
Ce jeudi 20 mai, les élèves du lycée Jacques Brel de Vénissieux, en banlieue de Lyon, ont rencontré l’historien Yvan Gastaut, spécialiste de l’immigration, et Toumi Djaïdja, figure bien connue des Minguettes et à l’initiative de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Reportage.
Le 20 juin 1983, le jeune Toumi Djaïdja, 19 ans, est douloureusement entré dans l’histoire. Ce jeune habitant des Minguettes, un quartier de Vénissieux, en banlieue est de Lyon, était déjà connu pour son engagement contre le harcèlement policier que lui et les autres jeunes du quartier subissaient.
Tard dans la nuit de ce 20 juin 1983, un énième affrontement oppose de jeunes habitants du quartier aux forces de l’ordre. Alors qu’un jeune homme est aux prises avec un chien policier, Toumi Djaïdja s’interpose. L’agent de police lui tire dessus, à bout portant. Le jeune homme est immédiatement hospitalisé, entre la vie et la mort. Sur son lit d’hôpital, c’est lui qui lance l’idée d’une marche pacifique avec le père Christian Delorme.
Une fois remis sur pied, il organise avec d’autres cette grande Marche pour l’égalité et contre le racisme (plus connue sous le nom de Marche des Beurs), qui partira de Marseille le 15 octobre suivant, direction Paris.
Toumi Djaïdja face aux élèves des Minguettes
Plus de 30 ans après cette triste soirée de juin, Toumi Djaïdja revient dans son quartier d’enfance pour échanger avec les élèves du lycée Jacques Brel, à l’entrée du plateau des Minguettes. A ses côtés, l’historien Yvan Gastaut, spécialiste de l’immigration. Ce dernier préside le comité chargé par le président de la République de proposer une liste de noms de personnalités issues de l’immigration pour rebaptiser certaines rues et monuments de France.
Parmi les noms retenus, celui de Gisèle Halimi, de Slimane Azem, de Jackson Richardson ou encore de Toumi Djaïdja. Rencontre entre deux générations liées par une mémoire commune, ancrée aux Minguettes.

Les Minguettes, des « habitats tout confort » aux « banlieues difficiles »
« Moi qui ne connaît pas la région lyonnaise, lors de mes recherches j’ai toujours entendu parler de Vénissieux, des Minguettes, qui ont longtemps été représentées comme étant des quartiers difficiles, attaque Yvan Gastaut. Mais lorsque les grands ensembles des Minguettes ont été construits, dans les années 50 et 60, ils représentaient pour vos grands-parents l’horizon possible d’une vie meilleure. »
L’historien montre aux élèves perplexes des photographies de l’époque. Encadrés par leurs enseignants, eux-mêmes ont pris en photo leur quartier, immense jardin de béton et d’asphalte. Si plusieurs tours ont été détruites depuis les années 60, il en reste aujourd’hui suffisamment sur le plateau des Minguettes pour voir qu’elles sont restées dans leur jus.
Seuls les pull-overs et les chemises portées par les habitant·es de l’époque diffèrent des jeans déchirés, survêtements et baskets des adolescents d’aujourd’hui.
A l’époque, ces grands ensembles représentaient le nec plus ultra du confort et de la modernité et n’étaient pas destinés à accueillir une population immigrée. Les années passant, les travailleurs qui en ont eu les moyens ont quitté le quartier. Les familles les plus modestes, elles, sont restées. Les Italiens, Portugais et Espagnols du début ont peu à peu laissé la place à des habitant·es d’origine maghrébine, toujours là aujourd’hui. Dans les années 70, poursuit l’historien, les habitations ont commencé à se dégrader et l’éloignement du centre et des équipements publics de Lyon à se faire sentir :
« Au début des années 80, la banlieue devient un mot qui fait peur et le thème de l’immigration prend de plus en plus de place dans la société française. »

Beurs, maghrébins, immigrés… Les enfants de ces travailleurs venus s’installer dans les grands ensemble, nés sur le sol français, souffrent de ne pas être considérés au même titre que les jeunes Français du même âge dont les parents ne sont pas immigrés. Dans les années 1980, le racisme sévit et des expéditions punitives ont même lieu, explique Yvan Gastaut :
« Des groupuscules allaient dans les grands ensembles pour tuer des Arabes. On appelait ça des ratonnades, parce que le terme insultant pour qualifier les Arabes était « raton ». Il y avait un racisme anti-arabe très fort, et le problème n’est pas réglé aujourd’hui. »
Sagement assis sur leurs chaises, même les élèves qui commençaient à gigoter se figent. L’historien passe un extrait du journal télévisé de l’époque. Un jeune homme élancé, une épaisse tignasse sur le crâne, répond laconiquement aux questions du journaliste sur fond de tours de béton. C’est Toumi Djaïdja, dans les années 80. Les regards se tournent vers le Toumi Djaïdja d’aujourd’hui, au crâne lisse et aux petites lunettes carrées. Du jeune homme à l’écran, il a gardé un air timide et un regard rêveur.
La Marche pour l’égalité et contre le racisme, ou le choix de la non-violence
Avant de visionner le film La Marche, qui retrace l’histoire de la « Marche pour l’égalité et contre le racisme » de 1983, presque aucun de ces lycéens n’avait entendu parler de ces événements, explique leur enseignante, Mme Khadraoui :
« J’ai été très étonnée, ils ne connaissaient absolument pas. Ils ont été très admiratifs et ont fait de nombreux parallèles avec le contexte actuel, avec George Floyd et Adama Traoré. Beaucoup ont dit que la situation était toujours catastrophique, et qu’il faudrait refaire une marche. »
C’est la question posée silencieusement tout au long de cette rencontre : face au racisme, que faire ? Toumi Djaïdja plonge dans ses souvenirs et raconte la genèse de cette marche historique. Lui qui venait de recevoir une balle dans le ventre a aussitôt fait le choix de la non-violence en organisant cette Marche pour l’égalité et contre le racisme.
« J’étais en mesure d’avoir de la haine. On a tenté de me tuer alors que je portais secours à quelqu’un. Mais je n’ai pas trouvé la force d’avoir de la colère ou de la haine. Je pourrais vous parler de plein de choses qui sapent le moral, je pourrais vous donner des sueurs froides, mais à quoi ça servirait ? J’ai envie de vous donner envie de marcher, de faire de ce pays un pays où les générations suivantes pourront trouver leur place de manière harmonieuse. »
C’est avec cet état d’esprit que le jeune Toumi Djaïdja et d’autres, aux Minguettes, ont décidé de rejoindre Paris depuis Marseille. Soit environ 1300 kilomètres. A leur arrivée à Paris, le 3 décembre 1983, la Marche pour l’égalité et contre le racisme s’est transformée en un cortège réunissant des dizaines de milliers de personnes. Une délégation a été reçue par le président de la République de l’époque, François Mitterrand.
Mohamed, technicien de laboratoire au lycée Jacques Brel, a grandi et vit toujours aux Minguettes. Il était présent à l’arrivée de la marche à Paris. Avec un large sourire, il se souvient de l’émotion et de la vague d’espoir qu’il a ressenties ce jour-là :
« J’ai grandi dans la tour en face de celle de Toumi. En 1983, j’avais 20 ans. Je travaillais en Bretagne quand j’ai rejoint la Marche pour l’égalité et contre le racisme à Paris. Il y avait du monde partout ! Je me suis dit « enfin, c’est la fin de l’apartheid ». Et puis on s’est bien faits entuber par Mitterrand. »
« Qu’en est-il de l’après-marche ? Où en est le racisme aujourd’hui ? »
Slimane, 17 ans, en classe de Terminale, pose la question que tout le monde a en tête :
« Qu’en est-il de l’après-marche ? Où en est le racisme aujourd’hui ? »
Pour Toumi Djaïdja, la réponse au racisme tient en un mot : l’empathie. A grand renfort de belles phrases et de dictons, l’homme expose aux lycéens la voie qu’il a choisie et qu’on pourrait résumer par ce passage bien connu de la Bible : « si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre. »
Cette position est difficile à avaler pour les adolescents, qui s’agitent sur leurs chaises. Sous ses lunettes, Slimane hausse des sourcils perplexes. A côté de lui, son ami Rayane tente d’enfoncer le clou :
« Les actes racistes sont moins nombreux aujourd’hui mais ne trouvez-vous pas qu’ils sont plus violents ? Pour George Floyd par exemple, les collègues du policier savaient qu’il était raciste. Pourquoi n’ont-ils pas agi plus tôt ? On oublie et on ne fait rien jusqu’à ce qu’un autre acte soit commis. »
L’initiateur de la Marche pour l’égalité et contre le racisme arrête aussitôt l’adolescent : il ne s’aventurera pas sur le terrain des forces de l’ordre. Pour lui, il ne faut pas mettre tous les policiers dans le même sac. Rayane fronce les sourcils, visiblement pas satisfait par cette réponse.

« Je ne tourne pas le dos aux policiers »
De son côté, Mohamed secoue la tête devant la position de Toumi Djaïdja, qu’il estime relever de l’« angélisme ». Âgé de 18 ans en 1981, comme Toumi Djaïdja, il se souvient du climat pesant de l’époque. Si l’ambiance est meilleure aujourd’hui, le passé a laissé des traces indélébiles.
« Dans les années 70-80, les mamans étaient très angoissées, raconte-t-il. Il y avait une personne blessée ou tuée par la police par semaine et des contrôles à répétition. Il y a eu de l’amélioration depuis la Marche pour l’égalité et contre le racisme, on croise des gens bacheliers dans le quartier et les rapports avec la police sont un peu meilleurs. Mais je ne tourne pas le dos aux policiers quand même. »
Slimane, 17 ans, qui habite aux Minguettes depuis toujours, est partagé sur l’héritage laissé par cette Marche emblématique.
« Il y a eu du positif et du négatif depuis les années 1980, mais comme toujours c’est le négatif qui l’emporte. Socialement parlant, il y a eu une évolution rapide. A Vénissieux, on est l’une des communes qui a le plus d’équipement public, d’accompagnement social, des associations, des transports en commun… Mais il y aussi une grosse hypocrisie de l’État qui ne met pas les moyens qu’il pourrait. Quand tu es habitant, tu subis. Moi, je les vois les échecs scolaires et la délinquance qui suit. »
L’adolescent se félicite de cette rencontre avec Toumi Djaïdja et Yvan Gastaut. Il espère que chaque année, toutes les classes du lycée puissent faire cette expérience qu’il juge nécessaire.
Toumi Djaïdja entend bien faire porter son message de non-violence et d’empathie aux adolescents assis en face de lui. Il espère que certain·es d’entre eux, peut-être, se mettront à leur tour à marcher pour une France qui saura leur faire une place.

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Tout ce travail mené par mon lycée Jacques Brel, le personnel, les élèves pour réaliser cette journée qui a pour première objectif : sensibiliser les jeunes sur la question de l’égalité.
« ( « Entendre dire que oui, la France est raciste, ça fait du bien, » estime le lycéen.) » Je pense que soit c’est une erreur de votre part, une incompréhension ou bien tout simplement que vous êtes une menteuse. Cette phrase n’est pas la mienne, et ne le sera jamais elle va à l’encontre de mes principes et mes valeurs.
Je reste poli dans ce commentaire, mais effacer sa dépêchez vous.
Slimane
Je viens de lire votre article et en tant que directrice adjointe des centres sociaux des Minguettes je suis très étonnée et surprise du contenu de cet article d’autant plus que nous avons travaillé à de nombreuses reprises avec RUE 89 car ce media avait une autre façon de dépeindre la réalité de ce quartier et de ses habitants.
Je n’étais pas à cette action du Lycée Jacques BREL (partenaire régulier des centres sociaux et nous avons également fait une diffusion en décembre 2020 du film « la Marche » avec d’anciens élèves du Lycée qui ont fait un tour de France de l’Egalité entre 2016 et 2018 avec comme parrain TOUMI DJAIDJA). Donc je ne peux pas me prononcer sur l’action du Jeudi 20 Mai, par contre je peux vous dire que je connais très bien le discours de TOUMI DJAIDJA et que la notion d’empathie que vous avez détournée en une expression biblique n’est pas du tout la teneur de son discours. Vous avez une faible considération des actions non violentes que vous ne métrisé pas.
Et lorsqu’on ne maitrise pas un sujet, on se renseigne ou on n’en parle pas. Surtout pas comme vous le faite notamment quand vous écrivez « Cette position est difficile à avaler pour les adolescents, qui s’agitent sur leurs chaises. ». Vous généralisez ! Ce n’est pas un fait relaté mais un sentiment. Même chose quand vous dites : « Rayane fronce les sourcils, visiblement pas satisfait par cette réponse. » C’est un sentiment que vous exposez et non un fait, peut être que cela a donné à Rayane une piste pour penser autrement.
Bref, j’ai d’autres exemples que cet article ne m’a pas donné à voir ce que nous avions l’habitude de voir dans les articles de RUE 89 (pour moi media engagé avec des journalistes engagés !).
Nous avons réalisé plus de 30 interventions du groupes HUMANITY IN ACTION avec comme parrain TOUMI DJAIDJA pour dire qu’aux MINGUETTES, des jeunes agissent pour la promotion de la non-violence qui n’est pas la non action ou le reflet de l’expression biblique que vous utilisée.
Cordialement,
Nadia BESSARD
On parle beaucoup des quartiers, on oublie la province.
Quant au racisme, il a changé mais reste présent (des deux côtés!!)
Racisme systémique comme on dit en ce moment.
Au siècle dernier, dans des écoles de province, les enfants "issus de l'immigration ( je note que cet article est dans l'onglet immigration) pouvaient subir du harcèlement des insultes sans que les profs ne réagissent. Parfois les profs en rajoutaient une couche : vous êtes là à cause des allocs. Ma soeur et mon frère ne pouvaient regarder le tableau toute l'année en CP, ils ont donc redoublé. La maîtresse refusaient qu'ils participent. Petite école de province avec 2 familles d'arabes! Mon neveu dans une autre ville, nettoie la cour avec son copain turc, tous deux éléments brillants de l'école. On fera "redoublé mon neveu car il n'a que 10 en latin, 18 en math physique et un petit 14 en français). Geek IT aujourd'hui. Des élèves avec 12 de moyenne passent au lycée, mon frère avec 15 de moyenne, on lui conseille vivement d'aller voir ailleurs. Dans les collèges du coin certains profs interdisent même que les enfants soient sur les photos de classe, et oui les parents n'achètent pas les photos. Et l'université...on refuse une place en cité, ensuite on refuse de filer des dossiers d'inscription pour des bourses de thèse ensuite d ATER....Certains dossiers ne "brillent" qu'à l'étranger. Vive l Europe! Sans elle je serai chômeuse depuis mon doctorat.
Et les quelques bons élèves ...il y en a quand même, ils sont médecins aujourd'hui, avocats, sociologues, chercheurs, journalistes ont ouvert restos , etc... Certains sont partis à l'étrangers...comme leurs parents...pour une vie meilleure, il faut quitter "son pays". Un autre neveu ne trouve pas de poste...il part en Angleterre et en 15 jours se trouve un poste à la City...un autre au Luxembourg...
Pour un stage il faut remplacer Fatima par Francesca.. Je parle espagnol alors on me croit de là-bas...ça passe mieux.
Je reviens de l'étranger (UK), et on m'accuse de vouloir profiter du système (sécu) au moment où je refais mes papiers.
Un ami refait sa carte d'identité française, on exige la preuve de ma nationalité : au motif beaucoup de femmes prennent l'avion pour accoucher en France ( Mairie de Corbeil Essonne!) .
Je reviens dans le Thalys d'une conférence à la commission Européenne. Je suis al seule fouiller et contrôler deux fois en 10 min. Les policiers entrent dans le wagons annoncent contrôle d'identité aléatoire, je n'ai pas le temps d'ouvrir mon sac...L'agent a sa main dedans , je montre ma carte d'identité, et ose me tutoyer en demande si j'ai de la drogue! Ensuite ils repartent sans avoir contrôler personne, je m'offusque, prend à témoin les autres voyageurs...Les policiers reviennent et me demandent : est-ce votre valise ( au-dessus de ma tête)? Je réponds non et demande si ils cherchent qui me ressemblent? Ils répondent par la négative. Je parle donc en anglais car certains voyageurs ne parlent qu'anglais :So it is a curly control not random! Les autres appuient c est vrai il n y a qu'elle qui a été contrôlée? pourquoi? Les policiers font mine de contrôler un autre passager : ils ouvrent son ordi sans l'allumer!! Me regardent méchamment et s'en vont! Curly control! Je revenais la commission EU...En général, c'est les magasins, à l'aéroport (trop souvent) ....C'est une offense de plus! On m'insulte, je dois prouver que je n'ai pas commencer, on croit cette dame, même les assos disent "vous les jeunes...etc.." Je ne suis ni jeune ni ceci..." quand vous dites je suis docteur alors … alors seulement l'interlocuteur commence à accepter l'idée que vous n'êtes pas "agresseur" mais l'agressé".
Ma rentrée univ NANCY: pas de place en cité U: 1% de fils d'ouvriers en fac à l'époque, donc les boursiers passent en 1er pas en dernier!?
La directrice de cité U du Placieux me dit : pas d'étrangers dans ma cité...Aujourd'hui, je porterais plainte contre elle, mais à l'époque...
Je connais un peu la cité : en effet étudiante en licence, l OPHLM m'a filé un appart non pas avec les autres étudiants "de souche" mais avec les trois étudiants en médecine, venus d'Afrique. Je ne savais pas ce que c'était la vie en HLM....Paraît-il que c'était au nom de la mixité sociale !? J'étais à 40 min de la fac et mes collègues à 10 min dans un bel immeuble....Egalité du traitement des dossiers !
Le monde change doucement...Il faut en faire deux fois plus, pour nous autres...Y a un plafond de verre opaque et quelques fils de barbelés à traverser, CENSURE sociale- l'ascenseur est fermé.
Les postes de médecins (avocats) : la carrière progresse moins vite pour les gens "comme nous".... Les salaires, on parle de l'inégalité homme-femme...20%, et on ôte encore 20%, pour nous autres...
On nous accuse de nous poser en victime : ho.... pas joli joli !
Mais des victimes qui agissent étudient le ventre vide, parfois avec aucun soutien. Et encore, mes collègues venus d' Afrique devaient en plus s'habituer au froid, au manque de respect eux qui parfois avaient été considérés comme des exemples, élèves brillants n'étaient vus que comme des délinquants.
Soirées étudiantes : on ne pouvait entrer ( NANCY) ... C’est réservé aux étudiants…. Basanée à frisettes ça correspondait pas vraiment !!
Et un jour que je ne mangeais pas beaucoup à la cantine, j'ai fini par avouer que je n'avais pas d'argent ( je disais que j'étais au régime depuis des mois!!) . La réaction des petits "français de souche" : pas celle pleine d'empathie "Ho tu veux un bout de pain un yaourt pour tenir" . Que je suis naïve, Nooon, la réaction fut : comment ça avec tout ce que vous avez: la bourse de ton pays et celle de la France plus les allocs... Y en a qui passent le permis avec et partent en vacances !!
Wouahah les arabes ne paient leurs loyers ( mon père est proprio) en plus ils volent etc
Je suis française je n'ai qu'une bourse 9eme échelon versée à la fin en fin de chaque trimestre.
Pour eux je mentais, en plus EUX n'avaient pas droit aux bourses...
Quelle injustice! On nous donne TOUT. (1% d'élèves comme moi c'était déjà trop)
J'étais malade à force de mal manger ( peu ou prou)... Je dormais beaucoup (devenue anémique). Tout le monde disait que je me droguais...Une arabe! D'ailleurs tu en vends pas?!! ahah
Le plus compliqué c'est que pour me trouver même un petit boulot c'était difficile en province...
Je suis contente d'entendre qu'aujourd'hui, les élèves peuvent toucher la bourse chaque mois, que ce n'est plus une HONTE d'être pauvre.
Croyez-le ou pas : quand ils m'ont vu dans la grande surface certains ça les a fait rire... Un magasin chic je veux bien, mais au CORA...hoo
Je m'enfoutais royalement, j’avais des sous et des fins de trimestres moins difficiles. ;-) J'ai donc étudié avec ce qu'on nomme l'ELITE et leurs codes abscons pour le citoyen lambda. Arrogance rime avec indécence. Et ces jeunes-là...auront de super postes très vite...car c'est le RESEAU qui fonctionne par ICI. Comme ils disent "quand on veut on peut" ;-) et on va pas bosser pendant les vacances, on bosse déjà toute l'année! Quand même ! Ils ricanaient car je n'allais pas au ciné au resto ou ne prévoyais pas un tour de l’Europe...Franchement!
Haut le coeur! No white privilege!
Amusant mon directeur de thèse pourtant polytechnicien, a demandé au moins 20 fois si je rentrais dans mon pays à la fin de mes études, et par humour je lui disais, les Vosges n'ont pas encore obtenu l'indépendance...enfin je crois!! Ha oui c'est vrai z'êtes française! Vous parlez sans accent ! Non, c’est l’arabe que je parle avec un accent…
Vous savez ma grande chance fut de ne pouvoir rester qu'avec les autres, les étrangers ceux qui n'avaient pas de quoi aller en boite ou au café...On passait de belles soirées arrosées de thé mauritanien: des échanges intéressants, des scientifiques, des littéraires, art, futurs avocats etc.. ils venaient pour beaucoup de pays en guerre de dictatures, pas tous " pauvres" quelques nantis mais en France, ils étaient mal vus ... J’étais la seule fille, la beurette, une peu fofolle ( l’image négative des deux côtés). Et eux recherchaient l'ouverture à travers la lecture , les échanges.. des parcours parfois si difficiles. Certains manquaient la rentrée ( pas de visa ou emprisonné!! Et Ceux qui passaient leur thèse sans bourse alors qu'ils y avaient droit, exploitation des temps modernes!). Franchement j'ai beaucoup appris, lu et je me dis qu'il faudra encore du temps...
Un jour, j’ai porté plainte pour racisme pour un poste de maître de conf : pas pour moi pour des étudiants, comme je n’avais pas besoin de visa, c’était moins risqué pour moi. Le directeur de l’univ me reçoit, on discute, et me dit qu’il avait connaissance de ce dossier, mais que les étudiants avaient vraiment un mauvais dossier. Je lui répond, qu’il est vrai qu’en étant major de promo mention très bien mais marocain, on peut mettre en doute le niveau de ce jeune homme ainsi que les cinq autres étrangers (assez bons pour travaux de thèses, pour enseigner ATER mais pas pour un poste). respectivement mention Bien, ab etc… Il accepte de remettre ma « lettre au doyen et au comité ». 15 jours après, il a enquêté reconnaît que les dossiers sont BONS mais avoue que la réaction première du comité, à la lecture de ma lettre fut navrante : Elle n’est pas française donc pas concernée par l’enseignement en France. Lettre donc irrecevable. Heureusement, lui savait mais ce sont des étrangers…Il faudra encore 50 ans…
Depuis j’indique ma nationalité sur tous mes courriers !!
Ça continue toujours des deux côtés : ma nièce s’exprime correctement, elle est brillante, mais on l’insulte, une blanche à l’intérieur. On touche sa peau puis on s’essuie avec une grimace !
Elle changera pour un lycée privé non sans difficultés, il faut insister, elle est la première, donc pourquoi le lycée a déjà validé la place d’une autre élève avec de moins bonnes notes… ( parents chirurgiens et patronyme bon teint). Heureusement, on l’a su ! Elle finira avec mention très bien, comme sa cousine qui aujourd’hui est au Canada…Major de promo mais…son patronyme ne passe pas …
Et avec ça, il faut être positif, calme et peau-sitiver!
On peut dénoncer, cela fait du bien, et ensuite ensemble entamer ce dialogue sur un pied d'égalité.
Il faut raconter dit-gérer pour ne pas en garder la nausée
J'AVOUE J'AI PEUR POUR MA FILLE...
Egalité : on arrive à obtenir les mêmes diplômes, mais j'ai grimpé la montagne à pied, j’arrive un peu fatiguée, certains sont arrivés en limo! On fera la sélection sur celui qui présente "mieux" celui qui rassure celui qui ressemble...au reste du groupe! Think out of the box but please first rentre dans la boite!! Formaté c’est un must!
Je me pose en victime… oui. Victime agissante.
Un peu de volonté, il faut vous battre au moins autant que vos parents...si résilients. Il en faut pour changer de pays surtout quand on ne parle pas la langue, quand on ne sait ni lire ni écrire...Prenons exemple sur eux!
Nous nés et surtout reniés en France
Gotha ou Ghetto la vie ne fait pas les mêmes cadeaux
Je ne viens pas du Ghetto
mais manque de pot j'en ai la couleur
Avec Humour quand on me demande si j'ai la double nationalité :
Je réponds : Non mais j'ai une double personnalité ( Dr Mohamed G Kill;-)
QUIZ
Qu'est-ce qu'un Français A.O.C?
Arabe/Africain d'origine contrôlée et d'interpellations répétées
Français de souche ou louche ? 😉
L'humour est la forme la plus saine et raffinée de la lucidité
There is no greater agony then an untold story ( M Angelou)