Actualités, enquêtes à Lyon et dans la région

[Confinés dans la rue] « Je ne sais pas comment faire sans couverture maladie »

[Confinés dans la rue 3/5] Alors que la majorité de la population s’est confinée, les personnes sans abri ont perdu des repères. Yves Petit, membre de l’association ATD Quart Monde tente de rester en contact avec certaines d’entre elles. Il nous raconte comment la situation de ces personnes en grande précarité s’est encore empirée, craignant …

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Lyon, abonnez-vous.

Le jeudi 19 mars, jour 3 du confinement à Lyon. Beaucoup de structures pour apporter de l'aide d'urgence était fermées ©LB/Rue89Lyon. Une personne sans-abri devant la Grande pharmacie lyonnaise, rue de la République

[Confinés dans la rue 3/5] Alors que la majorité de la population s’est confinée, les personnes sans abri ont perdu des repères. Yves Petit, membre de l’association ATD Quart Monde tente de rester en contact avec certaines d’entre elles. Il nous raconte comment la situation de ces personnes en grande précarité s’est encore empirée, craignant surtout que ce lien soit de plus en plus difficile à maintenir. Face à une telle situation, certains sans-abri pourraient perdre tout espoir de s’en sortir.

Dimanche 22 mars, jour 6 du confinement, Yves Petit a recueilli les témoignages de John, dont la demande d’asile a été refusée, et de Dom, qui dort toujours dans la rue.

« Je suis bouleversé »

John s’est fait refuser sa demande d’asile il y a quelques mois. Il n’a pas encore d’OQTF (obligation de sortir du territoire). Il a perdu toutes les aides de l’état (allocation pour demandeur d’asile) et la protection sociale. Il a fait une demande pour l’AME (Aide Médicale d’État) mais n’a pas encore reçu la réponse.

« Je suis bouleversé. Si je tombe malade, je ne sais pas comment faire sans couverture maladie. Cela m’inquiète beaucoup ».

C’est effectivement un problème qui va se poser. Y aura-t-il un tri à l’entrée du système d’urgence qui sera mis en place pour ne faire rentrer que les personnes avec une couverture santé ?

« On croise les doigts en se faisant tout petit »

Alors que je lui ai demandé des nouvelles hier par texto, Dom me répond vers 1h du matin :

« Pardon, j’ai pas eu beaucoup de temps au calme aujourd’hui. J’ai beaucoup cuisiné, on a récupéré pas mal d’invendus du marché. Toujours pas de souci au niveau des contrôles mais on croise les doigts, en se faisant tout petit et en espérant que ça suffise. J’espère que tout va bien de ton côté et bon courage, on en a tous besoin je crois en ce moment ».

Depuis 6 jours, il s’est rapproché de 3 autres personnes à la rue. Ils sont devenus un groupe que l’adversité a réuni et soudé. L’un d’eux a un hébergement dans un foyer mais n’a pas le droit d’accueillir les autres pendant la nuit. Je sais qu’ils passent maintenant beaucoup de temps en journée dans la chambre du foyer, et les non-résidents ressortent ensuite dormir ailleurs. Ils ont de plus en plus peur de rencontrer la police.

Face au cruel dilemme : faut-il s’occuper des malades ou s’occuper des pauvres ? Il me semble que la solidarité est une réponse possible. Et pour cela, il y a un moyen pour mettre en lien les personnes à la rue : l’application Entourage qui met en lien les demandes des personnes et les citoyens solidaires, avec géolocalisation des demandes. Mais cette application n’est pas encore très connue des personnes concernées et une grande part d’entre eux n’est pas connectée.

« Il vit dans le noir toute la journée »

Dom me dit :

« J’ai téléchargé l’application Entourage et j’ai déposé une demande pour une personne que je connais et qui vit tout seul dans un petit cagibi à Villeurbanne. Du coup, il vit dans le noir toute la journée. J’ai mis une annonce pour : ‘radio à pile, lampe à pile, et des piles de rechange’. Pour le moment, c’est moi qui l’appelle pour avoir des nouvelles. Lui, il me demande comment le virus évolue en France. Je l’informe. Il sort la nuit pour charger son portable, avec une prise d’un commerçant qu’il connaît et qui est accessible depuis l’extérieur. Il ne se plaignait par trop au téléphone, mais là c’est l’ennui mortel pour lui en ce moment.

J’ai des bouquins que je vais essayer de lui passer. J’ai remercié les initiateurs de ce projet Entourage. C’est des personnes qui sont prêtes à être solidaires. C’est une évidence presque, mais c’est une très bonne idée. Moi aussi, de mon côté, j’ai essayé de maintenir le lien avec tout le monde. Il y en a beaucoup qui vont se retrouver en galère parce qu’il n’y a plus d’argent. Cela va commencer à être raide pour tout le monde.

Il y a des hauts et des bas. C’est angoissant moralement. Mais honnêtement, ce n’est pas dans la rue que je suis le plus angoissé. Pour les contrôles de police, maintenant, ça va. Mon pote s’est fait contrôler et ils ne l’ont pas embêté. Ici, on est à peu près libres de nos mouvements. On est confinés à 4 dans une petite surface. Entre nous, on n’est pas à 1,5 mètre des autres, c’est sûr, mais à côté de cela, on ne côtoie pas tout le monde, toute la journée, dans la rue. Même si on ne croise pas grand monde. On croise forcément des gens en journée. En revanche, la nuit, il n’y a personne, c’est impressionnant ».

 


#Confinement

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles

Autres mots-clés :

À lire ensuite


Le jeudi 19 mars, jour 3 du confinement à Lyon. Beaucoup de structures pour apporter de l'aide d'urgence était fermées ©LB/Rue89Lyon. Une personne sans-abri devant la Grande pharmacie lyonnaise, rue de la République

Photo : LB/Rue89Lyon. Une personne sans-abri devant la Grande pharmacie lyonnaise, rue de la République

Une jeune médecin remplaçante prépare sa trousse pour SOS Médecins. Bastien Doudaine
Plus d'options