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Bernadette, DJ électro à Lyon : « Je me sens chez moi dans un club »

[Interview] Bernadette est passée des petits clubs de Lyon à l’affiche de gros festivals français. Elle nous raconte sa pratique de la nuit.

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Bernadette au Sucre à Lyon. ©Gaetan CLEMENT 2019. Lyon by night by

, l’artiste de 28 ans revient sur ses expériences et nous raconte sa pratique de la nuit.

Derrière ce nom qui rappelle une autre génération, se cache une jeune femme souriante. Ses tenues bigarrées sont à l’image de ses expérimentations musicales, chatoyantes et un brin saugrenues. À la fois DJ, productrice et harpiste, Chloé de son vrai nom, propose un mix aux résonances électroniques. Dans ses soirées, la DJ originaire de Grenoble explore un univers allant de la techno à de l’électro brut. Rencontre.

Rue89Lyon : Qui est Bernadette et pourquoi ce nom de scène ? 

Bernadette : C’est un nom en hommage à ma grand-mère. Il s’agit d’une figure qui a été importante tout au long de ma vie. Avec ce nom, je mets en avant une autre génération. C’est aussi assez marrant et décalé. J’aime bien incarner ce personnage qui ne se prend pas au sérieux et partage avant tout sa passion à travers sa musique.

Quelle relation entretenez-vous avec Lyon ? 

Je suis venue m’installer à Lyon après mes études. C’est dans cette ville que j’ai véritablement commencé à mixer dans des clubs et des bars. Je considère que Lyon incarne une ville à taille humaine qui permet quand même une diversité musicale importante. Pour débuter un projet musical, c’est super d’être dans ce microcosme.

Quand je sors à Lyon, je vois de l’échange entre les univers musicaux. Je pense qu’il y en a plus qu’à Paris, où il y a beaucoup d’évènements et donc moins de communication. Par exemple, les différents style de musiques ne sont pas dans les mêmes lieux et les mêmes évènements.

électro Lyon DJ Bernadette
Bernadette. Photo : Gaetan Clément

« Je vibrais à travers le son à Lyon, c’est ça qui m’a donné envie d’apprendre à mixer »

Comment êtes vous passée de la harpe au monde de la nuit ? 

J’ai débuté la harpe quand j’avais 7 ans, en école de musique. Je jouais plutôt des morceaux baroques ou classiques. Les musiques électroniques sont arrivées après, quand j’ai commencé à sortir avec des potes pendant mes études.

On est allés dans pas mal de soirées électro’. J’ai découvert ce milieu et je me suis énormément épanouie en tant que public. Je passais des moments incroyables et je vibrais à travers le son. C’est ce qui m’a donné l’envie d’apprendre à mixer. Je passais des moments tellement fous que j’ai rapidement désiré comprendre ce qu’il se passait derrière les platines. 

Quels sont les facteurs qui promettent une soirée réussie ?

C’est surtout l’expérience avec le public. Ça change tout si celui-ci est réceptif, s’il a envie de partager des choses avec moi, si je peux être proche de lui. Les organisateurs me font aussi apprécier (ou non) une soirée. Je passe beaucoup de temps avec eux quand je mixe. Les valeurs que défendent le lieu et les organisateurs sont aussi importantes à mes yeux.

D’ailleurs, je travaille le plus souvent avec des lieux qui mettent en avant l’une ou l’autre minorité de genre, qui se préoccupent de l’environnement ou qui se questionnent au sujet de problèmes de société.

Bernadette aux festival des Nuits Sonores à Lyon, le 25 mai 2022

J’aime aussi jouer dans des gros festivals comme le Delta (Marseille) ou Nuits Sonores (Lyon). À côté de ça, je veux continuer à jouer dans des salles beaucoup plus petites où j’ai un contact avec le public qui est très différent. Il y a une proximité que je trouve géniale dans ces petits environnements là.

« La nuit à Lyon est un terrain de jeu tellement fou. Les gens se transforment »

Qu’est-ce que la nuit signifie pour vous ? 

La nuit est avant tout mon lieu de travail. D’années en années, je m’y suis fait des contacts. Cela m’a permis de donner de la force aux femmes que j’accompagne dans la musique, de former des groupes de solidarité.

La nuit est un terrain de jeu tellement fou. Les gens se transforment. Quand il fait jour, on reste assis, on discute, on boit un verre, on est posé. En revanche, une fois que la nuit arrive, on se lève pour danser. C’est comme si les personnes étaient plus à-même de se lâcher, comme si elles avaient moins honte de libérer leurs énergies.

Avec qui sortez-vous la nuit ?

Je sors avec des amis ou il m’arrive parfois de sortir toute seule et d’aller dans un club pour écouter des artistes qui me donnent envie. Le fait d’être seule donne une dimension super différente à la fête.

Peut-être que je me le permets car du fait de mon travail, je suis hyper à l’aise dans un club, même si je ne le connais pas. Je me sens chez moi dans un club. En plus, cela permet vraiment d’être concentrée sur la musique.

« Notre sexe ne doit pas avoir d’impact sur notre légitimité à pratiquer la nuit »

Qu’est-ce ça implique pour vous d’être une artiste femme dans le monde de la nuit ? 

Comme il y a très peu de femme, on devient forcément un modèle, ou du moins, un point d’attention. Cela peut être très positif parce que ça va motiver d’autres femmes à se lancer.

Mais en conséquence, je dois aussi faire plus attention à ce que je représente, ce que je renvoie. La nuit est un endroit où de base, on est moins nombreuses. On peut donc douter de notre légitimité à être là. Il faut donc le marteler : Notre sexe n’a aucun impact sur notre légitimité à pratiquer le monde de la nuit en tant qu’artiste et en tant que public.

Comment le monde de la nuit a-t-il évolué selon vous ? 

J’ai le sentiment que depuis ces dernières années, les questionnements du monde de la nuit se sont portés sur la place des femmes, ainsi que sur celle des minorités de genre. Ça fait plaisir, car on en a marre qu’il y ait presque toujours des hommes blancs et hétérosexuels dans les clubs. On veut rééquilibrer cela.

On parle bien plus de préservation de l’environnement et on s’interroge aussi au sujet de la sécurité au sein des clubs. C’est de plus en plus possible de proposer des « safe places », des endroits où la prévention aux risques sur la drogue et les relations sexuelles sont abordés. On met également en place des médiateurs dans les clubs. Tout ça est assez nouveau et je trouve ça bienveillant, cool et tellement important.

« Interdire la drogue n’est pas une bonne solution »

Qu’est-ce que vous pensez de l’usage des stupéfiants en contextes festifs ? 

Je n’ai jamais pris de drogue. Je ne dis pas que ce n’est pas bien et je ne juge pas les personnes qui en consomment. L’interdire n’est pas la solution parce que les gens vont continuer d’en consommer sans savoir ce qu’ils prennent, sans être avertis des risques. C’est important d’avoir sur place des gens qui vont accompagner dans cette prise de drogue et responsabiliser au maximum les personnes.

Par ailleurs, le problème n’est pas seulement la prise de drogue, il faut aussi mieux réagir contre ceux qui profitent de l’état des personnes sous drogue.

La drogue est très liée au monde de la nuit et qu’on le veuille ou non, c’est depuis toujours. Ce n’est pas que dans les musiques électroniques qu’on en trouve, celles-ci pâtissent parfois de cette image de musique pro drogue qui m’agace. Les jazz men de l’époque étaient drogués. Pourtant, maintenant, on va parler du jazz comme d’une musique noble.

Les endroits où sortir à Lyon la nuit, selon Bernadette :

Bernadette : Tout d’abord, je recommande le Sucre où je suis résidente. Le Heat est également super cool. C’est plus un lieu d’après-midi. Dans les endroits où j’aime sortir, le Live Station est un petit bar cool pour boire un verre.

Par ailleurs, j’ai évolué dans certains clubs que je recommande comme la péniche Loupika et la Maison M, où je suis venue en tant que public. J’aime bien le format de la Maison M où c’est gratuit et on peut danser jusqu’à 4h du matin.

Enfin, J’aime aussi le Super 5. C’est un bar où on peut écouter de la musique de puriste, assez pointue. Il y a des bornes d’arcades à l’ancienne. Ils font toujours venir des DJ géniaux et leur programmation est bien chinée. C’est de tout type et il y a une excellente ambiance tout le temps. Finalement, le Terminal n’est pas mal non plus. L’établissement m’a permis de découvrir des artistes électro qui sont peu connus. L’avantage est que ce club demeure en plein centre. Il faut garder ces lieux dans une ville comme Lyon, c’est une bonne alternative aux gros clubs comme le Sucre, le Transbordeur ou le Ninkasi.


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Pierre Zeimet à gauche, Cédric Dujardin à droite, sur le rooftop du Sucre. ©LS/Rue89Lyon

Photo : LS/Rue89Lyon

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