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A Lyon, le Beaujolais (avec son vin naturel) est de retour sur les tables

Fini la réputation du vin au goût de banane, depuis quelques années le beaujolais se refait une place sur les grandes tables de Lyon.

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Bertrand Perrin dit Béber

C’est indéniablement le retour en grâce d’un vin qui fût à une époque dénigré par les siens. Sur les tables de Lyon (et d’ailleurs), le Beaujolais a plus que le vent en poupe.

« Quand j’ai commencé dans le vin, vendre du beaujolais à Lyon était très difficile, relate Bertrand Perrin, connu dans le milieu de la gastronomie lyonnaise sous le nom de « Beber ». On avait tendance à le mettre dans le verre et à ne pas dire au client ce que c’était. Maintenant, ils en demandent. »

« Dénicheur » de vin, comme il se définit lui-même ce passionné gravite dans le milieu depuis une dizaine d’années. Depuis deux ans, il travaille pour le groupe de restaurants lancé à Lyon par le couple Delhoum et leurs associés, qui possèdent les « Bistrots du Potager » de Lyon (1er et 7e arrondissement), le bouchon lyonnais « La Meunière », également investi à « Food Traboule » dans le 5e. Pour « Beber », il y a eu un vrai « rééquilibrage » impulsées par les envies des clients. Si à une époque le Saint-Joseph ou les Côtes-du-Rhône tenaient la corde, ce n’est plus le cas.

Emmanuel Ferra, à la tête du bouchon lyonnais Le Garet, ne dément pas :

« C’est vrai que certains pouvaient être réticents à l’idée d’en boire il y a cinq ans. Mais bon… Il y avait un côté très lyonnais à ne plus vouloir boire du beaujolais. »

Bertrand Perrin
Le dénicheur de vin naturel de Lyon Bertrand Perrin dit « Beber ».Photo : PL/Rue89Lyon.

Derrière le retour du Beaujolais, une évolution générale de la gastronomie

A la tête de cette institution culinaire lyonnaise depuis 20 ans, Emmanuel Ferra le rappelle, en bon bouchon : « Il y a toujours eu du beaujolais dans nos maisons ! » Selon lui, le cœur du problème a longtemps été l’amalgame entre le beaujolais nouveau et les crus de la région.

« Qu’est-ce qu’on attend d’autre du beaujolais nouveau à part d’être un vin nouveau et donc festif ? C’est un moment éphémère », râle-t-il.

Bouchon depuis 1918, porte-pot depuis 1870, le Garet n’a jamais dérogé à son histoire, ni à son amour de la nourriture traditionnelle lyonnaise, souvent bien grasse. Une chose rare. Dans d’autres restaurants, la gastronomie a beaucoup évolué ces dernières années et cela peut expliquer le retour du « beaujo ».

Manu Ferra au Garret
Manu Ferra, patron du Garret, un bouchon historique où on boit du vin nature.Photo : PL/Rue89Lyon.

Pour « Beber », son retour en grâce est aussi lié cette évolution culinaire. Moins de viande, plus de légumes, moins de sauce… Certains restaurants ont fait évoluer leur carte vers des mets plus légers.

« On ne veut plus des vins dont le goût vient en concurrence avec la nourriture, commente-t-il. Et puis, à partir du moment où on travaille avec des légumes bio, ça peut être difficile de mettre un vin considéré comme « plus industriel » sur la table. Les gens vont en rigoler ! »

De l’autre côté de la Saône, Vincent Dechelette ne peut qu’acquiescer. Caviste à Vaise (9e arrondissement), ce passionné du Beaujolais a baptisé son commerce en référence au précieux nectar : « Le Troisième Fleuve ». Il le constate facilement : moins fort en tanin, assez léger en alcool, le vin issu du gamay se marie bien avec l’apéro. Des vins qui « appellent les tapas », comme il dit.

Sur ce credo, Bertrand Perrin note que le monde des agents évolue. Une nouvelle génération est arrivée avec des attentes différentes, la recherche de vins moins lourds, moins tanniques… Bref, les goûts évolueraient en faveur de plus de légèreté.

« Le terme de « vin populaire » colle à la peau du Beaujolais, et c’est très bien comme ça »

« Notre génération est beaucoup plus apéro dînatoire, on casse un peu les codes des repas de mémère même si, personnellement, j’adore ça, plaisante Vincent Dechelette. On a une vision plus festive du vin et le beaujolais s’y prête bien. » 

Une génération qui, parfois, s’éduque sur le tard au rouge. A 30 ans, certains palais habitués à la bière arrivent au vin sans a priori. Un côté novice qui joue en la faveur des nouveautés proposées par le Beaujolais.

Comme « Manu » Ferra, Vincent Dechelette le rappelle : les bouchons ont toujours eu du beaujolais sur leur table. La différence est peut-être maintenant dans le contenant. Fini le vin uniquement en pichet, des cartes ont commencé à faire leur apparition. 

Même le Garet s’y est mis. Le restaurant traditionnel dispose d’une carte depuis cinq ans. « C’est vrai que ça crée une demande vis-à-vis des clients, admet son patron. Mais, dans 80 % des cas, chez-nous, le vin est servi au pot. »

Plus festif, le beaujolais reste aussi souvent moins cher. 

« Le terme de « vin populaire » colle à la peau du Beaujolais, et c’est très bien comme ça », estime Vincent Dechelette.

Un bon argument même si les nouvelles propositions, en bio ou en biodynamie, en version naturelle, ont permis au beaujolais d’être plus qualitatif. Et ici, légitimement, le patron de restaurant l’admet : « les bouteilles à 5 euros dans ces cas, ça n’existe pas. »

« Ils ne sauvent pas seulement leurs vignobles, ils réfléchissent à sauver la planète »

Le vin naturel joue un vrai rôle dans le retour en force du beaujolais. Depuis les débuts des père du vin naturel, de Jules Chauvet aux travaux de la « bande du Morgon » (Marcel Lapierre, Jean-Paul Thévenet, Yvon Métras, Jean Foillard et Guy Breton), ont fait des enfants (et des petits-enfants). 

« On a quand même une sacrée génération. Des gens pas seulement doués, mais qui ont une vision à long terme, s’enthousiasme Manu Ferra en citant pêle-mêle Yann Bertrand ou encore Raphaël Saint-Cyr. Ils ne sauvent pas seulement leurs vignobles et leur vin, ils réfléchissent à sauver la planète. C’est pas du flanc, c’est vraiment réfléchi. » 

Dans ce travail, Bertrand Perrin évoque l’événement Bien boire en beaujolais. Un moment qui rassemble cinq associations la « Beaujoloise », la « Biojolaise », le « Beaujol’Art »,« Beaujol’All’Wines » et « Les Gamays Chics » qui donnent une autre couleur au territoire.

Raphaël Saint-Cyr, dans ses vignes d'Anse dans le Beaujolais en novembre 2020. ©FD/Rue89Lyon
Raphaël Saint-Cyr, dans ses vignes d’Anse dans le Beaujolais en novembre 2020.Photo : LB/Rue89Lyon

Avec des pratiques nouvelles, du travail sur les procédés mais aussi sur les cultures, c’est toute une nouvelle manière de faire qui se développe dans le Rhône. 

« Ces jeunes sont allés contre l’uniformisation de leur territoire, reprend Bébert. Quand on prend le cas d’un Jules Metras, c’est quelqu’un qui veut faire découvrir son terroir. »

Le vin nature : la carte prestige pour le retour du beaujolais

Et ça marche même si, évidemment, la carte « nature » ne fait pas tout. « Personnellement, moi, les trucs un peu rock’n roll, j’évite », commente Manu Ferra. Le restaurateur se méfie des effets « modes » autour du vin naturel même si, pour le coup, ce côté tendance permet de faire parler des vins de son enfance. Ceci étant, ces nouveautés proposent de nouvelles gammes aux amoureux du bon vin. 

« J’ai aussi une clientèle plus fortunée qui veut se faire surprendre, commente Vincent Dechelette. Dans les dégustations à l’aveugle, on enlève la chaussette et on ne s’attend pas forcément à tomber sur du beaujolais. Il a toujours ce côté outsider. » 

A ceci s’ajoute un retour en force du blanc pour lui, comme pour Bébert. Si sa production est mineure dans le secteur (à peine 3 %), il a tendance à se développer. 

« Ils sont capables de faire du vrai blanc de casse-croute, pour casser le vendange le matin, avec une belle vivacité et une belle tension », se délecte Vincent Dechelette du troisième fleuve. 

Dans cette équation, le développement du manger local a aussi son importance. En vin du coin, le beaujolais bénéficie, finalement, de sa proximité avec Lyon. Alors, quand les procédés utilisés deviennent plus naturel, plus « à l’ancienne », forcément, la question écologique joue en sa faveur. Mais pas seulement. 

« J’ai quand même des clients d’un certain âge. Or, qu’est-ce qu’ils me disent ? Qu’ils retrouvent aujourd’hui le goût du vin d’autant », constate le patron du bouchon le Garret. 

Un retour aux sources, au terroir, et aux procédés ancestraux. Peut-être que c’est ça qui joue en la faveur du Beaujolais. En tout cas, aujourd’hui, il s’il peut passer pour un produit gastronomique « à la mode », il semble avant tout symptomatique d’un changement de mode de consommation.

Manu Ferra au Garret
Manu Ferra, patron du Garret, un bouchon historique où on boit du vin nature.Photo : PL/Rue89Lyon.

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Antonin Iommi-Amunategui
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