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Louise, escort entre Lyon et Paris : « le travail du sexe est un métier comme un autre »

Depuis 2019, entre Lyon et Paris, Louise devient épisodiquement Jade, une « escort thérapeutique », comme elle se définit elle-même. La jeune femme de 23 ans prône une vraie reconnaissance de la profession de travailleuse du sexe.

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escort lyon Louise

Laurie Musset, étudiante en Master 2 journalisme, l’a rencontrée. Elle nous raconte comment elle vit au quotidien ce métier, qui, pour elle, malgré son lot de stigmatisation, reste une profession comme une autre.

Laurie Musset. Dans le secteur des travailleurs et travailleuses du sexe (TDS), les métiers sont multiples : camgirls, camboys, striptease, accompagnant.e.s sexuel, actrices et acteurs pornographiques, etc. Toi, tu te définis comme « escort thérapeutique » exerçant entre Lyon et Paris. C’est à dire ?

Louise. Toutes les TDS du monde, notamment les travailleurs·ses de rue, sont confrontées à des clients qui ont des besoin supérieurs à la simple sexualité : ils ont des besoins affectifs et psychologiques. Ils ont besoin qu’on s’intéresse à eux, qu’on les regarde, qu’on les séduise, qu’on les écoute, qu’on leur fasse du bien… et qu’on leur fasse vivre le meilleur sexe possible.

Les TDS tissent des liens avec des clients qui sont bien plus que physiques. Alors, je me suis concentrée dessus ! Je suis hypersensible et hyper-empathique : dès le début, je choisissais mes clients selon ce que je ressentais chez eux, selon ce qu’ils cherchaient. J’ai toujours eu pour vocation de faire du bien aux gens. Finalement, mon métier s’apparente à celui d’un·e thérapeute ou d’un·e psychologue : tu payes une psy, elle s’intéresse sincèrement à toi et veut t’aider. Moi c’est pareil.

Après avoir enchaîné les premières années de fac en psychologie, protection de l’environnement et philosophie, qu’est ce qui t’as poussé à te lancer comme escort à Lyon ?

J’ai toujours été très libérée sexuellement et je n’avais aucune envie de bosser pour un patron, mais j’avais quand même envie de gagner de l’argent donc l’un rejoignant l’autre escort me semblait être un taf sympa. J’ai aussi entendu et lu des témoignages de TDS qui m’ont donné envie, car ils dépeignaient une autre réalité que celle majoritairement répandue. J’ai fait une annonce sur le premier site d’escort que j’ai trouvé. Ça a bien fonctionné. La première expérience d’escort détermine pas mal les choses.

“La première expérience d’escort détermine pas mal la suite des choses”

Tu prônes la banalisation de ce secteur d’activité…

Le travail du sexe est avant tout un métier comme un autre : une prestation de services voire une vente de bien (dans le cadre de la vente de photos, par exemple) contre une rémunération financière. On parle souvent de “vendre son corps”, mais à partir du moment où on utilise son corps pour travailler, ne serait-ce que ses mains pour taper sur un clavier, c’est également le cas.

C’est aussi un secteur particulier par le fait qu’il est très stigmatisé et controversé, pénalisé et illégal selon les pays. Dans les arguments stigmatisant, on retrouve souvent que ce choix professionnel est le fruit de traumatismes, ou d’une énorme précarité. Ça peut être le cas, bien sûr. Mais ça peut aussi ne pas l’être. La précarité et le besoin d’argent, c’est la raison universelle pour laquelle on travaille non ? (Rire) Ce n’est pas un secteur facile. Il demande une certaine force mentale, mais c’est le cas de tellement d’autres secteurs et de tellement d’autres métiers, finalement.

Concrètement, comment se passe ton premier contact avec tes clients ? À quoi ça ressemble, une journée type, en tant qu’escort thérapeutique à Lyon ?

J’ai un numéro professionnel avec lequel les clients me contactent sur le site par lequel je passe. Je suis aussi en train de créer mon propre site internet avec un formulaire de contact. J’envoie un message de formalité avec mes conditions et mes tarifs, puis je discute avec le client, ça m’aide à établir son profil mental, à tisser un premier lien, à le mettre en confiance, mais aussi à montrer mon intérêt sincère pour lui.

Être TDS c’est aussi beaucoup de tâches adjacentes, liées à l’entretien de mon corps (s’épiler, faire des shooting photo professionnel, par exemple) et aux tâches administratives (gestion, messages aux anciens et nouveaux clients, etc.). Et puis je pends du temps pour moi. Je vois mes amis, mon amoureux, etc.

Pour des questions pratiques, en tant qu’escort, je cherche à fidéliser une clientèle entre Paris et Lyon. Comme dans tous les secteurs, une clientèle fidèle c’est moins contraignant et les revenus sont plus réguliers.

escort lyon Louise
Louise, exerce la profession d’escort entre Lyon et Paris.Photo : DR

« En tant qu’escort, je cherche à fidéliser une clientèle entre Paris et Lyon. Une clientèle fidèle, c’est moins contraignant et les revenus sont plus réguliers ».

Tu t’es lancée sur internet. Est-ce un bon moyen d’exercer cette profession d’escort à Lyon de manière sécurisée ?

Internet est le meilleur moyen actuellement. Cela permet de travailler de façon complètement indépendante, d’être libre et de m’organiser comme je souhaite. C’est sur internet qu’il y a le plus de clients donc on peut se permettre d’être sélectif. Certes, derrière un écran, tu ne sais pas à qui tu parles. Mais tu as un numéro, éventuellement une photo, une adresse IP. Un mec qui te prend sur le trottoir, s’il verrouille la voiture, tu ne sais pas où il t’emmène. Et s’il t’agresse, tu n’as rien contre lui.

En tant qu’escort à Lyon, as-tu déjà fait face à de mauvaises expériences ?

Je n’ai jamais fait de rencontre négative, depuis que je me suis lancée. Un client a voulu m’arnaquer, un jour, mais je l’ai repéré. Son discours était bien ficelé. Je pense qu’il faisait ça souvent alors je l’ai remis à sa place par messages. Sauf qu’il avait ma vraie identité puisque j’avais transmis mon RIB, et des photos de moi avec mes tatouages. Il a menacé de divulguer tout ça : “tu auras une jolie surprise qui va te suivre toute ta vie”. Pas de chance pour lui, j’assume déjà pleinement mon activité.

Je l’ai fiché sur projet Jasmine : un site où les TDS répertorient tous les mecs dangereux, avec leurs noms/pseudos/numéros en les classant dans différentes catégories (arnaques, dangereux, très dangereux).

Comment tu déclares ton activité aux yeux de l’État ?

J’ai le statut d’auto-entrepreneuse. Le Strass (syndicat du Travail sexuel, ndlr) m’a conseillée de mettre plutôt une catégorie générale pour mon auto-entreprise. Je me suis donc inscrite avec le code NAF (nomenclature des activités françaises, ndlr) “autre services personnels”, en tant que thérapeute énergéticienne.

Ce n’est pas un système qui est avantageux pour nous. Je défends le système des impôts, mais, je triche en ne déclarant pas tout. Beaucoup de TDS trichent. C’est de l’argent qu’on fait avec notre corps et on est déjà suffisent stigmatisé·es. D’ailleurs beaucoup d’auto-entrepreneurs trichent tellement le système est peu avantageux.

Comment ont réagi tes proches quand tu leur as annoncé ton métier d’escort à Lyon ?

Je l’ai dit très tard à mes parents, à l’automne 2021. Je ne voulais pas mentir et m’inventer un travail et j’ai décidé de renoncer à mon anonymat. Il était hors de question qu’ils le découvrent sur les réseaux sociaux. Assumer ne permet pas d’éviter la critique, mais cela permet de prendre de la hauteur face au scandale.

Mon père l’a bien pris. De la meilleure façon dont il pouvait le prendre en tout cas. J’ai de la chance. Il m’a dit avoir été “décontenancé”, “inquiet” mais aussi “fier”. C’est un combat politique.
Ma mère… a réagi avec des propos super stigmatisants malgré mes explications. Elle s’est mise ça sur le dos. Alors que c’est la responsabilité de personne, c’est mon choix qui est influencé par mon vécu, mais comme pour tout ! Maintenant, elle fait l’autruche : elle n’en parle pas et n’en parlera plus jamais.

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