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Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

Emma, étudiante à Lyon 3 : « Je n’ai même plus la force de me battre »

Emma, étudiante à Lyon 3 : « Je n’ai même plus la force de me battre »

Emma* a 19 ans. Elle redouble sa première année de droit à l’université Lyon 3, au campus de Bourg-en-Bresse. Elle est pourtant titulaire d’un bac mention très bien. L’étudiante est en souffrance depuis le premier confinement. Aujourd’hui, elle nous parle de son épuisement psychologique. Nous publions son témoignage.

« L’année dernière, j’ai commencé à suivre une licence de droit à l’université Lyon 3, sur le campus de Bourg-en-Bresse.

Au premier semestre, j’ai eu des bonnes notes et je travaillais bien. Puis, le Covid est arrivé et nous avons été confinés à la moitié du second semestre. 

Les cours se sont arrêtés brutalement et nous n’avons pas terminé le programme. Nous n’avions plus de cours magistraux, et pour valider nos matières nous devions réaliser des exercices écrits et les envoyer aux professeurs sans aide ou explication sur les méthodes à appliquer.

Je suis une élève sérieuse qui se soucie énormément de mon avenir. Cette situation a généré beaucoup de stress chez moi.

« J’ai vécu mon redoublement comme un échec »

Sans explications claires de ce qui était attendu par les professeurs, je n’ai pas réussi à avoir des notes suffisantes pour valider mon deuxième semestre.

J’ai validé l’histoire du droit mais pas le droit civil et le droit constitutionnel. J’ai donc échoué aux examens de ma première année. J’ai envoyé des mails pour comprendre mes erreurs mais je n’ai jamais obtenu de réponse.

Normalement, j’aurai dû avoir une deuxième chance : les rattrapages. Mais l’année dernière, ils ont été annulés à cause du Covid. J’ai donc redoublé ma première année sans avoir eu la chance de repasser les examens.

Je l’ai vécu comme un véritable échec. J’ai toujours été studieuse. J’avais honte de le dire, même à mes amis qui étaient étonnés que j’ai échoué. J’ai le sentiment d’avoir raté sans avoir eu la possibilité de prouver ce que je valais réellement.

« Il ne me reste que ma petite bourse étudiante »

A cause de mon redoublement, j’ai perdu ma bourse au mérite. Elle m’était attribuée par la Région grâce à l’obtention de mon baccalauréat mention Très Bien en section Economique et Sociale (ES). Il ne me reste que ma petite bourse étudiante [aide du CROUS] et l’aide de mes parents pour payer mon appartement.

Cette année, pour éviter de perdre toute motivation, j’ai suivi les cours avec ceux qui étaient passés en deuxième année, tout en révisant les matières de droit civil et de droit constitutionnel que je devais repasser en janvier.

Chaque semaine, je me suis acharnée, j’ai repris chaque cours, j’ai regardé des dizaines de vidéos sur chaque sujet et j’ai trouvé d’autres méthodes d’apprentissage pour améliorer mes connaissances et ma rédaction.

« Aucun planning ne m’a été transmis »

Lorsque j’ai demandé aux professeurs ce qui était précisément au programme de mes examens de rattrapage, personne n’a su me répondre. J’ai appris quelques semaines avant les examens que je devais repasser toutes les matières du second semestre, au lieu de seulement repasser celles que j’avais ratées.

Je me suis alors rendue sur le Moodle [plateforme éducative, ndlr] et j’ai regardé dans mes mails pour voir si j’avais reçu des informations, ou même des liens pour accéder aux cours en visoconférences. Je n’ai rien trouvé.

Si j’avais été prévenue en fin d’année 2019/2020 que ces matières seraient de nouveau évaluées, j’aurais utilisé mon temps (bien assez long) pour les travailler de nouveau.

« Le quotidien est terriblement déprimant »

A la rentrée, nous avons eu cours en présentiel, pendant environ trois semaines. Après, nous avons courtement expérimenté « l’hybridation », c’est à dire l’alternance du présentiel et du distanciel. C’était mieux que rien. Mais dès octobre, nous sommes passés en distanciel uniquement.

Le distanciel n’est pas toujours facile parce que j’ai de gros problèmes de connexion et j’entends la moitié des cours. Je trouve aussi qu’on se lasse plus vite de suivre les cours car non seulement on ne peut pas y participer, mais en plus, on est cloîtré à la maison toute la journée, l’esprit s’égare plus facilement.

Le quotidien est terriblement déprimant : on suit les cours en distanciel, puis on les retravaille jusqu’au soir, puis on mange puis on dort. On ne sort presque plus.

« Mon projet professionnel est réduit à néant »

A cela, il faut ajouter qu’une réforme du métier de commissaire de justice a été instituée, compliquant l’accès au métier que je visais. Mon projet professionnel me semble aujourd’hui réduit à néant et je ne sais ni quoi faire, ni comment éventuellement me réorienter. Sans parler de l’absence d’aide et de soutien. Il m’est difficile de savoir de quoi j’ai envie alors que j’ai le sentiment d’être au pied du mur, à vivre un quotidien sans goût et répétitif.

J’avais prévu tant de choses pour mon avenir, j’ai l’impression que tout est broyé et qu’on m’envoie balader en me disant simplement que je ne suis capable de rien, alors que je suis d’ordinaire compétitrice et que j’ai l’envie de réussir.

Je n’ai même plus la force de me battre pour un avenir où on me fait sentir que je ne suis pas à ma place. Je me sens désemparée.

Des numéros d’aide psychologique sont mis à disposition par la Fac depuis la récente tentative de suicide à Lyon 3 mais aussi par des associations depuis le premier confinement. Mais pour moi, le contact par téléphone déshumanise totalement. C’est pourquoi j’hésite à les utiliser.

« Je me sens très seule »

Il y a eu aussi une part de malchance dans ma famille. J’ai accumulé des soucis personnels, comme le décès d’un proche, lié au Covid. Nous n’avons pas pu nous réunir pour dire au revoir au défunt, c’était très difficile à vivre.

Quand, en plus de ça, il faut penser à comment payer le loyer, comment valider son année alors que les attentes sont aussi peu explicites… C’est dur psychologiquement, même avec toute l’aide qu’on peut nous proposer. Je me sens très seule malgré le soutien moral de mes amis et de ma famille proche. Je me sens délaissée par le ministère de l’Enseignement supérieur qui ne nous apporte aucune solution.

Je crains aussi que nos diplômes ne perdent de la valeur, au vu des conditions dans lesquelles nous avons été évalués.

Même en dehors de la crise du Covid, avoir un avenir après le lycée est vraiment difficile, même avec toute la bonne volonté du monde. Plus les études après le bac sont longues et ardues, plus la réussite me semble compromise pour ceux qui ne sont pas très chanceux. Avoir la chance de pouvoir redoubler sans s’inquiéter des conséquences financières, avoir la chance de pouvoir étudier dans un environnement encourageant… Ce n’est pas donné à tout le monde.

Bureau d’une étudiante confinée, qui y passe le plus clair de son temps.Photo : LS/Rue89Lyon

« Je ne sais pas si on peut trouver un seul étudiant qui ne souffre pas »

En échangeant avec d’autres étudiants, je me suis rendue compte que nous sommes tous touchés par des problèmes psychologiques, familiaux, financiers, scolaires. Je ne sais pas si on peut trouver un seul étudiant qui ne souffre pas de la situation actuelle. Pourtant, j’ai le sentiment que les “adultes”, en tout cas ceux qui sont déjà dans le monde du travail, ne prennent pas en compte avec quelle violence la jeunesse étudiante vit la crise.

On me dit souvent qu’on est encore jeunes, et qu’on exagère, comme si on exprimait des préoccupations nombrilistes alors qu’on est vraiment dans une situation générale de souffrance étudiante.

*Le nom de l’étudiante a été changé.

Covid-19 : un important excédent de mortalité dans le Rhône, la Loire et l’Isère

Covid-19 : un important excédent de mortalité dans le Rhône, la Loire et l’Isère

[En graphiques] L’ensemble de la région Auvergne-Rhône-Alpes a connu un excédent de mortalité important en 2020. Cette surmortalité ne peut en totalité être attribuée à la Covid-19 même si, comme ailleurs, les pics de mortalité se concentrent autour des deux « vagues » de la crise sanitaire en cours. Et les plus de 65 ans sont les plus concernés. Zoom sur le Rhône, la Loire et l’Isère.

L’INSEE a publié les statistiques complètes de la mortalité 2020. Il est donc possible à l’échelle d’une année de mesurer, au moins partiellement, les effets de la crise sanitaire actuelle.

Excédent de mortalité de 7,9% en 2020 en Auvergne-Rhône-Alpes

Selon ces données, dont les plus récentes seront encore à confirmer (données de fin décembre encore à consolider), il y a eu 483 731 décès en 2020 en Auvergne-Rhône-Alpes contre 448 015 en 2019 (et 446 157 en 2018). Un excédent de 35 716 morts par rapport à 2019 donc, soit une hausse de la mortalité toutes causes confondues de 7,9 %.

Selon le dernier bilan 2020 de Santé Publique France, ce sont environ 11 287 décès attribués au Covid qui ont été enregistrés dans la région. Ces chiffres concernent les décès à l’hôpital, en Ehpad et autres établissements médicaux, hors décès éventuels à domicile.

La Covid-19 semble donc peser de façon directe pour un tiers environ dans la surmortalité enregistrée en 2020 en Auvergne-Rhône-Alpes.

Une surmortalité durant les vagues épidémiques

Par endroits, cet excédent de mortalité a été bien supérieur. C’est le cas dans les trois départements les plus peuplés de la région : le Rhône (+15,7%), la Loire (+17%) et l’Isère (+17,3%).

Si l’on considère la seule période de mars à décembre, celle des vagues épidémiques, la surmortalité toutes causes confondues est en augmentation par rapport à 2019 de 21% dans le Rhône, de 22,5% en Isère et de 21,7% dans la Loire.

Avec les données de l’INSEE, nous nous sommes intéressés particulièrement à ces trois départements sur la période de mars à décembre concernée par la Covid-19. Nous avons reporté les données quotidiennes de mortalité des années 2010 à 2019 et établi une moyenne pour ces 10 années (courbe verte foncée). Cela afin de la comparer avec les données de 2020 (précision : la courbe violette à faible opacité indique la mortalité brute quotidienne, celle plus opaque est une moyenne quotidienne sur 7 jours glissants).

>> (Survoler le graphique pour voir le détail des données / Cliquer ici pour voir le graphique en plein écran)

Les pics de surmortalité apparaissent clairement au printemps, du 13 mars à début mai, et à l’automne à partir du 14 octobre et spécialement durant le mois de novembre 2020. Deux périodes correspondant aux deux « vagues » épidémiques enregistrées en 2020 et dont la deuxième n’est pas totalement retombée, voire en cours de reprise.

Une « deuxième vague » de l’automne plus « meurtrière »

On observe, à l’instar des décès imputés à la Covid-19, une surmortalité plus réduite au printemps (à l’exception du Rhône). Lors de la vague épidémique de l’automne, la surmortalité est plus marquée dans la durée, spécialement, dans la Loire et l’Isère.

Ainsi, la période de la première vague épidémique du printemps pèse moins que celle de l’automne-hiver dans la mortalité enregistrée de mars à décembre 2020 :

    Isère :
      période mars-avril 2020 : 1721 décès contre 1545 en 2019 (+11%), soit 10,2% de l’excédent de mortalité de mars à décembre 2020.période septembre-décembre 2020 : 4540 décès contre 3125 en 2019 (+45%), soit 82% de l’excédent de mortalité de mars à décembre 2020.
    Loire :
      période mars-avril 2020 : 1635 décès contre 1400 en 2019 (+16%), soit 16,7% de l’excédent de mortalité de mars à décembre 2020.période septembre-décembre 2020 : 3925 décès contre 2643 en 2019 (+48%), soit 88% de l’excédent de mortalité de mars à décembre 2020.
    Rhône :
      période mars-avril 2020 : 3385 décès contre 2450 en 2019 (+38%), soit 37% de l’excédent de mortalité de mars à décembre 2020.période septembre-décembre 2020 : 6382 décès contre 4833 en 2019 (+32%), soit 61% de l’excédent de mortalité de mars à décembre 2020.

Dans la Loire et l’Isère, les mesures sanitaires semblent avoir assez rapidement stoppé la dynamique au printemps. Limitant ainsi le mortalité durant cette période.

Ainsi, dans la Loire malgré un nombre d’hospitalisations dues à la Covid-19 relativement élevé au regard de sa population, la mortalité toutes causes confondues connaît un excédent bien plus limité qu’à l’automne.

Le Rhône, lui, semble avoir davantage subi dans un premier temps. A l’automne, la surmortalité est supérieur et dure elle aussi davantage dans le temps. Elle n’atteint toutefois pas les pics de la première « vague » épidémique de Covid-19.

Une surmortalité qui touche surtout les plus de 65 ans

>> (Survoler le graphique pour voir le détail des données / Cliquer ici voir le graphique en plein écran)

Une autre corrélation concerne la population touchée par cette surmortalité. On sait désormais que les plus de 65 ans sont les plus à risques face au Covid-19. Nous avons isolé les mêmes données pour les plus de 65 ans pour les départements du Rhône, de l’Isère et de la Loire.

La comparaison montre que, dans ces trois départements de la région, la surmortalité est plus marquée chez les plus de 65 ans. Encore une fois, il s’agit d’une corrélation, l’excédent de mortalité ne pouvant être attribué totalement au Covid-19. Cette surmortalité est aussi imputable à l’évolution plus structurelle de cette catégorie de la population directement concernée par le vieillissement.

65-75 ans plus touchés à l’automne qu’au printemps

Dans le détail des tranches d’âge, on voit que les plus jeunes sont peu voire pas concernées par un excédent de mortalité selon les périodes en 2020.

En Auvergne-Rhône-Alpes, on remarque que la mortalité a essentiellement concerné les tranches d’âge les plus âgées. La période automnale et le début de l’hiver présente un excédent de mortalité plus important qu’au printemps (mars-avril).

On remarque également que les tranches d’âge de 74 à 85 ans et plus de 85 ans ont été largement affectés durant ces deux périodes de vagues épidémiques de Covid-19. La tranche d’âge des 65 à 75 ans l’est de façon nettement plus marquée au cours de l’automne dans les trois départements. C’est le cas notamment dans la Loire  :

(pour visualiser l’évolution cliquer sur la croix sous les graphiques et filtrer le tableau avec les boutons « 1_mars_avril » « 2_mai_aout » ou « 3_sept_dec » sous les graphiques)

Et aussi en Isère :

Mais aussi dans le Rhône même si cette tranche d’âge était déjà plus touchée au printemps :

La Savoie et la Haute-Savoie, plus fort excédent de surmortalité en 2020

L’excédent de mortalité enregistré en 2020 est de l’ordre de 9 % au plan national et de 8 % environ en Auvergne Rhône-Alpes. Le Rhône, la Loire et l’Isère ont connu une plus forte surmortalité encore en 2020. Ce ne sont toutefois pas ceux qui ont connu le plus fort excédent de mortalité dans la région. Les deux Savoie, fortement touchées par la deuxième « vague » épidémique de novembre, présentent une mortalité toutes causes confondues en hausse de 20 % par rapport à 2019.

Covid-19 : une cause directe et indirecte de décès

Corrélation n’est pas causalité. Encore une fois, l’ensemble de l’excédent de mortalité ne peut être attribué directement à la Covid-19. Sa part dans la surmortalité reste difficile à mesurer précisément.

Elle est directe (les décès attribués à la maladie) mais aussi, comme l’expliquent de nombreux médecins, indirecte. L’encombrement des hôpitaux ou la peur de s’y rendre a engendré des reports d’opérations, d’examens médicaux voire dans certains cas une absence de consultation. Une situation qui a pu retarder ou empêcher la prise en charge d’autres pathologies et engendrer des décès.

Elle demeure toutefois non négligeable. D’autres causes de décès comme la criminalité ou les accidents de la route ont chuté dans le même temps en 2020 comme l’indique l’INSEE.

A Lyon, la Marche des libertés stoppée par la police

A Lyon, la Marche des libertés stoppée par la police

Entre 1300 et 5000 personnes ont participé à la Marche des libertés et des justices ce samedi 16 janvier, à Lyon. Lutte contre la loi de sécurité globale, contre les violences policières… Le cortège a drainé de nombreuses revendications avant de s’arrêter. Les forces de l’ordre ont demandé aux manifestants de se disperser, une heure après le début de la marche.

C’est la première fois depuis de nombreuses années qu’une manifestation déclarée est dispersée avant son terme. Récit d’une après-midi noyée dans un nuage de lacrymo.

Les forces de l’ordre reçoivent des projectiles à l’intersection Cours Lafayette – Avenue Thiers. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

« La manifestation est terminée. Vous rentrez sur Villeurbanne. » Il est à peine 16h30, ce samedi 16 janvier, quand cet appel est lancé par les forces de l’ordre.

À l’intersection de l’avenue Thiers et le Cours Lafayette (3ème arr.), un cordon de policiers et de gendarmes avance peu à peu sur les manifestants désorganisés à la suite de jets de projectiles auxquels ont répondu des tirs de gaz lacrymogène. Le cortège se rabat en pagaille. Partie de Villeurbanne, la Marche des libertés et des justices est tout juste rentrée dans Lyon. Après à peine une heure de marche, les manifestants sont sommés de se disperser, loin de leur objectif : la place Bellecour.

Pourtant, deux heures auparavant, l’ambiance à Gratte-ciel, lieu de départ du cortège, est plutôt détendue. Prévu initialement devant l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), le lieu de rendez-vous a été légèrement déplacé.

« Je suis contre la loi de sécurité globale qui vise à nous empêcher de filmer les policiers, et contre la loi sur le séparatisme, explique Bastien. La surveillance par drone, le fichage des citoyens… Ces lois retirent des droits aux citoyens pour en donner à la police. » 

À 29 ans, le jeune homme porte le gilet jaune depuis un an et se retrouve dans la manière « horizontale » de fonctionner du groupe.

Têtes grisonnantes, jeunes, nouveaux venus… entre 1300 et 5000 personnes (selon la préfecture ou les organisateurs) se sont retrouvées ce samedi autour de causes multiples. 

Les Gilets jaunes sont venus en nombre ce samedi 17 janvier – Crédit Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

« On n’est plus gouverné mais administré par un conseil sanitaire obscure », souffle Thierry, indépendant, au chômage partiel depuis sept mois. 

Sur sa pancarte, l’homme affiche un message clair : « Aucun couvre-feu n’éteindra le feu notre colère. Nos droits, et nos libertés. » Outre la loi de sécurité globale, il ne comprend pas les décisions prises par le gouvernement qui l’empêchent de travailler depuis sept mois.

« On m’interdit d’ouvrir ma salle, mais on autorise l’ouverture des grandes surfaces… C’est délirant et injuste ! » 

Contre les violences policières

Au micro, les prises de paroles s’enchaînent devant les camions. La sœur de Mehdi Bouhouta prend la parole pour défendre la mémoire de son frère, décédé à la suite du tir d’un agent de la BAC. La mère de Joail, mort après un contrôle de la police municipale, enchaîne. Puis, un porte-parole du syndicat national des journalistes (SNJ) s’exprime avant le rapide discours d’un militant contre la 5G et celui d’un membre du comité de liaison contre les violences policières.

À l’image de ces prises de paroles variées, la manifestation rassemble des revendications de tout bords. En tête de cortège, les familles des victimes des violences policières ouvrent la marche accompagnées de la coordination syndicale organisatrice de l’événement. Une « tête » calme pour éviter des tensions avec les forces de l’ordre. Suivent ensuite des antifascistes, des membres du PCF, des militants anti-racistes, quelques drapeaux de syndicats éparpillés puis des drapeaux de militants écologistes (Alternatiba, ANV Cop 21, etc.). Quelques dizaines de personnes organisés en black bloc sont aussi présents ainsi que des amateurs de rave party. 

Entre 1300 et 5000 personnes ont manifesté pour cette Marche des libertés du 16 janvier. Crédit Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

« Nous sommes là pour apporter notre soutien aux organisateurs de la rave du nouvel an, en Bretagne », explique Gabriel, salarié de l’association Keep smiling.

Avec son association, il fait de la prévention dans les soirées techno et cherche à faire en sorte que tout se passe au mieux avec les institutions.

« Dans un monde idéal, nous serions autorisés. Malheureusement, nous sommes toujours confrontés à une politique répressive », regrette-t-il. 

Point commun de ces manifestants aux innombrables drapeaux : une lutte contre la répression policière et la loi de sécurité globale. 

La marche dispersée au bout d’une heure

Nuage de lacrymo à l’intersection entre l’avenue Thiers et le Cours Lafayette. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

Rapidement, de premières tensions se font sentir à l’intersection avec la rue Curtelin. Après quelques jets de projectiles sur les forces de l’ordre en milieu de cortège, la manifestation reprend sans trop de problème. La situation va se corser sur l’avenue Thiers. 

Là, le cortège est une première fois coupé par des tirs de lacrymo. Il reprend ensuite jusqu’à l’intersection avec le Cours Lafayette avant d’être de nouveau arrêté. Il n’ira pas plus loin. 

Les organisateurs du mouvement n’ont pas eu voix au chapitre. Les manifestants reculent, poussés par deux cordons des forces de l’ordre déployés sur toute la largeur de l’avenue.

Dans les rues perpendiculaires, certains manifestants se retrouvent en confrontation avec des policiers. Une interpellation assez brutale a lieu dans l’une d’elle. Un jeune homme est trainé sur plusieurs mètres alors que ses amies sont calmées par les forces de l’ordre à coup de gaz lacrymogène dans les yeux.

Des interpellations, justifiées par des jets de projectiles et des violences contre les forces de l’ordre, selon la préfecture.

Au total, sept personnes ont été arrêtées.

 

Un manifestant interpellé de façon musclée dans une rue perpendiculaire à l’avenue Thiers. Crédit Pierre LEMERLE/Rue89Lyon.jpg

Dans cette ambiance chaotique, un dernier noyau de manifestants s’est retrouvé à Charpennes. Des « teufeurs » (amateurs de rave party) tentent quelques pas de danses pour relancer la machine, en vain. Un jet de bouteille vers 17h30 puis des tirs de lacrymogène finissent de disperser la place. Certains manifestants se retrouvent nassés (encerclés) par les forces de l’ordre à la suite de ce dernière altercation. 

A 18h, quelques rares groupes restent encore à Charpennes.

7 camions de gendarmerie et 12 camions de police attendaient toujours quand nous avons quitté les lieux. La préfecture n’a pas voulu communiquer sur le nombre d’agents présents.

« Tout a été fait dans les règles. Et pourtant, on nous disperse »

« Je n’ai pas d’explications de ce qui s’est passé. »

Interrogé à chaud, après la manifestation, Alexandre Buisine, du syndicat national des journalistes (SNJ) n’arrivait pas à comprendre.

« Je n’ai pas toutes les informations mais je ne sais pas ce qui a justifié l’ordre de dispersion. On nous a fait changer notre lieu de départ, notre lieu d’arrivée, interdit de passer par la rue Servient, d’aller devant les 24 colonnes… Le passage par l’avenue Thiers, c’était le choix de la préfecture. Tout a été fait dans les règles, relate-t-il. Et pourtant, on nous disperse. Même quand on nous a dispersés, toutes les rues étaient bloquées. »

Depuis près de 10 ans que Rue89Lyon couvre des manifestations à Lyon, c’est la première fois que nous constatons qu’un cortège, sur un parcours déclaré en préfecture, est dispersé une heure seulement après son départ.

« Trop d’éléments violents », selon la préfecture

Contactée, la préfecture du Rhône justifie ce choix de disperser la Marche des libertés avant son terme par les nombreuses dégradations commises le long du parcours. Les arrêts de tram du collège Bellecombe et de Thiers-Lafayette, des vitrines et du matériel TCL, ont été tagués et cassés. Deux banques ont été dégradées sur le parcours. 

« Il y a eu d’abord l’usage de gaz lacrymogène à cause de jets de projectiles systématiques sur les forces de l’ordre, affirme la préfecture. Puis, à l’angle du Cour Lafayette et de l’avenue Thiers, il a été décidé de disperser après plusieurs sommations. »

La présence de black blocs est également soulignée avec des « messages menaçants » comme « Acab » (All cops are bastard) ou « venez la prendre celle-ci » affichés sur leur banderole.

Les affrontements de ce 16 janvier étaient-ils plus violents que lors de précédentes manifestations (lire ici et ) ? Selon nos observations, pas nécessairement. Ce samedi, la préfecture ne déplore aucun blessé du côté des forces de l’ordre.

Qu’est-ce qui justifie alors d’avoir dispersé la manifestation bien avant son terme ?

Comparativement aux précédents samedis de mobilisation, la préfecture répond simplement qu’il y avait « trop d’éléments violents. »

 

Deux banques ont été dégradées sur le parcours de la manifestation. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

Est-on face à une nouvelle manière de gérer une manifestation déclarée ? Cela annonce-t-il une nouvelle doctrine du maintien de l’ordre à Lyon ? À l’image de ce qui se pratique déjà à Paris. Le passage du Premier ministre Jean Castex a-t-il motivé cette gestion rare ?

Une prochaine manifestation contre la proposition de loi « sécurité globale » est prévue le 30 janvier à Lyon.

Sans-abri à Lyon : les promesses à l’épreuve de la rue

Sans-abri à Lyon  : les promesses à l’épreuve de la rue

Forte d’un plan froid renforcé, la préfecture avait annoncé en novembre pouvoir « répondre à la demande mi-décembre » de sans-abri qui restent sans solution d’hébergement après avoir appelé le 115. Deux mois plus tard, près de 1000 personnes ne trouvent toujours pas de places à Lyon après avoir appelé le numéro d’urgence. Retour sur une situation complexe.
C’était le 18 novembre 2020. Par la voix de sa directrice départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (plus connue sous l’acronyme DDCS), Christel Bonnet, la préfecture du Rhône prenait un engagement : héberger les plus de 1400 personnes sans-abri restant alors sans solution de logement après avoir appelé le 115.

« Nous allons pouvoir répondre à la demande d’ici mi-décembre », affirmait alors Christel Bonnet.

En prenant cet engagement, elle assurait la promotion d’un plan froid plus ambitieux que les dernières années. Elle faisait aussi écho à une promesse de la ministre déléguée au logement, Emmanuelle Wargon, faite le 3 novembre, lors d’un entretien sur LCI.

« J’ai mobilisé avec mes collègues tous les Préfets de France (…) pour leur dire : on recommence la mise à l’abri générale c’est-à-dire : pas de demandes insatisfaites. On ouvre autant de places que nécessaires durant cette période de confinement, soit en hébergement, soit en hôtel », développait la ministre.

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Vaccins, suivi épidémique: 6 mois à chercher des données sur la Covid-19

Vaccins, suivi épidémique: 6 mois à chercher des données sur la Covid-19

Depuis six mois environ nous utilisons sur Rue89Lyon les données publiques de suivi de l’épidémie de Covid-19. Nous avons, comme d’autres, parfois râlé, quémandé, attendu (parfois en vain) des précisions sur ces dernières. Nous partageons quelques réflexions avec vous, en forme aussi de point d’étape sur notre travail.

Mêmes causes, mêmes effets ? La campagne de vaccination contre la Covid-19, lancée fin décembre 2020, démarre dans une certaine confusion.  Notamment concernant les données de son suivi. Jusqu’à ce mardi 12 janvier, aucune donnée publique à l’échelle nationale ou locale n’était disponible. Il fallait se satisfaire de quelques articles de presse ou de communiqués des autorités publiques ou agences régionales de santé (ARS).

Beaucoup de données sur la Covid mais ça n’a pas toujours été le cas

Des difficultés dans le traitement et la libération des données qui rappellent celles du suivi de l’épidémie depuis bientôt un an. Aujourd’hui, et depuis plusieurs mois maintenant, via un tableau de bord dédié, le portail data.gouv.fr ou encore Geodes, (le portail de données de santé publique cartographiées de Santé Publique France) de nombreuses données de suivi de l’épidémie sont disponibles. Avec un rythme de mise à jour quotidien ou hebdomadaire selon les indicateurs. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Et l’entreprise de transparence, vantée notamment par le président de la République, est encore imparfaite, certaines données n’étant toujours pas disponibles (voir plus bas).

Santé Publique France sur le portail data.gouv.fr
Données Covid-19 de Santé Publique France sur le portail data.gouv.fr. Capture

Depuis que nous utilisons, comme d’autres, les données mises à disposition par l’organisme Santé Publique France, via notamment son espace sur le portail data.gouv.fr, nous avons parfois râlé face à l’absence de diffusion de certaines données. Des données absentes qui guidaient en partie l’action publique. L’idée avait alors germé de faire ce retour que vous lisez actuellement. Depuis, certaines données manquantes ont été libérées mais il nous semblait encore utile de revenir dessus. 

Couvre-feu dans les métropoles, mais où étaient passées les données ?

C’est le cas notamment du taux d’incidence à l’échelle infra-départementale (à l’échelle des métropoles ou des communes par exemple).

Rappelez-vous à l’automne dernier, avant que n’arrive « la deuxième vague », des premiers couvre-feu territorialisés ont été mis en place. Ils ont été effectifs à partir du 17 octobre dans les métropoles de Lyon, Saint-Étienne et Grenoble. Ils étaient notamment décidés sur la base d’une évolution inquiétante du taux d’incidence (nombre de cas pour 100 000 habitants), à l’échelle des métropoles.

Or, ces données ont seulement été disponibles publiquement à partir du 15 octobre seulement. Pourtant, ces données sont consolidées depuis le 20 septembre (au moins) selon les fichiers mis à disposition. Jusque là, certains chiffres étaient donnés lors de points presse notamment.

Bref, les chiffres existaient mais n’étaient pas libérés publiquement.

Taux d’incidence par communes : toujours aucune donnée précise

Même chose pour les données à l’échelle des communes. Rappelez-vous là aussi l’automne dernier. Les préfets comme celui du Rhône, déterminaient chaque semaine les communes où le port du masque devenait obligatoire dans l’espace public. Ils se basaient là aussi notamment sur le taux d’incidence à l’échelle communale et appuyaient chacune de leurs décisions par les chiffres transmis notamment par l’Agence régionale de santé (ARS). L’occasion alors de découvrir ces chiffres à cette échelle qui n’existaient pas dans les fichiers libérés sur les plateformes habituelles.

Ces données sont d’ailleurs intéressantes. Le taux d’incidence de l’épidémie est ainsi consultable à l’échelle des communes sur une carte du portail Geodes de Santé Publique France (et uniquement à cet endroit, sauf erreur de notre part). Toutefois, aucune donnée précise n’est donnée par commune car l’indicateur est découpé par tranches. Impossible de connaître donc le taux d’incidence précis d’une commune pour une semaine donnée. Santé Publique France a justifié ainsi :

« Les taux exacts ne sont pas affichés afin d’éviter l’identification des personnes testées, notamment celles qui ont un test positif. »

Cet indicateur est un ratio, en aucun cas une donnée brute. Comment alors parvenir à identifier des personnes ? Mystère.

Des tranches de 10 ans mais des données pour les plus de 65 ans

Autre élément curieux : la ventilation par tranches d’âge. Dans la communication et les décisions en matière sanitaires, il est très souvent fait référence aux « plus de 65 ans ». Vous trouverez alors par exemple des cartes sur le portail Geodes concernant des indicateurs de l’épidémie de Covid-19 renseignés pour les plus de 65 ans. Ce qui sous-entend que la ventilation des données est opérée par tranches de 5 ans au moins.

Or, dans tous les jeux de données mis à disposition par ailleurs (sur le portail data.gouv.fr notamment), la ventilation se fait par tranche de 10 ans (vous pouvez le voir dans toutes nos visualisations). Pourquoi ne pas libérer les données qui semblent exister à une échelle plus fine ? Mystère.

Comment questionner quand on ne dispose pas des données ?

Cela fait peut-être chipoteur. Toutefois, il est parfaitement malaisant (pour le moins) en tant que journaliste mais aussi en tant que citoyen, de lire, entendre ou voir certaines décisions se baser sur des données qui ne sont pas divulguées et mises à disposition alors même qu’un effort de transparence total est annoncé. Difficile aussi de questionner plus précisément ces mêmes décisions quand on n’en dispose pas.

L’arrivée tardive, au compte-goutte ou l’absence de certaines, laissent le sentiment désagréable pour les observateurs que nous sommes que posséder la donnée est une forme de pouvoir. Ces retards s’expliquent certainement en grande partie par la complexité de l’organisation et la rapidité demandée pour la publication de ces données. Mais face à un dispositif déployé en partie sous une forme de pression populaire, chaque retard peut être perçu comme une volonté de retenir ou de ne pas diffuser une donnée.

Un trop plein plutôt qu’un manque de données sur la Covid-19 ?

Malgré tout, les jeux de données présents sur les portails évoqués plus haut sont nombreux. Paradoxalement, la libération des données de suivi de l’épidémie de Covid-19 souffrirait plutôt d’un trop plein que de manques.

Les intitulés parfois nébuleux, malgré des notices explicatives, ne favorisent pas une lecture et une compréhension rapides. Ils sont également éparpillés. Ainsi, pour réaliser nos points de suivi hebdomadaire régional et notre page de visualisations de certains indicateurs par département, nous récupérons des données à trois endroits différents : sur les espaces de Santé Publique France et du ministère de la santé sur data.gouv.fr et sur le portail Geodes. D’autres sont consultables sur le tableau de bord d’Etalab mais on ne retrouve pas toujours les jeux de données réutilisables sur les autres portails, ou alors ils ne sont pas à jour.

Si son existence reste à saluer, cette entreprise de libération de la donnée n’aurait pas pu être lancée aussi vite sans une forme de pression publique (légitime) de citoyens, experts ou journalistes. Une mise en place qui a engendré une autre pression, forte, sur les équipes techniques chargées de son déploiement. Un contexte qui explique sûrement en partie les imperfections actuelles des remontées de données.

Covid-19, bon ou mauvais cas d’école en matière d’open data ?

Il nous semble toutefois que cette situation dénote un manque de culture de l’« open data » (accès et usage libre de données numériques, ndlr) au sein de certaines administrations malgré des efforts entrepris depuis quelques années. Une lacune que le récent rapport du député Eric Bothorel (LREM) « Pour une politique publique de la donnée » pointe d’ailleurs, parfois de façon cinglante. Il regrette notamment l’absence de communication et transmission de données parfois à l’intérieur d’une même administration.

Un exemple dans cette crise : la gestion des cas contacts. L’Assurance Maladie, censée assurer le traçage des cas contacts, n’avait pas la possibilité de croiser sa base de données avec celle des résultats des tests de dépistage, Sidep, afin de s’assurer que les cas contacts aient été dépistées. Le caractère sensible des données et de l’absence d’un cadre juridique permettant ce travail est avancé pour expliquer l’impossibilité de faire ce travail.

Le député classe en revanche du côté des points positifs le dispositif de remontée et de libération des données de suivi de l’épidémie du Sars-Cov-2 et de la maladie Covid-19. Reconnaissons à ce dispositif le mérite d’exister et d’avoir été déployé en un temps très court malgré la difficulté de la tâche. Sa mise en place montre aussi et surtout, nous semble-t-il, tout ce qu’il faudrait améliorer. Des initiatives citoyennes deviennent ainsi plus largement utilisées ou plébiscitées, parfois même par les spécialistes du sujet, comme celles de CovidTracker ou celle de Germain Forestier.

Ce dispositif de libération des données sur la Covid-19 est donc à la fois un motif d’espoir et la preuve d’un manque de culture et d’organisation actuellement en matière d’open data au sein de l’administration.

Faire infuser l’open data

Dans un prolongement à ces lignes, nous reviendrons sur l’utilisation que nous faisons de ces données. Nous verrons et pointerons leurs limites, leur caractère parfois incomplet voire pour certaines leur fiabilité. Autant de raisons supplémentaires, à nos yeux, de poursuivre cette logique de l’open data.

Cette culture doit aussi infuser chez certains intermédiaires comme les journalistes pour ensemble améliorer la compréhension d’une situation à travers les données disponibles.

Régionales 2021 : la gauche de Laurent Wauquiez patine

Régionales 2021 : la gauche de Laurent Wauquiez patine

[Info Rue89Lyon] Pour le moment, le président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, candidat à sa réélection aux régionales, peut dormir sur ses deux oreilles. Depuis qu’elle s’est lancée, bon nombre d’écologistes cèdent à la tentation de plomber la campagne de leur candidate. Un recours a été déposé contre le processus qui a propulsé Fabienne Grébert à la tête de la liste écologiste, pour ces élections régionales prévues en 2021.

Qui ou encore quoi, pour battre Laurent Wauquiez ? La nuance a toute son importance. Par “qui”, il faut entendre quelle figure, quelle candidate pour tenir quelle affiche. Par “quoi”, on ne parlera non plus des personnes mais d’un projet qui n’a de solide que l’illusion qu’il suscite, celui d’un rassemblement de la gauche.

Sur la réponse à apporter, selon qu’elle arrange EELV ou le PS, les avis divergent radicalement. Le socialiste Olivier Bianchi sera à Lyon jeudi pour donner le sien à la presse, ainsi que son sentiment général vis-à-vis de cette étrange campagne. Le maire de Clermont-Ferrand et président de Clermont Auvergne Métropole a à cœur de convaincre les partenaires potentiels à partir de son argument social-écologique, celui qui lui a permis de conserver sa ville lors des élections municipales de juin 2020.

Il s’y est en effet présenté en tant que maire sortant, menant une liste d’alliance avec EELV, le PCF et Génération dès le premier tour. Alors, cette idylle rare et son issue favorable ne sont-elles pas reproductibles à l’échelle régionale ?

A Lyon, on en doute fortement. Un cadre du parti écologiste cite justement Clermont-Ferrand comme un contre-exemple :

“En partant sur une liste commune EELV-PS, tout ce que l’on a réussi à faire, c’est renforcer La France Insoumise.”

LFI a en effet atteint à Clermont-Ferrand les scores de 12,32% puis 15,08% aux premier et second tour. De quoi faire peur aux écologistes qui aimeraient bien devenir hégémonique ou en tout cas systématique auprès de l’électorat de gauche.

Au sein du PS régional, on est au désespoir de ne pas convaincre alors même que le sentiment qui règne est d’avoir dégoté en la personne de Najat Vallaud-Belkacem la seule figure emblématique avec laquelle, au moins, “il peut y avoir match” contre Laurent Wauquiez. Mais chez EELV, on est catégorique : le projet écologiste doit être testé seul auprès de l’électorat -avant une probable alliance, entre les deux tours.

C’est donc à Fabienne Grébert, conseillère régionale EELV issue du territoire haut-savoyard, qu’a été confiée la tâche de mener campagne. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne lui est pas facilitée.

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Covid-19 : en Auvergne-Rhône-Alpes, les contaminations repartent à la hausse

Covid-19 : en Auvergne-Rhône-Alpes, les contaminations repartent à la hausse

[En graphiques] Une dizaine de jours après les fêtes de fin d’année, pas d’amélioration des indicateurs de l’épidémie de Covid-19 en Auvergne-Rhône-Alpes. Le fort rebond redouté après cette période ne semble pour l’heure pas se produire. La tension hospitalière reste toujours forte et les contaminations semblent repartir à la hausse.

Le rattrapage après la forte hausse du dépistage avant les fêtes semble doucement s’opérer dans la lecture des indicateurs régionaux de l’épidémie de Covid-19.

Un taux d’incidence revenu à la situation d’avant les fêtes et en hausse

Le taux d’incidence dans la région est reparti à la hausse. Au 5 janvier, il s’établissait sur une semaine à 188 cas pour 100 000 habitants, selon les données de l’organisme Santé Publique France. Il était de 156 une semaine plus tôt, une semaine située entre Noël et le jour de l’An moins et propice au dépistage.

Toutefois, en isolant cette parenthèse des fêtes (hausse brutale du dépistage en amont), on observe un taux d’incidence sensiblement équivalent à son niveau enregistré au 15 décembre sur une semaine (177 cas environ pour 100 000 habitants). Durant cette semaine-là, du 9 au 15 décembre, le dépistage avait été en outre sensiblement équivalent : 190 000 tests environ contre 200 000 tests du 29 décembre au 5 janvier).

De fortes hausse du nombre de cas dans les métropoles d’Auvergne-Rhône-Alpes

Pour l’heure, à moins d’un fort rebond à venir dans les jours à venir, les fêtes n’ont semble-t-il pas créer cette forte aggravation redoutée. Toutefois, en Auvergne-Rhône-Alpes, l’épidémie continue de circuler fortement et semble bien être sur une dynamique de hausse, même relativement modérée pour l’heure.

Les données de ces tout derniers jours (du 5 au 9 janvier) semblent confirmer cette aggravation. Notamment dans les métropoles de la région. Entre le 1er et le 8 janvier 2021, le taux d’incidence a augmenté d’environ 50 % dans la Métropole de Saint-Étienne, de 35% dans la Métropole de Lyon ou encore de près de 20 % dans l’agglomération de Grenoble.

Covid-19 : un taux de positivité équivalent à celui d’avant les fêtes en Auvergne-Rhône-Alpes

Autre facteur inquiétant, l’évolution du taux de positivité. Au 5 janvier, il s’élevait (sur une semaine) à 7,5 % de tests positifs environ dans la région. Une augmentation d’un point par rapport à la semaine précédente qui avait connu un niveau de dépistage quasiment équivalent. Le taux de positivité de la région n’est donc plus dans le vert.

Cette hausse hebdomadaire est moins forte que celle constatée lors de la dernière semaine de décembre (+ 3 points). Toutefois, cette hausse marquait un rattrapage de la forte chute entraînée en partie par le fort volume du dépistage enregistré avant les fêtes de fin d’année.

Comme pour le taux d’incidence, le taux de positivité était en légère hausse au 5 janvier par rapport à son niveau constaté au 15 décembre (6 % environ) avant le pic de dépistage. Ici aussi, pas de très forte dégradation constatée pour l’heure mais une tendance qui semble à la hausse.

Un point positif qui méritera d’être confirmé dans les jours à venir : durant la semaine du 30 décembre au 5 janvier, le taux de positivité était en baisse dans toutes les catégories d’âge les plus à risque. La hausse globale de l’indicateur à l’échelle régionale se constate donc chez les plus jeunes.

Patients Covid-19 à l’hôpital : tension toujours forte en Auvergne-Rhône-Alpes

Dans les hôpitaux de la région, c’est une forme de plateau élevé que l’on constate depuis quelques semaines. Le « volume » de patients Covid-19 hospitalisés en simultané, selon les chiffres de Santé Publique France, se situant toujours aux alentours de 4000.

Dans les services de réanimation, après une légère décrue constatée lors des dernier jours de 2020, le nombre de patients reste stable depuis une quinzaine de jours. Ainsi, le niveau de tension dans ces services se maintient aux alentours de 68 % (ce chiffre représente le taux d’occupation des services de réanimation par des patients Covid-19 par rapport à leur capacité d’accueil initiale, avant montée en charge). Toujours dans le rouge.

Une conséquence peut-être de l’évolution récente du taux de positivité chez les plus âgés évoquée plus haut, le nombre de personnes de plus de 90 ans a sensiblement chuté ces derniers jours (-15 % du 5 au 12 janvier).

Un dépistage revenu à son niveau d’avant les fêtes

Après le pic à près de 600 000 tests hebdomadaires enregistré avant les fêtes, retour à la « normale » pour le dépistage. Entre le 30 décembre et le 5 janvier, un peu plus de 200 000 tests ont été effectués en Auvergne-Rhône-Alpes. Un niveau équivalent à celui enregistré la semaine du 8 au 15 décembre 2020.

L’ampleur du dépistage est toutefois plus forte en considérant que cette semaine-là comportait un jour férié durant lequel très peu de tests ont été effectués.

L’Allier et la Haute-Savoie, départements où l’épidémie est la plus active

La partie Rhône-Alpes de la grande région reste toujours plus touchée que l’ancienne Auvergne. L’Allier reste toutefois le département où l’épidémie circule le plus comme la semaine précédente.

Vous pouvez également visualiser l’évolution du taux d’incidence par communes sur cette carte (zoomer ou rechercher la commune par son nom) :

Les chiffres des indicateurs de l’épidémie de Covid-19 en Auvergne-Rhône-Alpes

À Lyon, l’utilisation illégale d’un drone de la gendarmerie en manifestation

À Lyon, l’utilisation illégale d’un drone de la gendarmerie en manifestation

[Droit de suite] Il y a un mois, nous avions relevé l’utilisation à Lyon d’un drone par les gendarmes mobiles lors de la manifestation du 5 décembre contre le proposition de loi « sécurité globale ». Dans un arrêt du 22 décembre dernier, le Conseil d’État confirme que la surveillance des manifestations par un drone est aujourd’hui illégale. A sa suite, dans une décision du 12 janvier, la Cnil vient de sanctionner l’Etat pour cette utilisation de drones.

Sur les quais du Rhône, voir voler un drone à proximité des troupes de gendarmes mobiles nous avait interloqués.
C’était le 5 décembre dernier durant une manifestation contre la loi « sécurité globale ».

Nous pensions que, à Lyon, après avoir utilisé des drones durant le premier confinement, les forces de l’ordre avaient suspendu leur utilisation, à la suite de l’arrêt du Conseil d’État du 18 mai concernant la Préfecture de police de Paris.

Les images du drone non transmises au poste de commandement à Lyon

Contactée par Rue89Lyon, la préfecture du Rhône – qui supervise le maintien de l’ordre – nous affirmait ce jour-là que les images de ce drone piloté par les gendarmes mobiles n’étaient pas transmises au poste de commandement.

Toujours selon la préfecture, ce drone n’avait « pas vocation à surveiller la manifestation » mais était utilisé par les gendarmes mobiles « pour leurs propres unités ».

Le 5 décembre au soir, nous n’en savions pas plus. Nous ne connaissions pas le cadre juridique dans lequel s’inscrit l’usage de ce drone et l’utilisation des images.

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#Drones

« Journal de corps confinés » : des étudiants de Lyon 1 racontent leur mal-être

« Journal de corps confinés » : des étudiants de Lyon 1 racontent leur mal-être

Philippe Liotard est sociologue à l’université Lyon 1. Professeur en STAPS, il a demandé à ses étudiants de chroniquer leur corps en confinement. 59 ont répondu. Il en a écrit un texte qui reproduit leur mal-être.

> Le billet de Philippe Liotard est paru ce lundi 11 janvier 2021 sur son blog Corps, Culture, Education. Nous le reprenons in extenso.

La fatigue, la saturation, l’ennui, l’inquiétude des étudiantes et des étudiants commence à être bien connue. Des enquêtes sortent, des médias s’en font écho. Durant les vacances de Noël 2020, j’en ai eu une vision émouvante et inquiétante, à partir des textes que m’avaient adressés celles et ceux que j’encadrais, en première année de STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives), dans le cadre d’un module d’expression et de communication.

« Une vision émouvante et inquiétante »

Le second confinement nous a conduits à travailler à distance, ce que nous faisions déjà en partie. Auparavant, durant le cours, je faisais des lectures de textes à partir desquelles se mettait en place une écriture, puis, avant de partir, il y avait une première lecture des écritures en cours, réalisées par les étudiantes et les étudiants. Ils avaient ensuite jusqu’au début de la semaine suivante pour m’adresser une version jugée finie. La plupart prenait ce temps pour compléter l’écriture enclenchée en cours.

« Le Journal d’un corps »

Au moment du confinement, il fallait proposer une évaluation, dite contrôle continu en cours de formation. J’ai conservé les rendez-vous réguliers à distance et suggéré – en arrière-plan –de travailler à partir du Journal d’un corps, de Daniel Pennac et d’écrire le « Journal d’un corps confiné ».

Les textes remis constituent des témoignages de la vie de ces jeunes femmes et de ces jeunes hommes, inscrits en faculté des sports, âgés de 18 ans, et qui vont se retrouver, pour la seconde fois de l’année (en terminale puis durant ce premier semestre à l’Université) enfermés chez eux, dans l’impossibilité de se rendre à l’université comme de pratiquer le sport. Ces textes abordent le quotidien dans ses différentes dimensions ; le rapport à la famille, aux amis, aux études, au corps et à ce propos à l’alimentation, à l’exercice, à l’immobilité…

« Extraits qui traduisent le mal-être et le vécu angoissant des étudiants »

Je voulais ici lister un certain nombre d’extraits qui traduisent leur mal-être, leur vécu angoissant. Tout le monde ne produit pas des textes désespérés. Néanmoins, chaque texte contient des passages, plus ou moins longs, plus ou moins répétitifs qui indiquent la difficulté à vivre le confinement. La plupart est rentrée dans la famille. Mais ce qui est marquant, c’est que l’isolement est ressenti, par rapport aux ami.es, par rapport à l’université, malgré la présence (parfois pesante aussi) des parents et de la fratrie.

Chaque extrait provient d’un « Journal d’un corps confiné » différent.

Extraits

« Je suis triste d’avoir compris trop tard que ce journal me faisait du bien »

    « Je passe mes journées sur mon lit ou mon ordinateur. J’ai quelques cours qui font passer le temps mais dès que le cours se termine, je retrouve l’ennui qui était déjà là. Mon corps ne veut plus rien faire, il veut se reposer. Je n’ai plus de motivation pour rien. » « N’ayant pas cours, mon corps est sans énergie. » « je suis de nouveau très fatiguée, je sens mon corps très lourd et sans énergie. » « J’ai très peu dormi, je ne sais pas pourquoi je n’ai pas réussi à m’endormir. Je trouve mon corps lourd, plus pesant que d’habitude, j’ai du mal à me lever. » « Ce matin sans aucune envie je me lève. En sortant du lit, je sens des douleurs au dos mais également à la jambe droite. » « Après un mois à écrire je suis triste, triste d’avoir compris trop tard que ce journal me faisait du bien. Il m’aidait à tenir un rythme, à me lever le matin ou continuer mes cours, aller à mes liens en visio et surtout à ne pas oublier qu’il est important de maintenir un rythme scolaire comme si nous étions à la fac. » « Physiquement autant que mentalement, je me sens molle. » « Il n’est que 9h mais mes yeux sont déjà fatigués. »

« Je commence à avoir peur pour la suite de mes études »

    « Grosse journée de cours, très peu de pause. 8h/18h sans pouvoir bouger et défouler mon corps à part pour manger. » « Mon corps fatigué de ne rien faire, j’enchaîne les crampes et le manque de contact humain se fait ressentir. » « Je déprime. J’en ai marre. J’essaie de tirer du positif de ce confinement mais c’est dur. » « Ce matin aucune énergie, je n’avais envie de rien faire… j’avais les bras ballants, les jambes molles, vraiment très fatiguée. » « Moi qui habituellement trouve très facilement le sommeil et bien ce n’est plus le cas, c’est un calvaire ! » « Je ne fais plus aucun effort, je ne m’habille plus, je ne me maquille plus, je ne me coiffe plus, je ne fais plus rien, et quand je me vois comme dans cet état, je déprime encore plus » « La motivation et l’envie ne sont plus du tout au rendez vous. » « Cela va bientôt faire trois semaines que je suis confiné et la fatigue commence à se faire ressentir et le moral est au plus bas. »

« Je n’arrive plus à résister, je craque et je pleure »

    « Cela devient de plus en plus difficile de se motiver à travailler à la maison. » « Je commence à avoir peur pour la suite de mes étude. » « Il est dix huit heures, j’ai passé une journée fatigante, je n’ai rien fait. » « Je n’arrive plus à résister, je craque et je pleure. » « Je sens que je suis toujours fatigué, comme si je n’avais pas dormi. »
    « Ce qui est problématique avec ce confinement, c’est que nous perdons tous l’envie de faire quoi que ce soit. »

« Je pleure une fois toutes les deux nuits »

    « Je n’ai pas de cours aujourd’hui. Je me lamente sur mon lit avec des pensées qui me détruisent. »
    « Mon esprit est fragile et mon corps me le fait ressentir. »
    « Mes nuits ? Elles sont toujours aussi horribles. Je vis avec des pensées horribles. Je pleure une fois toutes les deux nuits. » « J’en aurait passé des jours à taper sur ce clavier d’ordinateur, tous mes doigts posés sur ce clavier. A avoir mal aux yeux à force d’être sur l’ordinateur, à avoir mal au dos, au cou, parce que lorsque je travaille je me tiens mal. » « Je suis fatigué je viens de me lever mes os craquent comme si je m’étais réveillé dans le corps d’une personne âgée ce confinement est en train de me rouiller. »

« Je me sens vide, vide de sensations »

    « Je mange n’importe comment mon hygiène de vie n’est pas excellente pourtant je le sais mais cette atmosphère ne m’encourage pas plus à faire des efforts. » « Aujourd’hui, je me sens vide, vide de sensation comme si je vivais mais sans rien vivre. Je me sens mal. La journée passe et rien ne se passe. » « Mon esprit est fragile et mon corps me le fait ressentir. » « En sortant de la douche avant de m’habiller, je me suis trouvée flasque et moins tonique. » « Je fais ce qui est nécessaire sous ce toit mais aujourd’hui tout est plus dur, tout est plus lourd. » « Seule toute la journée, j’en deviens folle. » « Il ne se passe rien. Je répète ma routine. Je ne sais même plus ce que je ressens. Mon corps répète ces gestes encore et encore. Je suis vide. Ça n’a plus de sens. Je réitère juste les mêmes choses, chaque jour. » « Je me mords l’intérieur de la lèvre jusqu’au sang, et je me gratte la peau de la main jusqu’à ce que l’on voit ma chair; » « Une journée totale d’ennui devant mon ordinateur à suivre les cours à distance. » « Je me sens faible, faible mentalement, faible physiquement, faible tout court. »

« Je suis prisonnier de ma propre maison, dans mon corps d’humain »

    « Aujourd’hui je ne me sentais pas bien, que ce soit moralement ou physiquement j’étais à sec. » « je ressens la tristesse et la lassitude reprendre le dessus. » « En plus de la pression des cours et de ce quotidien dépressif j’ai l’impression de me sentir de moins en moins bien dans mon corps. » « Déjà que mon quotidien est répétitif alors si celui-ci deviens désagréable cela risque d’être long… » « L’ennui est au centre de tout en ce moment, peu de cours, peu de personnes chez moi. » « Je suis prisonnier de ma propre maison dans ma peau d’humain. » « En tant qu’ado de 18 ans dans un corps d’1m87 et 75KG c’est compliqué de rester sans rien faire. » « Sans rien pour me divertir, personne pour me parler, j’ai erré sans but dans ma maison tel un zombie, avant d’enfin pouvoir me recoucher, que cette journée se termine. »

« Ma vie se résume à l’ennui »

    « Ma tête est lourde. Ce confinement pèse sur mes épaules. L’absence pèse aussi sur mon cœur. » « Je suis en état pseudo-dépressif depuis mon réveil et la perspective de travailler à distance chez moi. » « Ce soir mes émotions ont pris le dessus et je n’ai pas su les contrôler. » « Je sens comme une fatigue non expliquée, puisque que je dors bien et j’ai un sommeil de 8 heures chaque nuit » « Mon moral est proche de zéro, car c’est ma première année en France et je vais passer deux mois cloîtré dans un appartement »

« Depuis une semaine je grignote toute la journée »

    « Les jours se ressemblent et s’assemblent et c’est de plus en plus dur de se lever le matin » « Depuis une semaine je grignote toute la journée. J’entame à dix heures un paquet de chips puis à onze heures j’enchaîne avec un paquet de bonbon et tout ça dans ma chambre devant mon écran. » « Je suis fatigué de faire mon sport à l’appart, c’est devenu plus déprimant que jouissif. » « Je n’ai ni le courage, ni l’énergie, ni l’envie de faire quelque chose. » « J’ai passé la journée au lit. Ma vie se résume à l’ennui. »

« Je me sens seul et plus ça va, plus je me renferme sur moi-même »

    « Je me sens ballonnée à longueur de journée et j’ai de plus en plus de douleurs à l’estomac qui me réveilleraient presque la nuit. » « L’ennui prend le dessus, j’ai de moins en moins de cours en visio-conférence, je me sens seul et plus ça va, plus je me renferme sur moi-même. » « Tout comme les émotions, la douleur peut parfois être difficile à écrire, tout ce que je peux dire, c’est que ma douleur psychologique est bien au-dessus de ce que j’ai pu ressentir auparavant. » « Je suis fatigué. Fatigué par les cours. » « Je ne suis aucun cours, je n’ai pas pris la peine d’allumer mon ordinateur ni de mettre un réveil. »

Les intertitres ont été rédigés par Rue89Lyon.

Philippe Liotard en visioconférence avec ses élèves. La consigne était de raconter son propre corps confiné.
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Le végétarisme est-il possible dans les cantines de Lyon ?

Le végétarisme est-il possible dans les cantines de Lyon ?

Rue89Lyon a reçu le témoignage de Fanny dont la fille, élève dans une école maternelle à Lyon, n’a pas la possibilité de manger en fonction du régime alimentaire familial, le végétarisme, à la cantine.

Un menu dit « végétarien » existe de longue date dans les écoles de Lyon : il s’agit d’une option non modifiable à choisir en début d’année. La version végétarienne du menu n’est toutefois proposée que deux jours par semaine. Les deux autres jours, ce menu dit « sans viande » contient du poisson -c’est à dire de la protéine animale que la famille de Fanny ne mange pas.

La nouvelle municipalité écologiste avait affiché dans ses promesses de campagne un menu végétarien possible chaque jour dans les écoles. Au-delà du temps mis pour instaurer un système en adéquation avec les annonces, le témoignage de cette lyonnaise évoque la façon dont est encore perçu le végétarisme au sein de l’institution.

Il a été recueilli par la rédaction à la suite d’échanges, et il est à lire ci-après.

« Je suis mère d’une petite fille de trois ans que nous avons fait le choix d’élever dans le cadre d’un régime végétarien, étant moi même devenue végétarienne à l’âge de sept ans en prenant conscience de la souffrance animale et en étant viscéralement touchée. J’ai fait ce choix dans une pleine démarche éthique et écologique alors que mes parents ne l’étaient pas, dans les années 1990 et dans un petit village.

Jamais on ne m’a forcée à avoir de la viande ou du poisson dans mon assiette. Jamais de toute ma scolarité. On a respecté mon choix sans forcément le comprendre. Mon pédiatre me soutenait et m’accompagnait dans ma démarche. J’ai toujours été en très bonne santé, je me suis toujours adaptée sans rien demander à personne.

Ma fille a passé une année en crèche municipale où le personnel s’est tout de suite montré compréhensif et à l’écoute, et ne lui a jamais servi de viande ou poisson sans le moindre stress.

Comme si la rentrée en maternelle n’était pas assez particulière cette année, quelle surprise de découvrir que cela pouvait être encore plus anxiogène. Ma fille est inscrite au « menu sans viande » à la cantine, qui comporte à Lyon du poisson deux jours sur quatre.

En septembre, je remercie innocemment la directrice de l’école d’indiquer au personnel de cantine que nous avons fait ce choix et donc de ne pas lui servir de chair animale. On me répond qu’on ne sait pas si on pourra « répondre à ma demande ».

« Toute ma vie n’a été qu’une adaptation, en silence »

Je découvre assez vite que ce n’est pas du ressort de l’école mais de la municipalité.

En fait, parallèlement à plusieurs semaines de silence et de non-réponse à mes mails, envoyés à Stéphanie Léger (adjointe au nouveau maire de Lyon, en charge de l’Éducation) et Grégory Doucet (le maire de Lyon lui-même, étiqueté EELV, ndlr), je vois que j’ai affaire au service de la Direction de l’Éducation de la Ville de Lyon, où les fonctionnaires en place ne sont pas nécessairement sensibles aux enjeux de la municipalité.

J’ai donc eu la Direction de l’Éducation au téléphone, qui me propose comme unique solution de servir la chair animale et, au mieux, de ne pas forcer ma fille à la manger puis de la jeter. L’opposé radical du combat revendiqué par la municipalité contre le gaspillage alimentaire. Pour moi, aucune différence de traitement n’aurait existé dans une municipalité étiquetée Rassemblement National ou Les Républicains, au hasard.

Je ne demande pas immédiatement l’option végétarienne quotidienne. Elle était d’ailleurs au programme du maire lorsqu’il était candidat. Mais pour quand ? Car j’entends les enjeux logistiques. Mais il me paraît essentiel à l’instant T de respecter les convictions éthiques des gens et tout simplement de ne pas servir de force des aliments quelque peu traumatisants.

Je précise que la directrice de l’école, sous réserve d’un accord de la Ville, donnera le feu vert aux ATSEM (Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles, ndlr) pour ne pas lui servir de chair animale.

Cela fait quatre mois que je me bats. J’ai envoyé une dizaine de mails à l’adjointe Stéphanie Léger qui sont restés sans réponse. L’Association Végétarienne de France, via son dispositif « végécantines » qui accompagne les municipalités dans la transition végétale, leur a écrit pour en discuter. En ce début d’année 2021, le délégué au maire de Lyon, en charge de « l’alimentation locale et de la sécurité alimentaire », m’a contactée, déclarant « réfléchir à une solution ».

Toute ma vie n’a été qu’une adaptation, en silence, à un mode de consommation dans lequel je ne me reconnais pas et que je ne comprends pas, or, je n’impose rien à personne ».

« La même violence que pour les enfants de certaines religions »

En 2020, quel message est envoyé aux enfants ne pouvant pas être accueillis tels qu’ils sont à la cantine ?

C’est pour nous d’une grande violence, tout comme ça le serait pour un enfant de se voir servir par obligation un animal qu’il ne mange pas pour des raisons religieuses.

La surconsommation de viande est absolument vertigineuse, elle tue la planète, le végétarisme n’est pas une sorte de croyance « philosophique » comme c’est souvent présenté, mais un véritable choix de vie engagé et réfléchi, humain, pour la planète et pour l’avenir de nos enfants.

Je refuse de soumettre ma fille à une norme qui est mauvaise en tout point : écologique, éthique, voire pour notre santé. Et c’est actuellement à une enfant de 3 ans de gérer ce stress au quotidien car elle n’est pas accompagnée avec bienveillance.

Une municipalité écologiste en 2020 devrait être capable d’entendre cela et d’y répondre, me semble-t-il.

D’autres pays et villes françaises l’ont fait bien avant, d’autant que la surconsommation de protéines animales dans les cantines a été dénoncée dans de nombreux rapports.

« De nombreux parents végétariens abdiquent tout simplement »

Nous avons monté une délégation lyonnaise de l’AVF (association végétarienne de France), afin de faire avancer les choses à échelle locale. Toute personne intéressée peut rejoindre ce groupe en contactant avf69@vegetarisme.fr

Cette situation est souvent passée sous silence alors qu’elle laisse beaucoup de gens impuissants et en souffrance. J’ai constaté que de nombreux parents végétariens ou vegans abandonnaient leur volonté pour leur enfant face à toutes ces complications. Ils abdiquent tout simplement.

Pourtant, le tribunal administratif de Melun a déjà indiqué (dans une décision rendue en 2017, ndlr) que si une municipalité n’est pas prête à fournir un repas végétarien quotidien légalement, elle doit respecter les convictions profondes et fournir une assiette conforme en retirant ce qui ne veut pas être consommé pour raisons éthiques.

Mon souhait est d’être entendue car c’est très difficile et je sais que je ne suis pas seule. Je suis dans l’évitement. Ma vie professionnelle en souffre puisque je n’ai pas de solution de garde pendant la pause méridienne pour ma fille de ces deux jours par semaine avec poisson. Et ma santé aussi, cette situation étant source de stress important et de troubles du sommeil.

Je ne demande pas la lune, juste du respect.

#maternelle