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[Confinés dans la rue] « Il y a beaucoup de discours complotistes »

[Confinés dans la rue 2/5] Alors que la majorité de la population s’est retirée dans son chez soi, les personnes sans abris ont perdu leurs principaux repères. Malgré le confinement, Yves Petit, membre de l’association ATD Quart Monde tente de rester en contact avec certaines d’entre elles.

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Le jeudi 19 mars, jour 3 du confinement à Lyon. Beaucoup de structures pour apporter de l'aide d'urgence était fermées ©LB/Rue89Lyon. Une personne sans-abri devant la Grande pharmacie lyonnaise, rue de la République

Il nous raconte comment la situation de ces personnes déjà précaires s’est encore empirée, craignant surtout que ce lien soit de plus en plus difficile à maintenir. Face à une telle situation, certains sans-abris pourraient perdre tout espoir de s’en sortir.

Après les quatre premiers jours de confinement, Yves Petit d’ATD Quart Monde a fait remonter deux témoignages de personnes sans domicile fixe.

Le témoignage d’un coursier à vélo… sans abri

Il s’agit d’un coursier à vélo, sans logement. Il me fait part de sa difficulté à charger son téléphone. Je l’oriente vers la Place Carnot (Lyon 2è), en transmettant les infos que j’ai vu sur la page de la coordination de l’urgence sociale.

Il s’y dirige et me renvoie le texto :

« Il y a des alimentations à la base de ces bancs de pierre mais elles sont tous fermées. Par ailleurs les prises sont spécifiques et sont les mêmes que celles des campings caristes. Personne ne semble être au courant que ce soit les résidents ou habitués de même que les forces de l’ordre. Il ne me reste plus que 13% donc, je raccroche et je te souhaite une bonne soirée. »

Par ailleurs, il me dit :

« C’est comme s’il n’y avait pas de virus. Cela peut te paraître étonnant mais j’ai remarqué que les policiers eux-mêmes ne respectent pas les normes qu’ils nous demandent concernant la distance d’un mètre entre les personnes. Ils sont en groupe alors qu’ils devraient être séparés. Je suis un peu étonné. Je trouve qu’ils sont très répressifs alors que cela ne change rien du tout par rapport à ce que les gens font. Je suis coursier. Je vois trop souvent la police qui s’occupe des SDF. C’est pas la peine de nous emmerder.

Mercredi, je me suis fait verbaliser. Je n’ai pas de document. J’ai montré mon certificat de domiciliation pour qu’il puisse faire l’amende. Je lui ai dit que cela ne se passerait pas comme cela et que je demanderais à un avocat. J’ai dit qu’il a été trop vite et qu’il a mis l’amende trop facilement.

J’ai téléchargé le document, mais ils veulent la signature. La plateforme que j’utilise pour le travail, elle me demande des fois une signature et cela se fait. Pourquoi ils ne font pas la même chose ? »

Je l’informe qu’il peut écrire le document sur un papier libre et je lui envoie par texte ce qu’il faut mettre (en raccourcissant un peu les formulations). Je lui parle aussi de l’application qui s’appelle Entourage, en lui disant qu’elle va centraliser les informations importantes et les demandes des personnes.

« La rue nous appartient, c’est notre maison »

« Hier soir, à la distribution alimentaire à Flachet, j’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de discours complotistes. C’est des personnes isolées, mais il y a beaucoup de personnes qui acquiesçaient autour. Il y en a un qui était en train de faire son prêche en disant :

« Moi, je sais ce qui se passe derrière, il y a un complot. Ce n’est pas pour rien de cela a touché les Chinois… » Ils racontaient n’importe quoi. C’est assez inquiétant. Il y en a qui sont en train de basculer gentiment dans la folie. Il y en a d’autres qui sont à l’arrêt du tram et qui se mettent à boire encore plus. Ils font comme s’ils attendaient le tram mais en fait ils passent toute la journée là. »

« On se disait : si jamais il devait y avoir un attentat, avec vigipirate plus le confinement, cela deviendrait une catastrophe. Cela met la pression. »

« On a tous appelé hier le 115 pour pouvoir être enregistrés. Ils nous ont dit de rappeler la semaine prochaine. Nous, on s’est pré-inscrits. Après, je l’ai fait plus pour me couvrir, honnêtement, être dans leurs dossiers. La semaine prochaine, je vais rappeler et s’ils me disent qu’il n’y a pas de logement, pour moi, cela ne changera rien. Je vais dormir au même endroit. En plus, en ce moment, il fait bon.

On espère une chambre d’hôtel mais, là où je dors actuellement, je ne vois pas bien qui je risque de contaminer. Nous, on est les gars de la rue. Du coup, du fait que l’on est confiné, la rue nous appartient, c’est notre maison. Mais si on nous propose une chambre d’hôtel, on sera content d’accepter. »

Lorsque je lui demande s’il souhaite avoir le choix entre un hébergement et rester dehors, il me répond :

« J’ai beaucoup réfléchi là-dessus. Si on nous laisse le choix entre un hôtel ou la possibilité de circuler librement, il y en a beaucoup qui risquent de refuser. Actuellement, on est tout seul dans la rue, on peut faire ce que l’on veut. On peut faire du sport, tout est libre… Du coup, c’est tentant de vouloir rester dehors. »


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Photo : LB/Rue89Lyon. Une personne sans-abri devant la Grande pharmacie lyonnaise, rue de la République

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