Les travaux d’artificialisation du Rhône ont commencé dans les années 1890, d’abord pour obtenir une voie navigable sécurisée jusqu’à la Méditerranée, puis pour y bâtir des barrages hydroélectriques. Aujourd’hui, le Rhône a été altéré sur presque toute sa longueur, faisant obstacle au développement d’une biodiversité équilibrée, capable de s’autoréguler.
Différents acteurs associatifs et institutionnels se mobilisent depuis plusieurs années pour donner une nouvelle respiration au fleuve.
Jean-Pierre Faure est président de la Fédération de pêche du Rhône. Il souhaite d’abord mettre en avant le fait que la situation n’est pas plus catastrophique aujourd’hui qu’il y a une cinquantaine d’années :
« On n’observe pas spécialement de baisse soudaine des populations de poissons dans le Rhône. On peut plutôt parler de fluctuations, de baisse du nombre de certaines espèces. La transformation du fleuve qui est responsable de la destruction de leurs habitats date des années 1890, la période où il a été artificialisé, corseté… pour le rendre navigable. »
Dans un premier volet, Rue89Lyon s’est penché sur les différentes pollutions du Rhône : pesticides en provenance du Beaujolais, microplastiques ou encore les substances pharmaceutiques qu’on avait du mal à déceler jusqu’à récemment.
« Les barrages ont noyé une partie des milieux du Rhône »
Les acteurs associatifs sont unanimes, l’un des facteurs majeurs de la dégradation de la biodiversité des cours d’eau en France, ce sont les barrages hydroélectriques.
Le Rhône n’est pas le fleuve qui compte le plus de barrages de ce genre, contrairement à la Garonne par exemple. Il n’a tout de même pas été épargné.
Jean-Pierre Faure, président de la Fédération de pêche du Rhône, énumère les dommages provoqués par les barrages dans la région :
« Il suffit d’un barrage pour perturber la biodiversité d’un fleuve. Un seul aura un impact sur tout le cours d’eau en bloquant le transit naturel des sédiments grossiers comme les galets qui sont très utiles : ils représentent des zones d’habitat, de ponte… Cela bloque aussi la circulation des plus petits sédiments qui pavent le fond de l’eau et fabriquent naturellement des zones riches et diversifiées. »
Paul Monin est directeur du Centre d’observation de la nature, à l’île du Beurre, une réserve naturelle située à une quarantaine de kilomètres au sud de Lyon :
« On a perdu de la biodiversité avec les barrages hydrauliques, la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) en est consciente, c’est aussi pour ça qu’elle accompagne beaucoup de projets de restauration. »
Il donne l’exemple des dommages occasionnés par l’édification du barrage de Saint-Pierre-de-Boeuf, situé lui aussi à une quarantaine de kilomètres au sud de Lyon :
« Le barrage a fait monter la ligne d’eau à 2,5 mètres, ce qui a noyé une partie des milieux. »
« Dans les années 1980, il n’y avait presque plus d’eau dans le vieux Rhône »
Damien Dumollard est directeur du Syndicat mixte des îles et lônes du Rhône (SMIRIL). Il évoque un autre barrage, celui de Pierre-Bénite. L’exploitation hydroélectrique qui a été mise en service à la fin des années 1960 ne capte pas toute l’eau du Rhône ; une partie passe par un petit canal, surnommé le « Vieux Rhône », qui échappe à l’imposant ouvrage :
« Au début de la mise en service, presque toute l’eau passait par le canal principal -et donc par le barrage. Dans les années 1980, il n’y avait plus assez d’eau dans le Vieux Rhône, c’était dramatique pour les espèces. Alors il a été décidé qu’on devait passer de 10 m3 par seconde à 100m3 par seconde dans le Vieux Rhône. »
C’est durant cette décade que les premières politiques ambitieuses de sauvegarde de la biodiversité fluviale ont été appliquées :
« On a pu valoriser notre volonté de recréer des lônes, c’est-à-dire des bras secondaires du Rhône, qui changent de lit année après année. »
Consécutivement à ces premières mesures, des campagnes de suivi des populations ont vu le jour :
« Cette gestion du volume de l’eau a eu un impact très positif sur la faune, notamment sur certaines espèces piscicoles comme le barbeau et le hotu, qui sont assez sensibles au fait que le fleuve soit courant. »
Depuis, de nombreuses tentatives pour atténuer l’impact négatif des barrages se sont succédé. Elles n’arrivent jamais à empêcher tout à fait les répercussions néfastes des infrastructures sur le Rhône.
Simon Gaillot, chargé d’étude à la Fédération de pêche du Rhône donne l’exemple des conséquences indésirables de l’instauration des petits escaliers aménagés appelés « passes à poisson » sur les côtés des barrages. Celles-ci permettent aux espèces migratrices comme le saumon, l’anguille ou la lamproie de remonter le fleuve, ce qui est positif.
« En revanche, le souci c’est que les carnassiers comme les silures se mettent à l’embouchure des passes à poisson, et ils attendent que les espèces passent pour les manger sans avoir à les chasser. »
Chargement des commentaires…