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Dans un bureau de vote à Sainte-Foy-lès-Lyon, lingettes et craintes

[Reportage] À Sainte-Foy-lès-Lyon, petite commune située à quelques encablures de Lyon, la municipalité a tenté d’organiser le scrutin de manière à éviter la contagion du virus. Gels hydroalcooliques, lingettes, réaménagements des bureaux de vote, des mesures particulières ont été mises en place. Difficile cependant d’affirmer que cela aura suffi à rassurer les électeurs, dont une grande partie est ici âgée.

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Dans un bureau de vote à Sainte-Foy-lès-Lyon, lingettes et craintes

Samedi dans la soirée, le Premier ministre a annoncé le passage au stade 3 face au coronavirus. Jusqu’à nouvel ordre, les restaurants, bars, cinémas, discothèques resteront fermés. Pourtant le premier tour des élections est maintenu, comme si de rien n’était.

Enfin presque. En effet, les présidents des bureaux de vote ont reçu une procédure afin d’assurer la bonne tenue de ces élections. Une procédure basée sur la circulaire distribuée à toutes les mairies par le ministre de l’intérieur dès mardi dernier. Ces règles et ces mesures, appliquées à la lettre, sont mises en avant par Pierre. Adjoint de la maire sortante Véronique Sarselli (LR) et président de bureau, il assure en désignant une salle presque vide :

« Comme vous pouvez le voir, on est vraiment bien organisé. »

Une organisation particulière des bureaux de vote

Certes, les mairies se sont adaptées. Habituellement, les Fidésiens (habitants de Sainte-Foy) du bureau numéro 4 votaient à l’intérieur de la salle polyvalente au sein d’une maison de retraite. Benjamin, président du bureau de vote pendant une grande partie de la journée raconte:

« Au départ, on voulait maintenir le scrutin à l’intérieur en confinant toutes les entrées. A la suite de l’allocution du président, on a travaillé avec la préfecture pour avoir une dérogation et mettre en place cette disposition particulière »

Les deux parcours de votes ont donc été répartis sous deux tentes, à l’extérieur. Dessous, on trouve deux isoloirs et une urne, comme dans tout bureau de vote. Il y a cependant peu d’espace. Des bandes au sol signalent un semblant de distance de sécurité, respectée surtout parce qu’en ce dimanche matin, peu d’électeurs sont présents.

Chaque votant qui se présente est invité à prendre une lingette avant de voter afin de se nettoyer les mains. Du gel hydroalcoolique est réparti le long du parcours. Les stylos ne se prêtent pas et si c’est le cas, ils sont désinfectés ensuite. Benjamin précise ces dispositions :

« Dans ce bureau, la population est assez âgée. Étant donné qu’il y a la maison de retraité à côté, on a aménagé une file en plus pour que ces personnes plus fragiles puissent voter prioritairement. »

Au moins, tous les bureaux ont pu ouvrir. Malgré le désengagement de certains assesseurs pour des raisons de santé, les partis ont appelés à ce que leurs troupes se mobilisent. Il manquerait seulement quelques personnes pour le dépouillement.

Pourtant, tous ne sont pas aussi bien équipés. Quelques mètres plus loin, le bureau de vote numéro 6 met simplement des lingettes à la disposition des électeurs. Un point d’eau est ouvert mais il n’est indiqué à personne. Cependant, Vera, agente de mairie mobilisée lors de ce scrutin en tant que secrétaire, veille :

« Notre boulot, d’habitude, c’est de donner les cartes d’électeurs qui ne sont pas arrivées à bon port avant les élections, de vérifier les procurations, si on ne trouve pas un nom sur les listes et de faire attention à ce qu’il y ait toujours assez de bulletin sur les tables. Cette année, on passe aussi régulièrement dans les isoloirs pour les nettoyer. On a aussi laissé la porte ouverte pour éviter que les gens touchent la poignée. Et la salle a été nettoyée à la javel avant le scrutin. »

Difficile pourtant d’éviter les échanges. Pas de bises ni d’embrassades mais malgré les consignes des assesseurs et des présidents de bureau, les cartes électorales et les papiers d’identité passent de main en main. Une situation que déplore quelque peu Philippe, également président de bureau:

« On a tout un nombre de mesures à respecter mais certaines personnes sont impotentes, des gens ne veulent pas, d’autres ne peuvent pas. C’est très difficile d’appliquer strictement les consignes. »

A l’intérieur du bureau de vote n°4 pour les élections municipales 2020 – Sainte-Foy-lès-Lyon. Crédits – Photo AL/Rue89 Lyon

Les électeurs.trices, entre résignation et inquiétude

Les premiers concernés restent les électeurs. Pour ceux qui se sont mobilisés ce dimanche matin, la situation est partagée. Yves, âgé de 82 ans, a une constitution frêle. Il est venu malgré tout voter aux côtés de sa femme, Claude. Âgée de 78 ans, elle marche difficilement et s’appuie sur sa canne. Après avoir déposé ses deux bulletins, elle explique :

« On n’a pas eu peur, on savait que c’était bien organisé. Les mesures sanitaires sont appliquées et c’était important de voter. »

Confiant, Yves se permet même d’ajouter en plaisantant qu’il a apporté son propre stylo mais « ne se lave les mains qu’une fois par an, c’est comme ça ». Cependant, en dehors des élections, ils resteront chez eux. Claude résume :

« On suit ce qu’on nous dit de faire. »

Ainsi malgré la situation particulière, des personnes âgées n’hésitent pas à se déplacer. En parallèle, les procurations sont étonnamment peu nombreuses sur les bureaux des assesseurs.

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Un bureau de vote à Sainte-Foy indique les bons gestes à adopter pour voter. Seules des lingettes sont disposées pour éviter le risque sanitaire. Crédits – Photo AL/Rue89 Lyon

Pourtant, d’autres électeurs soient moins confiants. En plus des mesures prises par les bureaux de votes, certaines personnes arrivent avec un masque sur le visage ou des gants en latex aux mains. Des doutes que partage Olivier. Pour lui, les élections auraient dû être reportées :

« Les mesures barrières doivent être respectées. Il y a cependant des incohérences dont ces élections. En général, il faut être plus solidaire pour protéger toute la population. J’ai un fils de 18 ans, ça a été difficile de lui faire comprendre qu’il ne sortirait pas hier soir pour profiter de cette dernière soirée

Émilie aurait elle aussi préféré un report des élections. À 35 ans, elle ne fait pourtant pas partie de la population dite « à risque » mais déplore des décisions qui se contredisent :

« Je suis venue voter parce que c’était le jour, c’est mon devoir de citoyenne. J’aurais préféré malgré tout un report. Mon conjoint lui ne votera pas pour marquer sa contestation. C’est vrai que c’est difficile de comprendre la logique entre la fermeture des bars, des restaurants hier et le maintien du vote aujourd’hui. »

Le vote du deuxième tour, une autre grande inconnue

L’abstention reste donc la plus grande crainte des organisateurs. Les présidents des bureaux de vote tentent l’optimisme et montre que tout fonctionne bien. À 11 heures, Pierre relève un premier compte et assure :

« Il y a 699 inscrits et nous sommes maintenant à… 134 votants. Ça nous fait une participation à 19%. Il y a du monde ! »

Un optimiste qui paraît forcé de la part de cet adjoint qui se représente avec la maire sortante  pour un troisième mandat. À midi, la préfecture du Rhône annonce une baisse de la participation de 9 points. Cependant, un report des élections aurait été compliqué pour ces personnes engagés dans une campagne qui peut paraître longue. Benjamin, adjoint de la maire sortante et également présent sur sa liste esquisse la situation :

« Au niveau de la campagne, les budgets, tout était programmé. Heureusement que le scrutin est maintenu. »

Une autre solution aurait-elle pu être possible ? Philippe estime que cela aurait été très difficile :

« Un report aurait été très compliqué. Tous les partis politiques ont voulu maintenir les élections. Dans les grandes villes, il y a des enjeux qui nous dépassent. Et puis un report pour quand ? On ne sait pas comment la situation va évoluer. Si c’est à l’année prochaine, on sera à un an des présidentielles, ça aurait été impossible. Mais on ne peut pas dissocier le premier tour du second. ça n’aurait aucun sens. »

C’est pourtant bien le second tour qui en inquiète certains, et notamment Olivier. Travailleur dans le domaine sanitaire, il suit les informations et l’évolution du virus de près et s’interroge des conditions de vote pour dimanche prochain:

« Le nombre de cas et de décès est exponentiel. Je sais bien que la situation sera pire la semaine prochaine, est-ce qu’on ira voter alors ? »

Les préoccupations politiciennes sont donc éloignées de celles de citoyens qui s’inquiètent pour leur santé et celle de leurs proches. Est-ce que les mesures prises auront permis un scrutin qui respecte à la fois des conditions sanitaires et des valeurs démocratiques ? Une première réponse sera apportée ce soir avec les résultats et surtout, avec le nombre de suffrage exprimé. En cas d’annulation du second tour, c’est l’ensemble des élections qui devra être finalement reporté, selon les constitutionnalistes.


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