Petit site d’actu alternatif dédié à l’actualité du football lyonnais, le Libero Lyon est parvenu à agacer jusqu’aux plus hautes sphères du Rocher.
Une blague glissée dans un article sur la victoire de l’Olympique Lyonnais face à l’AS Monaco ce dimanche soir a provoqué l’indignation du prince Albert, qui s’est fendu d’un communiqué.
Tempête sur Twitter. La faute à cette phrase, que l’on cite depuis cet article, intitulé « L’OL pas tendu aux tournants » :
« Contrairement à Grace Kelly, l’OL n’a pas raté son tournant à Monaco. »
L’auteur du texte, Hugo Hélin, rédacteur en chef du Libéro Lyon, a qualifié sur ce mode les performances de l’équipe lyonnaise face aux joueurs monégasques. Pour cela, il a choisi d’évoquer un drame qu’a connu la famille Grimaldi, soit l’accident de voiture dans lequel la princesse Grace Kelly est décédée en 1982.
Le ton est pour le moins grinçant et provocateur. Mais la petite équipe du Libéro n’imaginait pas une réaction directe d’Albert II lui-même, fils de la défunte et actuel prince souverain de Monaco.
Le communiqué de presse se présente très sérieusement avec l’entête du « cabinet de S.A.S [son altesse sérénissime, ndlr] Prince de Monaco » et montre que la plaisanterie ne passe pas auprès des plus hautes instances du Rocher :
« Il est regrettable qu’un drame humain, quel qu’il soit et dans le cas présent ayant touché la Famille princière, soit comparé à un événement sportif. Au nom de Sa Famille, le prince Albert II condamne de tels propos. »
« Piercing au gland » et « panaché grenadine »
Le Libéro Lyon est un site dédié à l’actualité de l’OL mais aussi des clubs amateurs locaux, que l’on connaît bien à Rue89Lyon pour avoir hébergé sa forme embryonnaire dès 2012. Le blog est ensuite devenu un site autonome nourri régulièrement d’articles d’analyse originaux. Son créateur, Pierre Prugneau, est aujourd’hui journaliste à L’Équipe et continue d’accompagner le travail de Hugo Hélin.
Sur le Libéro Lyon, la plume est souvent vive, on y entretient un goût pour l’ironie. Ce que le rédacteur en chef a démontré en surenchérissant.
Objet d’un flot de critiques sur Twitter, émanant notamment de supporters ou ressortissants monégasques (mais pas seulement), le journaliste leur a adressé un message en forme d’offense. En qualifiant leur pays de « panaché grenadine » (le Monaco est un mélange de bière-limonade servi dans les cafés français) ; et le souverain de « piercing au gland » (« Prince Albert » étant le nom donné à cet ornement lorsqu’il est positionné sur le pénis).
Mentionne pas si ton pays est un panaché grenadine et que ton chef du Gouvernement est un piercing au gland.
Pour montrer qu’il ne nourrit pas de haine particulière à l’encontre du club ni du prince de Monaco, Hugo Hélin a alimenté le feu en le dirigeant cette fois vers la couronne anglaise. Il a ainsi écrit sur Twitter :
« Quelle est la différence entre Ronaldo et Lady Di ? Ronaldo c’est accélération, petit pont, but. Lady Di c’est accélération, grand pont, poteau. »
Toujours dans le flot des échanges, défendant mordicus l’esprit de son site d’info, Hugo Hélin a retweeté un post datant du 8 janvier 2015, dans lequel le gouvernement monégasque se montre soutien de Charlie Hebdo.
Le créateur du Libéro Lyon s’est inquiété ce mercredi de la tournure violente prise par la polémique, espérant une réaction des « syndicats de journalistes ».
Une princesse jet-setteuse qui appelle au lynchage, le coup de pression d'un gouvernement, l'"article" scandaleux de Thomas Michel dans Nice-Matin, etc. On se sera bien marré mais on espère quand même que les syndicats de journalistes vont faire quelque chose. pic.twitter.com/EjkIaMYt6c
[Série 1/4] Les boîtes, les clubs et autres dancings sont fermés depuis un an. La nuit lyonnaise est éteinte et on n’entend plus guère parler de ces lieux de sociabilité, de musique et de fête. On a rencontré quelques uns de ces patrons et gérants de boîtes de nuit pour faire le point. Ici, Philippe Francesconi, gérant du Terminal.
Depuis le 11 mars dernier, le dance floor du Terminal -une boîte à la couleur électro marquée et connue pour des secondes parties de nuit tardives- est vide. Les platines sont couvertes et les bouteilles rangées. Située dans le 1er arrondissement de Lyon (rue Terme), la discothèque qui ne paye pas de mine de l’extérieur, avec une porte noire austère, s’est pourtant fait une réputation solide à Lyon.
Depuis sept ans, chaque jeudi, vendredi et samedi de minuit à sept heures du matin, des DJs locaux et d’ailleurs dans le monde s’y sont succédés pour des soirées folles. Une population diverse, un accueil assez ouvert, apprécié des couche-tard mais aussi des employés de la nuit eux-mêmes, qui peuvent à leur tour sortir après le travail. Le Terminal n’a évidemment pas été épargné par la crise du Covid.
Philippe Francesconi, le gérant, accompagné de son barman et ami Renaud raconte :
« Quand le premier confinement nous a fait fermer les rideaux, on venait de finir de rembourser un prêt, on voulait faire des investissements, tout allait très bien. »
Dès l’annonce du premier confinement, Philippe Francesconi cherche à assurer la continuité de la boîte. Il est angoissé :
« Quand j’ai récupéré la gestion de la discothèque, elle n’était pas au meilleur, financièrement. On a fait des choix forts, je ne me suis pas ménagé et ça a porté ses fruits. Je ne voulais pas perdre ça. »
Rapidement, il veut faire un prêt :
« Au début les banques étaient vraiment frileuses. Et puis l’État a mis en place le Prêt Garanti par l’Etat (PGE) et on a pu emprunter l’esprit plus serein. Quelques semaines après, il y a eu le chômage partiel pour les employés donc ça m’a aussi enlevé un poids. »
Philippe Francesconi, gérant du Terminal
« On s’inquiète pour les services de sécurité, les artistes, les associations… »
Philippe Francesconi, patron du Terminal, derrière le bar.Photo : LS/Rue89Lyon
Le Terminal compte trois employés. Philippe Francesconi, gérant, ne peut pas bénéficier du chômage partiel. Il ne se paye pas pendant deux à trois mois et son angoisse continue de grandir :
« De mars à septembre ça a été très compliqué. On n’a pas eu de visibilité, on ne savait pas quand on allait pouvoir rouvrir. On a eu des enveloppes de 1000 euros à 1500 euros par mois de la région, mais ce n’est pas suffisant. »
C’est en octobre 2020 qu’il peut enfin souffler :
« Il y a eu le fond de solidarité qui tombe tous les mois. En gros c’est 10 000 euros ou, pour les grosses structures, 20 % du chiffre d’affaires. Nous, on a 30 000 à 35 000 euros de chiffre d’affaires par mois, donc on a les 10 000 euros. »
Philippe Francesconi, gérant du club lyonnais le Terminal
Cela permet notamment au gérant de payer les dépenses incompressibles comme le loyer et les charges. Depuis l’ouverture de ces aides, le gérant se sent dans une situation bien moins préoccupante. Mais l’inquiétude quant à l’univers de la nuit persiste :
« On s’inquiète vraiment pour les services de sécurité, les artistes, les associations… Comme on est une petite boîte, les DJs avec lesquels on a travaillé n’étaient pas forcément très connus. Ils n’ont vraiment plus rien eu du jour au lendemain. »
Renaud, le barman, ajoute :
« Ce n’est pas facile. Tout l’écosystème qui gravite autour de nous a pris cher. »
« On a perdu un copain du Covid, ça nous a mis une claque »
Pour Philippe Francesconi, cette crise a été éprouvante financièrement, mais aussi psychologiquement. Il n’y a jamais eu de retour à la normale :
« Je tournais en rond, tous les potes sont dans le milieu, on ne pouvait plus se voir dans le cadre habituel. La troisième personne qui bossait avec nous est partie, j’étais un animal en cage. »
Pourtant, pour le gérant du Terminal, il est impensable de continuer de faire la fête :
« J’ai des soucis de santé, j’essaye de pas trop me mettre en danger avec le virus. On a perdu un copain du Covid, ça nous a mis une claque. »
Mais l’écosystème se sent isolé :
« On n’est pas très représentés par nos gouvernants, ils ne vont pas en discothèque. On va dire qu’on ne partage pas les habitudes, les façons de travailler. »
Le Terminal, où la fête ne vit plus depuis plus d’un anPhoto : LS/Rue89Lyon
Accueil gracieux de tournages vidéos au Terminal
Pendant cette période, Philippe Francesconi et son barman et ami Renaud ont réfléchi aux alternatives qui s’offrent à eux :
« On s’est posé la question des privatisations, mais on était limité par rapport à ce qu’on pouvait faire. J’ai pensé à louer les platines, on a fait un peu de livestream. Mais au bout de 2-3 mois, ça s’est essoufflé. »
Au début, Philippe Francesconi en a profité pour faire quelques aménagements :
« Les premiers mois, j’ai fait des travaux. N’ayant pas de visibilité sur l’avenir, j’ai eu une perte de motivation. »
Alors, depuis quelques temps, les deux amis prêtent leurs locaux gracieusement pour l’enregistrement de tournages et de clips amateurs :
« On a accueilli des tournages : le ski club de l’EM Lyon, l’école de cinéma ARFIS. Il y a aussi deux clips de rap qui ont été enregistrés, un de Rifla, et l’autre de Rake. »
Philippe Francesconi, gérant du Terminal
Philippe Francesconi s’inquiète des conditions de reprise. Le Terminal est une petite boîte, si la jauge de fréquentation post Covid est trop faible, la rentabilité ne sera peut-être pas au rendez-vous. Il se questionne beaucoup :
« Je ne vois pas les gens revenir et s’amuser avec un masque. On est un lieu où on boit donc c’est compliqué. »
Renaud ironise :
« Déjà qu’avec la musique on ne comprend jamais ce que les gens commandent au bar, mais alors masqués… »
Le Terminal pense la fête d’après Covid
Ces deux acteurs de la nuit lyonnaise ont déjà observé des changements dans ce petit monde. Ils se demandent quel public sera celui de la réouverture :
« En 2020, on a connu l’explosion des warehouses [de l’anglais « entrepôt »] : des soirées semi-officielles dans des lieux atypiques. Une partie du public un peu underground des cinq premières années a disparu pour se rendre à ce type d’événements. »
Philippe Francesconi, gérant du Terminal
Les platines du Terminal, où la fête ne vit plus depuis plus d’un anPhoto : LS/Rue89Lyon
Pour Philippe Francesconi, qui joue l’optimisme, cette crise a permis d’amorcer plusieurs réflexions de fond sur ses habitudes de gérant de boîte de nuit.
« On a pensé à l’écologie. On faisait souvent des « bookings » [réservations] d’artistes anglais, berlinois. Et on leur payait l’avion. Ce serait bien de moins en faire. Avant, on distribuait des bouteilles d’eau en plastique, on réfléchit à une alternative. »
La réouverture devrait être synonyme de nouvelles impulsions pour le Terminal :
« La priorité quand on rouvrira sera de faire rejouer les DJs du coin, et puis de respecter davantage la parité. »
Il explique :
« On est dans un milieu misogyne. On avait commencé à faire des soirées 100% « line-up » [programmation de la soirée] filles. Elles ne bénéficient jamais la même visibilité que la plupart des mecs. »
Le point sur les indicateurs de l’épidémie de Covid à Lyon et dans le Rhône. Le taux d’incidence continue de baisser. Une baisse qui semble corréler à la légère décrue constatée dans les hôpitaux du département. La pression, sur les services de réanimation notamment, reste toutefois encore forte.
L’évolution de l’épidémie de Covid à Lyon et dans le Rhône semble évoluer favorablement ces derniers jours. Les signes de stabilisation aperçus la semaine passée se confirment.
À Lyon et dans le Rhône, une incidence 6 fois supérieure au « seuil d’alerte »
Dans la Métropole de Lyon et dans le Rhône, on s’approchait des 300 cas pour 100 000 habitants au 30 avril. Un taux d’incidence qui devrait encore baisser avec les chiffres du samedi 1er mai, jour férié où le dépistage est traditionnellement peu important. Le dépistage reste toutefois toujours le bémol : il est depuis un mois en forte baisse. Entre le 4 avril et le 30 avril, il a été divisé de moitié dans le Rhône. On sait le taux d’incidence sensible à l’évolution du dépistage.
Et rappelons que, selon les critères en cours, un niveau d’incidence de 300 cas est 6 fois supérieur au seuil d’alerte (fixé à 50 cas pour 100 000 habitants).
Une baisse très lente dans les services de réanimation de Lyon et du Rhône
Toutefois, cette baisse relative du taux d’incidence semble se confirmer par les indicateurs hospitaliers. La baisse du nombre de patients Covid-19 hospitalisés en simultané dans le Rhône a commencé à refluer à partir du 22 avril environ. Soit une quinzaine de jours après le début de la baisse du taux d’incidence.
La pression dans les services hospitaliers de Lyon et du Rhône reste toutefois encore très forte. Au 3 mai, un peu plus de 1000 patients Covid-19 avaient été hospitalisés en simultané sur une semaine en moyenne (-9%). Dans les services de réanimation, la baisse est plus lente. Ils étaient 258 en moyenne hebdomadaire dans le Rhône (-4% sur une semaine).
Au sud de Lyon, l’état du vieux pont de Vernaison suscite de vives inquiétudes. Déjà fermé aux camions, l’ouvrage fatigue. Pour le préserver, la Métropole de Lyon a décidé de le passer en sens unique à partir de juin. Une mesure qui ne passe pas auprès des élus des communes environnantes.
186. C’est le nombre d’ouvrages d’art (ponts, passerelles ou trémies) qui font l’objet d’une surveillance accrue en raison de leur vétusté ou de leur complexité sur les 735 que compte la métropole de Lyon. Deux ponts vieillissants font particulièrement parler d’eux : celui de Couzon depuis qui a manqué s’écrouler le 23 avril dernier et celui de Vernaison, qui n’en est pas loin non plus.
Le pont de Vernaison sera à sens unique à partir de juin.Photo : OM/Rue89Lyon
Le pont de Vernaison s’élance au-dessus du Rhône au sud de Lyon, frêle passerelle suspendue au-dessus de l’île de la Table ronde. C’est justement cette suspension par câbles qui préoccupe les autorités. En 2020, des capteurs acoustiques ont été installés sur les câbles pour pouvoir surveiller l’état de l’ouvrage en temps réel.
Devant la fragilité de la passerelle qui donne des signes de fatigue, les poids lourds de plus de 3,5 tonnes n’ont plus le droit d’emprunter le pont depuis mars 2020. Des travaux ont également été réalisés en urgence sur les chambres d’ancrage des câbles.
Des mesures insuffisantes, que la Métropole de Lyon a souhaité durcir. Le pont sera donc passé en sens unique dès le mois de juin, direction Vernaison-A7, pour diminuer le nombre de passages et ainsi alléger un peu le poids supporté par l’ouvrage. A Vernaison et alentour, les élus locaux ne l’entendent pas de cette oreille.
Le pont de Vernaison risque-t-il de s’écrouler ?
Le 23 avril dernier, c’est le pont de Couzon, au nord de Lyon, qui a donné des sueurs froides aux autorités. Un camion-toupie de plus de 30 tonnes a décidé de s’engager sur la frêle passerelle. Or, comme à Vernaison, le pont de Couzon est interdit au véhicules de plus de 3,5 tonnes. Résultat : la poutre de rigidité, qui supporte la travée, a cédé sous le poids du camion, menaçant l’ouvrage tout entier.
La Métropole de Lyon a décidé de fermer le pont en urgence. Des investigations sont en cours pour évaluer le danger que représente le pont. Pour le moment, seuls les piétons et les cyclistes peuvent l’emprunter. La Métropole n’a annoncé aucune date de reprise de la circulation automobile.
A Vernaison, la situation est moins préoccupante pour le moment. Les câbles qui soutiennent la travée font l’objet d’une surveillance de tous les instants via des capteurs qui permettent de suivre l’état du pont. Les quelques travaux effectués en 2020 et l’interdiction aux plus de 3,5 tonnes ont « ralenti la dégradation de la structure », estime la Métropole de Lyon par voie de communiqué. Mais comme à Couzon, tous ne respectent pas l’interdiction. En outre, les épisodes caniculaires attendus pour cet été donnent des sueurs froides à l’exécutif :
« Les épisodes de canicule qui se succèdent mettent à rude épreuve le système de câblages et d’ancrages. Une barre d’ancrage en particulier est déjà très fragilisée. »
Or, d’après les études menées sur le pont pour évaluer son état de fragilité, il est presque certain que le pont devra être fermé définitivement cet été en l’absence de mesures, explique Jean-Charles Kohlhaas, vice-président délégué aux Déplacements, intermodalités et logistique urbaine :
« Le pont est sous surveillance permanente, avec plusieurs niveaux d’alerte. Si le niveau 3 est déclenché, on est obligé de fermer définitivement le pont, dans les deux sens. Les experts nous disent qu’on atteindra à coup sûr ce niveau 3 cet été si on ne fait rien avant. Nous ne pouvons pas réparer le pont avant cet été. Il faudrait changer tous les câbles donc le démonter et le reconstruire, ce qui prendrait beaucoup de temps. »
D’où la décision de passer le pont à sens unique en juin, en attendant une solution plus pérenne, poursuit-il :
« Ce qui fragilise beaucoup le pont, c’est la stagnation des voitures dessus quand le passage à niveau est fermé. Plusieurs fois par jour, ça créé des embouteillages sur le pont, dans le sens Solaize-Vernaison qui est celui qui sera fermé. Cette mesure de sens unique n’est pas définitive. »
Les câbles très surveillés du pont de Vernaison.Photo : OM/Rue89Lyon
Une décision de la métropole déconnectée du terrain pour les élus locaux
Mais qu’en est-il des habitant·es qui traversent dans le sens qui sera fermé à la circulation ? Dans un communiqué, Julien Vuillemard, le maire de Vernaison, dénonce une décision métropolitaine qui ne prend pas en compte la réalité du terrain :
« Ce sens unique imposerait chaque jour un détour de plus de 15 km vers Pierre Bénite ou Givors pour 6 000 à 7000 véhicules, augmenterait le trafic sur les axes structurants de nos villes, déjà largement victimes d’embouteillages aux heures de pointes, supposerait pour les usagers une augmentation significative du temps passé dans les transports, une consommation supplémentaire de carburant pour répondre au détour et un changement notoire des trajets et habitudes du quotidien, compliquerait le franchissement du Rhône par les véhicules des services publics (pompiers, forces de l’ordre). »
Le maire de Vernaison se plaint également d’un manque de concertation et de communication de la part de l’exécutif sur le sujet. Il affirme dans son communiqué avoir été mis au courant du passage en sens unique du pont de sa commune par les médias. Or, d’après la Métropole, les élus locaux ont été mis au courant des détails techniques concernant l’état du pont et de cette décision à l’occasion de deux réunions qui se sont tenues en mars dernier :
« La réaction des maires de Solaize, de Vernaison et de certains élus locaux est d’autant plus incompréhensible que ces mêmes élus ont été largement informés de la situation lors d’une première réunion présidée par Bruno Bernard, puis lors d’un comité de pilotage partenarial associant à la demande de la Métropole, toutes les parties prenantes du dossier (Préfet, services de l’État, SNCF Réseau, Région Auvergne Rhône-Alpes, Département du Rhône, communes et intercommunalités de part et d’autre du Rhône entre Lyon et Vienne). »
La Métropole juge l’opposition des élus des communes environnantes « irresponsable ». C’est en ces termes que Jean-Charles Kohlhaas a réagi dans un communiqué, taclant l’exécutif précédant au passage :
« Certains ouvrages comme le pont de Vernaison sont vieillissants et force est de constater que les mandats Collomb et Kimelfeld ont privilégié les chantiers nouveaux à l’entretien de l’existant. Il est primordial d’assurer leur surveillance et leur maintenance. Plusieurs effondrements de ponts ces dernières années, en France (Mirepoix-sur-Tarn le 18 novembre 2019) et à l’étranger (Gênes le 14 août 2018), nous l’ont tragiquement rappelé. Il est irresponsable et inacceptable que certains maires incitent les habitants à s’opposer à une mesure qui vise à éviter tout drame dans notre métropole. »
Un nouveau pont pour la métropole de Lyon ?
Dans un courrier adressé au président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, en janvier dernier, une quinzaine d’élus des communes du sud de l’agglomération avaient déjà demandé la reconstruction du pont. Il s’agit des communes de Vernaison, première concernée, mais aussi de Pierre-Bénite, Vourles, Millery, Sérézin-du-Rhône, Communay, Grigny, Saint-Symphorien-d’Ozon, Marennes, Chaponnay, Simandres, Ternay, Saint-Genis-Laval, Charly et Solaize.
Plusieurs solutions sont à l’étude du côté de la Métropole, d’après Jean-Charles Kohlhaas :
Un feu rouge qui permettrait de retenir les voitures en amont du pont lorsque le passage à niveau est fermé. Cette possibilité, en cours d’étude à la SNCF, pourrait être mise en place rapidement, d’ici un ou deux ans. La construction d’un pont temporaire, à côté de l’actuel, a été actée dans la PPI adoptée fin janvier. Les travaux devraient durer environ deux ans, jusque fin 2022.
Le vice-président évoque aussi la construction d’un pont définitif pour remplacer le vieux pont de Vernaison. Les services de l’Etat sont en effet en train de réfléchir à un deuxième pont vers Givors, probablement au nord de la ville, pour désengorger le premier et pourquoi pas remplacer, au passage, celui de Vernaison. L’Etat ne devrait pas se prononcer sur la question avant l’année prochaine, et la construction d’un pont définitif prendrait sept à huit ans.
Les élus des communes environnantes, eux, voient dans cette proposition « une tactique pour détourner l’attention » :
« Le projet est en discussion depuis au moins trois ans dans le cadre des alternatives à l’A45 entre Lyon et Saint-Etienne. Rien n’est acté à ce jour et l’implantation géographique de ce nouvel ouvrage ne semble pas en mesure de délester le trafic actuel du pont de Vernaison. »
Les 15 communes du sud de la métropole ont donc décidé de camper sur leur position : le pont actuel doit être rénové et réservé aux modes doux (piétons, cyclistes) et un nouveau pont doit être construit (définitivement et non temporairement) pour permettre la traversée des véhicules en toute sécurité.
Jean-Charles Kohlhaas se veut rassurant. Si l’Etat ne construit pas ce deuxième pont du côté de Givors, la Métropole de Lyon « rendra son pont » à Vernaison :
« On reconstruira le pont de Vernaison, soit au même endroit soit ailleurs, à voir avec les élus locaux et la population. Il sera plus large pour laisser une place aux piétons et aux cyclistes, ou alors le pont actuel pourra leur être réservé. »
Ce vendredi 30 avril dernier un recours a été déposé au tribunal administratif de Lyon contre l’utilisation de l’hélicoptère de la gendarmerie que l’on voit régulièrement voler pour filmer les manifestations lyonnaises. Comme pour les drones, cette vidéosurveillance serait illégale.
Après un an de coronavirus, ce samedi 1er mai marquait un semblant de retour à la normale et aux traditions pour les habitué·es des pavés de Lyon. Les syndicats étaient au rendez-vous, ainsi qu’un black bloc et, bien sûr, les forces de l’ordre. Ce samedi, en revanche, nul n’a entendu le bruit familier de l’hélicoptère de la gendarmerie, abonné des manifestations lyonnaises. Étonnant.
Le rotor de l’appareil est pourtant devenu la bande-son incontournable des mobilisations depuis cette garde à vue à ciel ouvert d’octobre 2010 place Bellecour. Ce nouveau dispositif de surveillance des manifestations s’est imposé avec une facilité déconcertante à l’occasion des manifs contre la loi Travail au printemps 2016, puis des actes des Gilets jaunes. Le 20 mars dernier, par exemple, un hélicoptère tournoyait au-dessus du cortège, rue Vauban. Or, il s’avère que ce recours aux hélicoptères dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre prend quelques libertés avec la loi française.
L’hélicoptère de la gendarmerie survole la manifestation. Acte XI des « Gilets Jaunes » samedi 26 janvier 2019.Photo : MG/Rue89Lyon
Un recours contre l’usage de l’hélicoptère déposé au tribunal administratif de Lyon vendredi
C’est en tout cas l’argumentaire d’un manifestant de 38 ans qui a décidé ce vendredi 30 avril de saisir le tribunal administratif de Lyon, avec le soutien du Comité de liaison contre les violences policières. Sa requête, rédigée par l’avocat Yannis Lantheaume, demande à ce que l’hélicoptère de la gendarmerie reste au sol.
Pour lui, son utilisation dans le cadre du maintien de l’ordre viole un certain nombre de grandes lois françaises, à l’instar des drones doublement retoqués par le Conseil d’État. Leur utilisation était notamment jugée illégale, explique Bastien Le Querrec, juriste de La Quadrature du net, l’association à l’initiative des recours contre les drones :
« Pour les drones, il y avait plusieurs problèmes. Premièrement, il y a un traitement de données à caractère personnel, en violation de la directive police justice et de la loi informatique et libertés. Deuxièmement, c’est contraire aux principes de vie privée et de liberté d’expression de la Constitution française. Troisièmement, ça va aussi à l’encontre de la CEDH sur les mêmes principes et de la Convention 108 du Conseil de l’Europe sur la protection des données. Le Conseil d’État a retenu le premier point, la question étant de savoir si les caractéristiques des drones permettaient ou non un traitement de données à caractère personnel. »
Le parallèle avec les hélicoptères utilisés partout en France est évident, poursuit le juriste :
« Pour les hélicoptères, c’est la même question que pour les drones. Leurs capacités techniques permettent-elles un traitement de données à caractère personnel ? Pour moi, ça ne fait aucun doute. Les hélicoptères ont la capacité de filmer et il n’y a aucune disposition pour encadrer le traitement de ces données personnelles. »
Contactée par Rue89Lyon, la préfecture du Rhône a déclaré qu’elle réservait ses explications à la justice.
Des hélicoptères capables « de lire à 300 mètres d’altitude une plaque d’immatriculation »
Ces hélicoptères, que sont-ils capables de faire exactement ? Les appareils utilisés dans le cadre du maintien de l’ordre sont des EC 135 d’Airbus (rebaptisé H135 récemment). La gendarmerie en pilote actuellement 15 en France.
A Lyon, l’engin est basé à la section aérienne de gendarmerie de Bron. A son bord, au moins un officier de police judiciaire et des gendarmes, mais surtout des caméras dernier cri avec des performances futuristes à en croire le Colonel Emmanuel Sillon, commandant les Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale interrogé par Vélizy info, un site d’information locale en banlieue parisienne :
« Un énorme zoom qui permet de lire à 300 mètres d’altitude une plaque d’immatriculation située à un kilomètre, d’identifier une personne à 2 km et un véhicule à 4 km. On peut même voir si le conducteur porte sa ceinture ! La nuit, on passe en vision thermique, très utile pour la recherche de personnes. »
Lyon, plus surveillée par hélicoptère que Paris
Et les forces de l’ordre lyonnaises usent, voire abusent, de l’engin. D’après un rapport de l’Inspection générale de l’administration publié fin 2016, il s’avère que Lyon était la ville la plus survolée par hélicoptère de France. Sur l’année 2015, le document recense 280 heures de vol pour des opérations de police administrative, du maintien de l’ordre en grande majorité. Devant Paris, pourtant bien plus peuplée et étendue, et ses 270 heures. Rennes et Metz se classent aussi en bonne position alors que bien plus petites, avec 260 heures de vol chacune.
Depuis, la tendance s’est confirmée. Dans les manifestations contre la loi Travail au printemps 2016, le rotor de l’hélicoptère est au rendez-vous presque systématiquement. A l’hiver 2018, les Gilets jaunes aussi se mobilisent sous l’œil acéré des caméras de l’hélico. La gendarmerie évalue le coût moyen d’une heure de vol à l’équivalent d’un SMIC brut. Quelques mois plus tard, en mars 2019, la facture de cette surveillance aérienne des Gilets jaunes s’élevait déjà à un million d’euros d’après Le Point. Et la note s’est considérablement allongée depuis, entre les nouvelles mobilisations des Gilets jaunes, les marches contre les violences policières, les manifestations contre la loi « sécurité globale » et les manifs contre la réforme de l’assurance-chômage.
Pas d’urgence pour la justice à trancher la question de l’hélicoptère en manif
Pour autant, le référé déposé par le manifestant contre l’utilisation de ces hélicoptères en manifestation a été rejeté ce lundi 3 mai.
Le tribunal administratif a estimé que « la circonstance, parfaitement hypothétique, que [le requérant] serait susceptible de faire l’objet, lors d’une prochaine manifestation à laquelle il pourrait participer, des mesures de surveillance litigieuses, par un hélicoptère doté d’un dispositif de captation d’images, en méconnaissance des droits et libertés qu’il invoque, n’est pas susceptible de permettre de caractériser l’existence d’une situation d’urgence. »
En clair, pour le tribunal administratif, il n’y a pas de caractère d’urgence à trancher. La justice va se prononcer sur l’utilisation des hélicos, mais pas avant quelques mois.
Du côté de la Quadrature du net, Bastien Le Querrec estime que si, il y a urgence. La loi dite « de sécurité globale », adoptée par le parlement le 15 avril dernier, entérine ce recours aux hélicos pour filmer les manifestations :
« La loi sécurité globale prévoit de résoudre le problème. Elle vise à encadrer les caméras embarquées de manière assez large pour que ça englobe les hélicoptères, mais sans législation sur le traitement des données recueillies. Les forces de l’ordre pourront utiliser les drones et les hélicoptères. On compte maintenant sur le Conseil constitutionnel. »
Comment la ville reçoit-elle les nouveaux habitants et les passants, les expulsés et les réfugiés, les touristes de toutes classes, les solitaires et les groupes, les jeunes et les vieux ? Des gestes aux espaces, quelles sont les formes et les pratiques de l’hospitalité ? De passionnantes questions posées au cours de la table ronde proposée par l’Ecole urbaine de Lyon, dont Rue89Lyon est partenaire.
Ci-après, le propos introductif signé par l’une des intervenantes invitées ce mercredi 5 mai, Chantal Dechmyn. Elle est architecte-urbaniste et anthropologue, auteure de l’ouvrage « Lire la ville. Manuel pour une hospitalité de l’espace public (La Découverte, collection Dominique Carré 2020) ».
Photo : Léa Jeanjacques
L’hospitalité a directement à voir avec la civilisation. Elle est ce qui fonde la possibilité de vivre en société puisque c’est l’opération, la loi, par laquelle une hostilité primaire envers l’autre perçu comme un ennemi (en latin hostem), évolue vers un accueil de l’autre considéré comme un hôte (hospitem selon la construction étymologique : hostem + potentem (le pouvoir) = hospitem).
Non pas dans une soumission de l’un à l’autre mais dans un consentement de l’un et l’autre à une même loi qui s’impose à tous deux. Dans les termes matériels de la spatialité, les espaces de l’hospitalité ne sont autres que ceux de la ville. Rappelons ce qu’est une ville.
« Ce qui fait une ville, ce n’est pas sa taille, sa solidité ou sa richesse, mais sa forme »
La ville constitue un invariant pour l’ensemble de la planète habitée. Elle est l’habitat naturel des humains, un organisme vivant. Les villes se forment de la même façon que les termitières (voir Michel Serres, « Rome. Le livre des fondations », 1983, Éd. Grasset) : à partir d’un point propice “d’ensemencement“, elles vont s’ancrer puis, si elles atteignent leur masse critique, se développer.
Le noyau embryonnaire possède déjà les caractéristiques essentielles de la ville dont l’étymologie est tout simplement la villa des Romains. À savoir, un lieu entièrement organisé par l’activité, l’usage et l’habitation, dans des espaces bâtis et des espaces ouverts qu’ils soient servants ou servis, cultivés ou non. Une ville peut naître ainsi d’un débarcadère, d’un carrefour stratégique, d’un puits de pétrole, d’une mine de charbon…
Elle établit ses fondations sur ce noyau dense, sur des tombes et sur des activités d’échange, notamment le commerce qui est tout autre chose que la vente. Ce qui fait une ville, ce n’est pas sa taille, sa solidité ou sa richesse, mais sa forme, la façon très spécifique dont son espace est structuré.
« La ville constitue une matrice pour les individus et pour le corps social »
En effet, tout un chacun saura voir la différence entre la configuration d’un lotissement pavillonnaire, d’une zone commerciale ou dite urbanisée, et celle d’une ville. L’espace d’une ville se construit d’une part sur le rapport entre un espace public consistant, parlant, instructif, et les espaces privés qu’il distribue et qui l’entourent, le conforment.
D’autre part il est entièrement orienté par rapport à des lieux que leur valeur propre (géographique, institutionnelle, culturelle…) a érigés en pôles sur son territoire. Cette orientation de chaque cm2 de la ville par l’attraction de ces pôles, cette valeur propre à chaque emplacement, formule la ville en une sorte d’échiquier, c’est le langage qu’elle articule à notre usage, c’est ainsi qu’elle nous apprend à vivre avec les autres et ce faisant nous accueille, nous guide.
Nos mères nous mettent au monde, on pourrait voir la ville comme le monde qui prend le relais de cet accueil et accompagne notre croissance tout au long de notre vie. Parce qu’elle est la forme matérielle de la société, la ville constitue une matrice pour les individus et pour le corps social, un dispositif d’accueil physique mais aussi psychique et social ; elle fournit également des indications, des modes d’emploi, du sens et par surcroît de la beauté, du charme, des lieux d’attachement où se reconnaître.
Comment mesurer la qualité d’hospitalité d’une ville ?
À ce jour, en l’absence de société idéale, la ville reste un lieu d’inégalité. Mais, parce qu’elle est un organisme vivant, elle est aussi le lieu de la concurrence et de la négociation permanente : entre les intérêts privés, entre l’intérêt public et les intérêts privés. Et son espace public est à la fois le lieu et l’outil de régulation de cette négociation. Hannah Arendt (dans « La Condition de l’homme moderne) a cette belle phrase :
« Le domaine public, monde commun, nous rassemble mais aussi nous empêche, pour ainsi dire, de tomber les uns sur les autres. »
La qualité d’hospitalité d’une ville, que nous rattachions en introduction à son degré de civilisation, pourra donc se mesurer au sort qu’elle réserve aux plus démunis d’entre nous. Évaluer son éthique au plus juste, dans la lumière la plus crue, demande de regarder non les SDF mais la ville à partir de leur situation.
Le développement d’une ville suffisamment bonne (référence au concept de « mère suffisamment bonne » dû au psychanalyste D. Winnicott) ne peut être le fruit ni de la seule technique ni de décisions prises depuis un point de vue surplombant.
Comme celui de tout organisme vivant il demande, compris dans une pensée du monde, un respect de ses principes de croissance, c’est à dire de l’attention, des méthodes, notamment d’observation, et du temps. Aujourd’hui, retrouver une ville hospitalière demanderait que les projets changent considérablement leurs échelles, réduisant celles de l’espace et allongeant celles du temps. Cela demanderait d’emboîter trois point de vues :
celui du territoire, du potentiel à continuer à partir des points d’appui et des lignes de force déjà là ;
celui, individuel, privé, du sujet qui habite ou fréquente la ville, qui en connaît les conditions et dont le désir, le geste vivant d’habiter, reste le seul motif réel, désir qui ne peut se créer de toutes pièces et qu’éclaire Hœlderlin : « l’homme habite en poète »,
celui, public, d’un projet politique qui intègre les indications du territoire comme des sujets et qui maintient l’intérêt collectif face à la volonté d’expansion des intérêts privés.
Nous employons le verbe retrouver parce que la ville, longuement combattue par les puristes, fondamentalistes et utopistes de tous poils, est aujourd’hui en voie de disparition. L’hygiénisme, de retour avec la pandémie et le mouvement de l’Urbanisme Moderne ont tenté de la détruire en lui substituant une table rase, des zones résidentielles, commerciales, historiques, de loisir, etc.
Aujourd’hui l’offensive se poursuit par la réduction quantitative et qualitative de l’espace public, l’obsession sécuritaire, le marketing urbain, la financiarisation de la construction, la marchandisation des services. À l’état natif (mais vigoureux), on ne la trouve plus guère que dans les bidonvilles, dont on connaît par ailleurs les conditions inacceptables.
Le collectif PEROU a magnifiquement pris en compte et œuvré avec cette contradiction passionnante. La ville est à la fois formidablement persistante et terriblement fragile, destructible : sa fin n’est absolument pas à exclure.
Si nous voulons la ville, précisément parce qu’elle est le lieu de l’hospitalité et donc de la civilisation, il faut comprendre qu’elle est une question aussi écologique et urgente que le climat. Il faut arrêter de la détruire, considérer notre territoire comme « le fond qui manque le moins ».
Faire la ville, c’est faire avec ce qu’il y a, y compris ces espaces hérités du l’Urbanisme Moderne que seuls leurs habitants ont su rendre habitables. Le territoire, en particulier celui des périphéries, n’est ni à couvrir de constructions nouvelles, encore moins d’architectures héroïques, de zones ou de lotissements pavillonnaires, ni à détruire.
« La seule façon de changer les choses, c’est de les regarder à nouveau très longuement » (Hong Sang-soo, « La caméra de Claire », 2018).
Il est à continuer, à compléter, à comprendre comme une vaste friche à laquelle les habitants, avec l’appui de quelques professionnels, peuvent rendre urbanité et hospitalité, à condition que les politiques décident d’en revenir à la ville.
Chantal Dechmyn, architecte-urbaniste et anthropologue. Avec l’ouvrage « Lire la ville. Manuel pour une hospitalité de l’espace public » (La Découverte, collection Dominique Carré 2020), elle prolonge l’approche qu’elle a mise en œuvre, pendant une vingtaine d’années, au sein de l’association Lire la ville. Créée en 1997 à Marseille, elle œuvrait à la reconversion de populations et de lieux disqualifiés.
Sébastien Thiéry. Politologue et coordinateur du Pôle d’Exploration des Ressources Urbaines (PEROU), fondé en 2012 avec le paysagiste Gilles Clément. Le PEROU est un laboratoire de recherche-action qui expérimente de nouvelles tactiques urbaines afin de fabriquer l’hospitalité tout contre la ville hostile.
Animation par Valérie Disdier, historienne de l’art et urbaniste. Après avoir co-créé et dirigé Archipel Centre De Culture Urbaine (Lyon), elle est depuis 2018 responsable du pôle programmation et diffusion de l’École urbaine de Lyon.
La réforme des rythmes scolaires a fait long feu. Dans les écoles de la métropole de Lyon, la semaine de 4,5 jours, c’est (presque) fini partout. Cheffe de file de la poignée d’irréductibles, Villeurbanne a conservé les cinq matinées de travail. Le bastion socialiste va-t-il parvenir à les maintenir alors que les syndicats enseignants réclament une « véritable » consultation sur la question ?
L’exception est devenue la règle dans la plupart des écoles de l’agglomération lyonnaise, comme ailleurs dans l’Hexagone. Suite au décret Blanquer de 2017 qui a porté un coup fatal à la réforme Peillon, déjà mise à mal par Benoît Hamon, l’écrasante majorité des communes de la Métropole – 53 sur 59 – s’est empressée de signifier la fin de la semaine de 4,5 jours. Ces communes sont revenues à la semaine de 4 jours d’école.
Dans la petite liste des irréductibles figurent Saint-Fons, Craponne, Fontaine-sur-Saône, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, Genay. Et Villeurbanne.
Feyzin a jeté l’éponge, Saint-Fons prépare un « référendum »
Même la municipalité PS de Feyzin, qui avait pourtant joué les bons élèves dès 2013, est « rentrée dans le rang » en septembre dernier. Emeline Turpani, adjointe au maire (sans étiquette) déléguée à l’éducation, explique :
« Des parents, via des pétitions, plaidaient pour un changement. Mais notre décision a été surtout motivée par les difficultés liées à l’isolement de Feyzin au sein de sa circonscription académique. Les quatre autres collectivités (Mions, Corbas, Irigny, St-Genis-Laval) étaient en effet repassées aux 4 jours. Une situation qui soulevait des problèmes au niveau du recrutement, du remplacement et des formations des enseignants. Nos conseils d’écoles – où les enseignants sont majoritaires ndlr – ont entériné, à l’unanimité ou à une très large majorité, l’abandon des 4,5 jours. Nous étions arrivés au bout d’un cycle. »
L’élue l’assure :
« Nous avons opéré ce revirement à contrecœur. Personnellement, je reste convaincue de la pertinence des 5 matinées de travail. »
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La privation de liberté est l’un des buts de la prison. Mais derrière ces murs, ce n’est pas l’unique chose dont je suis privée… Loin du mouvement du monde, de l’ébullition de notre société, je suis plongée dans ce silence abyssal en tout point, un silence extérieur comme intérieur.
Lors de l’entrée en détention, je n’imaginais pas un seul instant tout ce que cela impliquerait pour moi, pour la durée de ma peine. A chaque étape, je me suis retrouvée et me retrouve encore, confrontée au silence, le silence de l’inconnu, le silence de l’interlocuteur, silence de l’administration, silence des proches.
Je n’avais jamais songé combien, une fois la porte franchie, je ne serais plus du tout maître de mon destin et comme pour beaucoup de détenus, la durée de cette peine est restée pour moi indéterminée, pendant très longtemps. Ces délais sont caractéristiques de la détention à la française. Ce n’est pas de ce silence que je vais parler, ce silence judiciaire qui brise ce qui peut être à sauver chez un être humain. C’est un sujet vaste qu’il m’est impossible d’aborder dans la discrétion et l’anonymat.
« En prison, il vaut mieux savoir écrire »
Je vais vous parler d’un silence méconnu car il concerne le fonctionnement de nos prisons. Mon quotidien de détenue consiste en une dépendance pleine et entière aux autres, un avenir plongé dans le noir où le silence prend sa place petit à petit quitte à en devenir absurde.
Arrive alors le moment où, pour survivre, pour faire ses demandes, il vaut mieux savoir écrire. Car, ici, chaque demande, de la plus simple à la plus grave, doit absolument être adressée par écrit. Pour accéder à un interlocuteur, il faut rédiger des courriers pour tout et surtout n’importe quoi.
Dès le début de l’incarcération, la première chose qui m’a été expliquée c’est le “courrier en interne”. Pour chaque demande, il faut écrire et les interlocuteurs sont nombreux :
le médecin (ici dénommé UCSA)le chef de bâtimentle greffe (principalement responsable d’informations judiciaires, des demandes de permission, etc..)la régie (responsable de l’argent et des pécules nominatifs, l’équivalent de comptes bancaires)le vestiaire (responsable des effets personnels à l’arrivée ou au retour de permission)le scolaire etc
Je pourrais continuer la liste mais la réalité est que, malgré les années, je suis encore capable d’en oublier tant ces services sont nombreux. Il est possible de solliciter des “entretiens” ou “rendez-vous” comme auprès du service médical, du chef de bâtiment ou du scolaire.
« Des courriers sans aucune certitude de résultat »
Je fais partir les courriers sans aucune certitude de résultat ou de réponse ou d’enregistrement de ma demande. Pour moi, ces courriers sont comme une bouteille à la mer, sans bouteille (trop coupant d’après la direction) et sans mer, ici l’horizon est plus…. bétonné, au sens propre et figuré.
Avec toute l’absurdité que cela sous-entend. Par exemple, j’écris au greffe pour demander l’accès à un document juridique qui ne m’a pas été transmis et je reçois, en même temps que l’accusé de réception, un refus n’ayant aucune validité oblige l’avocat à intervenir pour permettre l’accès au document.
Autre exemple : j’écris au “ vestiaire” pour demander la préparation de mes effets personnels en vue d’une permission et j’apprends à l’arrivée, que personne n’a eu connaissance de ma demande, ce qui retarde d’une heure ma sortie en permission.
« En détention, tout est complexe et surtout d’une lenteur inimaginable »
En détention, tout est complexe et surtout d’une lenteur inimaginable car les demandes doivent être adressées uniquement par le courrier interne et l’accusé de réception ou même la réponse ne sont pas systématiques. Si par hasard une discussion peut s’engager avec un service, elle peut durer jusqu’à un mois et n’arriver à rien.
En prison, dans un contexte où la pression est déjà à son maximum, du fait de l’enfermement et parfois de la promiscuité parfois, ces démarches administratives du quotidien rendent souvent ce système invivable.
J’estime néanmoins avoir un sérieux atout, celui de ma facilité à utiliser les mots. Je sais tourner les phrases et bien que l’exaspération s’empare parfois de moi, je sais amener les choses avec diplomatie. Cela me permet, en règle générale, d’obtenir une réponse (souvent négative et sans justification). Le règlement reste ce qu’il est, même s’il est abusif.
« Quelle discrimination pour celles qui, pour le mieux, s’expriment “juste” avec difficulté ! »
Alors, quelle discrimination pour celles qui, pour le mieux, s’expriment “juste” avec difficulté ! Et plus encore pour d’autres qui ne parlent même pas notre langue. Ils sont parfois jugés sur une formulation approximative ou un tutoiement qui dans leur langue maternelle ne pose pas de problème. De plus, ces personnes ne connaissent pas leurs droits, ni les associations qui pourraient leur venir en aide. Elles sont souvent moins entourées que la moyenne, sans avocat ou avec un avocat commis d’office qui parfois prend cela par dessus la jambe. Certes, l’entraide se fait naturellement, en prison. Certaines font les courriers, d’autres les expliquent. L’humanité est même là où on ne l’attend pas.
Prison. Photo d’illustration CC Hedi Benyounes / Unsplash
« Aucune intimité pour les courriers externes à la prison »
Quant aux courriers externes, ceux qui sortent des murs, adressés à la famille, à un ami, à un amant, aucune intimité. Ils seront tous lus par le vaguemestre (On utilise encore cette appellation surannée). Les lettres arrivent et partent parfois avec un certain délai. Cela dépend de la présence du vaguemestre, de ses absences, de ses congés, de son éventuel remplaçant. Il vaut donc mieux ne pas être pressée. D’autant que parfois les courriers disparaissent, dans un sens ou dans l’autre. J’ai déjà remarqué le petit manège, dans certaines prisons, de surveillants qui lisent les courriers déjà lus par le vaguemestre. Une aberration, même si ce n’est pas illégal.
Ces surveillants font ensuite à propos de ces courriers des commentaires déplacés, ils jettent une ou deux lettres adressées à des détenus qu’ils n’apprécient particulièrement pas. Un silence de plus.
Il me semble que l’administration pénitentiaire n’est qu’un triste reflet des échecs de notre pays, un imbroglio d’administrations en un même lieu, des strates ne communiquant entre elles que trop rarement. Cette absurdité vient-elle du fait qu’il y a trop de personnes à un même poste. Ou bien, y a-t-il autant de personnes pour combler le manque de compétences d’une seule ?
Ce fonctionnement archaïque fait de la prison un lieu encore plus inégalitaire, déshumanisant et, en soi, plus abrutissant.
J’ai une vingtaine d’années, je vis actuellement dans une prison française. Je suis une jeune femme « normale », sauf que mon lieu de vie c’est… la prison. Je souhaite raconter concrètement un quotidien souvent mal connu ou romancé, et donner mon point de vue de femme. A ma petite échelle, je vais vous faire partager mon vécu afin d’ouvrir les portes (dans la limite du possible) de cet univers si singulier. Ce blog sera mon moyen de communication avec vous, un moyen de vous raconter journées et anecdotes, de répondre aux questions afin de donner peut-être une autre vision de notre vie entre les murs.
Au micro de Rue89Lyon, les municipalités de droite ou du centre de l’agglomération lyonnaise affirment vouloir travailler main dans la main avec la Métropole écolo en matière de développement du vélo à Lyon et aux alentours. A la suite de notre article, l’association « La Ville à Vélo » répond à ces maires sous la forme d’une tribune. Nous la publions ci-dessous.
L’association La Ville à Vélo se réjouit de l’article de Laure Solé publié dans Rue 89 Lyon le 29 avril dernier qui donne la parole à plusieurs maires exprimant leur volonté de passer à la vitesse supérieure en faveur du vélo au quotidien dans l’agglomération de Lyon.
Certains d’entre eux revendiquent opportunément leur engagement de longue date en faveur du vélo, parfois en contradiction avec la réalité du terrain. Aussi, plus de 1 600 cyclistes ont (re)adhéré à notre association depuis un an pour réclamer une vraie politique cyclable dans toute la métropole de Lyon.
Nous appelons les élu·e·s de tous bords à prendre le besoin de sécurité des cyclistes au sérieux, et à engager une politique cyclable sincère dans leur territoire. Rappelons que le quart du budget de voirie sur le mandat est à l’initiative des communes, ce qui représente 118 millions d’euros, pour créer des aménagements cyclables, ou passer leur commune en Ville 30 ! Notre association se tient à leur disposition pour les rencontrer, et participer à des “comités vélo” pour faciliter l’action publique.
Arrêt du comité « modes doux » à Oullins
Clotilde Pouzergue, maire d’Oullins, déclare travailler « depuis 6 ans pour faciliter la vie des cyclistes dans notre ville. ». Le constat des cyclistes eux-mêmes, exprimé lors du « Baromètre Parlons vélo des villes cyclables 2019 » organisé par la FUB, qualifie pourtant Oullins de « plutôt défavorable au vélo » (classement E sur G), et pointe la dangerosité de la Grande Rue d’Oullins et du boulevard Emile Zola.
Si la Ville d’Oullins a décidé de limiter la vitesse à 30 km/h, elle n’a mis en œuvre aucun des aménagements de voirie nécessaires – même légers et peu coûteux – pour réduire réellement la vitesse à 30 km/h. Autre constat : notre association a appris récemment que le comité “modes doux” qui existait depuis plusieurs années à Oullins ne sera pas renouvelé pour ce mandat.
Nous regrettons cette situation et espérons que la majorité municipale reviendra sur cette décision. Elu·e·s, associations, citoyen·ne·s et technicien·ne·s pourraient y travailler ensemble pour trouver, avant l’ouverture de la nouvelle station de métro, des solutions qui permettent à toutes et tous de circuler à vélo en sécurité.
Capture d’écran du « Baromètre Parlons vélo des villes cyclables 2019 » Crédits : FUB, Laurent NISON et Bruno ADELÉ / Openstreetmap
Ce qui se développe réellement à Meyzieu, ce sont les parkings voiture
Christophe Quiniou, maire de Meyzieu et cycliste, connaît très bien le sujet et dirige une ville très favorable au développement du vélo de par sa topographie. Le compteur installé par la Métropole sur le pont d’Herbens permet de mesurer l’engouement pour le vélo dont le trafic a doublé entre avril 2019 et avril 2021. Pourtant, la Ville a préféré créer de nouvelles places de stationnement sur la rue Gambetta à la place d’un aménagement cyclable pourtant obligatoire lors de toute rénovation de chaussée, et malgré les 80 places de parking situées à proximité.
Rue Gambetta à Meyzieu, rénovée dernièrement. Crédit : La Ville à Vélo Meyzieu
Si nous saluons la place importante donnée au développement durable et à la promotion du vélo dans le discours et la communication de Christophe Quiniou, force est de constater qu’il existe toujours un grand écart entre l’ambition affichée et la réalité constatée sur le terrain.
Par exemple, des familles préfèrent rouler à vélo sur le trottoir par peur de la vitesse excessive des voitures, et cela même dans la zone 30 qui est mal identifiée, et donc très peu respectée.
Les bénévoles de notre association continueront à travailler aux côtés de la Ville pour offrir de façon concrète des entrées d’école sécurisées pour les piétons et les cyclistes, pour travailler sur les aménagements nécessaires à la zone 30 ainsi que pour définir des itinéraires nord-sud sûrs dans Meyzieu.
A Rillieux-la-Pape et Caluire-et-Cuire, les plans vélos n’existent… que dans le bulletin municipal
Alexandre Vincendet, et son adjoint Gérald Petitgand sont élus à la Ville de Rillieux-la-Pape depuis 2014. L’écart entre la communication et la réalité du terrain s’exprime dans le classement F sur G (« défavorable au vélo ») attribué lors du Baromètre 2019 de la FUB. Cette note sanctionne une maigre progression de seulement 2 % du linéaire cyclable sur les voies à 50 km/h et plus, durant le dernier mandat, ce qui classe la commune 31e à l’échelle de la métropole.
Sur la question du rabattement cyclable sur les gares TER, pas un euro du budget de proximité n’a été investi dans l’aménagement que notre association demande depuis 2018 pour accéder au souterrain de la gare Sathonay-Rillieux. Autre constat : l’avenue Victor Hugo, principal itinéraire de rabattement, n’a pas bénéficié d’aménagement cyclable lors de sa réfection en 2019-2020, pourtant obligatoire lors de toute rénovation de chaussée.
Accès non aménagé du passage souterrain de la gare TER Sathonay-Camp-Rillieux-la-Pape. Crédit : La Ville à Vélo Rillieux-la-Pape
Avant les élections municipales, la commune de Caluire – également classée F sur G dans le Baromètre 2019 de la FUB – a financé un bureau d’étude pour établir un plan vélo ambitieux qui adressait la problématique d’accès sécurisé au Rhône et à la Saône. Un an plus tard, force est de constater qu’il ne s’agissait que d’un exercice de communication, puisque le nouveau plan territoire durable des maires de Caluire, Rillieux et Sathonay-Camp annoncé en grande pompe en début d’année 2021 ne reprend aucune des mesures du plan vélo et n’inclut que quelques aménagements marginaux, disjoints et ne traitant aucun des points noirs identifiés par les cyclistes.
Mesdames et Messieurs les maires de la métropole de Lyon, joignez les actes à vos paroles pour le vélo au quotidien
L’écart entre les promesses et les réalisations n’est pas l’apanage des maires d’un bord politique ou d’un autre.
Notre association avait appelé à une chaîne humaine le 8 janvier sur le Cours Vitton à Lyon afin de dénoncer le manque de volonté politique de Messieurs Grégory Doucet et Cédric Van Styvendael, maires de Lyon et Villeurbanne, pour empêcher l’arrêt et le stationnement d’automobilistes et conducteurs de poids lourds sur les bandes et pistes cyclables, ainsi que sur les couloirs de bus partagés. Malgré cette action et nos échanges avec les équipes municipales, nous pointons l’absence d’évolution, y compris sur les axes surveillés depuis par vidéo-verbalisation.
Notre association demande aux maires de joindre les actes à leurs paroles, et d’œuvrer sincèrement en faveur du vélo au quotidien dans l’agglomération de Lyon. Les cyclistes évalueront la réalité de leur politique cyclable lors de la 3e édition du « Baromètre Parlons vélo des villes cyclables » fin 2021.
Depuis plusieurs mois, les riverains du quartier Saint-Paul (Vieux Lyon, 5ème arr.), sont les témoins impuissants d’un phénomène surprenant : des bagarres géantes réunissant des dizaines de lycéens. Enquête.
Vendredi 20 novembre 2020. Une centaine d’adolescents convergent vers le parvis de la gare Saint-Paul, dans le 5ème arrondissement de Lyon. Rapidement, des coups et des cris fusent dans cette masse compacte de sweat-shirts, jeans moulants et sacs à dos. La place Saint-Paul se transforme alors en ring de fortune sur lequel plusieurs lycéens s’affrontent avec rage. Coups de pieds, de poings, insultes, cinq contre un… Autour d’eux, leurs camarades, excités, s’empressent de filmer la scène avec leurs smartphones.
Ces derniers mois, la violence des jeunes a fait couler de l’encre -et du sang. En banlieue parisienne, fin février, trois adolescents ont trouvé la mort dans des rixes opposant différents groupes de jeunes.
A Lyon, depuis la rentrée scolaire de septembre, la presse locale se fait l’écho de violents affrontements entre adolescents dans les quartiers favorisés de la ville, d’ordinaire peu familiers de ce que l’on appelle les « violences urbaines » (lire ici,ici ou là). Quelle fièvre s’est donc emparée du 5ème arrondissement ?
Un phénomène croissant dans les beaux quartiers de Lyon
Cette bagarre géante du 20 novembre 2020 est loin d’être un événement isolé dans le Vieux Lyon. En septembre dernier, des lycéens se rassemblaient déjà devant la gare Saint-Paul pour en découdre. Alexis, 24 ans, habite le quartier depuis 2017. Depuis sa fenêtre, il est témoin malgré lui de ces bagarres récurrentes :
« Depuis octobre-novembre tous les vendredis aux alentours de 18h il y a des rassemblements devant la Gare Saint-Paul. La plupart du temps cela part en bagarre entre quelques adolescents. Tous les autres regardent et suivent la bagarre en filmant pour les réseaux sociaux. A chaque fois ça finit par ressembler une centaine de personnes. C’est assez impressionnant parce qu’ils n’hésitent pas à se battre jusque sur le milieu de la route. »
D’après le jeune homme, l’altercation la plus marquante a eu lieu une semaine après cette mêlée du 20 novembre et devait être « la » bagarre. Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour séparer les adolescents.
La bagarre du 27 novembre 2020 place Saint-Paul, depuis l’appartement d’Alexis. DR
Depuis, les bagarres semblent s’être décalées plus haut dans le 5ème arrondissement de Lyon, au niveau du centre scolaire d’enseignement catholique La Favorite. Pour la dernière en date, le 4 février dernier, des lycéens de l’établissement scolaire ont affronté des jeunes venus de Charbonnières-les-Bains, commune cossue de l’Ouest lyonnais. La mêlée a rassemblé environ 150 adolescents d’après les informations du Progrès.
Des bagarres géantes aux motifs absurdes
D’après les chiffres du ministère de l’Intérieur, le nombre d’affrontements entre bandes de jeunes a augmenté de manière significative sur l’année 2020, confinements ou pas. Ainsi, 357 altercations ont été recensées en 2020 en France, contre 288 l’année précédente. Toujours en 2020, trois adolescents ont été tués et 218 autres blessés dans ces rixes, l’immense majorité dans des quartiers populaires. Sur le mois de février 2021, trois adolescents ont déjà trouvé la mort dans les mêmes circonstances, en banlieue parisienne.
La réalité dépeinte par ces chiffres ne semble cependant pas s’appliquer à Lyon. C’est dans les quartiers aisés que ça chauffe. Et pour des motifs pour le moins étonnants.
La cause de la rixe du 4 février, par exemple ? « Une tartine de confiture », répond l’un des lycéens impliqués que nous appellerons Léo*. En septembre ? « Une rivalité amoureuse. » Celle du 20 novembre ? Indéterminée. Le 27 novembre, la bagarre tant attendue ? Une revanche. En janvier ? « Des insultes sur la Torah en soirée. »
Pablo*, 17 ans, passait voir un ami vers Saint-Paul quand il est tombé sur la bagarre du 20 novembre, à proximité du lycée d’enseignement privé catholique Sainte-Marie (plus connus sous le nom des Maristes). L’adolescent ne semble pas avoir bien identifié les raisons de l’affrontement. De son côté, Le Progrès évoque une rixe entre des élèves des Maristes et des jeunes extérieurs à l’établissement. Pablo* juge sévèrement ces bagarres, qu’il considère comme puériles :
« C’est des gamins qui ont juste envie de se battre. Ils veulent juste faire de la pub sur les réseaux sociaux. Ils se disent que ça y est, comme ils ont frappé un gars ce sont des thugs [rebelles, gangsters, ndlr] alors que non. »
Pour Léo*, « certains font ça pour avoir une réputation de caïd dans Lyon, d’autres se battent juste pour le plaisir car ils aiment ça ». Du haut de ses 17 ans, ce lycéen de Terminale au centre scolaire La Favorite a pris part à la rixe du 4 février, pour « aider [ses] potes ». Pour comprendre l’élément qui a déclenché l’affrontement, il faut revenir plusieurs jours en arrière. Léo* raconte :
« En soirée, un groupe de mec n’arrêtait pas d’en charrier un autre [que l’on appellera Francis*]. Francis* s’est énervé et a balancé une tartine de confiture sur la tête du seul gars qui ne le faisait pas chier. Il a fallu les séparer, et pour se venger le gars [qui a reçu la tartine de confiture, ndlr]lui a volé un pull et une cigarette électronique, pour un montant d’environ 250 euros. »
Quelques jours plus tard, à la sortie des cours, Francis* se pointe avec deux de ses amis devant le lycée de La Favorite, où est scolarisé son voleur, pour récupérer ses affaires. Mais une trentaine de lycéens lui font face et Francis* et ses amis repartent bredouilles.
C’est à ce moment-là que les réseaux sociaux, en particulier Instagram et Snapchat, abondamment utilisés par les adolescents, entrent en scène.
« Les deux parties se sont chauffés sur les réseaux sociaux et ont fixé un rendez-vous dans un parc près de La Favorite pour ramener leurs potes. »
Les forces de l’ordre, qui ont suivi l’affaire sur les réseaux sociaux, bouclent le lieu du rendez-vous. Les belligérants s’éloignent en direction des petites rues et culs de sac du quartier pour régler leur différend. D’un côté, environ 70 collégiens et lycéens de La Favorite et des jeunes de quartiers de la banlieue lyonnaise venus les soutenir, d’après Léo*. De l’autre, une quarantaine d’adolescents venus appuyer Francis*. Autour, de nombreux spectateurs. Léo* évoque « 300 à 400 personnes » au total.
De la bagarre en elle-même, Léo* se souvient surtout de la montée d’adrénaline et de la sidération des principaux adversaires, dépassés par l’ampleur de la chose.
« Que ce soit Francis* ou les gars de La Favorite, à la fin ils étaient complètement dépassés par les événements et ils ne contrôlaient plus rien. C’est leurs potes qui se sont battus pour le plaisir de la violence. Francis et les gars de La Favorite, ils ont rien fait, ils ne se sont même pas battus… »
Centre scolaire La Favorite, 5ème arrondissement de Lyon.Photo : OM/Rue89Lyon
Des lycéens de Lyon 5ème qui « s’encanaillent » ?
Le sociologue David Le Breton est professeur à l’Université de Strasbourg et spécialiste des violences et des conduites à risque chez les adolescents. Il a principalement travaillé sur les phénomènes d’affrontements entre bandes de jeunes dans les quartiers populaires, et se dit « très étonné » des événements du 5ème arrondissement de Lyon :
« Je n’ai jamais entendu parler de ça, ni à Strasbourg ni en banlieue parisienne… Dans les quartiers populaires, il y a des joutes entre bandes de jeunes en quête de virilité. Mais ce sont des jeunes en échec social et scolaire, à qui il ne reste que la force. Là, ce sont des rites de virilisation aussi, mais différents de ceux des bandes dans les quartiers populaires. »
Sur les réseaux sociaux, les lycéens des quartiers aisés concurrencent les ados de cité dans les poses de rappeurs et les codes vestimentaires. Pour le sociologue, il s’agit d’un « carnaval » :
« On a des jeunes de milieux aisés, qui n’ont pas une réputation de grande virilité, des fils à papa en quelque sorte, qui veulent changer de personnage. Montrer qu’ils ne sont pas si conformistes que ça. Ça me fait penser à ces jeunes de la bourgeoisie du début du XXe siècle qui voulaient s’encanailler. Ils arboraient des signes populaires comme les tatouages. Mais on reste dans l’entre-soi. »
Les réseaux sociaux, « espace numérique des réputations »
Quant aux violences, il estime qu’elles ne sont pas comparables à celles observées entre différentes bandes de jeunes dans les quartiers populaires, en particulier dans la banlieue parisienne, endeuillée par le décès de trois adolescents fin février. Pour David Breton, les bagarres géantes du 5ème arrondissement de Lyon relèvent plus du « jeu dangereux » mis en scène pour briller sur Snapchat :
« Il y a un côté ludique à ces bagarres, ces jeunes ne vont jamais trop loin, il n’y a ni mort ni blessé grave contrairement à ce qui arrive dans les quartiers populaires. Ce sont des jeux dangereux, des conduites à risque, avec une peinture virile pour avoir son quart d’heure de célébrité sur les réseaux sociaux »
Instagram, Snapchat, Tik Tok… Quel adolescent d’aujourd’hui n’a pas au moins un profil sur ces réseaux sociaux ? Le sociologue Marwan Mohammed, qui a écrit plusieurs ouvrages sur les bandes de jeunes, expliquait dans une interview au Monde que les réseaux sociaux ont donné une nouvelle dimension à ces affrontements :
« Il y a une digitalisation des conflits. D’une part, leur naissance se joue désormais également dans la sphère numérique et peut déborder sur l’espace public. Auparavant, les conflits naissaient en présentiel, maintenant ils peuvent naître en virtuel. Le deuxième effet, c’est la temporalité : l’affrontement est désormais suivi en temps réel par des centaines de personnes. Troisième effet des réseaux sociaux : ils créent un espace numérique des réputations. Auparavant, elle se construisait dans l’espace physique, entre le collège, le lycée, le bus scolaire… Tout cela existe toujours, mais, aujourd’hui, les faits et le prestige sont aussi commentés, notés, évalués en ligne. »
« La violence montre la détresse de ces adolescents »
Philippe Marchois est psychologue en libéral et à la Maison des adolescents de Lyon, qui accueille des jeunes de 11 à 21 ans, voire parfois jusqu’à 25 ans. Depuis la rentrée scolaire, elle est sur-sollicitée. Depuis février, le psychologue observe une augmentation de passages à l’acte comme des tentatives de suicide chez les adolescents suivis.
Pour lui, ces violences entre lycéens du 5ème arrondissement de Lyon n’ont rien d’étonnant. Il les considère comme étant des réactions à la crise sanitaire, une période marquée par l’angoisse et l’incertitude :
« Le virus amène quelque chose qui crée beaucoup de flou et d’incertitude dans la société. Il n’y a pas de réponse ni de perspective de sortie de crise. Je vois ce phénomène de bandes comme une réponse à cette angoisse, une façon de faire du lien, de ne pas être seul. La violence montre la détresse de ces adolescents. Il faut s’en prendre à quelqu’un, c’est le phénomène du bouc-émissaire face à l’inconnu. »
Pour autant, il souligne que cette violence est loin d’être propre aux adolescents, évoquant les vociférations de Donald Trump ou les prises de bec de médecins et autres experts médiatiques sur le plateau de CNews. Le tout formant un climat qu’il juge « agressif », impactant tout un chacun, les ados comme leurs parents.
« Le collège ou le lycée pouvaient constituer un cadre rassurant pour aider les jeunes à contenir leurs pulsions. Avec la fermeture des établissements scolaires, ce cadre est perturbé. Les jeunes vont se retrouver seuls chez eux, sans rien faire et ça risque de déborder. Certains vont se ruer sur la nourriture, sur les écrans ou sur les toxiques dans les cas les plus extrêmes. »
Le psychologue salue une prise de conscience concernant la santé mentale depuis quelques mois. En tout cas dans les médias. A la Maison des adolescents de Lyon, aucun moyen supplémentaire n’a été débloqué pour le moment.
Quelles mesures dans les établissements scolaires concernés par les bagarres ?
Contacté par Rue89Lyon, le lycée Sainte-Marie (les Maristes) explique avoir mené une enquête en interne et sur les réseaux sociaux, en vain. L’établissement affirme ne pas avoir constaté de nouvelles bagarres depuis fin novembre, sans doute grâce au couvre-feu de 18h et à une présence policière dans le quartier chaque vendredi soir, jusqu’aux vacances de Noël.
« Nous pensons que le contexte de la crise sanitaire leur est peut-être monté à la tête. Ils ne peuvent plus sortir et n’ont plus d’activités extrascolaires, ils ont peut-être cherché à se défouler, d’une façon malheureuse et condamnable. »
Au lendemain de la bagarre du 4 février, la direction du centre scolaire La Favorite s’est fendue d’un communiqué de presse pour préciser que « les événements ne se sont pas produits devant le centre scolaire La Favorite mais à proximité ». Si certains de leurs élèves ont pu prendre part à la mêlée, c’est parce que « ces évènements s’étant déroulés sur la pause méridienne, il va de soi que quelques-uns de nos élèves se sont retrouvés, malgré eux, pris dans cet attroupement ».
Deux mois après cette dernière rixe, Léo* se dit soulagé que la police soit intervenue pour séparer les belligérants. Il finit par avouer que certains des lycéens avaient sorti des couteaux pour en découdre.
« Ça aurait pu mal finir. C’est assez inutile et dangereux. »
D’après lui, la tension est retombée à La Favorite, mais cette accalmie risque d’être de courte durée. L’adolescent s’attend à voir de nouvelles bagarres programmées sur les réseaux sociaux cet été. Lui sera de la partie, pour « aider ses amis ».