Ce jeudi 10 janvier, l’Assemblée nationale a voté la mise en place de la loi Paris-Lyon-Marseille (dite « loi PLM »). Une loi qui modifie le mode d’élection du maire de Lyon et complexifie le calendrier des élections municipales et métropolitaines. Explications.
Trois lettres pour trois scrutins ? Un poil complexe à appréhender pour les novices en politique, la loi dite « PLM », adoptée ce jeudi 10 juillet à l’Assemblée, risque de profondément modifier la vie des électeurs et électrices lyonnais·es. À condition de passer l’étape Conseil constitutionnel… On vous explique les enjeux d’une réforme laborieuse.
La loi PLM, qu’est-ce que c’est ?
Ses soutiens défendent un « retour au droit commun » : aligner Paris, Lyon et Marseille avec les autres communes et remettre en place l’élection du maire au suffrage universel direct. Jusqu’à 2020, dans ces trois métropoles, les électeurs se déplaçaient pour élire les élus de chaque arrondissement. Une partie d’entre eux compose ensuite le conseil municipal et élit le maire issu de son parti.
Concrètement, avec cette réforme, on passe à deux votes : un pour la mairie centrale et l’autre pour les mairies d’arrondissements. Des candidats ont la possibilité d’être présents sur les deux listes à la fois. Pas si compliqué, vous allez me dire. Oui, mais pas à Lyon. Car, depuis 2020, entre Rhône et Saône, on vote le même jour pour les municipales et… les métropolitaines.
Loi PLM : pourquoi il faudra trois votes à Lyon ?
C’est le gros point bloquant, car cette méga-collectivité, qui rassemble les compétences de la communauté d’agglomération et du département, est une particularité unique en France. Elle a été dessinée par l’ancien maire de Lyon Gérard Collomb et le président du conseil général du Rhône, Michel Mercier. Depuis 2020, ses élus sont directement désignés par les citoyens. À Lyon, il va donc falloir voter, non pas une, non pas deux… Mais bien trois fois.
Trois votes le même jour à Lyon, c’est possible ?
Les électeurs lyonnais vont-ils devoir voter trois fois en une journée ? C’est le casse-tête logistique qui semble se dessiner… Pourtant, selon le rapporteur du texte lui-même, il y aurait dans ce cas « atteinte à l’intelligibilité de chaque scrutin et au sens du vote. »
Le président de la Métropole Bruno Bernard (EELV) a fustigé une réforme « inapplicable ». Quant au maire de Lyon Grégory Doucet, il a dénoncé une réforme « brouillonne et clivante ». Pour l’heure, la logistique du scrutin n’est pas définie. Surtout qu’une élection mobilise toujours des agents de la Ville et des volontaires pour les bureaux de votes, et leur nombre pourrait manquer. Les lyonnais vont-ils devoir voter sur deux dates séparées ?
« On votera en mars pour la ville de Lyon et en juin pour la Métropole, le décalage permet un scrutin serein », estimait Sylvain Maillard, député de Paris (Renaissance), auteur de la proposition de loi, auprès du Monde. Un « décalage » qui n’est pas sans incidence.
Comment les candidats vont-ils faire campagne sur deux périodes aussi éloignées ? Les électeurs, ayant voté pour les municipales, se remobiliseront-ils pour aller voter pour une collectivité assez peu connue ?
Un beau bazar en perspective. Comme lors de la mise en place de la loi PLM de 1982, Lyon semble être prise dans une bataille qui ne la concerne pas, mais qui va avoir des incidences.
Les exécutifs écolos de Lyon attendent donc le feu vert du Conseil constitutionnel, qui va certainement devoir procéder à des arbitrages.
Avec la loi PLM, la fin des fiefs ? Ou des arrondissements ?
Dans la vie quotidienne, la majorité écologiste craint que cette loi « passée en force » remette en question « l’existence même des mairies d’arrondissements ». « La loi rompt le lien démocratique entre les conseils d’arrondissement et le conseil municipal, car aucun mécanisme n’est prévu pour garantir la représentation des arrondissements à la Ville », a ainsi regretté le maire de Lyon, Grégory Doucet (les Écologistes).
Politiquement, la loi PLM va, en tout cas, pousser à faire campagne différemment à Lyon. Depuis plus de 20 ans, des grandes tendances se sont dessinées (et ancrées) dans le paysage lyonnais. Le 2ᵉ et le 6ᵉ arrondissement sont acquis à la droite. Le 1ᵉʳ et le 7e (voire le 9e), reviennent à gauche.
Pour les candidats, il faudra sillonner tous ces secteurs pour espérer gagner la mairie centrale et ne plus se reposer sur leurs seuls fiefs. De quoi remobiliser des militants, habitués à se prendre des vestes ou… à fatiguer des troupes ayant déjà beaucoup donné pour les législatives anticipées de 2024.
Billard à quatre bandes : un scrutin pour les petits partis ?
Pour les plus petites formations politiques, la loi est une aubaine, car il sera possible de présenter une liste uniquement pour la mairie centrale plutôt que de devoir remplir tous les arrondissements. À Lyon, cela veut dire que 73 candidats suffiront pour partir à l’assaut de la mairie centrale, contre 221 lors des précédents scrutins (le nombre de conseillers d’arrondissement).
À gauche, on peut imaginer que cela attise les convoitises : actuellement, les Écologistes sont quasiment hégémoniques dans la majorité plurielle à la tête de la Ville. Des listes menées par les socialistes, les insoumis ou Nathalie Perrin-Gilbert (DVG) pourraient tenter de tirer leur épingle du jeu au 1er tour pour renégocier une plus grande place au sein d’une liste réunie de second tour. Côté extrême droite, cela pourrait aussi faciliter le retour d’élus Rassemblement national au conseil municipal.
Les résultats au soir du 1er tour risquent de former un tableau aux couleurs pop-art. Dans le même temps, voter pour une tête de liste va certainement renforcer la personnification de l’élection.
Mairie centrale : un duel Doucet-Aulas ?
Mais tous les partenaires de gauche voudront-ils s’aligner seuls dans la longue campagne qui s’annonce, alors que l’élection risque d’être fortement polarisée ? Le presque-candidat Jean-Michel Aulas commence déjà à construire dans l’opinion publique un duel face au maire sortant (et candidat) Grégory Doucet. L’ex-président de l’OL ambitionne de réunir derrière lui la droite et le centre.
Face à lui, les Écologistes pourraient voir un intérêt à rentrer dans son jeu, pour pousser l’électorat de gauche à voter « utile » en leur faveur. Alors que les Verts appellent depuis plusieurs mois leurs partenaires à s’unir dès le premier tour, une candidature Aulas risquerait de faire pencher la balance pour un ralliement.
Mais malgré ces circonstances, on imagine mal les insoumis, probablement menés par la députée Anaïs Belouassa-Cherifi, ne pas tenter de faire cavalier seul au premier tour.
Quel changement d’un point de vue comptable ?
Pour l’heure, cette loi, appelée par certains élus locaux loi « PPP » (pour « Paris-Paris-Paris ») n’aurait pas eu de grandes incidences sur de précédentes élections à Lyon. Seul Gérard Collomb (à l’époque PS) avait été élu en 2001 maire de Lyon sans atteindre les 50 %. Mais, il avait, en réalité, profité de la division à droite entre Michel Mercier (alors UDF) et Charles Millon, le premier à droite à avoir flirté localement avec le FN.
Cela étant dit… Certains détails techniques doivent être pris en compte. La « prime majoritaire » (un « bonus » de conseiller municipaux obtenu par le parti arrivé en tête) va être ramenée de 50 à 25 %. Question chiffre, cela aura une incidence, expliquent nos confrères de La Tribune de Lyon. Avec 49,9 % dans le 3e arrondissement en 2020, Grégory Doucet avait remporté la moitié des 12 sièges en jeu (soit six) et la moitié des sièges restants, soit, au total, 9 sièges sur 12. Le scrutin va donc donner plus de poids aux petits groupes, et moins aux grandes majorités.
La loi qui prônait un « retour au droit commun » pour Paris, Lyon et Marseille introduit donc une nouvelle exception. Car dans les autres communes, la prime majoritaire reste de 50%.
Quelle est la prochaine étape ?
La loi doit à présent passer l’étape du Conseil constitutionnel. Celui-ci devra se prononcer sur la conformité, ou non, de ce mode de scrutin avec la Constitution. Selon toute vraisemblance, les « sages » auront fort à faire sur le cas lyonnais, du fait de ces fameux trois scrutins qui changent totalement la donne. Finalement, si cette loi ne semble pas avoir été faite pour Lyon, cette ville pourrait être celle qui la fait tomber.