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20/03/2024 date de fin
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A Lyon, la Marche des libertés stoppée par la police

Entre 1300 et 5000 personnes ont participé à la Marche des libertés et des justices ce samedi 16 janvier, à Lyon. Lutte contre la loi de sécurité globale, contre les violences policières… Le cortège a drainé de nombreuses revendications avant de s’arrêter. Les forces de l’ordre ont demandé aux manifestants de se disperser, une heure après le début de la marche.

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Un jongleur face aux lacrymos.

C’est la première fois depuis de nombreuses années qu’une manifestation déclarée est dispersée avant son terme. Récit d’une après-midi noyée dans un nuage de lacrymo.

Les forces de l’ordre reçoivent des projectiles à l’intersection Cours Lafayette – Avenue Thiers. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

« La manifestation est terminée. Vous rentrez sur Villeurbanne. » Il est à peine 16h30, ce samedi 16 janvier, quand cet appel est lancé par les forces de l’ordre.

À l’intersection de l’avenue Thiers et le Cours Lafayette (3ème arr.), un cordon de policiers et de gendarmes avance peu à peu sur les manifestants désorganisés à la suite de jets de projectiles auxquels ont répondu des tirs de gaz lacrymogène. Le cortège se rabat en pagaille. Partie de Villeurbanne, la Marche des libertés et des justices est tout juste rentrée dans Lyon. Après à peine une heure de marche, les manifestants sont sommés de se disperser, loin de leur objectif : la place Bellecour.

Pourtant, deux heures auparavant, l’ambiance à Gratte-ciel, lieu de départ du cortège, est plutôt détendue. Prévu initialement devant l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), le lieu de rendez-vous a été légèrement déplacé.

« Je suis contre la loi de sécurité globale qui vise à nous empêcher de filmer les policiers, et contre la loi sur le séparatisme, explique Bastien. La surveillance par drone, le fichage des citoyens… Ces lois retirent des droits aux citoyens pour en donner à la police. » 

À 29 ans, le jeune homme porte le gilet jaune depuis un an et se retrouve dans la manière « horizontale » de fonctionner du groupe.

Têtes grisonnantes, jeunes, nouveaux venus… entre 1300 et 5000 personnes (selon la préfecture ou les organisateurs) se sont retrouvées ce samedi autour de causes multiples. 

Les Gilets jaunes sont venus en nombre ce samedi 17 janvier – Crédit Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

« On n’est plus gouverné mais administré par un conseil sanitaire obscure », souffle Thierry, indépendant, au chômage partiel depuis sept mois. 

Sur sa pancarte, l’homme affiche un message clair : « Aucun couvre-feu n’éteindra le feu notre colère. Nos droits, et nos libertés. » Outre la loi de sécurité globale, il ne comprend pas les décisions prises par le gouvernement qui l’empêchent de travailler depuis sept mois.

« On m’interdit d’ouvrir ma salle, mais on autorise l’ouverture des grandes surfaces… C’est délirant et injuste ! » 

Contre les violences policières

Au micro, les prises de paroles s’enchaînent devant les camions. La sœur de Mehdi Bouhouta prend la parole pour défendre la mémoire de son frère, décédé à la suite du tir d’un agent de la BAC. La mère de Joail, mort après un contrôle de la police municipale, enchaîne. Puis, un porte-parole du syndicat national des journalistes (SNJ) s’exprime avant le rapide discours d’un militant contre la 5G et celui d’un membre du comité de liaison contre les violences policières.

À l’image de ces prises de paroles variées, la manifestation rassemble des revendications de tout bords. En tête de cortège, les familles des victimes des violences policières ouvrent la marche accompagnées de la coordination syndicale organisatrice de l’événement. Une « tête » calme pour éviter des tensions avec les forces de l’ordre. Suivent ensuite des antifascistes, des membres du PCF, des militants anti-racistes, quelques drapeaux de syndicats éparpillés puis des drapeaux de militants écologistes (Alternatiba, ANV Cop 21, etc.). Quelques dizaines de personnes organisés en black bloc sont aussi présents ainsi que des amateurs de rave party. 

Entre 1300 et 5000 personnes ont manifesté pour cette Marche des libertés du 16 janvier. Crédit Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

« Nous sommes là pour apporter notre soutien aux organisateurs de la rave du nouvel an, en Bretagne », explique Gabriel, salarié de l’association Keep smiling.

Avec son association, il fait de la prévention dans les soirées techno et cherche à faire en sorte que tout se passe au mieux avec les institutions.

« Dans un monde idéal, nous serions autorisés. Malheureusement, nous sommes toujours confrontés à une politique répressive », regrette-t-il. 

Point commun de ces manifestants aux innombrables drapeaux : une lutte contre la répression policière et la loi de sécurité globale. 

La marche dispersée au bout d’une heure

Nuage de lacrymo à l’intersection entre l’avenue Thiers et le Cours Lafayette. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

Rapidement, de premières tensions se font sentir à l’intersection avec la rue Curtelin. Après quelques jets de projectiles sur les forces de l’ordre en milieu de cortège, la manifestation reprend sans trop de problème. La situation va se corser sur l’avenue Thiers. 

Là, le cortège est une première fois coupé par des tirs de lacrymo. Il reprend ensuite jusqu’à l’intersection avec le Cours Lafayette avant d’être de nouveau arrêté. Il n’ira pas plus loin. 

Les organisateurs du mouvement n’ont pas eu voix au chapitre. Les manifestants reculent, poussés par deux cordons des forces de l’ordre déployés sur toute la largeur de l’avenue.

Dans les rues perpendiculaires, certains manifestants se retrouvent en confrontation avec des policiers. Une interpellation assez brutale a lieu dans l’une d’elle. Un jeune homme est trainé sur plusieurs mètres alors que ses amies sont calmées par les forces de l’ordre à coup de gaz lacrymogène dans les yeux.

Des interpellations, justifiées par des jets de projectiles et des violences contre les forces de l’ordre, selon la préfecture.

Au total, sept personnes ont été arrêtées.

 

Un manifestant interpellé de façon musclée dans une rue perpendiculaire à l’avenue Thiers. Crédit Pierre LEMERLE/Rue89Lyon.jpg

Dans cette ambiance chaotique, un dernier noyau de manifestants s’est retrouvé à Charpennes. Des « teufeurs » (amateurs de rave party) tentent quelques pas de danses pour relancer la machine, en vain. Un jet de bouteille vers 17h30 puis des tirs de lacrymogène finissent de disperser la place. Certains manifestants se retrouvent nassés (encerclés) par les forces de l’ordre à la suite de ce dernière altercation. 

A 18h, quelques rares groupes restent encore à Charpennes.

7 camions de gendarmerie et 12 camions de police attendaient toujours quand nous avons quitté les lieux. La préfecture n’a pas voulu communiquer sur le nombre d’agents présents.

« Tout a été fait dans les règles. Et pourtant, on nous disperse »

« Je n’ai pas d’explications de ce qui s’est passé. »

Interrogé à chaud, après la manifestation, Alexandre Buisine, du syndicat national des journalistes (SNJ) n’arrivait pas à comprendre.

« Je n’ai pas toutes les informations mais je ne sais pas ce qui a justifié l’ordre de dispersion. On nous a fait changer notre lieu de départ, notre lieu d’arrivée, interdit de passer par la rue Servient, d’aller devant les 24 colonnes… Le passage par l’avenue Thiers, c’était le choix de la préfecture. Tout a été fait dans les règles, relate-t-il. Et pourtant, on nous disperse. Même quand on nous a dispersés, toutes les rues étaient bloquées. »

Depuis près de 10 ans que Rue89Lyon couvre des manifestations à Lyon, c’est la première fois que nous constatons qu’un cortège, sur un parcours déclaré en préfecture, est dispersé une heure seulement après son départ.

« Trop d’éléments violents », selon la préfecture

Contactée, la préfecture du Rhône justifie ce choix de disperser la Marche des libertés avant son terme par les nombreuses dégradations commises le long du parcours. Les arrêts de tram du collège Bellecombe et de Thiers-Lafayette, des vitrines et du matériel TCL, ont été tagués et cassés. Deux banques ont été dégradées sur le parcours. 

« Il y a eu d’abord l’usage de gaz lacrymogène à cause de jets de projectiles systématiques sur les forces de l’ordre, affirme la préfecture. Puis, à l’angle du Cour Lafayette et de l’avenue Thiers, il a été décidé de disperser après plusieurs sommations. »

La présence de black blocs est également soulignée avec des « messages menaçants » comme « Acab » (All cops are bastard) ou « venez la prendre celle-ci » affichés sur leur banderole.

Les affrontements de ce 16 janvier étaient-ils plus violents que lors de précédentes manifestations (lire ici et ) ? Selon nos observations, pas nécessairement. Ce samedi, la préfecture ne déplore aucun blessé du côté des forces de l’ordre.

Qu’est-ce qui justifie alors d’avoir dispersé la manifestation bien avant son terme ?

Comparativement aux précédents samedis de mobilisation, la préfecture répond simplement qu’il y avait « trop d’éléments violents. »

 

Deux banques ont été dégradées sur le parcours de la manifestation. Crédit : Pierre LEMERLE/Rue89Lyon

Est-on face à une nouvelle manière de gérer une manifestation déclarée ? Cela annonce-t-il une nouvelle doctrine du maintien de l’ordre à Lyon ? À l’image de ce qui se pratique déjà à Paris. Le passage du Premier ministre Jean Castex a-t-il motivé cette gestion rare ?

Une prochaine manifestation contre la proposition de loi « sécurité globale » est prévue le 30 janvier à Lyon.

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