Dans un entretien à La Provence, Emmanuel Macron a annoncé vouloir un grand port qui aille de Lyon à Marseille. Quel serait son intérêt et pourquoi ça coince (depuis longtemps) ? Décryptage ici.
C’est le type de déclarations qui reviennent régulièrement, mais dont les effets interrogent. Début décembre, Emmanuel Macron a remis sur le tapis l’idée de faire un « grand port qui irait de Lyon à Marseille » dans un entretien au quotidien La Provence. Une idée qu’il avait déjà évoquée en septembre 2021, lors de son discours du pharo, à Marseille.
Un projet souhaité pour des questions de « cohérences énergétiques » et « industrielles » pour reprendre le président de la République. Il fait ainsi réchauffer une vieille arlésienne dont la réalisation paraît encore (très) lointaine. Pour cause, les contours (hypothétiques) de ce grand port sont très flous.
L’un derrière l’autre, les deux portiques du port de Lyon chargés d’accueillir les conteneurs maritimes.Photo : PL/Rue89Lyon
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Journaliste lyonnais fan de l’Ouest, je suis à Rue89Lyon depuis 2020. Aujourd’hui associé et directeur de publication, je couvre les questions sociales mais aussi écologiques (pollutions industrielles, scandale des perfluorés). Le travail, c’est la santé, à condition que le droit soit respecté. Un œil politique sur le Rhône. Pour me laisser une info, c’est ici plemerle@rue89lyon.fr.
Le corps d’un Iranien de 38 ans a été retrouvé dans le Rhône, lundi matin, à Lyon. Il se serait donné la mort en se jetant dans le fleuve. Dans une vidéo posthume, il explique avoir voulu alerter sur la situation en Iran. Une enquête est ouverte pour comprendre les circonstances de ce drame.
C’est un message d’une tristesse rare. Ce lundi, le corps d’un Iranien a été retrouvé dans les eaux du Rhône. Âgé de 38 ans, il aurait sauté d’un pont près de Perrache, dans le fleuve, en début de soirée.
Arrivé en France en 2019, il dit ne plus savoir quoi faire pour alerter sur ce qui se passe en Iran
« Il y a un très grand mouvement contre les violences faites par le gouvernement, alerte-t-il en référence à la répression des manifestations ayant eu lieu après le décès de la jeune femme Masha Amine. Nous avons perdu beaucoup de filles et de fils très jeunes, même des adolescents. On doit faire quelque chose. »
À ce stade, nous n’en savons pas plus sur la vie personnelle de cet homme.
À Lyon, un Iranien veut mettre la focale médiatique sur son pays
Dans son message, il dit vouloir :
« Donner notre attention sur notre pays l’Iran. Ils ont besoin d’aide. »
Plusieurs personnalités politiques locales, à l’image de l’élue du 7e LFI, Aurélie Gries, ont déjà réagi en apportant leurs condoléances à la famille de l’homme. À Lyon, des manifestations ont régulièrement lieu à la suite du décès de Masha Amini, le 16 septembre dernier.
Cette jeune kurde iranienne de 22 ans avait été arrêtée, puis tuée, par la police des mœurs, à la suite d’un voile mal porté. Depuis cent jours, des manifestations, réprimées par le gouvernement, s’enchaînent dans le pays.
Image d’illustration. Une manifestation en soutien à l’Iran le 22 octobre à Berlin. Crédits : C. Suthorn/Wikimedia Commons
D’après l’Organisation des Nations unies (ONU) plus de 14.000 personnes ont été arrêtées parmi les protestataires. Selon Human Rights Activists in Iran, groupe qui surveille les protestations dans le pays, ce sont plus de 18.000 personnes qui auraient déjà été arrêtées. Plus de 500 manifestants auraient été tués, d’après ce même groupe.
Selon le Progrès, une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes de ce décès.
En 2020, la préfecture du Rhône décidait de la dématérialisation des demandes de titres de séjour. Le tribunal administratif de Lyon a annulé une partie de ce dispositif, et demande à la préfecture de mettre en place d’autres modalités de dépôt des dossiers.
Par un jugement du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a partiellement annulé le choix des préfectures du Rhône et de la Loire de dématérialiser des démarches des ressortissants étrangers.
Depuis la fin du premier confinement, la préfecture du Rhône, comme d’autres en France, avait mis en place la dématérialisation totale de la prise de rendez-vous pour des demandes ou renouvellement de titres de séjour.
Plusieurs associations avaient déposé deux recours au tribunal administratif contre cette décision en 2021 : l’association d’aide aux étrangers la Cimade, avec le GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), le SAF (syndicat des avocats de France), la Ligue des Droits de l’Homme et l’ADDE (Association pour le droit des étrangers). Le premier demandait en urgence la suspension de la dématérialisation et avait été rejeté. Le tribunal s’est prononcé sur le second, ce 22 décembre 2022.
« Illégalité » de la décision de dématérialiser la prise de rendez-vous pour les étrangers à Lyon
La préfecture devra donc prévoir d’autres voies (par exemple : par téléphone, par courrier, au bureau en préfecture…) pour permettre la prise de rendez-vous pour les autorisations de séjour, et ce dans un délai de quatre mois.
Le tribunal a estimé que « les préfets n’étaient pas compétents pour rendre obligatoire l’emploi de télé-services pour le dépôt des demandes de documents de séjour » et constate aussi « l’illégalité de ces décisions ». En 2020, il n’y avait pas encore de cadre légal permettant la dématérialisation de ce genre de démarches.
En effet, la préfecture du Rhône avait pris cette décision avant la publication d’un décret national, qui prévoyait une mise en place progressive d’un téléservice appelé ANEF pour les demandes de ressortissants étrangers, dans diverses situations, concernant leur droit au séjour. Pour l’instant, cette plateforme n’accueille pas les demandes et renouvellements de titre de séjour, toujours gérés par les préfectures au local. C’est sur cet aspect que s’est prononcé le tribunal.
L’entrée du service des étrangers de la préfecture du Rhône, à Lyon, en mars 2021.Photo : LB/Rue89Lyon
Le tribunal de Lyon suit le Conseil d’État sur la dématérialisation
Pour rendre son jugement, le tribunal administratif de Lyon indique s’être appuyé sur un avis contentieux rendu par le conseil d’Était le 3 juin 2022. Rue89Lyon avait échangé à cette occasion avec Jean-Philippe Petit, co-président de la commission en droit des étrangers, au barreau de Lyon. La juridiction avait annulé une partie du décret – cité ci-dessus – mettant en place la dématérialisation.
« Pour certaines démarches particulièrement complexes et sensibles, le texte qui impose l’usage obligatoire d’un téléservice doit prévoir une solution de substitution : tel est le cas pour les demandes de titres de séjour », avait indiqué le Conseil d’État.
Le tribunal administratif de Lyon s’est aussi appuyé sur l’avis du conseil d’État car il soulignait le fait que les préfectures n’avaient pas « la compétence pour rendre l’emploi de téléservices obligatoire pour le traitement des demandes de titres de séjour.»
Le Conseil d’État et le tribunal administratif de Lyon ont donc reconnu que la dématérialisation est un obstacle pour l’accès au service public des ressortissants étrangers. Reste maintenant un problème de taille : une fois les dossiers déposés, leur traitement reste très long. Ces décisions ne font pas mention du manque de moyens humains et financiers qui pénalisent préfectures et étrangers.
À Rue89Lyon depuis 2022, aujourd’hui journaliste associée. Enquêter sur l’extrême droite, c’est lutter contre l’extrême droite.
J’écris aussi sur la politique, le sans-abrisme, le logement, les violences sexistes et sexuelles. Pour me filer une info ou me contacter, c’est par là : mallenou@rue89lyon.fr
Mercredi 21 décembre, l’association Vénissieux solidarité culturelle (VSC) organisait un Noël social et solidaire pour les familles des Minguettes, à Vénissieux. Une bouffée d’oxygène pour une population précaire marquée par la hausse des prix. Reportage.
La fête bat son plein, ce mercredi après-midi, dans une salle de la maison des fêtes et des familles, à Vénissieux. Au pied des tours des Minguettes, ils sont près de 200 à s’être réunis pour le « Noël solidaire et social », de l’association Vénissieux solidarité culturelle (VSC).
Avec la « kiffance » à fond dans les oreilles, les enfants courent d’un stand à l’autre, sur un sol jonché de confettis. Le stand de ballons gonflables est pris d’assaut par les bambins. À côté, ils sont quelques-uns à danser et à sauter devant un DJ paré d’un déguisement lumineux de type futuriste, dans un air troublé par la machine à fumée. Quelques-uns profitent également du stand maquillage.
À table, des ados et leurs parents regardent les plus petits s’agiter. Parmi eux, Nabila, habitante des Minguettes, discute avec des amies. À 50 ans, cette mère de famille est une habituée de l’épicerie sociale et solidaire dont s’occupe l’association VSC. « Cette année, je ne suis presque pas allée à Carrefour, je trouve presque tout à l’épicerie », assure-t-elle. Ce mercredi, elle a donné un coup de main à l’organisation. Comme beaucoup, elle est venue en famille avec sa fille et son neveu, notamment.
Avec « tous ces prix qui augmentent », la fête est particulièrement bienvenue. Le père Noël doit apporter des présents, largement attendus par les plus jeunes. Par dessus notre épaule, Ismaël, 8 ans, essaye de lire ce que nous écrivons, impatient de connaître la surprise. « Arrête, tu le sauras quand le père Noël sera là », le réprimande, gentiment, sa mère.
Les cadeaux avaient une importance particulière lors du Noël social et solidaire des Minguettes.Photo : PL/Rue89Lyon.
Un Noël social pour de petits revenus sur le plateau des Minguettes
Pour l’occasion, Vénissieux solidarité culturelle, a fait appel à Dons solidaires pour distribuer des cadeaux. Cette structure parisienne a ramené une centaine de figures des « Minions », du dessin animé « Moi, moche et méchant ».
« C’est bien le geste qu’ils font, vraiment, c’est chouette, sourit Nabila. C’est beau qu’ils offrent des cadeaux aux enfants. Franchement, ils sont chers… »
En boucle, la Vénissiane bloque sur la question du prix. Il faut dire que, dans cet hiver marqué par une forte inflation, la question du pouvoir d’achat est centrale. Pour certaines familles aux petits revenus, parfois touchées par le chômage, l’augmentation des prix fait mal. « Parfois, je mange moins, pour payer mon loyer », glisse Nabila dans la conversation.
Forcément, les courses de Noël n’arrangent rien. « Les gens craignent une augmentation des prix, beaucoup sont ceux à rogner sur les cadeaux cette année », constate Clothilde Ulrich, de Dons Solidaires. Selon un sondage Ifop réalisé pour l’association, 47 % des parents vont renoncer totalement, ou en partie, à offrir des cadeaux à leurs enfants cette année. Le coup de main n’est donc pas de trop.
Sur une autre table, une autre mère de famille, Fatima Loucif Hamidouche, observe aussi la salle. Elle abonde :
« C’est un événement qui réunit beaucoup de précaires », constate-t-elle.
Cette conseillère municipale, habitante des Minguettes, est elle aussi venue avec ses enfants, ses neveux, etc. Elle trouve important d’avoir « marqué le coup » en cette semaine de réveillon, et se réjouit de ces festivités.
La conseillère municipale Fatima Loucif Hamidouche, avec son fils, au noël social et solidaire des Minguettes.Photo : PL/Rue89Lyon.
Un contexte marqué par l’incendie de Vaulx-en-Velin
« Il ne s’était quasiment rien passé depuis le Covid sur le plateau, constate Fatima Loucif Hamidouche. Et puis, avec l’inflation et tout ce qui se passe en ce moment… C’est bienvenu. »
Dans ce « tout ce qui se passe en moment », ils sont nombreux à décrire un climat général difficile. Outre la hausse des prix, les difficultés à payer le loyer… Plusieurs parents évoquent l’incendie qui s’est passé à Vaulx-en-Velin. « Franchement, quand on voit comme on est logé nous… », souffle Nabila. Clairement, l’événement a marqué les esprits et suscite les craintes.
« On a une pensée particulière pour ceux qui ont perdu des proches là-bas », abonde Saliha Prudhomme-Latour, adjointe en charge des politiques sociales et de la lutte contre la grande pauvreté à la mairie. Ce mercredi, elle note que la salle a été mise à disposition de la Ville de Vénissieux. La commune a aussi organisé une grande soirée de la solidarité à Vénissieux.
Au milieu du brouhaha, Abdelghani Skandrani, président de l’association, s’active. Entre les cadeaux, les plats à distribuer… « Ghani » ne chôme pas, comme les bénévoles de l’association. Lui aussi parle « d’une grande attente », laissée sans réponse après le covid.
À ses côtés, Shirin, en formation pour devenir assistante sociale, opine :
« On ressent une vraie demande, nous n’avons pas pu accueillir tout le monde. »
Le Noël social et solidaire des Minguettes a rassemblé près de 200 personnes.Photo : PL/Rue89Lyon.
Aux Minguettes, le social s’appuie sur la récup’
Pour Shirin, qui reprend peu à peu les rênes de l’association, la prochaine étape sera de trouver des locaux pour ouvrir une friperie. Selon elle, il existe une vraie « précarité » pour les vêtements depuis le premier confinement. Les clients de l’épicerie sont fortement en demande sur ce sujet.
Dans son discours, il n’est pas question d’environnement bien que, indirectement, son action sociale réponde à des besoins écologiques. À l’épicerie, les produits, essentiellement issus de récupération alimentaire, permettent de nourrir des familles précaires et d’éviter le gaspillage. De même, quand les « friperies » évitant de jeter des vêtements redeviennent à la mode au centre-ville de Lyon, l’association vénissiane veut les remettre à l’honneur pour aider les plus précaires.
Avant cela, quelques familles, essentiellement de Vénissieux, auront profité de cet événement qui « fait chaud au cœur », pour reprendre l’expression d’une maman. Une respiration pour retrouver, l’espace d’une après-midi, l’esprit de Noël.
Un DJ est venu animer le Noël social et solidaire des Minguettes.Photo : PL/Rue89Lyon.
Journaliste lyonnais fan de l’Ouest, je suis à Rue89Lyon depuis 2020. Aujourd’hui associé et directeur de publication, je couvre les questions sociales mais aussi écologiques (pollutions industrielles, scandale des perfluorés). Le travail, c’est la santé, à condition que le droit soit respecté. Un œil politique sur le Rhône. Pour me laisser une info, c’est ici plemerle@rue89lyon.fr.
Amal a 42 ans. C’est la mère d’un petit garçon de huit ans reconnu handicapé. L’hyperactivité de son fils et les violences subies les ont obligés à quitter chaque logement précipitamment. Aujourd’hui, la famille cherche un logement durable à Lyon. Faute de mieux, cette femme et son fils sont hébergés dans un hôtel miteux à Perrache.
Au premier abord, c’est surtout la franchise du regard d’Amal* (son nom a été modifié) qui interpelle. Puis, son calme olympien, qui contraste beaucoup avec la fébrilité de son fils. De petite taille, les cheveux mi-longs, elle semble habituée à sillonner la ville main dans la main avec le petit garçon qui ne la quitte jamais des yeux.
Parfois, Amine* (son nom a été modifié) arrive à se calmer en se concentrant sur le téléphone de sa mère, ou sur la valse des serveurs qui slaloment entre les tables du grand café de la place Carnot. Puis, rattrapé par son hyperactivité, il recommence à s’agiter spasmodiquement ou à crier.
« Je n’ai pas eu trop de difficultés à faire reconnaître sa différence auprès de la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH), il est suivi par une accompagnante d’élèves en situation de handicap (AESH) à l’école. Par contre, il n’existe pas de procédure, d’aide au logement pour les femmes seules comme moi qui ont un enfant en situation de handicap », explique Amal.
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Le nouveau journal Mediavivant publie dans sa dernière newsletter le témoignage de Mohamed Chaia. Fondateur de l’association Coeur Banlieu Zhar à Vaulx-en-Velin, il raconte l’élan de solidarité après l’incendie mortel du 15 au 16 décembre. Nous reproduisons l’article ci-dessous.
Il nous appelle d’Istanbul, où il est étudiant Erasmus cette année. Mais dans sa tête, Mohamed Chaia est «à Vaulx». Depuis l’incendie meurtrier, qui a tué dix personnes dont quatre enfants la semaine dernière, dans sa ville près de Lyon, ce Vaudais de 22 ans n’arrive pas à se poser. Dès qu’il a vu «l’info sur (s)on téléphone» le jour du drame, Mohamed s’est arrêté dans un café pour appeler, «j’avais tellement besoin de parler aux gens du quartier que j’y suis resté jusqu’à la fermeture», raconte-t-il.
Enfant du quartier du Mas du Taureau, théâtre de l’incendie, il assure que «ce n’est pas l’un des plus insalubres ou pauvres de la ville». Il a été d’autant plus bouleversé par la nouvelle qu’il connaissait très bien les quatre enfants morts dans l’incendie et leur mère, tous bénéficiaires de l’association qu’il a créée en 2017. «Cette famille était venue à plusieurs de nos actions, et les enfants étaient inscrits à l’aide aux devoirs».
«On a agi presque par réflexe», analyse-t-il. Son association Coeur Banlieu Zhar a aussitôt mis en place des collectes de vêtements, de nourriture, mais aussi une cagnotte en ligne pour venir en aide aux victimes.
A Vaulx-en-Velin après l’incendie, plus de 50 000 euros de dons en 24 heures
Hyperactif sur la gestion des réseaux sociaux de l’association depuis l’incendie, Mohamed est en colère contre certains médias qui «viennent nous jeter à la figure des poncifs sur l’insécurité, alors que sans nier les difficultés sociétales ici, il y a une entraide magnifique dans ces quartiers».
La preuve : «la solidarité extraordinaire» qui s’est mise en place aussitôt après le drame, «avec une mobilisation très rapide des bénévoles». «On a été choqués par la vague immense de personnes venues donner de leur temps, de leur argent aussi», ajoute-t-il. La cagnotte en ligne, qui a récolté plus de 50 000 euros en 24 heures, a vu venir «des dons de Belgique, de Turquie même !», s’étonne-t-il.
C’est avec des amis du lycée, que Mohamed a cofondé Coeur Banlieu Zhar, pour venir en aide aux personnes en précarité alimentaire d’abord, mais aussi dans l’idée de changer le regard sur Vaulx-en-Velin : «Zhar en arabe, c’est la chance», précise-t-il. «On dit que les jeunes ne font rien, ne s’engagent pas, mais regardez, on a une moyenne d’âge de 21 ans dans l’association, et on est à fond dans l’action». De cinq adhérents en 2017, Coeur Banlieu Zhar est passée à 90 aujourd’hui, et organise même des chantiers de bénévolat à l’étranger. L’été dernier, les jeunes ont retapé entièrement une école au Sénégal.
Étudiant en troisième année à Sciences-Po Paris, Mohamed assure qu’il sera toujours impliqué à Vaulx, regrettant que souvent «les personnes qui ont fait de grandes écoles ne reviennent plus. Ce n’est pas ce que j’ai envie de montrer, je ne peux pas me construire en niant d’où je viens». Avec dans l’idée d’y revenir une fois diplômé.
>> Cet article est issu de la newsletter de Mediavivant. Pour la lire, c’est par ici.
La Ville de Lyon a annoncé ce lundi 19 décembre sa décision de fermer un gymnase qu’elle avait elle-même mis à disposition pour loger environ 80 jeunes migrants. Deux jours auparavant, elle avait pourtant ouvert un autre gymnase pour mettre à l’abri des familles. Alors même que l’hébergement d’urgence n’est pas sa compétence, la Ville de Lyon tente de jongler entre volontarisme politique et pression sur d’autres institutions locales pour les amener à prendre leur part. Aux dépens des jeunes hébergés ?
Ce lundi 19 décembre, alors que les vacances scolaires débutent, une trentaine de personnes est massée devant les grilles du gymnase Marcel Dargent, dans le 8e arrondissement de Lyon. À l’intérieur, environ 80 jeunes migrants attendent qu’on décide de leur sort. Pourront-ils rester dans ce gymnase mis à disposition par la Ville de Lyon et qui leur sert d’hébergement depuis fin septembre ? Devront-ils faire leurs bagages pour s’installer ailleurs ? Ou est-ce la rue qui les attend ?
« Où on crèche à Noël ? » résume la pancarte d’une des personnes présentes.
Fermeture du gymnase Dargent, mis à disposition par la Ville de Lyon pour 80 jeunes migrants
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Fêtes de fin d’année obligent, notre sélection de sorties à Lyon s’étale pour une fois sur deux semaines avec au passage quelques suggestions d’activités pour le réveillon du 31 décembre. N’hésitez pas à ajouter les vôtres en commentaires.
Dos ados
C’est un peu la saison des artistes plasticiens multi-cartes et multi-supports (relire nos différentes sélections depuis la rentrée). Une preuve de plus avec la jeune Johanna Cartier, 26 ans, venue de Brest. Elle ne craint pas de passer d’un médium à l’autre : dessin, peinture mais aussi sculpture, installation. Plus plus qu’elle n’a de peine à s’immerger dans des milieux différents pour cueillir ses thématiques avec un certain sens du pointu (les routiers, les fans de moto-cross, les concours canins). Ici, avec Terrains Fragiles, Amour Miskine, ce sont les adolescentes poussées en milieu rural (un écosystème qu’elle connaît bien), leurs corps, leur ennui, leur genre d’éthique, leurs émois amoureux. Un vrai travail de teen-entomologiste.
Terrains Fragiles, Amour Miskine de Johanna Cartier (c). Kommet
Conte défait
Les adaptations de Hansel et Gretel, célèbre conte des frères Grimm, ne manquent pas. Celle-ci, signée Igor Mendjisky et créée l’été dernier à Avignon est savoureuse et s’adresse aux petits (à partir de 7 ans). Peut-être parce qu’elle est assez libre et personnelle, prenant place dans un décor de chambre d’enfant. Ici, Hansel et Gretel, que tout le monde recherche, se sont en réalité enfuis, partis vivre la grande aventure de l’émancipation et de la découverte du monde. Avec les aventures réelles ou imaginaires que cela peut engendrer. Le spectacle, farci d’inventions visuelles et sonores, sera notamment donné le soir du 31 décembre.
En 2018, l’Auditorium avait déjà donné une soirée gospel mémorable. Qui risque ici de trouver une suite avec le Choeur gospel Philharmonic Experience. Un choeur XXL avec un cœur gros comme ça, comprenant des chanteurs amateurs de la région lyonnaise et dirigé par Pascal Horecka, ancien du Conservatoire de Lyon. Il dirigera l’une de ses compositions mais surtout des œuvres célèbres. De George Gerswhin (Strike up the band) aux classiques du Negro-spiritual, bien sûr une guirlande de chants de Noël (Oh Holy Night, Have yourself a Merry Little Christmas, Jingle Bells…). Et, plus pointu, l’Alléluia du Messie de Handël. De quoi se réchauffer les mains en tapant dedans le soir du réveillon.
Une fois n’est pas coutume, une petite sortie ciné (ou plusieurs) s’imposent durant ces vacances. Vous avez déjà vu Avatar2 ou ça ne vous intéresse pas ? Tentez-donc une des rétrospectives chargées d’achever l’année à l’Institut Lumière. Au programme deux géants du patrimoine cinématographique. Dans des registres éminemment différents mais tout aussi réjouissants. D’un côté, Ernst Lubitsch, le spécialiste de la comédie (pas si) classique américaine (il avait entamé sa carrière dans le muet en Allemagne) : To be or not to be, The Shop around the corner…). De l’autre, l’un des piliers du cinéma politique italien, Fransesco Rosi, (Cadavres exquis, Main basse sur la ville) également auteur d’une mémorable adaptation de Carmen. Les deux rétrospectives s’accompagnant d’un certain nombres de bonus, de remakes en documentaires.
L’Amérique toujours, cette fois du côté de Broadway. Et de l’Opéra. C’est le programme du Nouvel an de la maison lyonnaise qui accueille le britannique Wayne Marshall, chargé de diriger les festivités. Ce pianiste, organiste et chef d’orchestre, est un fin connaisseur de Leonard Bernstein et George Gershwin. Soit deux des grands responsables de la réputation et de l’esthétique Broadway. Au programme notamment, Rhapsody in Blue, An American in Paris ou la Cuban Ouverture de Gershwin, un extrait de Candide (joué en ce moment à l’Opéra) et un peu de West Side Story pour Bernstein.
Farid, Mélissa et leurs enfants ont vécu pendant cinq ans dans l’immeuble où s’est déclaré l’incendie qui a fait dix morts à Vaulx-en-Velin. Ils racontent des conditions de vie indignes, dans un logement insalubre et dangereux.
Farid (le prénom a été modifié), 27 ans, travaille comme livreur dans l’agglomération lyonnaise. Ce vendredi 16 décembre, vers 3 heures du matin, il se préparait comme d’habitude à aller travailler. Distraitement, il jette un coup d’œil sur son téléphone et voit des images d’incendie sur le Snap d’un jeune de Vaulx-en-Velin. Lui-même Vaudais d’origine, Farid ne s’inquiète pas trop :
« Là-bas, le feu on en a l’habitude, il y a presque tous les jours quelque chose qui brûle. Je me suis dit que les pompiers allaient éteindre ça rapidement. »
« Mon sang n’a fait qu’un tour, j’ai appelé tous ceux que je connaissais là-bas. »
Car Farid connaît bien l’immeuble de Vaulx-en-Velin qui a pris feu dans la nuit du 15 au 16 décembre, faisant dix morts dont cinq enfants. Il y habitait encore il y a quelques mois avec sa femme Mélissa et leurs trois enfants, dans l’allée mitoyenne de celle où l’incendie mortel s’est déclaré. Ce drame n’a pas surpris le couple, qui raconte cinq années passées dans un immeuble insalubre et dangereux, à craindre pour leur sécurité et celle de leurs enfants.
Le 12, chemin des Barques, à Vaulx-en-Velin, où s’est déclaré l’incendie dans la nuit du 15 au 16 décembre.Photo : LB/Rue89Lyon
Il y a cinq ans, Farid et Mélissa, âgés respectivement de 22 et 24 ans, décident de s’installer ensemble dans la région lyonnaise. Lui a grandi à Vaulx-en-Velin et Villeurbanne, elle est originaire de l’Isère. Le couple étant au RSA, leur recherche de logement s’embourbe rapidement. Jusqu’à ce qu’ils tombent sur cet appartement du 13, chemin des barques, à Vaulx-en-Velin. Un T3 miteux de 69 m², loué à 780 euros par mois. Malgré l’exiguïté du logement, et son loyer conséquent, le couple signe le bail.
« C’est la seule propriétaire qui a bien voulu de nous », explique simplement Farid.
« Nos prises électriques prenaient feu toutes seules »
La petite famille emménage, à l’étroit mais soulagée d’avoir un toit sur la tête. Rapidement, Mélissa et Farid découvrent que l’appartement est insalubre. Des taches de moisissure s’étalent sur les murs, et le logement est rongé de cafards et d’asticots. En 2020, le couple affirme avoir contacté les services d’hygiène de la ville, sans réponse.
Mélissa et Farid commencent à redouter un drame étant donné l’état du réseau électrique.
« Nos prises prenaient feu toutes seules, parfois on prenait même le jus, se souvient Farid. On est restés un an et demi sans aucune lumière au plafond, on n’a jamais compris pourquoi. »
« Le compteur électrique n’était pas aux normes. A l’intérieur, les fusibles étaient enveloppés dans du papier d’aluminium pour qu’ils aient la bonne taille », complète Mélissa.
Farid, Mélissa et leurs trois enfants ont vécu cinq ans dans ce logement de la copropriété « Cervelières » de Vaulx-en-Velin, dans l’allée mitoyenne à celle où s’est déclarée l’incendie mortel. DR
Or, l’appartement ne dispose d’aucun détecteur de fumée. Pourtant, en 2016, la copropriété avait déjà été touchée par un incendie. Dans la nuit du 22 au 23 août, l’allée 13 avait pris feu, à cause d’un feu de poubelle qui s’était propagé à une bouche de gaz. Une soixantaine de personnes avaient dû être évacuées mais les flammes n’avaient fait aucune victime.
Inquiet pour la sécurité de la petite famille, Farid décide d’installer lui-même un système d’alarme.
« J’en ai choisi un qui soit un peu perfectionné, pour être prévenu en cas d’incendie même sur mon téléphone », précise-t-il.
« Je me souviens d’un appartement dont les toilettes ne fonctionnaient pas, loué 1000 euros par mois à des sans-papiers »
Il y a un peu plus d’un an, la propriétaire de l’appartement annonce son intention d’augmenter le loyer, indépendamment de son état dégradé. C’est la goutte d’eau pour Farid.
« J’ai immédiatement refusé. Je lui ai dit que je ne paierai rien tant qu’elle ne fera pas de travaux dans l’appartement. Pendant un an, on n’a pas payé le loyer. »
Ce qui ne semble faire ni chaud ni froid à la propriétaire. Le couple commence à se poser des questions sur l’honnêteté de cette dernière. Si Farid et Mélissa ont bien signé un bail, déclaré à la CAF, ils n’ont jamais reçu aucune quittance de loyer et doivent impérativement payer le loyer en espèces. D’après le couple, leur appartement de 69 m² insalubre, qu’ils louent à 780 euros par mois, fait partie des moins chers de la copropriété.
« Il y a des logements minables qui sont loués bien plus chers, affirme Farid. Au premier étage, je me souviens d’un appartement pourri, loué pour 1000 euros par mois à des sans-papiers. Les toilettes ne fonctionnaient même pas, ils devaient faire leurs besoins dans un seau. »
« C’est un point de deal »
Dans l’immeuble en lui-même, les conditions de vie se dégradent. Farid et Mélissa décrivent des parties communes vétustes, lambrissées de bois et un défaut d’entretien général. Le père de famille raconte ainsi être intervenu de nombreuses fois pour décoincer des voisins, bloqués dans l’ascenseur. Dans le hall, des groupes de jeunes suscitent l’irritation des habitants.
« C’est un point de deal, et c’est de la drogue dure, affirme Farid. La police intervient régulièrement mais les jeunes prenaient la fuite par la seconde porte d’entrée du hall. Alors elle a été condamnée. Ils squattent quand même dans le hall, il y en a qui ont même été surpris en train de faire cramer des cartons de pizza ! »
Entre l’insalubrité de l’appartement, le réseau électrique défaillant et les expériences inquiétantes des jeunes dans le hall, la petite famille décide de déménager. En juin, Mélissa, Farid et leurs enfants se sont installés à Vénissieux, dans le quartier Moulin-à-vent. C’est le soulagement. Cet appartement-là est correct, et a même son détecteur de fumée. Les images de l’incendie de Vaulx-en-Velin resteront malgré tout longtemps gravées dans l’esprit de Mélissa et Farid. Mais aussi de leurs enfants, dont certains copains sont décédés dans le drame.
Le hall du 12 chemin des Barques, à Vaulx-en-Velin, d’où serait parti l’incendie mortel. Depuis le drame, cette photo tourne sur les réseaux sociaux. DR
Après plusieurs années d’exercice en temps que médecin au centre de rétention administrative de Lyon, Thomas Millot a choisi de démissionner. Il dénonce, dans une lettre ouverte, un système de rétention qui génère de la violence pour les détenus comme pour ceux qui y travaillent.
Le Dr Thomas Millot officiait depuis octobre 2017 au Centre de rétention administrative de Lyon Saint-Éxupéry. Ce 15 décembre 2022, il a démissionné, après avoir cherché durant plusieurs mois à quitter ce poste. Il assurait un suivi médical des personnes retenues pendant quatre demi-journées par semaine, dans une équipe des Hospices civils de Lyon (HCL) dédiée à divers établissements carcéraux.
Dans une lettre ouverte publiée en lien avec l’association La Cimade, il dénonce « une fabrique de violence particulièrement efficace et inhumaine. Et ceux qui y travaillent, policiers et partenaires, comme ceux qui y sont enfermés, subissent de jour comme de nuit cette violence institutionnelle. »
Nous reproduisons ci-dessous ce texte.
« Les unités médicales du centre de rétention échappe à tout contrôle des agences régionales de santé »
« Ce jour, après 5 années d’exercice de la médecine en centre de rétention administrative, je quitte mon poste en raison de l’impossibilité d’y exercer mon métier.
En arrivant en octobre 2017 au CRA 1, je n’ignorais pas que cet exercice ne prend que le sens que nous soignants souhaitons lui donner, les législateurs, qui écrivent patiemment à intervalle très régulier des lois migratoires, n’y incluant jamais de volet sanitaire.
Dans le même esprit, les unités médicales des centres de rétention échappent à tout contrôle des agences régionales de santé ainsi que du ministère de la santé, comme il en est de la gestion des titres de séjour pour raisons médicales dont la responsabilité a été confiée à l’Ofii, organisme public placé sous la tutelle du ministère de l’intérieur. Ainsi, l’interlocuteur privilégié de toute question médicale se trouve être la préfecture : c’est auprès de la préfecture que l’on plaide pour l’amélioration de la qualité ou de l’offre de soins.
Cette situation volontairement ubuesque qui consiste à confier la gestion de l’offre de soins à des policiers rend bien évidemment compte de l’absence de volonté des gouvernements successifs de s’intéresser aux questions sanitaires des étrangers en cours d’expulsion. Aussi dénuée de toute humanité qu’elle soit, cette stratégie reste parfaitement cohérente au regard du traitement fait aux réfugiés arrivant en Europe depuis plusieurs années.
C’est donc en étant parfaitement conscient de l’hypocrisie qui consiste à mettre au milieu des centres de rétention des services médicaux sans moyens que je suis venu y travailler. Après tout, ce n’est ni plus ni moins dégradé que de la médecine humanitaire…
Dans le centre de rétention de Lyon, « la seule loi qui prévaut est celle de la violence »
En janvier 2022, après plus de quatre années de pratique de cette médecine de précarité, un tout nouveau centre de rétention a ouvert à Lyon, l’unité médicale y a donc emménagé : bâtiments neufs, accès ultra sécurisés, des caméras partout, des filets, des barbelés, etc… un véritable centre de détention.
La préfecture y enferme des sortants de prison ou des sans-papiers arrêtés dans la rue pour trouble à l’ordre public, une population de retenus ultra précarisée, souvent d’anciens mineurs non accompagnés qui ont perdu toute attache familiale à la pré-adolescence, ont débuté la toxicomanie à peu près au même âge et ne connaissent des rapports humains que ceux que la rue génère.
Dans cet environnement, les zones d’hébergement sont régies par le principe de la libre circulation par obligation légale et il n’y a aucun surveillant, car la police aux frontières n’a pas vocation à surveiller, elle a vocation à éloigner les personnes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. C’est ainsi que pour survivre dans les zones d’hébergement, pour conserver ses affaires ou son intégrité physique, pour ne pas se faire racketter ou tout simplement pour essayer d’attendre sereinement son expulsion du territoire, la seule loi qui prévaut est celle de la violence.
« La violence institutionnelle, (…) très loin des réalités des centres de rétention, ruisselle sur tous les travailleurs de terrain »
Violence qui s’exerce de jour comme de nuit puisque les portes des chambres sont toujours ouvertes. Aucun membre de l’institution, aucun fonctionnaire n’est affecté à la mise en œuvre de relations normalisées, personne n’aplanit les tensions, personne ne se soucie… pas forcément de manière consciente d’ailleurs, les bonnes volontés existant aussi largement dans la police, tout comme le sous-effectif criant qui oblige à travailler en permanence de manière dégradée.
Dans les prisons, établissements dans lesquels je pratique également mon métier depuis 10 ans, chaque étage de détention a son surveillant. Celui-ci connait les détenus de son étage, ouvre les portes, règle les conflits, répond aux demandes, ou discute tout simplement… avec plus ou moins de réussite évidemment, rien n’est parfait nulle part. Mais l’administration pénitentiaire a compris depuis longtemps que pour avoir une détention pacifiée, la matraque et la caméra ne suffisent pas.
En l’absence de volonté politique de pacification dans les centres de rétention, la violence est partout et s’exerce sur tous : violences entre retenus, à l’égard des fonctionnaires de police, à l’égard des juristes de Forum réfugiés, à l’égard des médiateurs de l’Ofii, à l’égard du personnel soignant. C’est une grande vague d’agressivité qui s’installe et qui s’immisce dans tous les recoins du centre : la violence institutionnelle générée dans des bureaux, loin, très loin des réalités rétentionnaires, ruisselle proprement et méthodiquement sur tous les travailleurs de terrain que nous sommes.
« Je pars du centre de rétention administrative de Lyon par dépit »
Ainsi, moi qui suis médecin de l’hôpital public, travaillant dans des missions d’intérêt général depuis presque toujours, aux urgences, en prison, en rétention, moi qui suis venu en conscience travailler dans un milieu difficile avec la ferme intention de participer à une mission de service public, je me vois depuis plusieurs mois être parasité, infesté par cette agressivité. Je deviens agressif avec mes propres patients, je ne parviens plus à prendre le recul nécessaire à ma pratique professionnelle.
J’ai le sentiment d’avoir été moi-même broyé par la politique rétentionnaire déshumanisée de mon propre pays, une sorte de dommage collatéral en quelque sorte.
Je pars donc du centre de rétention administrative de Lyon ce jour, par dépit, car les conditions de base qui pourraient me permettre d’y faire du soin n’existent pas.
Le CRA de Lyon est une fabrique de violence particulièrement efficace et inhumaine. Et ceux qui y travaillent, policiers et partenaires, comme ceux qui y sont enfermés, subissent de jour comme de nuit cette violence institutionnelle.