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Antoine Pariset, paysan au sud de Lyon : « Quand je me suis installé, ma ferme était menacée par une autoroute »

[Militants écolos à Lyon] Paysan et porte-parole de la Confédération paysanne du Rhône, Antoine Pariset était présent aux Soulèvements de la Terre samedi 5 mars à Lyon pour dénoncer les agissements du géant de l’agro-industrie : Bayer-Monsanto.

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Antoine Pariset, paysan à Orliénas au sud-ouest de Lyon et membre de la Confédération paysanne. ©Théo Bourrieau

Ce 5 mars, plus de 1500 personnes ont manifesté dans le quartier de Vaise (Lyon 9e) contre le géant de l’industrie pharmaceutique et agrochimique Bayer-Monsanto. Des étudiants en journalisme de l’université Lyon 2 sont allés à leur rencontre. Nous publions leurs portraits.

« Je suis à peu près au milieu de la manif, derrière la grande pancarte blanche où il y a marqué « Cancer made in Bayer » … et j’ai une casquette sur la tête ». C’est par téléphone, entre les coups de sifflets, les slogans, les pétards et la fanfare que commencent mes échanges avec Antoine Pariset.

Ce paysan de 35 ans est avec sa femme à la tête d’une ferme située à Orliénas, au sud-ouest de Lyon. Une exploitation de légumes d’un peu plus de quatre hectares : « une ferme à taille humaine » comme il aime à le rappeler. Son agriculture, diversifiée et biologique, est destinée à la vente direct, et à l’approvisionnement de restaurants, d’épiceries ou de cantines scolaires. Cela fait six ans qu’Antoine est installé à son compte, mais plus d’une dizaine d’année qu’il travaille dans le milieu agricole, et autant de temps de militantisme à la Confédération paysanne.

« Quand je me suis installé, ma ferme était menacée par une autoroute »

La construction de l’A45, la nouvelle autoroute qui devait relier Lyon à Saint-Etienne, aurait pu conduire à la démolition pure et simple de sa ferme.

« La Conf’ était en première ligne pour se battre contre cette autoroute », explique Antoine, le sourire aux lèvres parce qu’« on a gagné. »

C’est cette expérience qui l’a poussé à se syndiquer à la Confédération Paysanne, syndicat agricole classé à gauche qui milite « pour une agriculture paysanne et la défense de ses travailleurs ».

Le combat du syndicat pour une agriculture paysanne passe par celui pour l’écologie et l’environnement, pour la défense de fermes à taille humaine et l’autonomie des paysans.

Pour Antoine, « la résilience des paysans » doit se fonder sur leur savoir-faire. En d’autres termes, si le paysan veut planter quelque chose dans son champ, il en est capable tout seul. Il n’a pas besoin de conseillers, de techniciens, de mécaniciens, de laboratoires, etc : il sait tout faire.

« L’agriculture et l’alimentation, c’est un sujet de société »

Antoine soutient que l’autonomie devrait « être à la base de notre agriculture et donc de notre alimentation ». Ces savoir-faire permettent la maîtrise de la production et de la vente des produits, et donc l’indépendance.

Le jeune paysan continue en expliquant que « l’agriculture paysanne se bat surtout pour une maitrise des revenus ». Elle permet de développer l’autonomie des fermes, notamment en limitant les achats en semences et en alimentation animale : si tout, ou presque, est produit dans la ferme, pas besoin d’aller acheter ailleurs. L’agriculture paysanne tend également à limiter au maximum sa dépendance aux énergies fossiles, d’autant plus que les prix ne font qu’augmenter. En l’écoutant, on comprend que l’objectif est finalement d’avoir un revenu plus stable et moins soumis aux aléas économiques et aux bons vouloirs des grands groupes, et donc de maîtriser son endettement et sa dépendance aux aides financières extérieures.

Antoine Pariset, paysan à Orliénas au sud-ouest de Lyon et membre de la Confédération paysanne. ©Théo Bourrieau
Antoine Pariset, paysan à Orliénas au sud-ouest de Lyon et membre de la Confédération paysanne.Photo : Théo Bourrieau

« Je participe comme paysan et comme syndicaliste »

Selon le jeune syndicaliste paysan, « l’agriculture promue par Bayer-Monsanto, mais aussi par le gouvernement français est une agriculture sans paysans, non résiliente et pas autonome, qui détruit les sols et les vies des travailleurs ».

« En plus de produire des pesticides, l’entreprise a pris le virage de l’agriculture numérique pour vendre des outils technologiques qui vont à l’encontre de l’autonomie des paysans ».

Pour Antoine, l’objectif de cette mobilisation des Soulèvements de la Terre était d’alerter sur les conséquences négatives de l’agrochimie.

Le porte-parole de la Confédération paysanne n’a pas pu participer au actions de blocage des 4 et 5 mars parce qu’il était « sur le marché pour vendre mes légumes ».

En revanche, il les soutient « complètement » et rappelle que « les Faucheurs volontaires qui sont à l’origine de ces actions sont très proches de la Confédération paysanne ». Samedi après-midi, il était parmi 1500 personnes qui défilaient contre Bayer-Monsanto.

Paysan dans le sud-ouest de Lyon : « j’ai essayé d’être rock-star mais ça n’a pas marché »

Les premières expériences militantes d’Antoine, comme celles de beaucoup d’autres activistes de sa génération, ont eu lieu au lycée, en 2006, contre le Contrat Première Embauche (CPE). S’il a par le suite voyagé en Italie pour suivre des cours dans une fac de philosophie, il a surtout eu plusieurs petits boulots, sans vraiment savoir ce qu’il voulait :

« J’ai essayé d’être rock-star mais ça n’a pas marché ».

Il a découvert avec des amis le secteur agricole :

« ça m’a plu alors je me suis installé ».

Rien, ou pas grand-chose, ne le destinait à devenir paysan. S’il est né et a grandi à Orliénas, dans la campagne au sud-est de Lyon, ses parents n’étaient pas agriculteurs. Orliénas, c’est finalement là où il a installé sa ferme, en récupérant un morceau de terrain appartenant à sa famille.

De sa fac de philosophie, l’orliénasiens retient d’abord que « les réflexions qui nous traversent sont les mêmes depuis l’avènement du langage jusqu’à aujourd’hui » et que « quand on travaille avec le vivant, on ne peut qu’être fasciné par Spinoza ou par Nietzsche ».

Le jeune agriculteur conclu notre conversation en admettant qu’il y a des racines communes entre la philosophie et l’agriculture, voire « des rhizomes, comme dirait un paysan ».


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