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Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

40 ans après la Marche : aux Minguettes, les barres s’effondrent, pas la misère

40 ans après la Marche : aux Minguettes, les barres s’effondrent, pas la misère

En octobre 1983, une poignée de jeunes des Minguettes lançaient la Marche pour l’égalité et contre le racisme. Quatre décennies plus tard, Djamel Atallah, un marcheur de l’époque, estime que les problèmes du quartier n’ont pas beaucoup changé.

Le parc derrière la dernière barre « Monmousseau » des Minguettes, à Vénissieux, est désert ce mercredi. En cette après-midi de fin septembre, un doux soleil caresse encore la statue de Marianne, symbole de la République, au cœur de l’espace vert. « Sa main montre le centre-ville, mais elle montre son derrière aux quartiers populaires », souffle Djamel Atallah, enfant du quartier, revenu sur ses terres il y a un an.

Mémoire de Vénissieux, le sexagénaire présente les lieux où étaient situés les différents immeubles, au début des années 80. « À cette époque, il y avait neuf bâtiments  dans le quartier Monmousseau des Minguettes, souligne-t-il. Aujourd’hui, il n’y en a plus que trois. » Du doigt, il pointe l’emplacement de « la tour 14 ». Puis, un peu plus loin, celui de la tour 10. C’est là, le 20 juin 1983, que Toumi Djaïdja, jeune homme de 19 ans alors, s’est fait tirer dessus par un policier. 

Appuyé par le père Christian Delorme, « le curé des Minguettes », le jeune homme décide sur son lit d’hôpital d’organiser une manifestation pacifique. Avec plusieurs jeunes de la cité, ils lancent la Marche pour l’égalité et contre le racisme, souvent appelée sommairement « la Marche des Beurs ». 

Minguettes marche
Pour comprendre la genèse de la Marche pour l’égalité et contre le racisme, il faut revenir aux Minguettes, près de la barre de Monmousseau.Photo : PL/Rue89Lyon.

Au moment de la Marche, un fort racisme et des violences aux Minguettes

Djamel Atallah connaît bien cette histoire. Âgé de 19 ans à l’époque, comme Toumi, il fut l’un des organisateurs de la marche. Il a un souvenir précis du quartier, à l’époque où « les habitants étaient de la force de travail. » Avant lui, son père avait été ouvrier dans les usines Berliet, avant leur rachat.

Lui a suivi le parcours classique d’un jeune du coin. Arrivé d’Algérie à l’âge de six ans, il fréquente l’école Romain-Roland, puis le collège Paul-Eluard, avant une formation professionnelle pour devenir plombier. Puis, en pleine crise liée à la désindustrialisation, il rejoint « la plus grande armée de France » : celle des chômeurs. 

Quarante ans avant la mort de Nahel – ce jeune homme décédé à la suite d’un contrôle policier à Nanterre – il se souvient du racisme très présent à l’époque. Dans la police d’abord, où il retrouvait des anciens appelés de la guerre d’Algérie, mais aussi avec les « tontons flingueurs », ces personnes qui se faisaient justice elles-mêmes en tirant sur des personnes d’origine immigrées.

À l’époque, le parquet de Lyon était connu pour sa sévérité vis-à-vis des « racisés », note Djamel Atallah. Moins vis-à-vis des crimes racistes. Dans le pays, le FN connaissait son premier succès : le partie de Jean-Marie Le Pen venait de faire 16% lors des élections municipales de Dreux. 

C’est dans ce contexte que Djamel Atallah participe à la Marche. Initialement, il ne fait pas partie de ceux qui appellent à une action pacifique. « Je voulais plus rendre les coups : œil pour œil, dent pour dent », se souvient-il. Le père Christian Delorme le convainc de marcher. Un choix qui changera sa vie. Il lui doit la découverte du monde associatif et sa formation politique à Paris.

Grand mouvement, la Marche aura aussi son effet sur la vie des associative des Minguettes. Bien avant SOS Racisme, Vénissieux connaît SOS Avenir Minguettes. La Marche est porteuse d’espoir. Celui-ci va vite retomber.

Djamel Atallah
Djamel Atallah, un marcheur de la marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, aux Minguettes.Photo : PL/Rue89Lyon.

40 ans après la Marche : les Minguettes, toujours un terrain de « misère »

40 ans après, Djamel Attalah n’a rien perdu de sa verve. À 60 ans, cet homme bien charpenté parle fort et avec conviction. En terrasse d’un kebab à côté de la dernière barre Monmousseau, quelques anciens viennent le saluer. « Tiens, toi aussi t’as vieilli », se marre-t-il.

Bien qu’ayant grandit ici, il a vécu une bonne partie de sa vie à Nanterre, la ville où est décédé le jeune Nahel en juin dernier. Dans son discours, il fait fréquemment le lien entre les deux villes. Même problèmes avec la police, même pauvreté, mêmes trafics…

« Il ne faut pas s’attendre à grand chose quand on est sur un terrain de misère », lâche-t-il en regardant une fresque à côté de lui. 

Sur celle-ci, on trouve Rosa Parks, Ghandi, Martin Luther King et Toumi Djaïdja, l’un des initiateurs de la marche. « Elle est quand même bien discrète », peste-t-il devant quelques chibanis qui le regardent avec curiosité. 

Les portraits défraichis semblent mis de côté, à l’image de la question des « banlieues ». La Marche avait permis d’en parler. Elles ont eu tendance à retomber dans l’oubli. 

Minguettes Monmousseau
La Marianne à côté de la barre Monmousseau, tournant le dos aux Minguettes.Photo : PL/Rue89Lyon.

Une ghettoïsation et un oubli de l’humain

Alors, certes, des choses ont changé. Depuis une grosse dizaine d’années, le tramway T4 monte jusqu’au quartier des Minguettes.

« Son arrivée a transformé le plateau, marque le père Christian Delorme, co-organisateur de la marche. Cela a permis d’intégrer une trainée verte. Il faut noter du mieux avec une réhabilitation du bâti. »

Des cages à lapin sont en effet tombées. En 2021, des applaudissements ont accompagné l’effondrement de la barre Monmousseau, à côté de la fresque. « Dans ce bâtiment, des appartements sont déjà vides. Il ne devrait pas tarder à suivre le même sort », commente Djamel Atallah en montrant un autre immeuble. Mais derrière l’impressionnant panache de fumée de ces effondrements, les problématiques persistent. 

Le travail n’est pas revenu. Les trafics de drogues se sont développés et les relations tendues avec les forces de l’ordre ont continué, voire se sont aggravées. Point positif : les « tontons flingueurs » semblent avoir disparu. Le parquet de Lyon a également changé. Mais les problèmes avec la police, et notamment la brigade anti-criminalité, demeurent. 

« On sait que ce n’est pas forcément facile pour la police d’intervenir, note le Vénissian. N’empêche, je me dis qu’il y a une réforme de la police à faire en profondeur. On dirait que l’Etat ne la contrôle plus, voire qu’il en a peur. » 

Djamel Atallah a aussi vu la population changer. Les « classes moyennes » sont parties, laissant les plus pauvres. Beaucoup d’immigrés italiens et espagnols ont plié bagage, alors que des immigrés d’origine turque, roumaine ou moldave sont arrivés en plus des Maghrébins. Sociologiquement, il a vu aussi l’arrivée de familles monoparentales. Des femmes seules au foyer, avec leurs enfants.

« Les Minguettes d’aujourd’hui sont plus égayées [en termes de bâti, ndlr] mais moins mixées qu’il y a quarante ans », abonde le père Delorme.

Bref, la ghettoïsation s’est poursuivie dans des zones où les médecins, notamment, manquent cruellement. « On a jamais mis l’humain au centre de la politique de la ville », critique Djamel Atallah. 

« J’ai l’impression qu’ils préparent une guerre inter-ethnique »

En quatre décennies, le grand-père militant n’a rien perdu de sa colère. En 1983, il avait eu du mal à être convaincu par l’action pacifique. Aujourd’hui, il comprend les « révoltes » de cet été après la mort de Nahel. Plus jeune, il aurait sûrement été de leur côté. 

Son regard se fait sévère. Il s’inquiète d’un débat politique où les « anathèmes » et les « amalgames » sont légions. Signe d’un temps nouveau, en bas d’un immeuble du quartier, le très droitier média C-News passe en boucle dans un kebab. 

« C’est grave, personne ne mesure ce qui est en train de se passer. Ces gens participent à une fracturation de la société, lâche-t-il en évoquant notamment ce média. J’ai l’impression qu’ils préparent une guerre inter-ethnique. » 

Des dizaines d’années plus tard, le souvenir de la Marche paraît bien loin dans le quartier des Minguettes. Mais pas dans le cœur de Djamel Atallah.

#Marche des Beurs

Nouvelle manifestation (et nouveau parcours) ce vendredi à Lyon : l’intersyndicale se remobilise

Nouvelle manifestation (et nouveau parcours) ce vendredi à Lyon : l’intersyndicale se remobilise

Un rassemblement est prévu place Bellecour (Lyon 2e) vendredi à 12h à l’appel des principaux syndicats français. L’augmentation des salaires et la lutte contre l’austérité sont au coeur des revendications.

C’est le retour de l’intersyndicale! Plusieurs mois après le mouvement historique contre la réforme des retraites, les principales organisations françaises ont lancé un appel à la grève et à la manifestation contre l’austérité, vendredi 13 octobre.

Le cortège intersyndicale s'est étoffé pour constituer un cortège dense. ©Laure Solé/Rue89Lyon
Le cortège intersyndical en avril dernier, lors de la manifestation contre la réforme des retraites.Photo : Laure Solé/Rue89Lyon

Cette journée s’inscrit dans le cadre de l’appel de la confédération européenne des syndicats à faire du 13 octobre une journée de mobilisation d’ampleur.

« A quelques jours de la Conférence sociale (ce rendez-vous entre partenaires sociaux et l’exécutif a lieu lundi, NDLR), les organisations syndicales et de jeunesse sont unanimes sur la nécessaire égalité femmes-hommes, sur l’augmentation des salaires, du SMIC, des pensions, des minima sociaux et bourses d’études, mais aussi sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises », ont écrit les syndicats dans un communiqué commun.

Un nouveau parcours, via le Vieux-Lyon

Le cortège s’élancera de la place Bellecour à midi pour un parcours inhabituel. Les manifestants vont longer le vieux Lyon, avant de passer par la place des Terreaux et de traverser le Rhône pour rejoindre le square Delestraint, à proximité de la préfecture du Rhône. Un rassemblement est prévu à l’issue de la manifestation.

Plusieurs syndicats des transports et de l’éducation ont également appelé à la grève. L’impact devrait être modéré sur le réseau TCL et la SNCF.

Parallèlement, les médecins libéraux ont eux aussi appelé à une grève reconductible à partir de vendredi. Ils demandent une augmentation du tarif des consultations. Le mouvement pourrait durer.

Social à Lyon : « Certains acteurs ne sont pas sûrs de passer l’année »

Social à Lyon : « Certains acteurs ne sont pas sûrs de passer l’année »

[Entretien] Comme les restos du cœur, nombre d’associations et d’acteurs du social se trouvent en grande difficulté à Lyon et dans les environs. À l’occasion du lancement de la Braderie du social, ce jeudi 12 octobre, Pascale Blanchetière, délégué générale de la Fédération des acteurs de la solidarité, revient sur les grandes craintes du secteur. 

Comment gérer plus de personnes avec… Moins de moyens ? À l’approche de l’hiver, alors que les tentes s’accumulent sous le pont de Jean-Macé (Lyon 7e), la fédération des acteurs de la solidarité lance un cri d’alarme sur la situation du secteur social. Cette fédération – rassemblant 870 associations et organismes qui agissent pour la solidarité dont la Fondation Abbée Pierre, la Cimade, Emmaüs, etc. – s’inquiète de l’avenir de certains de ses adhérents et de la crise de l’hébergement d’urgence. Ce jeudi 12 octobre, elle lance une grande « braderie sociale » pour alerter, mais aussi valoriser ces métiers. Entretien avec sa déléguée régionale à Lyon, Pascale Blanchetière.

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« Trois fois plus » d’enfants sans-abri à Lyon : écoles occupées et militant·es désabusé·es

« Trois fois plus » d’enfants sans-abri à Lyon : écoles occupées et militant·es désabusé·es

Depuis la rentrée de septembre, plusieurs écoles servent de lieu d’accueil à des enfants sans toit. Dans la métropole de Lyon, alors que les températures devraient bientôt baisser, près de 230 enfants sont déjà sans-abri début octobre. Un chiffre trois à quatre fois plus élevé que l’année dernière à la même date.

Cela pourrait être une sortie de classe comme les autres, ce vendredi de fin octobre, à l’Est de Lyon. Devant le centre scolaire Anatole-France, dans le quartier populaire des Minguettes, à Vénissieux, des cris d’enfants envahissent l’air. Il est 16 h 45, et les élèves de ce grand centre scolaire s’apprêtent à rentrer à la maison. Du moins, pour ceux qui en ont une.

En marge du brouhaha de la sortie d’école, Fatma*, dix ans, et sa petite sœur de cinq ans nous attendent, accompagnés d’un collectif de soutien. Prêtes à partir, leurs sacs à dos floqués « Histoire des Cerises » sur le dos, elles observent avec un air curieux l’animation autour d’elles. Leur lieu de vie se situe à quelques centaines de mètres de là, dans le parc des Minguettes. 

Au pied des tours, plusieurs tentes ont été plantées pour accueillir une quinzaine de personnes sans toit. La première abrite deux parents et cinq enfants âgés de 17, 14, 10, cinq et quatre ans. En cette fin de semaine, ils jouent avec quelques adolescents du coin. « Je n’arrive pas à dormir la nuit à cause du bruit des motos, se plaint Aïsha* âgée de 14 ans, élève au collège Paul-Eluard. Du coup, j’arrive en retard. »

La jeune fille fait la moue. La journée, les tentes ne risquent pas grand chose, mise à part une frappe de footballeur mal cadrée. La nuit en revanche, elle est réveillé par quelques jeunes de passage, parfois par des sirènes de police. Pas l’idéal pour se reposer, ni pour étudier. Alors elle rame. Au collège, les élèves sont « gentils » mais personne ne connaît sa situation. Ce matin, elle a pris une heure de colle pour retard. 

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« Interpol, l’enquête » : un livre sur les dessous troubles de l’agence policière installée à Lyon

« Interpol, l’enquête » : un livre sur les dessous troubles de l’agence policière installée à Lyon

Les journalistes d’investigation Mathieu Martinière et Robert Schmidt publient mercredi 11 octobre Interpol : l’enquête (éd. HarperCollins). Le livre, fruit d’une investigation débutée il y a 10 ans à Lyon, lève le voile sur l’agence policière internationale, et ses liens troubles avec certains lobbies et régimes autoritaires.

C’est l’une des institutions phare de Lyon. Derrière les façades vitrées et briquées de l’immense bâtiment de la cité internationale (Lyon 6e), Interpol a longtemps su cultiver le secret sur son fonctionnement. L’agence policière internationale reste même, dans l’imaginaire collectif, peuplée de superflics parcourant le monde pour traquer les plus grands criminels.

Loin des clichés, Interpol, l’enquête casse ce mythe et dresse le portrait nettement moins flatteur d’une organisation bureaucratique, dont le financement par de puissants groupes d’intérêts ou des régimes autoritaires pose question.

Interpol
Les locaux d’Interpol à Lyon.Photo : PL/Rue89Lyon.

Journalistes d’investigation pour le collectif We Report, Mathieu Martinière et Robert Schmidt se lancent en 2013 dans une interminable enquête à tiroirs. Ils écriront de nombreux articles pour Lyon Capitale, La Tribune de Genève ou encore le quotidien Allemand Die Zeit.

Leurs investigations les mènent des Balkans au Qatar en passant par l’Inde et la Suisse. À l’origine, sans volonté particulière de démystifier Interpol, qui a fêté ses 100 ans cette année.

« On ne partait pas dans l’esprit de « se faire Interpol », on a été de surprise en surprise. Quand tu commences ça à 24 ans, tu es pris dedans », reconnaît Mathieu Martinière. À l’époque, le journaliste d’investigation collabore avec Rue89Lyon sur l’extrême droite.

Interpol, une institution lyonnaise

Interpol débarque à Lyon en 1989. Une installation qui aurait son origine dans une visite idyllique de la capitale des Gaules en 1984, menée par André Soulier, avocat et ancien premier adjoint du maire de l’époque, Francisque Collomb. La visite, ponctuée d’un bouchon bien arrosé, semble convaincre le secrétaire général d’Interpol de l’époque, Raymond Kendall. L’arrivée des agents de police internationaux à Lyon conduira à la création du lycée international de Gerland, quelques années plus tard. Ça, c’est pour la partie anecdote. Mais le livre-enquête va beaucoup plus loin.

Forts de plus de 200 rencontres, dont une trentaine d’agents et anciens agents d’Interpol, Mathieu Martinière et Robert Schmidt remontent la piste des financements d’Interpol. Ils décryptent les « deals » passés par l’agence policière avec des organismes pas vraiment connus pour leur philanthropie et leur probité, comme la fédération internationale de football (Fifa). Ou encore avec le géant du tabac Philipp Morris, un habitué des opérations d’entrisme (en février 2023, Rue89Lyon dévoilait les liens entre le cigarettier et la région Auvergne-Rhône-Alpes).

Chasse au trésor à la Part-Dieu, roman d’espionnage à Villeurbanne

Interpol : l’enquête est résolument journalistique sur le fond, et – presque – policier sur la forme. Au détour de plusieurs rendez-vous informels avec des agents voulant demeurer incognito, Mathieu Martinière et Robert Schmidt s’amusent à jouer avec les codes du roman d’espionnage.

On les suit notamment en train de suivre les instructions mystérieuses d’une source précieuse à la gare Part-Dieu. Ou encore de devoir négocier une information cruciale avec une agente bien informée au fin fond d’un PMU de Villeurbanne.

L’enquête aborde longuement une autre question, nettement plus politique : les contributions financières importantes de régimes autoritaires dans les caisses d’Interpol. Qatar et Emirats arabes unis en tête. En 2021, la nomination du général émirati Ahmed Naser Al-Raisi à la présidence d’Interpol persuade les deux journalistes d’investigation de reprendre l’enquête, et la plume. L’homme est accusé de torture.

Les « notices rouges » d’Interpol, une arme politique?

La question des fameuses « notices rouges » de l’agence est également au cœur du livre. Ces notices, diffusées par l’agence pour retrouver de présumés criminels, auraient servi à l’arrestation d’opposants politiques. Malgré des contrôles renforcés, « plusieurs centaines d’innocents chaque année sont sur des notices rouges d’Interpol », estime Mathieu Martinière.

L’argent est le nerf de la guerre. Tel est le constat dressé par l’enquête, qui révèle qu’Interpol est moins doté – entre autres exemples – qu’Europol, l’agence européenne de coopération policière. « Tout nous ramène à l’argent », concluent les deux journalistes dans leur livre, « tant que les états n’augmenteront pas sensiblement leur contribution, Interpol continuera à être instrumentalisé ».

Interpol, l’enquête, de Mathieu Martinière et Robert Schmidt, aux éditions HarperCollins, 20,90€.

#Interpol

Quartiers populaires : Grégory Doucet « attend une prise de conscience de l’État » 

Quartiers populaires : Grégory Doucet « attend une prise de conscience de l’État » 

[Entretien] Les émeutes de l’été 2023, déclenchées par la mort du jeune Nahel, ont remis la question de l’abandon des quartiers populaires dans le débat public. Logement, relations avec la police, services publics, rénovation de la cité-jardin de Gerland (7e) : le maire de Lyon Grégory Doucet (EELV) livre à Rue89Lyon et Mediacités sa vision pour ces territoires et annonce avoir interpellé Emmanuel Macron sur le sujet.

Mercredi 4 octobre, Grégory Doucet (EELV), maire de Lyon, a (enfin) annoncé aux habitants de la cité-jardin à Gerland le lancement de travaux de rénovation dans leur quartier. Il s’agit de la troisième grande opération du mandat lancée par l’édile dans un Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), après l’îlot Kennedy à la plaine Santy (Lyon 8e) et la rénovation de la barre Sakharov à la Duchère (Lyon 9e). Plus largement, dans l’entretien qu’il a accordé à Rue89Lyon et Mediacités, le maire de Lyon revient sur son action dans ces territoires et livre son analyse à froid sur les émeutes qui ont secoué la ville en juin et juillet dernier.

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Lyon attaque l’État en justice pour carence dans l’hébergement des sans-abri

Lyon attaque l’État en justice pour carence dans l’hébergement des sans-abri

Dans une tribune cosignée dans Libération avec les maires de Paris, Strasbourg, Rennes, Bordeaux et Grenoble, le maire de Lyon annonce attaquer l’État en justice pour le sous-dimensionnement de son aide aux sans-abri.

Le projet était dans les tuyaux depuis près d’un an déjà : plusieurs maires ont déposé un recours gracieux auprès de la justice pour que l’État assume ses obligations en matière de prise en charge des personnes à la rue. Et rembourse les Villes qui ont pris en charge des personnes sans-abri. Alors qu’aucune ouverture de places dans le dispositif d’hébergement d’urgence n’est prévue, le système reste largement sous-dimensionné face aux besoins.

En décembre 2022, Sandrine Runel (PS), adjointe aux Solidarités de la ville de Lyon, souhaitait déjà cette action en justice. Elle avait même convié ses homologues des villes de Paris et Bordeaux à l’école Berthelot (7e). Un lieu symbolique puisque à ce moment-là occupé pour mettre à l’abri des élèves sans-abri et leurs familles. « On va réfléchir à une action collective, qui permettrait d’attaquer l’État », expliquait à l’époque l’adjointe lyonnaise, qui suivait un appel déjà lancé par la Ville de Strasbourg.

L’élue et le maire de Lyon avait de nouveau chargé l’État pour son inaction en matière d’hébergement d’urgence le 18 septembre dernier. Lors d’une visite à l’EHPAD Villette d’Or (3e), mis à disposition et financé par la Ville pour loger une quarantaine de femmes et enfants, Grégory Doucet (EELV) avait plus que jamais pointé du doigt le gouvernement. « Mon objectif n’est pas de faire appel aux tribunaux pour que l’État s’engage sur l’hébergement d’urgence, mais on n’exclut aucune démarche pour qu’il le fasse », clamait-il. C’est finalement chose faite.

« Nos actions ne peuvent se substituer ni pallier un système national défaillant »

Alors que de plus en plus d’écoles sont occupées dans la métropole de Lyon pour héberger des familles à la rue et que les tentes s’empilent sous le pont de Jean-Macé (Lyon 7e), l’action en justice des maires de Lyon, Paris, Strasbourg, Rennes, Bordeaux et Grenoble tombe tristement à pic.

« Au quotidien, nous ouvrons des gymnases, parfois des écoles, mettons en place des centres d’accueil et d’information, déployons des solutions d’habitat intercalaire. Nous nous battons chaque jour pour la dignité de toutes celles et ceux qui vivent sur nos territoires. Mais nos actions ne peuvent se substituer ni pallier un système national défaillant, irrespectueux des droits humains fondamentaux », peut-on lire dans la tribune du quotidien.

Concrètement, les différentes villes vont présenter les factures des sommes dépensées dans l’hébergement d’urgence. En espérant que l’État aligne les moyens.

Rassemblement devant l'école Gilbert Dru pour des familles sans-abri à Lyon
Des élus de la Ville de Lyon, lors d’un rassemblement devant l’école Gilbert-Dru en janvier 2022. Photo d’archivePhoto : PL/Rue89Lyon.

Après un échec à Lyon, une tentative d’action groupée pour les sans-abri

Ce faisant, le maire de Lyon Grégory Doucet (EELV), avec des maires écologistes et socialistes, va au bras de fer avec l’État. Depuis le début de son mandat, l’élu se retrouve confronté à des promesses électorales qu’il ne parvient pas à tenir. Malgré des efforts de la municipalité, la politique Zéro enfant à la rue, annoncée par le maire en 2021, a bien du mal à porter ses fruits à Lyon.

Si des solutions ont bien été mise en place par la mairie et par la Métropole de Lyon, les deux collectivités n’ont pas les moyens de l’État pour remplir leurs ambitions. À plusieurs reprises, la Ville avait déjà tenté de faire pression sur les services de la préfecture, comme en décembre 2022, lorsqu’elle a annoncé la fermeture d’un gymnase qui hébergeait des jeunes migrants en recours pour être reconnus mineurs, afin de forcer l’État à les prendre en charge.

Cette fois-ci, le maire de Lyon a décidé de passer par une action groupée. Sera-t-elle suivie d’effet ? À quelques mois de l’hiver et alors que des squats sont menacés d’expulsions, la question est d’importance pour nombre de personnes en situation de grande précarité.

A Lyon, le conflit Israël – Palestine s’invite dans la rue et dans le débat public

A Lyon, le conflit Israël – Palestine s’invite dans la rue et dans le débat public

Deux appels ont été lancés à Lyon : l’un en soutien à Israël, l’autre à la Palestine. Le premier, déclaré, aura lieu à l’appel du Crif, place Bellecour, ce mardi 20 octobre. Le deuxième, interdit par la préfecture, pourrait se tenir ce lundi soir à la Guillotière.

Les secousses du conflit israélo-palestinien se ressentent à nouveau à Lyon. À la suite de l’attaque du Hamas sur l’État d’Israël, les polémiques et manifestations s’enchaînent.

Ce week-end, un appel à rassemblement a été lancé par un groupe nommé « La fosse aux Lyons », en hommage à un groupe armé palestinien opérant en Cisjordanie. Relayé par le groupe anti-fasciste Lyon et environs (Gale), ce rassemblement devait se tenir ce lundi à 18h30 à l’arrêt de métro de la Guillotière, place Gabriel-Péri (Lyon 7e) en « soutien à la résistance palestinienne ». Dans un arrêté publié ce 9 octobre, la préfète du Rhône l’a interdit. Malgré cela, le Gale a annoncé via X (anciennement twitter) que le rassemblement était maintenu.

Lyon Palestine
Le 23 juillet 2014, des manifestants s’étaient couchés pour rendre hommage au 650 morts palestiniens, au seizième jour de l’opération « Bordure protectrice » engagée par l’armée israélienne. @archipel-centre-de-culture-urbaine

Israël – Palestine : « un rassemblement citoyen en soutien du peuple israelien » à Lyon

Côté soutiens à Israël, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Richard Zelmati, appelle « l’ensemble de nos concitoyens, défenseurs des valeurs républicaines, à se réunir » ce mardi 10 octobre, à 18h30, place Bellecour :

« Ensemble, affirmons notre condamnation absolue du terrorisme, qui frappe aveuglément, aujourd’hui l’Etat d’Israël. Notre unité est la seule garante d’une lutte éclairée contre l’obscurantisme », déclare à ce propos le Crif Auvergne-Rhône-Alpes.

Localement, la vraie-fausse annulation de la venue de Maryam Abu Daqqa à l’Université Lyon 2 en fin de semaine dernière, a également créé des tensions. La présence de cette dernière à la faculté avait provoqué le courroux du Crif.

Un temps annoncée absente, cette figure du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Gaza – sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne – s’est finalement bien rendu à la conférence « Colonisation et apartheid israélien, quel avenir pour les Palestiniens ? » Avant l’événement, le syndicat Solidaires étudiants, organisateur de l’événement, avait regretté une « campagne de dénigrement (…) visant à interdire toute critique de l’État d’Israël. »

À la suite de cette conférence, Laurent Wauquiez (LR) a menacé de suspendre sa « coopération avec l’université » si l’institution était reconnue « coupable d’une telle dérive. » Une prise de position qui rappelle celle prise par le président de la Région Auvergne Rhône-Alpes il y a deux ans. En 2021, il avait annoncé suspendre les subventions de l’Institut d’étude politique de Grenoble à la suite de la mise à pied d’un enseignant.

La venue de Maryam Abu Daqqa a également été mise en avant dans l’arrêté préfectoral pour interdire le rassemblement pro-palestinien

Dans les crèches municipales de Lyon, les problèmes de personnel persistent

Dans les crèches municipales de Lyon, les problèmes de personnel persistent

[Droit de suite] Lors de la précédente rentrée, la municipalité avait fait le plein de personnel de la petite enfance pour ses crèches. Cette année, il y a davantage de postes vacants, ce qui force au recours à l’intérim. La Ville de Lyon dit réfléchir à des solutions, notamment sur le logement et les salaires pour attirer de nouveau.

Une dizaine de petites têtes blondes chante en tapant des mains en rythme sur « La famille tortue » au milieu de caméras. Dans cet atmosphère particulière, des auxiliaires de puériculture tentent de les guider tant bien que mal. Mais les enfants peinent à se focaliser sur la comptine, déconcentrés par le grand raout médiatique autour d’eux. Ce mardi 19 septembre, élus et journalistes sont nombreux à s’être réunis dans la salle d’éveil de la crèche municipale Boileau (Lyon 3e), à l’occasion du point presse de rentrée consacré à la petite enfance.

Les bébés sont comme éberlués. En entrant, le maire, Grégory Doucet (EELV), ne peut s’empêcher de commenter, sourire aux lèvres : « Ils ne doivent pas être habitués à voir autant de grandes personnes ici. » Il ne croit pas si bien dire. Si la pièce est particulièrement pleine, les crèches municipales connaissent aussi des pénuries de personnel. À Lyon, 200 berceaux ont dû être gelés car 60 postes restent vacants en cette rentrée 2023, selon la municipalité.

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#enfants

À Lyon, « une semaine pour le climat ! » avec radio anthropocène

À Lyon,  « une semaine pour le climat ! » avec radio anthropocène

Du 7 au 21 octobre, une (grande) semaine pour le climat a lieu dans le premier arrondissement de Lyon. En préambule, notre partenaire, Cité Anthropocène présente quelques points clefs sur cette problématique. Il y participera mercredi 11 octobre.

Cette semaine, Radio Anthropocène installe ses studios au Collège Truffaut, nouvel espace hybride des Pentes de la Croix Rousse, à l’occasion de la Semaine du climat organisée par la Mairie du 1er arrondissement. Un évènement pour réfléchir ensemble au monde qui… A déjà bien commencé à changer. Un temps pour discuter des solutions à inventer collectivement pour se préparer à vivre sur une planète au climat bouleversé.

Semaine pour le climat : un chiffre pour le grand dérèglement

+ 1,4°C. Si l’on devait ne retenir qu’un chiffre cette semaine ce serait bien celui là. Jeudi 5 octobre paraissait le bilan mensuel de l’observatoire européen Copernicus. Verdict : la température moyenne mondiale depuis janvier est la plus chaude jamais mesurée sur les neuf premiers mois de l’année, soit 1,4 °C au-dessus des valeurs préindustrielles. Pour rappel : la limite originelle fixée lors des Accords de Paris en 2015 est de +1,5 °C…

Des écarts climatiques croissants

On parle souvent de réchauffement climatique. Il faudrait lui privilégier l’épithète de dérèglement. Nous entrons dans un monde fluctuant où l’on observe la multiplication de situations climatiques exceptionnelles. Les températures atteignent des valeurs de plus en plus aberrantes et les records de chaleur se multiplient, à l’inverse des records de froid. C’est cet écart climatique croissant à la moyenne qui devient particulièrement préoccupant. Le mois de septembre 2023 est ainsi le plus chaud de l’histoire, depuis que des mesures sont réalisées, et de très loin.

Anomalies de la température de l’air en surface en moyenne mondiale par rapport à 1991-2020 pour chaque mois de septembre de 1940 à 2023.
2023. Données : ERA5. Crédit : C3S/ECMWF.

Le changement climatique : une réalité humaine

La responsabilité humaine dans ces bouleversements n’est plus à démontrer, comme nous le précisent, rapport après rapport, les membres du GIEC. Les conséquences que nous vivons déjà invitent à elles aussi à la responsabilité. Canicule extrême, méga feux, sècheresse, raréfaction de la ressource en eau… L’image peut être angoissante et faire penser à un film d’épouvante. Mais c’est notre réalité. Nous devons apprendre à nous y préparer et à vivre avec ce changement qui est déjà-là.

Les effets du changement climatique en France en 2022, Rapport du Haut Conseil pour le climat, octobre 2023

Climatoscepticisme, climatorassurisme… Les deux faces d’une même pièce

Face au constat d’un climat qui change, certains, pris par l’angoisse, font le choix du déni – on les appelle les « climato-sceptiques». Toujours plus nombreux, ils choisissent de tirer sur l’ambulance, plutôt que d’éteindre le feu. D’autres « climato-rassuristes », peu enclins à avoir le courage des mots, adoptent des postures qui ne sont pas à la hauteur des enjeux, contribuant paradoxalement à rajouter de l’huile sur le feu. Ne voulant pas faire de l’écologie une punition, ils préfèrent minimiser les éléments de constat, et optent ainsi pour des solutions minimes. La vraie punition ne serait-elle pas de continuer sur cette voie qui nous mène dans un monde à bien des égards invivable ?

Bien poser le problème, c’est peut être déjà une solution

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », disait Camus. Fort de ce mantra, Radio Anthropocène fait le choix de la pédagogie et de l’exigence. Avant de donner des réponses, posons-nous les bonnes questions : et si nous prenions le temps de nous arrêter pour mieux penser et mettre ainsi des mots sur nos maux ? Qu’est-ce que pourrait être une écologie qui s’attaque aux problèmes à la racine ? Une écologie qui ne cherche pas à les invisibiliser en y apportant des préconisations essentiellement technologiques ? Comment, enfin, construire une redirection qui soit désirable et faire de l’écologie quelque chose de confortable ?

Le changement (climatique) : c’est maintenant !

C’est à toutes ces questions que nous réfléchirons ce mercredi 11 octobre. Si nous n’apporterons pas des solutions clé en mains, nous chercherons au moins à mettre en lumière des initiatives inspirantes à l’échelle de la métropole lyonnaise. Il sera notamment question du dispositif Lyon2030, de projets de végétalisation urbaine qui permettent – entre autres – de réduire les effets des îlots de chaleurs urbains, mais aussi d’initiatives citoyennes (Des espèces parmi’Lyon, Arthropologia, Odysseus 3.1, etc.).

Nous tendrons notre micro à celles et ceux qui fabriquent la ville de demain – et d’aujourd’hui. Il y a urgence, le changement (climatique), c’est maintenant !

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