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Cédric Van Styvendael, l’héritier de plus de 100 ans de gauche à Villeurbanne

Adoubé par le maire PS sortant, Jean-Paul Bret, le candidat de « l’union de la gauche » pour les élections municipales à Villeurbanne, Cédric Van Styvendael, a la lourde tache de tenter de conserver ce bastion historique du parti socialiste.

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Cédric Van Styvendael, l’héritier de plus de 100 ans de gauche à Villeurbanne

Novice en politique mais pas nouveau dans la ville, il a fait du logement social et de la lutte contre les inégalités son argument-massue. Comment s’y prend-il, tandis qu’en face, l’offensive des écologistes pourrait tout faire vaciller ?

Dans la vingtième plus grande ville du pays, le contexte de ces élections municipales est un peu spécial. Les élections des 15 et 22 mars prochains tourneront la page de dix-neuf ans de mandat de l’édile actuel, Jean-Paul Bret. Socialiste depuis toujours, le maire actuel a côtoyé des poids-lourds du parti comme Charles Hernu ou Gilbert Chabroux. Mais il a décidé de « ne pas faire le mandat de trop », lui qui est par ailleurs conseiller municipal depuis 1977. Il veut laisser sa place à un autre socialiste, qui n’a encore jamais été élu : Cédric Van Styvendael.

Le foulard bleu vissé autour du cou, la carrure franche, le teint rougeaud, le regard perçant et le sourire léger, le dauphin Cédric Van Styvendael marche dans le sillage de l’ancien premier magistrat.

Si Cédric Van Styvendael a obtenu le blanc seing du maire sortant, ça ne sera pas de trop pour remporter la bataille électorale des municipales. À 46 ans, il devra tirer son épingle du jeu face à Prosper Kabalo, le candidat LREM, le duo Bruno Bonnell-Emmanuelle Haziza, dissident LREM et ex-LR, Clément Charlieu, investi par LR, Thibaut Garnier (RN), et, surtout, Béatrice Vessiller, la candidate d’EELV. Cédric Van Styvendael, qui concède lui-même avoir un nom difficilement prononçable lui venant de son grand-père belge, voudrait qu’il résonne comme le patronyme d’un profil atypique.

S’il se présente investi par le Parti Socialiste (PS) en ayant remporté haut la main les élections internes face au sénateur Gilbert-Luc Devinaz, il mène la liste baptisée «Villeurbanne en Commun». Du PCF en passant par Place Publique, Génération.s, le PS jusqu’aux Insoumis locaux et de nombreux petits groupes de gauche, la liste rappelle les meilleures heures d’union de la gauche.

« Il mène une liste que j’aurais bien aimée avoir en son temps », jalouse ironiquement le maire actuel, Jean-Paul Bret.

Viennent s’ajouter bon nombre d’élu.e.s de l’équipe municipale actuelle dans ses rangs. Pas de doute, il est bien l’héritier de l’aire Bret. Et il mène la danse comme semble le montrer un premier sondage.

Cédric Van Styvendael, candidat tête de la liste «Villeurbanne en commun», accompagné par Agnès Thouvenot, adjointe à la mairie déléguée à l’Emploi, la santé et l’économie solidaire, également candidate sur sa liste. ©Lionel Brossard

Mister logement social

S’il porte un patronyme flamand, son ancrage est villeurbannais. Né dans les pentes de la Croix-Rousse, il a grandi à Grenoble puis à Chambéry avant de retrouver Lyon pour ses études. Cela fait maintenant seize ans qu’il habite le quartier de Cusset avec sa femme, professeure des écoles en Institut médico-éducatif (IME), et ses quatre enfants.

Professionnellement, Cédric Van Styvendael s’implante dans le tissu villeurbannais. Formé sur les questions d’urbanisme et d’habitat, il prend, en 2009, les rênes du bailleur social Est Métropole Habitat. C’est par ce travail qu’il va fréquenter Jean-Paul Bret mais aussi rencontrer les Villeurbannais pendant plus de dix ans. Puis l’été dernier, alors que sa candidature est un secret de polichinelle, il démissionne de ce poste pour se consacrer pleinement à son projet politique.

Cédric Van Styvendael s’est montré à l’aise lors du premier débat de campagne organisé par une association le 18 février. ©Lionel Brossard

Le logement social, c’est son dada. Avec Est Métropole Habitat, mais aussi avec Housing Europe, la fédération des bailleurs sociaux Européens qu’il dirige bénévolement jusqu’en juin 2020 et qui lui a permis de rencontrer de grands maires européens : Anne Hidalgo (Paris), Ada Colau (Barcelone) ou encore Michael Ludwig (Vienne). Il dirige aussi un Groupement d’intérêts économiques (GIE), La Ville Autrement à Villeurbanne qui parachève son profil de « mister logement social ».

Cette expertise est un atout de choix pour diriger Villeurbanne. Dans le contexte d’une métropole lyonnaise très dynamique, la ville parfois considérée comme le dixième arrondissement lyonnais alors qu’elle compte 150 000 habitants à elle seule, continue d’attirer.

Sa croissance ne va donc sûrement pas s’arrêter là. En 2019, Villeurbanne a connu la plus forte hausse du prix logement de France (plus de 12%). Un point qui constituera un défi de taille pour le prochain maire. D’autant plus que Villeurbanne est historiquement une ville populaire : en 2016, le taux de pauvreté était de 19% dans la ville selon l’INSEE alors qu’il est autour de 14% en France.

Villeurbanne plutôt que Paris

Le réseau Est Métropole Habitat, c’est LE point fort de Cédric Van Styvendael sur le territoire villeurbannais. Avec 331 salariés en 2018, l’entreprise a des ramifications importantes auprès de la population, comme l’exemple de cette électrice.

« Il est unanimement apprécié au sein de l’entreprise, des agents d’entretiens aux cadres de la direction. J’ai rarement vu quelqu’un qui fédère autant autour de lui », admire Jean-Paul Bret.

Dans le quartier très populaire des Buers, Madame Mebrek travaille comme agent d’entretien pour Est Métropole Habitat et milite activement pour le soutien de celui qu’elle appelle « Monsieur Cédric ». Mais la marque du bailleur social peut être à double tranchant pour le candidat. Dans ce même quartier, en pleine réhabilitation justement menée par Est Métropole Habitat, la satisfaction n’est pas toujours au rendez-vous. Certains associent Cédric Van Styvendael au bruit de la meuleuse et aux travaux incessants sur le pas de leur porte. Alors évidemment, ça grogne.

« Moi j’ai dû quitter mon logement trois mois et quand je reviens, c’est toujours le bazar », déplore une habitante qui prendra quand-même le tract de campagne tendu par les militants de la gauche unie.

Logement ou politique, Cédric Van Styvendael a fait son choix. Pourtant, les choses n’avaient rien d’évident. En 2016, il est sollicité par Ian Brossat, adjoint PCF à la mairie de Paris en charge du logement, pour prendre la tête de Paris Habitat, le plus gros bailleur social en France. Une offre en or qu’il a déclinée.

« Directeur général de Paris Habitat c’est l’un des postes les plus importants dans mon corps de métier. Ça a été pour moi le choix le plus difficile de ma vie professionnelle », lâche Cédric Van Styvendael.

À ce moment-là, la fonction de maire de Villeurbanne lui trottait déjà dans un coin de la tête.

« Je lui ai dit, si vous voulez être candidat et que vous êtes à Paris, eh bien… vous n’y serez pas. Donc il a fait ce choix de rester là, sans avoir la certitude de rentrer dans la candidature politique », se rappelle Jean-Paul Bret.

Avant d’ajouter : « Et puis la politique, il aime ça quand-même. »

« 1981 et Mitterrand, ça a été quelque chose d’important »

Son goût pour la politique, Cédric Van Styvendael l’a eu très tôt. Élevé dans une famille aux « idéaux de gauche », il a grandi dans le quartier populaire des Biollay à Chambéry.

« Dans ma famille, 1981 ça a été quelque chose d’important. Quand Mitterrand apparait sur l’image pixélisée, évidemment ça m’a marqué aussi», évoque-t-il.

C’est d’ailleurs depuis François Mitterrand que Villeurbanne est un devenu laboratoire du PS.

Lui qui a pris sa carte au PS pour la première fois avant les présidentielles de 2007, puise son engagement chez différentes personnalités. Cédric Van Styvendael se dit admirateur particulier de l’Abbé Pierre ou encore le philosophe Edgar Morin pour «leur force d’indignation et leur manière de penser la complexité du monde».

Mais son dernier mentor, c’est bel et bien Jean-Paul Bret, qui à la manière d’un grand-père bienveillant, lui a confié l’héritage socialiste de Villeurbanne.

La campagne villeurbannaise, un joyeux bazar

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En dehors du candidat de la gauche, la campagne villeurbannaise est un joyeux bazar.

Côté LREM, le candidat Prosper Kabalo, premier adjoint de Jean-Paul Bret est un marcheur depuis 2017. Il s’est lancé et a emporté dans sa besace quelques conseillers dont le dernier en date le socialiste Didier Vuillerme, secrétaire de la section, qui a longtemps été pressenti pour prendre la suite de Jean-Paul Bret. Vexé, il a donc rejoint le candidat LREM.

Pour les élections métropolitaines, LREM a par ailleurs choisi de ne pas lui accorder l’investiture pour ne pas créer de jalousie car Bruno Bonnell, député LREM de Villeurbanne s’est joint à Emmanuelle Haziza (ex élue de l’opposition étiquetée LR à Villeurbanne, aujourd’hui sans étiquette) dans la course aux municipales.

À croire que les divisions au sein de LREM sont à la mode.

À droite, ce n’est guère mieux. Après le retrait de Marc Atallah à la mi-janvier, c’est le jeune Clément Charlieu qui hérite de l’investiture LR.

Pour le Rassemblement National, c’est Thibaut Garnier qui mènera une liste.

Une « gauche unie », mais sans EELV

Et puis il y a EELV. Bien placés dans les sondages métropolitains, au touche à touche avec Gérard Collomb, les écologistes ont le vent en poupe à Villeurbanne également. C’est Béatrice Vessiller qui mène la liste verte municipale, avec toujours un œil vers la Métropole. Élue au conseil municipal de Villeurbanne depuis 2001, d’abord dans l’équipe de Jean-Paul Bret, puis dans l’opposition à la suite des élections cantonales de 2010, l’écologiste retente sa chance pour la Mairie. Le récent sondage indique que le vent vert qui souffle sur la Métropole lyonnaise comme sur Villeurbanne, fief des deux personnages forts du mouvement que sont Bruno Bernard et Béatrice Vessiller.

Béatrice Vessiller, candidate EELV aux élections municipales de Villeurbanne. ©Lionel Brossard

Les candidats écologistes font aujourd’hui office de solides concurrents face à la liste de Cédric Van Styvendael. Jean-Paul Bret explique avoir tout fait pour les convaincre de ne pas partir en solo :

« Les Verts signifiaient un début d’accord. Puis ils ont changé d’avis entre juillet et septembre parce qu’on leur a dit, au niveau national, ‘on y va seuls’. Je pense que quand on part ensemble dès le début c’est toujours plus facile».

Mais pour Béatrice Vessiller, c’est une autre histoire. Hors de question de se ranger derrière Van Styvendael ni même Jean-Paul Bret :

« Je pense que c’est bien que les électeurs aient le choix. Ne leur volons pas le premier tour. Après on verra ce qu’on fera au deuxième tour. A Villeurbanne, ça fait 40 ans que c’est un homme socialiste qui dirige la ville. Si on veut marquer le changement, je pense que c’est important que les électeurs aient le choix. »

Si Cédric Van Styvendael reste quelque peu irrité par cette main tendue rejetée, l’accord entre les deux entités au second tour est très probable. Reste à savoir qui arrivera devant l’autre et qui devra, en conséquence, se ranger derrière l’autre. Les programmes montrent de très nombreuses similitudes. Un poil plus écolo pour les Verts, un poil plus social pour l’union de la gauche.

Finalement, c’est sur Cédric Van Styvendael que pèse le poids de l’histoire socialiste villeurbannaise. Ce dont il a conscience :

« Moi la seule pression que j’ai, c’est celle de ce bel héritage qui nous est légué par 100 ans de gauche à Villeurbanne. »


#Cédric Van Styvendael

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