Nous publions une tribune de Loic Cedelle, ingénieur consultant en mobilité urbaine. Pour lui, cette nouvelle infrastructure routière est une « fausse piste ».
Les élections municipales ont lieu dans moins d’un an. Les grands projets ressortent des tiroirs en vue du prochain round. Ainsi Gérard Collomb a rouvert les hostilités en mars en évoquant de nouveau le projet Anneau des Sciences, cette autoroute enterrée de 15 km sous l’ouest lyonnais.
L’idée de monsieur Collomb n’est bien entendu pas de rendre la voiture toujours plus incontournable. Il y a un consensus dans la métropole, exprimé officiellement dans le Plan de Déplacement Urbain sur le fait que moins de personnes devraient être obligées de prendre la voiture et qu’il convient plutôt de développer la vie de proximité, le vélo, les transports en commun.
Non, l’idée est plus subtile : cette autoroute enterrée servirait à diminuer le nombre de voitures dans les rues des bourgs au-dessus de lui (Tassin, Oullins…) et diminuer aussi le nombre de voitures sur le quai Perrache le long de la Confluence (projet A6-A7). Avec moins de trafic automobile, ces rues pourraient alors être apaisées et embellies, au bénéfice des mobilités actives (marche et vélo).
Hélas, cet espoir risque d’être déçu. Voici pourquoi.
Pourquoi c’est une fausse piste
Imaginons un habitant de Dardilly qui travaille à Pierre-Bénite, à 15 km. S’y rendre en transports en commun : 1h20 avec deux ou trois correspondances. En voiture, 35 à 50 minutes selon les conditions de circulation.
Il choisit donc la voiture. Le matin, il dépose ses enfants à l’école en voiture : pas de temps à perdre. Le soir il passe prendre du pain à la boulangerie près de l’échangeur. Pour son mal de dos son médecin lui a prescrit marcher 30 minutes par jour mais impossible de caser cela dans une journée déjà bien remplie.
Puis un train est mis en service entre Dardilly et Pierre-Bénite, direct en 25 minutes. Même avec 10 minutes de marche jusqu’à la gare de Dardilly le trajet reste compétitif. A Pierre-Bénite, le travail est un peu loin de la gare, mais un tronçon de Via Rhona nouvellement ouvert permet de couvrir la distance restante en 5 minutes de vélo tranquille.
Dans cette situation c’est tout naturellement que les enfants sont déposés à pied le matin et que la boulangerie située devant la gare revit. Mais surtout le ménage n’a plus qu’une voiture, n’ayant plus besoin de deux au quotidien et réalise ainsi une belle économie.
Cette petite histoire ne prouve rien. Mais elle illustre plusieurs faits avérés.
Une nouvelle autoroute nuit au développement de la marche et du vélo
L’histoire illustre tout d’abord le fait que marche, vélo et transports en commun sont complémentaires (petits, moyens et longs trajets). Ils dépendent l’un de l’autre et se renforcent réciproquement. Aujourd’hui ce système “transports en commun + mobilités actives” possède deux points faibles :
- Les trajets de 1-3 km sont trop longs pour la marche mais trop courts pour justifier d’attendre un bus. Pour ces trajets, le vélo (électrique ou non) est une bonne solution, plébiscité à Lyon comme ailleurs (voir ici,et là). Mais elle bloque dans beaucoup de communes sur l’absence de réseau cyclable.
- Les trajets de 15-20 km de périphérie à périphérie sont trop longs avec les transports en commun actuel. Mais ils seraient à la portée d’un “train métropolitain” comme en possède n’importe quelle ville Allemande ou Suisse (S-Bahn).
Aujourd’hui la voiture s’impose donc forcément pour ces deux types de trajets. Et comme elle peut couvrir toutes les distances, il est difficile de l’articuler avec la marche ou le vélo. Pire, trop de voitures décourage les autres modes en dégradant fortement les conditions de leur pratique.

Comparaison à la même échelle des transports en commun lourds à Munich et à Lyon. Les deux villes centres sont bien desservies mais Munich dispose en plus de trains métropolitains à la portée bien plus longue qu’un métro.
On voit donc bien qu’une nouvelle autoroute ne faciliterait pas l’apaisement des bourgs de l’Ouest lyonnais, au contraire. Les utilisateurs de l’Anneau des sciences ne laisseront pas leur voiture dans le tunnel. Ils voudront tous se garer devant la boulangerie et rouler devant l’école : difficile dans ces conditions d’installer des pistes cyclables, de végétaliser ou d’élargir les trottoirs.
De plus la réglementation interdit les embouteillages dans les tunnels : les rues qui mènent au tunnel serviront à stocker les automobilistes aux heures de pointe et les rues qui en sortent devront être élargies pour s’adapter aux débits sortants – qui seront importants puisque les temps de parcours attractifs du tunnel induiront du trafic nouveau.
Le même mécanisme vaut pour les autres voies rapides de la métropole : une nouvelle autoroute certes décharge d’une partie du flux, mais contribue surtout à faire augmenter partout le nombre de voitures (voir ici les preuves et explications). Rappelons que 85% du trafic sur l’A6-A7 est directement en lien avec la métropole (voir le dossier du débat public sur l’Anneau des sciences).

Nouvel échangeur autoroutier “3 renards” prévu entre Tassin et Ecully : Un tel attracteur de trafic va augmenter le nombre de véhicules sur tous les axes qui y mènent notamment la rue de la République à Tassin. Image Grand Lyon, dossier d’appel d’offre public 2018.
Un train “périphérie à périphérie”
Mais au lieu de financer une nouvelle autoroute, ne pourrait-on pas créer ce transport en commun manquant, de périphérie à périphérie ? Il faciliterait le développement des mobilités actives au niveau local et la conjonction des deux déchargerait globalement le réseau routier.
La réponse est oui : nous avons presque toutes les pièces nécessaires à un transport en commun “périphérie à périphérie”. Certaines lignes TER traversantes existent déjà, par exemple la ligne SNCF Vienne-Villefranche qui s’arrête à Saint-Fons, Jean Macé, Perrache, Vaise, Saint-Germain-au-Mont-d’Or… il lui manque juste une intégration fonctionnelle dans le réseau TCL (tarif et lisibilité).
De son côté l’Ouest lyonnais dispose de plusieurs lignes de tram-train, performantes mais sans connexion avec le reste du réseau ferroviaire. Elles ne servent donc aujourd’hui qu’au rabattement sur Lyon-centre.

Tram-train de l’ouest Lyonnais en gare de l’Arbresle, photo Wikipedia
On pourrait y remédier par un nouveau tunnel ferroviaire entre Perrache et Gorge de Loup, similaire au tunnel ferroviaire existant (qui est saturé). La distance n’est que de 2 km, soit un projet beaucoup moins cher que les 30 km de tunnel (2*15 km) de l’Anneau des sciences.

Les 4 voies sortantes de Perrache traversent la Saône mais seules 2 se prolongent actuellement en tunnel. D’où la proposition de prolonger les 2 autres dans un nouveau tunnel vers l’Ouest lyonnais. A droite le tunnel routier de Fourvière. Image google earth.
Ce nouveau tunnel permet de faire circuler deux lignes depuis l’Ouest lyonnais vers le Sud et l’Est de la métropole. La rentabilité de ces lignes est bonne puisqu’elles sont en correspondance avec tous les métros et tramways, décuplant les destinations atteignables facilement. Et ces lignes répondent à l’objectif de relier les périphéries entre elles.

Proposition de trains express métropolitains sur le corridor de l’A6-A7. ©Cartuga
Certes, la saturation générale du réseau ferré est un vrai problème pour ce projet. Mais des solutions sont en cours de mise en œuvre : le tunnel des deux amants, qui limite la fréquence du tram-train de l’Ouest, va prochainement être mis en double voie. A l’Est, la mise à quatre voies de la ligne ferroviaire de Saint-Priest est actuellement en débat dans le cadre du projet Noeud ferroviaire Lyonnais (NFL) (lire ici).
Ajoutons à cela le métro E que l’on pourrait prolonger à la Part-Dieu facilement (seulement 2 km de tunnel en plus de ce qui est prévu par la Métropole) et l’amélioration de la capacité de T3 qui est en cours et on voit apparaître un vrai système de transports métropolitain, sans avoir besoin d’ajouter beaucoup de choses par rapport à ce qui est déjà prévu.
Ce transport métropolitain ne concerne d’ailleurs pas que les trajets internes à la métropole, puisqu’en reliant Perrache et Part-Dieu il rend le train crédible également pour des trajets depuis Grenoble, Saint-Étienne, Mâcon, etc.
Il fait donc diminuer la pression automobile sur toutes les voies rapides de la métropole.
Peut-on aller plus vite?
Un tel projet (métro E et nouveau tunnel ferroviaire ) prendra au moins 10 ans avant de voir le jour (comme l’Anneau des Sciences d’ailleurs, si celui ci est décidé). Rien n’empêche dans l’intervalle de commencer à diminuer le trafic automobile sur l’A6-A7, tout en transportant plus de personnes. La Métropole va dès 2020 mettre en service des voies de bus-covoiturage sur cet axe.
Pourquoi ne pas continuer sur cette lancée et mettre en place des bus express “Périphérie à Périphérie” sur les nouvelles voies réservées ? Un réseau rapide pour connecter l’Ouest au Sud et pour amener aux grands pôles de correspondances de Gorge de Loup, Perrache, Oullins.
Ce faisceau de bus serait transitoire et permettrait d’engager l’amélioration des mobilités avant de poursuivre lors de la mise en service du train, ce dernier étant nettement plus performant et confortable.

Un faisceaux de bus express sur l’ex A6-A7 pourrait assurer une transition jusqu’à la mise en service des trains métropolitain. ©Cartuga
En résumé le projet d’Anneau des sciences repose sur une compréhension erronée des flux de déplacement et n’amènera pas les bénéfices escomptés. Au contraire il bloquera le développement des mobilités actives et l’amélioration de la qualité de vie dans la métropole.
Par contre un projet équilibré entre train, métro, bus, vélo, marche et covoiturage pourrait, avec un budget moindre, aboutir plus rapidement au résultat escompté.
Plus de détails ici https://www.rue89lyon.fr/2017/01/04/apres-declassement-de-la6-a7-besoin-de-nouvelles-autoroutes/
Moins de 5% des Dardillois habitent à moins de 10 minutes à pieds de la gare des Mouilles. Loi-même, ayant grandi à Dardilly le bas (donc théoriquement "pas loin" devait marcher 20 minutes pour prendre le train. Ou espérer d'attraper un bus.
Il faut donc une voiture, quand même. Et la garer à la gare. Mais si tout le monde prend le train... y'a pas de place sur le parking.
Arrêtez de rêver ! Quelqu'un qui habite la périphérie et se rend en périphérie ne prendra jamais les transports en commun !
Marcher jusqu'à l'école ? Plaisanterie. Si l'école est à 15 minutes à pieds (ce qui n'est pas loin !) il faut 30 minutes avec deux enfants...
Y'en a marre des tribunes incompétentes !
Pour information j'ai habité 2 ans à Écully. Et à Dardilly il y a également la gare du Jubin.
Il y a des gens qui habitent proche de ces gares (Je dirais plutôt 50% que 5%, mais ni vous ni moi n'avons le chiffre exact). Pour les autres, le vélo est un excellent moyen de transport qui aurait changé vos 20 minutes en 5 minutes.
Avec des enfants, le vélo se démarque encore plus de la marche : à Lyon centre-ville le parvis des écoles est couvert de vélos familiaux, il n'y a pas de raison que cela ne puisse pas marcher à Dardilly.
Ici en vidéo ce que donne le vélo avec 3 enfants dans l'ouest lyonnais : https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/transport-les-francais-se-passent-de-plus-en-plus-de-voiture_2995925.html
Si vous aviez fait du vélo à Dardilly (ce que j'ai fait toute mon adolescence) vous sauriez que c'est extrêmement dangereux sur la plupart des grands axes.
Dardilly est la commune la plus étendue du rhône. La plupart des habitants sont à dache du bus, alors des gares...
Arrêtez de rêver, le Dardillois n'abandonnera pas sa précieuse voiture s'il n'est pas forcé.
Je dis pas qu'il y a pas des villages parfaitement adaptés, mais la plupart de l'ouest lyonnais ne le sont pas.
- Dardilly est loin d'être la plus grande commune du Rhône (elle viendrait en 77ème position), ou de la Métropole (elle en 10ème position)
- Un bon 90 % de l'habitat et des activités de la commune est regroupé sur 5,5 km2 (moins de 40 % de la superficie totale) et situé à moins de 2 km de la voie ferrée, et donc des gares - potentielles, car il faudrait au moins deux de plus.
Donc revendiquez votre "droit" à refuser de vous déplacer sans votre caisse, mais n'utilisez pas des arguments aussi faux.
Quand au manque d'itinéraires suffisamment sûrs pour que des enfants les utilisent, reprochez le plutôt aux gens que vous avez élus, et à leurs électeurs qui privilégient le passage de leurs voitures à celui des vélos de leurs enfants.
direction ensuite les transports en commun avec ma trott'
puis re-trott' après la descente des transports
le tout :
- m'a permis de vendre un véhicule (pouvoir d'achat en hausse)
- ravi mes enfants (ça ça n'a pas de prix)
- me fait gagner du temps
- m'a permis de supprimer les moments de stress et d'exaspération dans les bouchons
- ne pollue pas (ou très peu)
Sortez de votre SUV, et prenez l'air :)
Tout ça me semblait compliqué avant de me lancer, mais 3 ans après, pour rien au monde je ne reviendrai en arrière!
...et pour être allé souvent en Allemagne, leur système de S-Bahn nous fait cruellement défaut! c'est la dessus qu'il faut travailler à Lyon pour faciliter les mobilités
Ne vous semble t-il pas qu'une gare manque à l'intersection du chemin des Mouilles/ chemin Moulin Carron ?
https://www.google.fr/maps/search/RD+311+rh%C3%B4nr/@45.8081498,4.7630042,624m/data=!3m1!1e3
C'est pourtant un endroit où de l'habitat est proche de la voie ferrée, et les activités de l'autre côté aussi.
Donc davantage de trains, cette gare supplémentaire, et la fin de la correspondance imposée en gare de Tassin, ne pensez vous pas que ça pourrait aider quelques Dardillois à moins utiliser leur voiture ?
En effet, dépenser 3 milliard, que pour la voiture, n'est plus crédible .
Par ailleurs, pour l'ouest lyonnais, il manque une liaison directe vers Perrache , un pole multimodal important
Peut être un jour on imposera les voitures dites "propres" au lieu de fermer toutes ces routes qui irriguent l'économie. Dans l'immédiat faire une liaison directe à l'ouest entre A6 et A7 permettrait de dégager pas mal d'itinéraires lyonnais.
Une voiture qui - si on en croit ce journal - https://www.largus.fr/actualite-automobile/prk-2017-ce-que-vous-coute-reellement-votre-voiture-8346400.html - revient facilement plus de 4000 euros à l'année.
Elles travaillent donc le quart de l'année, 3 mois par an, 450 heures, uniquement pour payer leur moyen d'aller travailler.
Ajoutez leur temps de transport (1h 30 x 220 jours ouvrables = 330 h); rouler voiture est loin d'être pour elles aussi rapide que vous le dites : Vitesse moyenne = 15 km/h !
Si de bons transports en commun étaient disponibles, moins d'un mois de travail leur suffirait à couvrir la dépense. Elles y gagneraient.
Donc, si vous n'en voulez pas, au moins n'en privez pas les autres.
A l'heure des prix du baril de petrole qui risque d'exploser (en même temps que les conflits militaires) qui des problèmes de pics particules fines, ça donnerait envie de porter plainte contre ces gouvernements qui se foutent du sort de leurs citoyens!
Deja comment on a vu les expropriations autour du stade avec des pratiques mafieuses et les scandales/magouilles autour des Tunnels TEO/Bouygues.
Bref ils ont vraiment une tête têtu ces politiques qui nous administrent,
Ils pensent être des vedettes, mais tout ce qu'on retiendra d'eux ce sont leurs mauvais choix,
on fera tout pour qu'après leur mort, leur mémoire sera entachée comme Louis Pradel au sujet de ses mauvais choix sur les tunnels de Fourvière!
https://participons.debatpublic.fr/processes/nfl/f/39/questions/39
merci de relayer l'information
Les habitants de l'Est lyonnais en ont assez des nuisances et de la pollution engendrées par tous ces camions qui eux ne seront jamais remplacés par des vélos. Donc encore une fois 2 poids 2 mesures et, ce sont toujours les même qui trinquent
Non, sérieusement, vous nous dites comment, selon vous, seront desservies toutes les zones d'activités de l'Est, en vélo ?
L'avenant au CPER ne l'évoque pas ; il y a 40M€ pour "regénérer les trois branches" (page 6 https://www.auvergnerhonealpes.fr/cms_viewFile.php?idtf=3373&path=CPER-Metropole-Lyon.pdf) mais il n'est nulle part mention du doublement du tunnel. Il y aura peut-être des études par-ci par-là...
Qu'il faille le faire ou que cela puisse servir à construire une alternative à l'anneau des sciences, je ne dis pas, en revanche sur les alternatives "en cours de mise en œuvre" évoquées qui incluent le NFL, il me semble qu'on est plutôt sur du 2040 que du 2030...
A moins que je n'ai loupé une information ?
Bernard THIERRY