
Un squat dans un ancien collège de la Croix-Rousse : une solution pour les mineurs étrangers ?
Une nouvelle étape de parcours migratoires qui continuent malgré leur arrivée en France.
Après la fermeture du « lieu de répit » ouvert cet été dans un local de la mairie du 1er pour mettre à l’abri des mineurs isolés étrangers aujourd’hui appelés mineurs non accompagnés (MNA), cela faisait un mois qu’une trentaine de jeunes migrants campaient dans le jardin du Relais d’assistantes maternelles « Les Petits soyeux » de la Croix-Rousse (Lyon 4è).
Sous la menace d’une procédure d’expulsion lancée par le propriétaire, les migrants ont changé de squat.
Cette fois-ci, l’ancien collège Maurice Scève, rue Louis Thévenet, devrait leur servir de maison temporaire. Pour le moment, c’est surtout un énorme ménage qu’il faut réaliser avant d’installer des matelas à l’intérieur.
Ces migrants originaires d’Afrique subsaharienne ont dû passer une première nuit sous la tente dans la cour. Ils espèrent rapidement intégrer le bâtiment.
L’immense majorité de ceux-ci se disent mineurs. Certains attendent de passer l’entretien d’évaluation de leur minorité par Forum réfugiés, d’autres sont en attente de ce résultat et d’autres encore engagent des recours contre un résultat négatif. C’est le cas d’Ibrahim, « bientôt 17 ans ». Cela fait quatre semaines qu’il est à Lyon en provenance d’Italie, de Libye et d’Algérie :
« La plupart des gens ne sont pas hébergés par Forum réfugiés comme ils le devraient. Nous devons dormir sous des tentes. Il fait froid. J’espère être hébergé correctement et aller à l’école pour devenir quelqu’un. »
Un squat à la Croix-Rousse parti pour durer
Ce ne sont pas ces jeunes migrants qui ont « ouvert » le lieu. Comme pour l’ouverture d’un autre squat en décembre dernier, baptisé « l’amphi Z » à Villeurbanne, on retrouve une « convergence » entre des squatteurs libertaires, rompus à l’exercice, et des associations et personnes engagées dans le soutien aux migrants, comme la Coordination urgence migrants (CUM) et le collectif des habitants de La Croix-Rousse formé autour du « lieu de répit ». Mais également le collectif d’étudiants qui accueillent des mineurs isolés chez eux.
Si les squatteurs déclarent être dans le collège depuis une semaine, l’ouverture du lieu a été officialisée seulement dimanche matin.
La police est passée. Et dans les 48 heures, il n’y pas eu d’expulsion au nom de la règle de la flagrance.
Un huissier mandaté par la Métropole de Lyon (propriétaire des lieux) a également été envoyé sur les lieux lundi soir.
Mais pour l’heure, « il n’y a pas de procédure d’expulsion déclenchée », nous a affirmé le cabinet du président de la Métropole. qui précise le projet pour l’ancien collège : « la construction d’une centaine de logements, d’un pôle petite enfance et d’une surface commerciale. Trois candidats ont été présélectionnés et une décision sur le porteur de projet sera prise d’ici la fin de l’année ».
Après une première tentative d’ouverture en juin et l’expulsion rocambolesque d’un autre lieu en mai, un squat destiné aux mineurs étrangers est donc en passe de durer quelques semaines.

Les jeunes migrants ont passé une première nuit sous la tente dans la cour du collège Maurice Scève. ©LB/Rue89Lyon
« La Métropole de Lyon est hors-la-loi »
Tout mineur non accompagné relève de la protection de l’enfance qui est de la compétence des départements. A Lyon, c’est la Métropole qui s’en charge. « La collectivité fait beaucoup pour l’accueil et l’accompagnement des mineurs non accompagnés même si cela ne suffit pas toujours à faire face à l’afflux. Comme l’a rappelé le Président de la Métropole David Kimelfeld, lors du dernier conseil, la collectivité ne peut pas tout faire elle-même et a besoin d’être accompagnée par l’État. Il a aussi condamné l’instrumentalisation de la situation des MNA à des fins politiques ».
« La Métropole ne peut pas tout faire elle-même et a besoin d’être accompagnée par l’État »
Mais face à une augmentation continuelle de ces jeunes, qui sont passés de 600 en 2016 à 1000 fin 2017 dans la Métropole, les services d’accueil qui s’en occupent – la Meomie, (le service de la Métropole) et depuis avril l’association Forum réfugiés – se retrouvent saturés.
En un an (second semestre 2017 à aujourd’hui), la Métropole a créé 140 places mais cela reste insuffisant. « Plusieurs réflexions sont actuellement à l’œuvre dans l’objectif d’améliorer la prise en charge et l’accompagnement des MNA », affirme le cabinet du président de la Métropole que nous avons contacté à la suite de l’ouverture de ce squat. Et de répéter :
La Métropole de Lyon, propriétaire du bâtiment, est doublement dans le viseur des occupants.
Dans la cour du collège Maurice Scève, on dénonce toujours « une Métropole hors-la-loi ».
La collectivité a en effet la compétence de la protection de l’enfance donc devrait héberger les migrants qui se déclarent mineurs. Hors, plusieurs dizaines de mineurs restent à la rue.
Le président de la Métropole a beau arguer que le « phénomène migratoire est de grande ampleur », que 50 millions d’euros ont déjà été dépensés pour l’accueil en 2018 (contre 36 millions en 2017), cela ne convainc pas.
Jean-Paul Vilain, président de la Coordination urgence migrants (CUM) reprend les éléments déjà développés lors d’une récente manifestation devant la Métropole :
« On manque de places. Tout le monde le dit. Mais il n’y a toujours pas de volonté politique pour signer des conventions avec les associations afin d’ouvrir des lieux d’hébergement pour les mineurs. Nous ouvrons donc des squats. Mais c’est un pis aller ».
M. fait partie l’inter-squat. Un collectif informel qui « rassemble des individus autour des solidarités à mettre en place sur le logement », comme il le décrit pour parler d’ouverture de squats. C’est lui qui se charge de répondre au journaliste :
« Puisque la Métropole ne fait pas son boulot, nous le faisons. Ce squat permettra d’héberger jusqu’à une cinquantaine de jeunes pendant l’hiver. C’est précaire mais ce ne sera pas insalubre. Et c’est toujours mieux que de rester à la rue ».
Dans la même lignée que le squat référent de l’Amphi Z, l’idée est de faire de cet ancien collège un « lieu ressource » avec permanences juridiques et autres activités « ouvertes sur le quartier ».
Des membres du collectif d’habitants de la Croix-Rousse croisés ce matin dans la cour indiquent que des distributions de nourriture ont lieu le matin et le soir. Le midi, ces jeunes peuvent aller manger au restaurant social de la Ville de Lyon, accompagné par le Secours populaire.
Une habitante reconnaît que ce lieu reste précaire :
« C’est une mise à l’abri. Les conditions météorologiques font que ces jeunes ne pouvaient plus rester dehors. On n’a pas eu le choix. Nous allons continuer le suivi et les actions pour faire valoir les droits de ces enfants et sortir de cette situation. »

Une des façades du collège Maurice Scève, entièrement couvertes de graffs à la suite d’un événement de street-art organisé il y a un an par le Petit Bulletin. ©LB/Rue89Lyon
Mise à jour le 25 juillet 2019 : Un an de squat
Après un premier rejet de la demande d’expulsion engagée par la Métropole de Lyon en octobre dernier, le tribunal d’instance (TI) était à nouveau saisi par la collectivité à la suite d’une promesse de vente signée avec Vinci.
Au terme d’une audience qui s’est tenue le 24 juillet, le juge du TI de Lyon rendra sa décision le 24 septembre. Soit un an après l’ouverture du squat.
En ce mois de juillet 2019, l’ancien collège est majoritairement habité par des migrants demandeurs d’asile (majeurs) originaires d’Afrique subsaharienne. Ils seraient environ 300.
Dans un article publié par le site Rue89 Lyon consacré à la mobilisation d’associations et d’habitants de la Croix-Rousse pour les mineurs non accompagnés, vous condamnez l’instrumentalisation de ces mêmes mineurs à des fins politiques ? Selon vous donc, l’engagement prit cet été par pas moins de 160 personnes qui se sont relayées à la Marmite Colbert dans le 1er arrondissement pour assurer gîte, couvert, conseils et réconforts à près de quarante mineurs, dont la plupart étaient à la rue, constituerait selon vous une manoeuvre politique ? Mais monsieur, si d’aventure vous étiez venu dans les pentes de la Croix-Rousse en juillet et en août, peut être auriez-vous perçu ce que nombre d’habitants du quartier ont ressenti : de la honte. Parce que laisser des mineurs livrés à eux-mêmes tout en assurant qu’on les suit et qu’on les protège, relève d’une hypocrisie notoire. J’habite dans les pentes de la X-Rousse, et je fais partie de ceux qui ont donné un coup de main cet été et encore aujourd’hui au collège Maurice Sève. Mon engagement n’a répondu qu’à un seul critère qui s’appelle la solidarité, d’autant qu’ici elle s’adresse à des mineurs. Aussi lorsque je lis que moi, comme d’autres, nous agirions à des fins politiques, permettez-moi de vous rétorquer que nous ne vivons pas sur la même planète. Parce qu’entre nous, qui doit faire appliquer la loi de protection de l’enfance ? Vous ou nous ? Dites-moi. N’avez-vous pas le sentiment qu’il y a ici un renversement des rôles et des devoirs. Comment se fait-il qu’il revienne à des associations et à des habitants le soin de prendre en charge ces mineurs, quant il est stipulé par la loi que c’est à vous de vous en charger ? Comment se fait-il qu’en octobre, cette mobilisation solidaire soit obligée de réquisitionner le collège Maurice Sève parce que les jeunes qui campaient devant l’association « Les P’tits Soyeux » montée de la Grande Cote, là encore grâce aux habitants et aux associations, étaient menacés d’expulsion. ? Oui monsieur Kimelfeld, d’expulsion, la seule réponse qu’apporte l’Etat, que vous apportez à ces mineurs ? Vous focalisez votre analyse, et ce n’est un secret pour personne, sur le fait que la maire du 1er arrondissement, Mme Perrin-Gilbert, l’une de vos opposantes à la Métropole, ait pris la décision de confier la salle « La Marmite Colbert » par convention durant l’été, acte qui selon vous et qui vous tétanise, répondrait à une stratégie politique. Et quand bien même, n’a-t-elle pas fait ici qu’appliquer la loi ? En qualité de président de la Métropole, vous semblez l’ignorer et vous vous retranchez, tantôt derrière une pseudo récupération politique, tantôt sur l’incapacité de l’administration à résoudre l’accueil des jeunes. Dans le deuxième cas, vous appelez l’Etat à prendre sa part. Qu’en termes choisis ces choses-là sont dites. Il me semble, mais vous me détromperez si je m’égare, que vous appartenez au mouvement La République en Marche, qui compte dans ses rangs, excusez du peu, un Président de la République, la quasi totalité du gouvernement, une majorité écrasante à l’Assemblée Nationale et un tout juste ex ministre de l’Intérieur ! Peut être pouvez-vous prendre votre téléphone et appelez vos amis pour leur expliquer que vous avez besoin d’eux, non ? A moins que ce ne soient pas vos amis et qu’ils ne se soucient guère de la situation des mineurs ?
D’autre part, vous insistez fréquemment sur les efforts consentis par la Métropole pour résoudre ce problème, notamment financier. Mais comment expliquez-vous qu’elle ait, sous votre autorité, voté un budget de 1,8 millions d’euros pour sécuriser des bâtiments vides, propriétés de La Métropole, pour éviter toute intrusion, à fortiori celle des mineurs ? Vous n’alliez tout de même pas leur permettre d’avoir un toit, c’est indigne de la représentation qui est la vôtre ! Cette somme conséquente aurait pu être affectée justement pour ouvrir un centre d’hébergement qui fait cruellement défaut. C’est, vous l’avouerez, prendre les citoyennes et les citoyens que nous sommes pour des incrédules. Vous arrive-t-il parfois de ne pas voir dans ces mobilisations, autre chose qu’un "coup politique", là où la raison commande la solidarité. Et j’en conclue que s’il y a instrumentalisation, ce n’est pas de notre côté qu’il faut la chercher, mais bien chez vous.
Avec mes respectueuses salutations citoyennes
Bruno BOURNAS
"A l'image de nombreux autres territoires, la Métropole de Lyon rencontre actuellement des difficultés pour accueillir les jeunes migrants se déclarant mineurs, et assurer leur mise à l'abri. Nous connaissons un nombre sans précédent d'arrivées de nouveaux migrants chaque jour.
Soyez assuré que l'ensemble de nos services est mobilisé pour construire et apporter une réponse à la situation que nous rencontrons. Je suis en dialogue permanent avec le Maire de Lyon sur la situation de ces jeunes dans les 9 arrondissements de sa commune. Sachez également que j'ai sollicité les autorités de l’État pour les informer de la situation d'urgence que rencontre notre territoire et suis en attente de leurs réponses..."
Sidérant !!!
Évidemment, aucune réponse positive à notre demande de rendez-vous (même pas une allusion à cette demande). Aucune référence réelle au fait que l'accueil de ces mineurs étrangers est une compétence de l'ensemble de la Métropole (et pas simplement des 9 arrondissements de la ville de Lyon ni de l’État).
C'est la Métropole qui est hors la loi en laissant dehors les mineurs qui se présentent alors qu'elle a obligation de les héberger tout de suite, pendant un minimum de 5 jours, le temps de faire une véritable évaluation "in situ". Quant à la formule employée par le Président de la Métropole "les jeunes se déclarant mineurs", on comprend tout de suite avec quelle "bienveillance" la Métropole et ses services interprètent les textes de loi précisant au contraire que tout jeune qui se présente comme mineur (avec ou sans papiers) doit bénéficier de la présomption de minorité minorité !
Habitant près du collège, j’y suis passée ce matin. Il semble que le ramassage des ordures du collège ne se fasse pas, ceci à la demande de la Communauté Urbaine, selon les explications de bénévoles sur place...
J’ai pu voir plus d’une semaine d’ordures accumulées, dont une partie à l’air libre, faute de containers suffisants.
Je suppose qu’il y a une bonne raison administrative à laisser des enfants côtoyer des ordures et les rongeurs qui ne vont pas tarder à pointer le museau...
Merci