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Le service d’ordre des syndicats matraqué à la manifestation du 6 juin à Lyon

D’après l’Union départementale de la CGT, 9 membres du service d’ordre des syndicats ont été matraqués par les forces de l’ordre, mardi 6 juin lors de la manifestation contre la réforme des retraites à Lyon.

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La première charge policière de la manifestation du mardi 6 juin à Lyon, à une centaine de mètres en amont de la place Gabriel Péri (Lyon 3è). La police est au contact du cortège de tête.

« Il y a des blessures importantes, certain·es ont été matraqué·es à terre, sans défense », fulmine un responsable du service d’ordre (SO) de l’Intersyndicale lyonnaise. Il évoque de « belles contusions, des maux de tête, des plaies » mais ne souhaite pas faire un état des lieux trop précipité. Le service d’ordre a été matraqué par les forces de l’ordre lors de deux charges, l’une près du métro Saxe-Gambetta (7e) et l’autre sur la place Antonin Poncet. L’UD CGT a depuis publié un communiqué dénonçant « une répression inacceptable du mouvement syndical, largement documentée en vidéos ».

C’est au cours de la manifestation du 6 juin 2023 que les faits ont eu lieu. La manifestation a débuté à la Manufacture des Tabacs (Lyon 8e) et s’est achevée place Bellecour (Lyon 2e). Elle a réuni 25 000 personnes selon l’Intersyndicale, 8 000 selon la préfecture. Rue89Lyon a couvert l’événement.

Nous avons pu observer que la police a tenté de percer le cordon de sécurité de l’Intersyndicale, à plusieurs reprises. Un cordon qui, comme d’ordinaire depuis le début de ce mouvement contre la réforme des retraites, se tenait en tête du cortège institutionnel. Les syndiqué·es de la CGT mais aussi de Solidaires, de FO, de la CNT ou encore de la CFDT ont formé un carré autour de la banderole intersyndicale, accroché·es les un·es aux autres par les épaules.

Un service d’ordre facilement repérable lors de la manifestation du 6 juin à Lyon

Ils et elles étaient clairement repérables par leurs chasubles aux couleurs de leurs syndicats respectifs et pour la plupart munis d’un casque et de lunettes de protection. Un carré que les syndicats souhaitent impénétrable, et qui a pour but de protéger le reste de la manifestation d’éventuelles charges policières, ou des affrontements qui peuvent avoir lieu en tête de cortège. Le service d’ordre laisse aussi deux couloirs, à leur droite et à leur gauche pour que les manifestants puissent passer du cortège institutionnel au cortège de tête (et vice-versa) quand ils et elles le souhaitent.

Lors de cette manifestation du 6 juin, le cortège de tête ou « pré cortège » était imposant, mais les membres du black bloc le composant étaient bien moins nombreux qu’au cours des précédentes manifestations. On y retrouvait une foule bigarrée où alternaient manifestants en tongs et chemises à fleurs, street médics et militants entièrement cagoulés et vêtus de noir. Ces derniers étaient d’ailleurs souvent équipés de parapluies afin de se protéger du drone utilisé pour surveiller la manifestation.

C’est suite à la casse de plusieurs banques et agences d’intérim que la première charge policière a été ordonnée par la préfecture, à une centaine de mètres en amont de la place Gabriel Péri (Lyon 3è).

« Ils ont clairement cherché à enfoncer la ligne formée par les syndicats lors de cette manifestation à Lyon »

Bon nombre des curieux du cortège de tête avaient déjà reflué vers le cortège institutionnel, découragés par les gaz lacrymogènes lancés par les forces de l’ordre. Certains groupes de manifestants radicaux et masqués, dégradant vitrines et mobilier urbain, s’étaient aussi retrouvés derrière le service d’ordre. Tant et si bien que la police a rapidement fendu le cortège de tête et heurté le service d’ordre de l’Intersyndicale, distribuant au passage des coups de matraques :

« Ils ont clairement cherché à enfoncer la ligne », cingle un responsable du service d’ordre (SO) de l’Intersyndicale lyonnaise qui préfère rester anonyme, avant de poursuivre :

« Ils ont ciblé le carré de tête comme au cours de la manifestation du 1er mai. Je n’aurai pas pensé voir ça, la pression monte crescendo pour nous. »

La première charge policière de la manifestation du mardi 6 juin à Lyon, à une centaine de mètres en amont de la place Gabriel Péri (Lyon 3è). La police est au contact du cortège de tête.
La première charge policière de la manifestation du mardi 6 juin à Lyon, à une centaine de mètres en amont de la place Gabriel Péri (Lyon 3è). La police est au contact du cortège de tête et du service d’ordre de l’intersyndicale.Photo : LS/Rue89Lyon

Une déclaration que la préfecture nie en bloc :

« L’objectif est de s’arrêter au black bloc, d’arrêter les casseurs. Jamais une manœuvre des forces de l’ordre n’a eu pour but de viser les syndicats. Quand les forces de l’ordre effectuent une charge, elles la stoppent dès que possible. »

La préfecture reconnaît que le SO a pu recevoir des coups de matraque, la faute aux « casseurs » d’après elle :

« Ils se positionnent à proximité immédiate des syndicalistes pour se protéger, rendant le travail plus difficile pour les forces de l’ordre. »

La préfecture insiste d’ailleurs sur l’utilité du service d’ordre des syndicats, leur reconnaissant de grandes qualités pour orienter la manifestation, ou pour la faire redémarrer quand elle est à l’arrêt.

« Il y avait un risque que tout le monde courre partout, se fasse mal »

La seconde occurrence et sans doute la plus violente a eu lieu en fin de manifestation, sur la place Antonin Poncet (Lyon 2è). Alors que les forces de l’ordre tentent de fendre la foule pour interpeller et rabattre des manifestants sur la place Bellecour, le SO forme un solide cordon face à eux. La police tente de pousser ces derniers avec leurs boucliers avant de donner des coups de matraques pour forcer le passage. Des coups notamment pris en vidéo par le vidéaste indépendant Adrien Arbl sur Twitter.

Sur cette vidéo, on peut voir un syndicaliste de Solidaires prendre des coups de matraque ainsi qu’un coup de poing au visage. Il écopera en plus d’un hématome sur le bras, dû aux coups de matraques.

Pour l’un des responsables du service d’ordre de l’Intersyndicale lyonnaise, il s’agit de violences policières :

« Notre but est d’éviter un mouvement de panique d’ampleur. Dans cette situation il y avait un risque que tout le monde courre partout, se fasse mal. On protège les manifestants. Là, la préfecture a fait le choix d’agresser un maintien de l’ordre syndical. »

C’est une version très différente qui est donnée par la préfecture, qui leur reproche de s’être « interposés » entre la police et un groupe « à risque » :

« De l’autre côté du service d’ordre, il y avait uniquement des manifestants qui jetaient des projectiles sur les forces de l’ordre. Après plusieurs demandes fermes de la police, les syndicats doivent se plier et ne pas protéger ces individus là. »

Cette charge a eu lieu dans un climat de grande confusion, les cortèges étaient mélangés, et les manifestants étaient tout autour des forces de l’ordre, en groupe plus ou moins importants.

Les forces de l'ordre quelques minutes après avoir matraqué le SO des syndicats, place Antonin Poncet, à la manifestation du 6 juin contre la réforme des retraites à Lyon. ©LS/Rue89Lyon
Les forces de l’ordre quelques minutes après avoir matraqué le SO des syndicats, place Antonin Poncet, à la manifestation du 6 juin contre la réforme des retraites à Lyon.Photo : LS/Rue89Lyon

Les relations se tendent entre préfecture et syndicats suite à la manifestation du 6 juin à Lyon

Cette position n’avait jamais été exprimée aussi clairement par la préfecture. Le service d’ordre de l’Intersyndicale avait déjà été chargée violemment par la police le 6 avril dernier, occasionnant une première dénonciation de violences policières par l’Union départementale CGT. La préfecture avait alors renvoyé la responsabilité aux « casseurs » sans questionner la fonction des SO.

Une déclaration qui témoigne d’un refroidissement des relations entre les syndicats et la préfecture qu’un responsable du service d’ordre (SO) de l’Intersyndicale lyonnaise a du mal à avaler :

« On n’a jamais dit qu’on faisait du maintien de l’ordre, en revanche on veut protéger les manifestants pacifiques. La préfecture a un petit souci d’analyse des SO. Sans nous, on pourrait revenir à des mouvements de foule de milliers de personnes comme ça a été le cas pour les gilets jaunes. Et là, il y aurait des blessés. »


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