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Beaujolais : le #MeToo du vin condamné en justice

La vigneronne du Beaujolais Isabelle Perraud, présidente de Paye ton pinard, association apparentée au #MeToo du vin, a été condamnée par le tribunal de Bourges, ce vendredi 2 juin. Elle doit au total 29 000 euros à Sébastien Riffault, qui l’avait attaquée en diffamation.

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Vignes Beaujolais

« J’ai décidé de ne pas me taire, je le paye aujourd’hui. »

Isabelle Perraud, vigneronne dans le Beaujolais.

C’est une décision de justice qui clôt (provisoirement) une affaire qui a mis en émoi le milieu du vin nature. Ce vendredi 2 juin, le tribunal de Bourges a condamné la vigneronne du Beaujolais, à la tête du Paye ton pinard, le #MeToo du vin nature, à payer la somme de 30 000 euros à Sébastien Riffault, vigneron à Sancerre (Centre-Val-de-Loire) pour diffamation. Initialement, le vigneron lui demandait près de 300 000 euros de dommage et intérêt. 20 000 pour préjudice moral, 260 000 au titre d’un préjudice économique.

Le 6 avril, jour du procès, trois témoins ont ainsi été entendus à la barre. Une sommelière a déclaré avoir été victime d’agression sexuelle, via une main aux fesses, provenant du vigneron. La femme de Sébastien Riffault a elle témoigné pour démentir la version de celle-ci. Selon elle, l’agression n’a pas eu lieu, car elle était présente à cette soirée et n’a rien vu. Enfin, Lisa Lind Dubar, chroniqueuse et sommelière danoise, a témoigné pour faire état de l’enquête qu’elle avait mené sur le vigneron.

À l’origine, cette affaire est partie de son témoignage publié sur un blog danois. Sans donner de nom, ce billet met en cause un « vigneron français bien connu » pour des faits de harcèlement et d’agressions sexuelles. À la suite de cette publication, la journaliste danoise Maya Tekeli recueille pour le média Frihedsbrevet des témoignages accusant cette « star » viticole de faits similaires, toujours sans nommer le vigneron.

Beaujolais : une affaire ramenée en France par le #Me Too du vin

Bien qu’il ne soit pas cité, Sébastien Riffault est identifié par ses clients. Certains retirent leurs vins de leurs cartes dont les responsables du Noma, le très prestigieux restaurant de Copenhague, comme l’indique le média spécialisé dans le vin Vitisphere. Sur le réseau social Reddit, des commentaires anonymes mettent en cause directement le vigneron. Enfin, un caviste de New-York l’affiche littéralement sur les réseaux sociaux en reprenant ces accusations et en mettant son nom.

Jusqu’alors à l’étranger, l’affaire arrive en France via Paye ton pinard, en mai 2022. L’association, regroupant une cinquantaine d’adhérent·es, reprend sur ses réseaux le témoignage de la blogueuse danoise. Elle reprend également l’article de la journaliste et la publication du caviste new-yorkais. Une décision « collective », précise la vigneronne Isabelle Perraud. En tant que présidente de Paye ton pinard, c’est elle qui va être attaquée en justice. Aujourd’hui, c’est elle qui est condamnée.

vin #MeToo
L’affaire judiciaire concernant Paye ton pinard, le #MeToo du vin, a secoué le monde du nature.Photo : PL/Rue89Lyon

Pour le tribunal, le #MeToo du vin a fait preuve « d’imprudence » du Beaujolais

Selon le tribunal, Isabelle Perraud a fauté en présentant clairement les femmes comme victimes de Sébastien Riffault :

« Il s’agit donc d’allégations publiques portant sur la commission d’une infraction pénale, donc susceptibles de porter atteinte à l’honneur et à la considération de la personne de Monsieur Riffault », peut-on lire dans le jugement.

Pour échapper à la condamnation, Isabelle Perraud devait « pouvoir faire la preuve de la vérité des faits dénoncés » réunis sur les critères de la bonne foi. Problème : l’offre de preuve ne peut pas être recevable, car elle concerne la vie privée du vigneron. Cependant, ce point n’a pas d’incidence sur la possible « bonne foi » de la vigneronne, selon le tribunal. De ce fait, les témoignages ont été jugés comme recevables.

« Aucun élément du dossier ne permet de penser que Madame Perraud a agi dans un but autre que celui de son combat féministe notoire avant-même les diffusions critiquées, puisque son compte « @paye_tonpinard » a été créé, en 2020, la circonstance qu’ils soient concurrents [Isabelle Perraud et Sébastien Riffault, ndlr] étant à elle-seule insuffisante pour établir cette animosité sans équivoque », peut-on lire dans le jugement.

Si les juges ont reconnu une recherche de « l’intérêt général » de la part de Paye ton Pinard, ils lui reprochent cependant « imprudence fautive ». En cause, le fait de ne pas avoir fait état de la présomption d’innocence dans les posts publiés. De ce fait, le manque de « base factuelle » a entraîné la condamnation de la vigneronne.

Pour Isabelle Perraud : une « justice sexiste »

La présidente de Paye ton Pinard a donc été condamnée. Les demandes du vigneron du Sancerre ont été cependant revues à la baisse au regard des « jurisprudences habituelles. »

Contactée par Rue89Lyon, la vigneronne a appris la nouvelle « par les réseaux sociaux ». Au téléphone, la tristesse et l’abattement semblaient dominer ce vendredi soir :

« La seule volonté de cette justice sexiste, c’est que les femmes se taisent, lâchait-elle dépité. Je suis triste pour toutes les femmes et toutes les victimes. »

Créatrice de l’association Paye ton Pinard, cette dernière semblait hésiter sur la marche à suivre. Fatiguée, victime de pressions multiples selon elle… Elle comparait sa situation à celle de Valérie Murat dans le Sud-Ouest. Cette dernière avait été condamnée au silence à la suite d’une plainte pour « dénigrement » de près de 25 viticulteurs du Bordelais. « On fait taire par l’argent », constate celle qui explique ne pas avoir la somme demandée par le tribunal. Seul pseudo point positif : celle-ci est inférieure à celle demandée par le vigneron.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, le groupe instagram de soutien à Sébastien Riffault n’avait pas encore réagi à la nouvelle. De son côté, Isabelle Perraud ne savait pas si elle ferait appel de cette décision. 

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