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Métropole de Lyon : une gestion publique de l’eau pour quels changements ?

Le 13 décembre prochain, la Métropole de Lyon va acter le passage de la gestion de l’eau en régie publique. La fin effective et progressive d’un marché confié jusqu’ici à Véolia via Eau du Grand Lyon. Pour quels changements sur la facture des usagers, à l’autre bout du robinet ?

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Siège de Eau du Grand Lyon

C’était une promesse de campagne des écologistes. Un vœu acté dès leur prise de fonction et qui se matérialisera officiellement lundi 13 décembre. Au cours de la prochaine séance du conseil de la Métropole de Lyon, une délibération actera le passage de la gestion de l’eau en régie publique. Une transition qui se fera en deux temps. La reprise sera effective à partir du 1er janvier 2022 mais la régie publique ne sera opérationnelle réellement qu’à partir du 1er janvier 2023.

Ce retour en régie publique est donc pour demain. Ses effets seront en revanche plus longs à concrétiser. La majorité écologiste à la Métropole de Lyon souhaite avant tout fixer un cadre général à l’approvisionnement, la gestion, l’acheminement et l’utilisation de l’eau sur son territoire. Et laisse encore pas mal de questions sans réponse.

Pourquoi une régie publique de l’eau dans la métropole de Lyon ?

En décidant d’un retour en régie publique, la majorité métropolitaine fait aussi (ou avant tout) un choix politique. Bruno Bernard, président EELV de la collectivité, l’avait clairement annoncé il y a un an au moment du vote d’une résolution de principe pour enclencher le processus de création de cette régie publique. Il souhaite que tout le processus de gestion de l’eau, de sa captation à sa distribution, soit gérée par l’autorité publique.

C’est donc la fin de la délégation qui confiait cette mission au privé. En l’occurrence à Veolia Eau, via sa filiale Eau du Grand Lyon.

Face aux enjeux climatiques, la majorité écologiste entend reprendre la maîtrise de ses ressources en eau. Pour l’heure, l’essentiel de l’eau que consomme les habitants de la métropole de Lyon vient du Rhône. Une eau principalement captée en amont de Lyon, sur le secteur de Crépieux-Charmy.

Pour Anne Grosperrin, vice-présidente déléguée à l’eau et à l’assainissement, l’eau du Rhône est un enjeu dans les années à venir :

« La diversification de nos sources en eau est essentielle. Selon les perspectives, le débit du Rhône pourrait diminuer de 10 à 40 % d’ici 2050. L’apport via la fonte glacière des Alpes est prévue pour 2070. Et la nappe phréatique de l’Est Lyonnais est fortement polluée aux herbicides notamment », a-t-elle affirmé lors d’une conférence de presse mardi 7 décembre.

Qui va gérer la production de l’eau dans la métropole de Lyon ?

Ce sera la future régie publique de l’eau de la Métropole de Lyon. Un établissement public qui sera l’autorité organisatrice de la gestion de l’eau. Une sorte de Sytral de l’eau, sous l’autorité de la Métropole de Lyon.

Cette décision politique met surtout fin à la délégation de ce service public à la société Veolia. Cette dernière gère ce marché via sa filiale Eau du Grand Lyon.

Une trentaine d’agents de la Métropole de l’eau du service de l’eau potable devrait rejoindre cette future régie. Cette dernière a aussi vocation à reprendre les 280 agents de « Véolia – Eau du Grand Lyon ». Au total, elle devrait accueillir 350 salariés environ.

Les négociations sont actuellement en cours pour définir ce transfert des salariés. En clair, l’eau du robinet sera probablement produite par les mêmes agents qu’aujourd’hui qui changeront simplement d’employeur.

Quel périmètre d’action pour cette régie de l’eau ?

La volonté de la majorité métropolitaine est donc de fixer un cadre global à la gestion des ressources en eau dans l’agglomération de Lyon. Elle souhaite donc mener des actions en matière de préservation des sources d’eau, de diversification aussi et d’optimisation de son utilisation.

Dans ce cadre général, la Métropole de Lyon pourra ainsi préempter des zones autour des champs captants. Dans quel but ? Sanctuariser des zones d’espaces naturels ou favoriser l’implantation d’exploitations en agriculture biologique pour diminuer la pollution dans les nappes souterraines où l’eau est puisée. En matière de diversification des sources en eau, elle annonce le lancement d’études pour des captations dans le lac des Eaux-Bleues à Miribel ou dans la Saône.

Elle souhaite également poursuivre un travail sur la meilleure perméabilité des sols pour que les eaux de pluie puissent plus facilement rejoindre les nappes phréatiques.

Le prix de l’eau va-t-il changer pour le consommateur ?

Siège de Eau du Grand Lyon
Siège de l’Eau du Grand LyonPhoto : Thomas Sévignon/Rue89Lyon

Certains espèrent peut-être une diminution du prix du m³ d’eau avec ce retour en gestion publique. Ce ne sera pas nécessairement le cas. Du moins pas tout de suite.

« On est dans l’idée d’avoir le même coût de revient qu’actuellement pour Véolia », a indiqué Bruno Bernard.

En clair, produire de l’eau potable coûtera la même chose à la régie publique qu’à Véolia. Il est donc peu probable que le prix du m³ diminue. Alors quel intérêt ? La Métropole de Lyon souhaite, par ce retour en gestion publique, utiliser les marges dégagées par Véolia notamment pour l’entretien du réseau.

« La marge de Véolia était officiellement de 6,5% sur la durée du contrat. Avec les marges officieuses, ça faisait des marges relativement confortables», a indiqué Anne Grosperrin.

Bruno Bernard a appuyé :

« L’objectif de la régie est de bénéficier des marges du privé pour gérer et entretenir le réseau. Le taux de renouvellement du réseau est actuellement de 0,75 %. Nous avons pour objectif de passer à 1 %».

Une tarification sociale possible mais pas avant 2024 ?

Si la récupération des marges de l’actuel délégataire pourrait davantage servir à l’entretien du réseau, le prix du m³ d’eau pourrait changer pour les plus précaires.

La Métropole de Lyon envisage d’installer un panel citoyen pour réfléchir à la question d’une tarification sociale de l’eau. Il interviendrait fin 2022 pour un travail étalé sur l’année 2023 et une éventuelle entrée en vigueur d’un tarif social de l’eau au 1er janvier 2024.

La majorité écologiste a déjà évoqué une piste : la gratuité des premiers m³ d’eau pour les bénéficiaires. Sans plus de détails pour l’instant.

Gérer l’eau en en consommant moins, mais comment ?

La majorité métropolitaine entend gérer la ressource en eau en limitant la consommation. Pour l’heure, beaucoup de mesures restent théoriques ou échappent à la compétence de la Métropole de Lyon.

Bruno Bernard a mis en avant le fait que 70 % de l’eau produite dans la métropole est utilisée par l’agriculture. Il souhaite aider les exploitations agricoles du territoire à se tourner davantage vers des cultures moins consommatrices en eau. Et en agriculture biologique pour limiter l’utilisation d’intrants phytosanitaires.

« L’utilisation de pesticides relève du niveau national et des normes européennes. La France, principale bénéficiaire de la PAC (Politique Agricole Commune, versée par l’Europe, ndlr) doit prendre ses responsabilités», a-t-il répété.

Quid des usagers au bout du robinet ? La Métropole entend également mener des actions pour sensibiliser à la maîtrise de la consommation d’eau des usagers. De quelle manière ? Pas de détail pour l’instant sur ce point.

Pour Louis Pelaez, conseiller métropolitain d’opposition et président du groupe « Inventer la Métropole de demain » réunissant les élus « collombistes », il n’y a presque rien de nouveau. Il reconnaît toutefois une démarche nouvelle et intéressante : envisager l’eau dans son cycle complet et non plus seulement comme un service de production et d’assainissement.

Il regrette toutefois que la majorité ne fasse, à ses yeux, que fixer un cadre général.

« Aucune de ces actions n’est accompagnée d’un cadre budgétaire avec les moyens financiers qui y seront associés sur le mandat et les 15 ans à venir. Cela est d’autant plus paradoxal que les Verts avaient assuré que la « fin de la logique marchande » permettrait de dégager des moyens financiers supplémentaires réinvestis dans la protection de la ressource. Or, si on regarde la PPI votée en janvier dernier, l’enveloppe annoncée de 270 millions d’euros est équivalente au réalisé du mandat précédent.»

 


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