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Pass sanitaire à Lyon : la crainte du coup dur pour les plus précaires

Mis en place début août, le pass sanitaire pourrait engendrer des difficultés importantes pour les sans-abri et les sans-papiers de Lyon. Pour l’instant, les différents acteurs du social ne remarquent pas de dysfonctionnements majeurs, mais restent « vigilants ».

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Devant l'hôpital de la Croix rousse, à Lyon, qui accueille des patients touchés par le coronavirus.

Depuis le 9 août, l’organisation des centres hospitaliers commence à changer à Lyon avec la mise en place des nouvelles règles liées au pass sanitaire. À l’hôpital, les patients venant pour des consultations (hors urgences) doivent montrer patte blanche. Il est demandé une attestation de vaccination complète, un test PCR ou antigénique de moins de 72 h ou encore une preuve d’un test positif au Covid-19 datant d’au moins 11 jours, et de moins de six mois.

Une démarche qui peut se révéler vite complexe quand on vit dans la rue.

« Quand on a interrogé la direction sur la situation des SDF, ils étaient bien embêtés », grince Chaïbia Khaif-Janssen, secrétaire de la section Sud de l’hôpital Edouard-Herriot, dans le 3e arrondissement de Lyon.

Opposée à la mise en place du pass, la représentante syndicale s’inquiète de l’accueil réservé aux patients les plus précaires de l’hôpital. Souvent sans carte vitale, parfois sans carte d’identité, difficile de les imaginer avec un QR Code. Si des pavillons sont accessibles sans pass, tous ne se le sont pas.

« La pathologie psychiatrique, on ne la détecte pas tout de suite quand quelqu’un entre à l’Hôpital, note-t-elle. Or, c’est là que ça peut exposer. »

Une mise en place encore « floue » du pass sanitaire à Lyon

Le pass sanitaire pourrait engendrer des difficultés importantes pour les plus fragiles notamment sur l’accès aux soins à Lyon.
La mise en place du pass sanitaire à Lyon inquiète certaines associations venant en aide aux plus précaires.Photo : PL/Rue89Lyon.

Pour l’heure, difficile de juger les effets du pass sanitaire. Les restrictions se mettent toujours en place petit à petit. De leur côté, les acteurs du social s’adaptent au jour le jour, guettant de potentielles modifications.

« Beaucoup de choses sont encore assez floues pour nous », constate Maud Bigot, directrice opérationnelle du pôle urgence du Samu social 69.

Elle s’interroge sur les conséquences de ces réglementations pour un public éloigné de l’actualité. Pour cause, les hôpitaux semblent être un des seuls endroits où cette réglementation peut vraiment toucher les sans-abri. Ils sont peu à être concernés par la mise en place du pass pour les terrasses, cinémas, etc. « A la limite, la question va peut-être se poser pour les bibliothèques, note-t-elle. Certains y trouvent refuge en journée. »

Bref, le sujet semble lointain. Difficile alors de mobiliser sur la question un public dont la priorité est, avant de se soigner, de se loger et de se nourrir. Pourtant, en l’absence de médecin traitant, ces personnes ont tendance à consulter davantage dans les hôpitaux, quand elles sont prises en charge par des travailleurs sociaux. Et donc, d’avoir besoin du fameux pass.

Vivant à la rue, elles sont également plus susceptibles de développer des formes graves de maladie. La directrice opérationnelle prend l’exemple d’un sans-abri ayant un rendez-vous à l’hôpital pour soigner sa tuberculose. Ce dernier pourra-t-il continuer à s’y rendre normalement ? « Pour l’instant, ce ne sont que des questions » , précise-t-elle. Ces dernières restent en suspens, cependant.

« Le risque, c’est qu’on ne puisse pas faire une consultation classique et que cela finisse, in-fine, par un passage aux urgences », commente Chaïbia Khaif-Janssen, du syndicat sud.

Le pass sanitaire, un « frein supplémentaire » dans l’accès au soin

Du côté de Médecins du Monde, la crainte est également présente. « Nous restons vigilants », commente sa coordinatrice à Lyon, Laure Courret. Hormis en 2020, l’ONG accueille chaque année près de 1600 personnes rien que dans son centre d’accès aux soins de la Part-Dieu. Pour elle, le risque est de créer un « frein supplémentaire » à l’accès au soin pour des personnes souvent perdues dans les démarches administratives. De Paris, l’association s’est d’ailleurs opposée à la mise en place du pass sanitaire « tant que chacun n’aura pas un accès effectif à la vaccination ».

« Les populations accompagnées par Médecins du Monde en France sont parmi les plus exclues et les plus précarisées car elles sont sans domicile fixe, migrantes, travailleuses du sexe, mineur.e.s non accompagné.e.s, etc. indique l’association. Elles sont éloignées des structures de soins et subissent des obstacles majeurs à leur accès aux droits et aux soins : 70 % n’avaient pas de couverture maladie en 2020 et 91% vivaient en habitat précaire. »

Pour les demandeurs d’asile et les sans-papiers, le pass devient un contrôle de plus. Une barrière supplémentaire difficile à accepter dans un quotidien où la crainte d’une expulsion est permanente.

« L’accès à l’information est difficile quand l’on ne parle pas la langue, pour le pass sanitaire comme pour la vaccination, constate Laure Courret. Le passage par la plateforme doctolib, par exemple, peut-être complexe. »

À Lyon, la vaccination en hausse chez les plus précaires

Question vaccination, le Samu social et Médecins du monde saluent la mise en place de plages horaires sans rendez-vous, au grand stade de Décines. Un premier pas même si les lieux semblent encore difficilement accessibles pour un public précaire. De même, sans interprète, se rendre sur place peut se révéler complexe pour une personne migrante. 

À cela s’ajoutent les méfiances vis-à-vis du vaccin connues par une partie de la population. Ce qui n’empêche pas une augmentation de la demande en vaccination, selon l’ONG.

Plus globalement, cette nouvelle restriction met toujours plus en lumière des problèmes de fonds sur l’accès au soin, à la nourriture ou au logement.

« Pour la majorité des personnes que nous voyons, essayer de trouver une douche ou avoir accès à l’alimentation peut prendre une journée, rappelle Laure Courret de Médecins du Monde. Nous, cela nous prend un quart d’heure. »

Des modifications réglementaires qui créent de la confusion

Aller à la pêche aux informations est complexe, pour les bénéficiaires comme pour les associatifs. Du fait de la crise, les réglementations varient en permanence, créant un flou, même pour certains professionnels de santé.

Selon Médecins du Monde, certaines pharmacies ont ainsi demandé à des personnes migrantes de payer leurs tests PCR et antigéniques. En cause ? Une nouvelle règle qui concerne, en théorie, les touristes. Pour l’heure, les tests Covid continuent d’être gratuits pour les personnes sans droits. Ils sont néanmoins, depuis le 7 juillet, pris en charge uniquement s’ils relèvent d’un caractère médical pour les personnes venant en séjour temporaire en France. Dans ce cas-là, une ordonnance est nécessaire. Une nouvelle règle qui a pu créer des incompréhensions.

« À chaque décret, un temps d’adaptation est nécessaire pour les professionnels, constate Laure Courret. Forcément, tous ces changements créent énormément de confusion. » 

Chez Médecins du Monde, on reste donc vigilant sur de potentielles mesures qui pourraient devenir discriminatoires. L’ONG espère également voir ouvrir des plages horaires sans rendez-vous du côté du centre de vaccination de Gerland, dans le 7e arrondissement de Lyon.

En attendant, tout le monde s’adapte comme il peut, au cas par cas. Le mois d’août reste calme en terme d’activité. Le véritable test de cette extension du pass sanitaire aura sûrement lieu à la rentrée.


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