont aujourd’hui prioritaires à la Maison de la veille sociale. Se lancer dans l’inconnu c’est difficile mais on les rassure, les travailleurs sociaux les accompagnent »
La bâtisse qui accueille le centre d’hébergement d’urgence appartient à Entreprendre pour humaniser l’habitat et est gérée par l’association Habitat et Humanisme.Photo : MA/Rue89Lyon
Parallèlement à la fermeture du site de Rillieux-la-Pape, la préfecture du Rhône va aussi progressivement fermer 300 places d’hôtel de son dispositif d’hébergement d’urgence. Ces places avaient été ouvertes en novembre 2021. Tout comme le centre de Rillieux, il s’agissait d’un dispositif exceptionnel.
On peut cependant s’interroger sur la capacité des dispositifs d’hébergement d’urgence à absorber les 300 places supprimées d’ici fin juillet.
« Il n’y aura pas de remise à la rue sèche », affirme la préfecture.
La gestion de l’hébergement d’urgence est en train de changer de modèle depuis mai 2021. Les années précédentes, des places étaient ouvertes uniquement l’hiver, puis fermées à la venue du printemps. C’est ce qu’on appelait « la gestion au thermomètre ». Depuis mai 2021, le parc pérenne est élargi mais aucune place n’est créée exceptionnellement pour l’hiver : une nouvelle stratégie appelée « le logement d’abord ». La préfecture du Rhône explique :
« L’objectif est d’avoir une vision pluriannuelle avec une gestion budgétaire. Il y a une volonté de réduire le nombre de places hôtelières pour aller vers d’autres solutions d’hébergement plus qualitatives, soit sur d’autres structures, soit vers du logement social. »
À Rue89Lyon depuis 2022, aujourd’hui journaliste associée. Enquêter sur l’extrême droite, c’est lutter contre l’extrême droite.
J’écris aussi sur la politique, le sans-abrisme, le logement, les violences sexistes et sexuelles. Pour me filer une info ou me contacter, c’est par là : mallenou@rue89lyon.fr
[Série] Au fil de l’histoire quelques grands écrivains sont passés à Lyon. Stendhal, Flaubert, Daudet, Camus, de Beauvoir, Dickens… Pour beaucoup l’expérience n’a pas toujours été au rendez-vous et le livre d’or qu’ils ont laissé est parfois dur et acerbe.
Malgré la renommée et la virtuosité de leur plume, ces grands esprits ont donné dans le cliché. Des clichés qui trahissent malgré tout une part de vérité sur ce que donnaient à voir d’elles-mêmes la ville de Lyon et son industrie par le passé.
Ville bourgeoise, fermée, froide et aimant tellement le travail ou la messe qu’elle en oublierait de s’amuser. Cette image colle à la peau de Lyon depuis le XIXe siècle au moins. Avant que les choses finissent par changer et que la ville parvienne à acquérir l’image d’une « ville en mouvement », à défaut d’être celle où on demande à se faire enterrer pour être plus près du paradis.
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Le 14 juin, une fusillade a causé la mort de deux jeunes hommes au pied de la barre Sakharov, sur le plateau de la Duchère, à Lyon 9e. Un mois plus tard, le quartier panse ses plaies tant bien que mal.
Main dans la main, un jeune couple flâne tranquillement le long de l’avenue Andreï Sakharov, un des axes routiers principaux du plateau de la Duchère, dans le 9e arrondissement de Lyon. Elle vient de l’ouest lyonnais, lui du sud. Ils se retrouvent régulièrement pour tester les différentes piscines de Lyon. Par cette belle après-midi ensoleillée du 21 juillet, leur choix s’est arrêté sur celle de la Duchère.
De l’autre côté de l’avenue, s’étire la masse imposante de la résidence Sakharov. Construite au début des années 60, cette barre de 332 logements est la propriété de la SACVL, un bailleur social de Lyon. Cet après-midi, seule une poignée d’adolescents comatent sur le parking et les amoureux ignorent tout des événements qui se sont déroulés ici un mois plus tôt.
Le 14 juin, deux jeunes hommes âgés respectivement de 16 et 20 ans ont perdu la vie dans une fusillade qui a éclaté dans la nuit, au pied de cette même barre. Aujourd’hui, le quartier panse ses plaies. Si le calme est revenu, les habitant·es redoutent la suite des événements.
« Après la fusillade, les médias ont dépeint la Duchère comme une zone très dangereuse »
À une encablure de la barre Sakharov, Yasmine (le prénom a été modifié) rentre chez elle. Deux petites filles aux casquettes roses d’où s’échappent des petites tresses lui tiennent la main. Il y a quatre ans, les prix de l’immobilier, le calme et le caractère familial des lieux ont séduit Yasmine et son mari. Le jeune couple est locataire d’un confortable appartement du bailleur social SACVL, sur le boulevard Balmont :
« On paye 950 euros par mois pour un T3 lumineux. Ce serait impossible à Lyon. Quand on est arrivés on a été enchantés par le quartier qui est d’ordinaire tranquille, très vert, ça nous semblait idéal. »
Évidemment, il y a un « mais ». Aujourd’hui, Yasmine veut quitter le quartier. La quiétude qu’elle pensait trouver dans le secteur a été anéantie par les rares mais violentes fusillades comme celle du 14 juin :
« On a entendu les coups de feu. Mon mari a tout de suite compris ce que c’était, moi, je me disais que c’était une très grosse perceuse. »
Elle jette un regard inquiet vers ses petites filles, qui ont elles aussi entendu les tirs :
« On ne leur a rien dit, mais elles ont compris qu’il y avait quelque chose de grave qui se passait. Les enfants sentent ces choses là. »
C’est par sa voisine que Yasmine a appris le décès des deux jeunes hommes :
« Ça m’a fait un choc. En plus, après la fusillade, il y a eu la télévision qui est venue et les médias ont dépeint la Duchère comme une zone très dangereuse. Tout semblait disproportionné. »
La barre Sakharov au pied de laquelle une fusillade s’est déroulée le 14 juin dernier.Photo : LS/Rue89Lyon
Tensions à la Duchère : « Le problème c’est la drogue et son commerce, le deal quoi»
La famille de Yasmine, qui habite à l’est de la région, s’est beaucoup inquiétée suite à la médiatisation des événements. Ils lui ont demandé de déménager le plus vite possible.
« Ma famille a une vision déformée du quartier, sourit la jeune femme. En réalité, les jeunes sont tranquilles, gentils. »
En revanche, le courant ne semble décidément pas passer entre certains adolescents du quartier et les forces de l’ordre.
« Il y a souvent des affrontements entre les jeunes et la police, reconnaît-elle. On a peur d’être au mauvais endroit au mauvais moment et de se prendre un mauvais coup, que ce soit de la part des jeunes ou de la police. »
Pour Yasmine comme pour la majorité des habitant·es interrogé·es, il n’existe qu’un seul responsable de ces tensions et de ces morts :
« Le problème c’est la drogue et son commerce, le deal quoi. »
Un commerce qui se serait intensifié selon Yasmine depuis le premier confinement, en 2020 :
« Les règlements de compte sont plus réguliers depuis cette période, j’ai aussi l’impression de voir moins de présence policière. Il ne faut pas non plus oublier que les gens qui vivent dans la barre Sakharov sont très pauvres. Franchement, je ne saurais pas dire quel facteur a le plus joué. »
« Il faudrait une police de proximité, que même les jeunes de la Duchère aient envie d’y rentrer »
Sirine (le prénom a été modifié) connaissait l’un des jeunes tués par balles le 14 juin. Elle-même vit à Écully, mais sa famille est à la Duchère, où elle se rend souvent. Attablée sur la place Abbé-Pierre, elle attend patiemment qu’une artiste lui dispense un petit cours de peinture à l’occasion des jeudis de l’été.
Questionnée au sujet de l’ambiance au quartier depuis les événements du mois dernier, son visage s’assombrit :
« Ça ne va pas fort. Tout le monde connaissait les garçons, au moins de vue. On les a vus grandir, ce n’était pas des méchants. Il y a un vrai deuil à faire pour tout le monde. »
Pour cette maman de 40 ans, la soirée du 14 juin a durablement abîmé la confiance des habitant·es envers cette entité qu’elle appelle « le quartier ».
« Ce que je veux dire par « le quartier » c’est la confiance entre voisins, le sentiment d’être presque en famille parfois. »
À cela, elle ajoute le climat de défiance entre jeunes et forces de l’ordre. Elle martèle :
« Ce qu’il faudrait c’est de la police de proximité, une police qui connaît tout le monde, qui participe à l’éducation des jeunes. Il faudrait même que les jeunes de la Duchère aient envie de rentrer dans la police. »
Aujourd’hui, Sirine a le sentiment qu’entre les forces de l’ordre et les jeunes du quartier, il ne reste que de la méfiance :
« Les policiers tournent en voiture parfois, ou alors ils font des interventions éclair, musclées et repartent. »
Les habitants de la Duchère impuissants après la fusillade
Cette fusillade du 14 juin n’est malheureusement pas un événement isolé à la Duchère. Le 30 avril, trois hommes qui faisaient un barbecue dans un square avaient été pris pour cible par des tireurs. Le 19 mars, ce sont des adolescents qui avaient essuyé des tirs d’arme à feu à l’arrière de la barre Sakharov. En octobre 2021, une fusillade avait déjà éclaté au pied de ce même immeuble, visant cette fois-ci des policiers de la BAC.
Chaque habitant·e interrogé·e propose son lot de solutions pour éviter que de telles tragédies se reproduisent, sans trop y croire. Un sentiment de lassitude générale semble l’emporter au moment d’évoquer le sujet. Certain·es refusent tout simplement de revenir sur les événements du 14 juin, lâchant à contrecœur « que voulez-vous que je vous dise ?! C’est la Duchère ! » comme cette pharmacienne de l’avenue Sakharov.
La place Abbé-Pierre, à la Duchère (Lyon 9e), à une centaine de mètres de la barre Sakharov au pied de laquelle une fusillade s’est déroulée le 14 juin dernier.Photo : LS/Rue89Lyon
Comme Sirine, plusieurs des habitant·es interrogé·es mettent en avant la nécessité d’occuper les jeunes :
« On en a parlé avec plusieurs mamans, on a l’impression qu’il y a moins d’activités proposées aux jeunes, que les centres sociaux n’ont plus les mêmes moyens qu’avant. Les ados s’ennuient, ils ont de moins en moins de perspectives. »
Certain·es estiment que la meilleure solution serait carrément de « casser la barre Sakharov », ce qui semble peu probable alors qu’un programme de rénovation de 19 millions d’euros est sur les rails. L’objectif affiché de cette opération de la SACVL est d’ailleurs de reconfigurer l’espace pour réduire l’insécurité. Les travaux devraient commencer à la fin de cette année, pour s’achever en 2024.
« Il faut casser la carte scolaire pour stopper la délinquance »
Entre les solutions répressives et pédagogiques, une alternative a été proposée, celle de « casser la carte scolaire », dixit Samantha. Cette mère de famille de 53 ans est propriétaire depuis 2014 d’un appartement dans la Tour Panoramique, située sur l’avenue du Plateau. Très heureuse de sa vie dans le quartier, elle déclare à plusieurs reprises qu’aujourd’hui, il lui serait difficile de s’établir ailleurs. Elle a conscience d’incarner une certaine gentrification du quartier et ironise à ce sujet :
« Le quartier est super agréable, donc ça se boboïse. J’en fais partie, je suis une bobo du quartier. »
À son arrivée à la Duchère, elle déclare avoir voulu « jouer le jeu du quartier » :
« J’ai mis mon fils en petite section dans l’école de quartier, aux Anémones. C’était un peu le bazar. »
Samantha raconte avoir changé son fils d’école dès l’année suivante, pour le mettre en moyenne section à l’école privée Saint-Charles-de-Serin, à Vaise. Elle poursuit :
« La piscine [de la Duchère, ndlr], c’est pareil, moi je n’y vais plus. C’est dommage parce qu’elle est vraiment super. »
Et d’insister :
« Il faut casser la carte scolaire et forcer la mixité sociale, sinon ça ne pourra pas aller mieux. Là, chaque sous-quartier de la Duchère est refermé sur lui-même et ne se mélange pas. C’est comme ça qu’arrivent les problèmes de délinquance. »
Stigmatisation, micro-agressions, émeutes… La sociologue Anaïk Purenne s’est penchée sur les rapports que les jeunes de Vaulx-en-Velin entretiennent avec la police.
Chaque année, de petites émeutes urbaines éclatent à Vaulx-en-Velin le soir du 14 juillet. Aux tirs de feux d’artifice et aux voitures brûlées succèdent des affrontements entres forces de l’ordre et jeunes Vaudais. Anaïk Purenne, chercheuse à l’ENTPE, l’école de l’aménagement durable des territoires située à Vaulx-en-Velin, s’est penchée sur le phénomène et sur la façon dont les jeunes de cette commune perçoivent leur relation avec la police.
La chercheuse a mené une enquête sociologique, en cours de de finalisation, qui l’a amenée à réaliser des entretiens auprès d’une trentaine de Vaudais, âgés de 15 à 35 ans. Une partie des jeunes interrogés ont participé à ces émeutes annuelles. Dans un entretien, elle nous fait part de ses analyses.
Cette enquête est un volet d’une recherche plus large sur l’épreuve des discriminations dans les quartiers populaires, financée par l’Agence Nationale de la Recherche. Une première analyse de ces entretiens est parue en mai 2022 dans le chapitre d’un livre réunissant chercheurs français et canadiens intitulé « Profilages policiers ».
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L’incident survenu le 9 juillet à la raffinerie de Feyzin, au sud de Lyon, a mis en lumière des dysfonctionnements sur le site, qui a redémarré ce mercredi.
A l’arrêt depuis une dizaine de jours, la raffinerie de Feyzin, située à une dizaine de kilomètres au sud de Lyon, a été autorisée à redémarrer ce mercredi 20 juillet au soir.
Le 9 juillet dernier, une épaisse fumée noire s’est élevée pendant de longues heures au-dessus de la raffinerie, propriété de la société TotalEnergies Raffinage France. En cause, un court-circuit qui aurait provoqué l’incendie d’un transformateur, entraînant une coupure d’électricité générale et l’arrêt du site. Les torchères ont alors pris le relais par mesure de sécurité, dégageant cet inhabituel nuage de fumée noire.
Les syndicats craignent d’autres incidents similaires, faute d’investissements de la part de Total.
La raffinerie Total à Feyzin, au sud de Lyon.Photo : LB/Rue89Lyon
Des dysfonctionnements à la raffinerie de Feyzin, au sud de Lyon
Deux jours après l’incendie du transformateur, le 11 juillet, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) s’est rendue à la raffinerie. Suite à cette visite, dans un arrêté en date du 13 juillet, la préfecture du Rhône et la DREAL ont enjoint à Total de prendre plusieurs mesures avant de pouvoir autoriser le redémarrage des installations. Ainsi, la DREAL note que l’incident du 9 juillet a mis en lumière plusieurs dysfonctionnements, dont « la recherche des causes […] et leurs conséquences sur la sécurité des installations doit être approfondie », pour éviter un nouvel événement similaire, voire plus grave.
Ce mercredi 20 juillet, la direction a annoncé le redémarrage progressif du site, en alertant sur l’utilisation des torchères qui devraient recracher des flammes impressionnantes. D’après Le Progrès, une enquête est toujours en cours pour déterminer les causes de ce court-circuit à l’origine de l’incendie du 9 juillet.
Les syndicats ont, de leur côté, demandé et validé une commission d’enquête indépendante du CSE pour avoir accès à tous les documents et s’assurer que les mesures préconisées ont bien été prises.
« On tire de plus en plus sur la machine, et aujourd’hui on en voit le résultat »
Pour Sébastien Saliba, militant CGT, délégué syndical et élu au CSE de la raffinerie, ainsi que Ivan Clément, militant CGT et élu CSE, « il faut des investissements majeurs, sans lesquels notre outil de travail dépérit. On tire de plus en plus sur la machine, et aujourd’hui on en voit le résultat ».
Et il n’y a pas que la machine qui soit usée. La CGT évoque des salariés en souffrance, dans des services en sous-effectif.
« Il y a un grand professionnalisme des employés mais il manque du personnel. Il y a de plus en plus d’intérimaires et de CDD qui ne sont pas pérennisés. Il y a également beaucoup de sous-traitance et comme les contrats sont tirés à la baisse constamment depuis des années, le nombre de collègues sous-traitants diminue aussi, ainsi que la qualité. »
Dans ces conditions, cet incident du 9 juillet ne sera pas le dernier, préviennent-ils.
« En 2021, on a eu pas mal d’événements majeurs déjà. Là, en dix mois on a eu un feu à la distillation atmosphérique, deux coupures d’électricité et maintenant ça. Quand est-ce que ça s’arrêtera ? »
Et de préciser d’un ton las :
« Nous alertons mensuellement l’inspection du travail et la DREAL sur des problématiques graves. Nous avons également interpellé le ministre de la santé et le ministre du travail fin 2020 sur des problématiques qui ne sont toujours pas résolues. »
Le 28 juillet prochain, la CGT de TotalEnergies appelle par ailleurs l’ensemble du groupe et de ses filiales en France à une mobilisation nationale pour réclamer une revalorisation des salaires. A Lyon, la raffinerie de Feyzin devrait suivre le mouvement.
Entre les incendies, les dégâts des eaux et les rénovations de logement mal vécues, deux habitants des Minguettes, à Vénissieux, confient leurs difficultés à se projeter dans le quartier.
Mourad et Mohammed (leurs noms ont été changés pour préserver leur anonymat) habitent tous deux le quartier des Minguettes, un vaste plateau qui s’étire au-dessus du centre de Vénissieux, à l’est de Lyon.
Mourad, 43 ans, est informaticien, tandis que Mohammed, 27 ans, travaille dans la restauration scolaire. Mourad se souvient :
« J’ai grandi au 10 rue Gabriel-Fauré, où mes parents habitent encore, et on s’est installés au 12 avec ma femme en 2011. Quand j’étais jeune, on était plutôt contents, les bâtiments de l’allée faisaient partie des plus récents et mieux entretenus du quartier. On est devant une crèche, ce coin du quartier était plutôt tranquille, franchement c’était le top. »
A leur arrivée en France, les parents de Mourad ont, eux aussi, presque toujours connu les Minguettes :
« C’est mon père qui est arrivé en premier, dans les années 1960. Il venait de Tunisie, il a été carreleur toute sa vie, et ma mère l’a rejoint avec le vote de la loi sur le regroupement familial, en 1989. »
A l’époque, la famille, qui compte aujourd’hui trois enfants, a d’abord brièvement habité à Feyzin avant de s’installer aux Minguettes. Mourad raconte une enfance plutôt tranquille. C’est quand les premiers signes de vieillesse de ses parents ont fait leur apparition que leur quotidien est devenu plus difficile.
« Mon père a perdu la vue en 2008, et ma mère souffre d’un handicap lourd aux genoux. C’est impensable de quitter le quartier, ils ont besoin de moi, de mon frère et de ma sœur. On reste aux Minguettes seulement pour nos familles. »
Mohammed hoche la tête et prend la suite :
« Moi, c’est un peu la même histoire. Mes parents sont arrivés de Turquie un peu plus tard. Ma sœur habite à 100 mètres et tient une boulangerie pas loin, je garde son fils quand elle doit travailler. Je ne me vois pas partir non plus. »
Aux Minguettes, « ma fille n’a pas d’endroit pour étudier »
Malgré leur volonté de rester dans le quartier de leur enfance, auprès de leur famille, Mohammed et Mourad rêvent parfois de le quitter. En cause : leurs conditions de logement aux Minguettes. Aujourd’hui, Mourad souhaite même déménager le plus vite possible :
« J’ai trois enfants et je vis dans un T2. Mon bailleur social n’arrive pas à me trouver un appartement plus grand, ma fille doit dormir avec ses deux frères. »
C’est avec une fierté non dissimulée que Mourad évoque sa fille de 9 ans, qu’il décrit comme studieuse et appliquée. Il souhaiterait la voir poursuivre ses études le plus longtemps possible :
« Le souci, c’est qu’elle va bientôt entrer au collège, et on a dû enlever son bureau pour mettre le lit d’un de ses frères. Elle n’a pas d’environnement de travail pour se concentrer à la maison. »
A cela s’ajoute une autre inquiétude, liée au quartier. Si Mourad se déclare très satisfait de l’école primaire, c’est la suite des événements qui l’inquiète :
« Les maîtresses sont à l’écoute, très sympa. En revanche, l’entrée au collège me fait peur. Elle va aller à Paul Eluard, comme moi à l’époque. J’aurai aimé que ma fille connaisse autre chose. Mais pour ça, il faut carrément sortir de Vénissieux, ça fait des bornes et des bornes, je ne peux pas en faire avec la vie de famille et tous les problèmes à gérer ici. »
Aux Minguettes, « il y a plein de soucis de logement, et on n’arrive pas trop à en discuter avec notre bailleur »
Les « problèmes » évoqués par Mourad et Mohammed sont pour la plupart liés à leurs conditions de vie derrière les murs de leurs appartements. Les deux hommes habitent chacun un logement situé dans les immeubles gérés par le bailleur social Alliade Habitat, rue Gabriel-Fauré, à deux pas du château d’eau des Minguettes.
Dans un précédent article nous avions évoqué le mois d’angoisse suscité par un potentiel risque d’amiante alors que les rénovations des appartements étaient en cours. Pour Mohammed, ce n’est finalement qu’un exemple parmi tant d’autres :
« Cela fait partie d’un tout. Il y a plein de soucis de logement, et on n’arrive pas trop à en discuter avec notre bailleur. C’était plus simple quand c’était SLPH. »
SLPH est l’ancêtre d’Alliade Habitat, issu de la fusion entre les sociétés de HLM Axiade Rhône-Alpes et la Société Lyonnaise Pour l’Habitat (SLPH). Dans le quotidien des deux habitants, Alliade occupe une place importante.
Mourad tente de récapituler :
« Aux Minguettes, les premières galères de logement ce devait être il y a au moins 8 ans. Le chauffage est tout le temps en panne en hiver. A tel point qu’en 2018 par exemple, quand j’ai eu mon dernier fils, ma femme a dû retourner chez ses parents pour ses premiers mois car nous n’avons pas eu de chauffage jusqu’en février. »
La rédaction a pu consulter les mails envoyés à Alliade par Mourad, faisant état de températures très basses dans les immeubles en hiver.
Les rénovations d’Alliade Habitat rue Gabriel Faure ne sont pas très bien vécues aux MinguettesPhoto : LS/Rue89Lyon
Pannes de chauffage, punaises de lit, cafards et inondations
Interrogé à ce sujet, Alliade Habitat a reporté la faute sur un autre bailleur social, Grand Lyon Habitat :
« Aujourd’hui, on n’a pas les clefs de ce problème : les chauffages urbains sont alimentées par une sous-station gérée par Grand Lyon Habitat. Nous souhaitons bâtir notre propre sous-station, où on aura la main sur l’entretien et la maintenance. »
Le bailleur social espère une mise en service pour l’hiver 2023. Le chauffage n’est cependant pas le seul souci pour Mourad qui énumère :
« Mes parents ont eu des punaises de lit l’année dernière, j’ai eu des cafards… C’est fatiguant, parce qu’en plus d’essayer de faire valoir les problèmes que je rencontre chez moi, je dois aussi le faire pour mes parents, et il faut insister, insister, insister… »
Il poursuit, lapidaire :
« En fait si tu ne gueules pas, tu n’as rien. Par exemple je me suis déjà fait rembourser une partie de mes factures d’électricité en hiver, car j’utilisais un chauffage d’appoint, mais je pense qu’on n’est pas nombreux à s’être fait rembourser. »
Mohammed acquiesce :
« Moi je n’ai rien demandé, alors je n’ai pas eu de remboursement, alors que j’utilisais un chauffage d’appoint. Il faisait trop froid sinon. Je ne suis pas trop comme ça, à tout le temps envoyer des mails. »
Il fait le pont avec un autre événement qui a eu lieu en pleine nuit, le 12 mars dernier, pendant la période de rénovation de la plomberie de l’immeuble :
« Une énorme fuite a inondé tout l’étage, il y avait au moins 20 centimètres d’eau. On a appelé les pompiers, ça a mis une heure et demie pour qu’ils trouvent la vanne et qu’ils coupent l’eau. »
Aux Minguettes, « avec Alliade c’est ‘vite fait et parti’ »
Rue89Lyon a pu consulter une vidéo, où on peut voir Mohammed effaré, éclusant l’eau à l’aide d’une casserole dans sa baignoire. Il poursuit :
« Alliade ne nous a pas trop aidés à comprendre la marche à suivre pour les assurances. Quand quelqu’un est venu trois mois après, on avait déjà changé les sols gonflés à nos frais. »
Mourad hoche la tête et ajoute :
Il y a eu un départ de feu sur des déchets électriques dans un immeuble des Minguettes. Photo par un habitant.
« Il y a eu un départ de feu dans le couloir de mon étage en janvier dernier. Les ouvriers qui refont l’électricité avaient laissé traîner des câbles. L’incendie a dû avoir lieu vers deux heures du matin. Les enfants ont eu très peur. »
Pour les deux voisins, un des facteurs qui a favorisé ces deux événements serait un manque de sérieux des entreprises chargées de la rénovation des bâtiments. Comme souvent dans les logements sociaux, celle-ci est vécue avec un sentiment de violence. Mohammed conclut :
« Avec Alliade c’est ‘vite fait et parti’. Nous, on attend qu’ils aient fini pour repasser derrière eux à nos frais. »
De son côté, Alliade Habitat déplore le dégât des eaux qui a eu lieu en mars dernier, mais considère qu’il s’agit d’événements qui « peuvent arriver dans un immeuble ». Il s’agirait d’un serti qui se serait brisé. De la même façon, le bailleur déplore que les électriciens aient laissé traîner des déchets dans le couloir mais assure que le départ de feu était d’origine criminelle. Plus généralement, Alliade Habitat tente d’arrondir les angles :
« Nous avons conscience que les périodes de rénovation sont difficiles pour les habitants. Nous essayons de nous mettre au maximum à leur disposition pour les aider. »