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La vallée du Gier, une oubliée entre Saint-Etienne et Lyon ?

La vallée du Gier est une entaille étroite dans la bordure orientale du Massif Central, mais aussi une limite historique entre Lyonnais et Forez. Aux XIXe et XXe siècles, les eaux du Gier furent utilisées comme force motrice pour l’industrialisation massive de ce territoire.

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Le Gier. © Photo : Christelle MOREL JOURNEL.

Cette longue artère post-industrielle est aujourd’hui questionnée : entre usines désertées et coteaux verdoyants, comment accompagner ce territoire en mutation ?

Rue89Lyon est partenaire de l’école urbaine et publie chaque semaine une tribune proposée par des intervenant·es du cycle de conférences « les Mercredis de l’anthropocène« . Ci-après, un texte signé Christelle Morel Journel (qui sera présente à la conférence de ce 8 décembre) et Georges Gay.

« Haut-lieu » du développement industriel passé, aujourd’hui partie intégrante du système métropolitain, sans toutefois en bénéficier, la « vallée du Gier » fait l’objet d’un intérêt renouvelé de la part des acteurs de la métropole lyonno-stéphanoise, praticiens et chercheurs. L’Ecole urbaine de Lyon et son directeur Michel Lussault y voient un « révélateur des problématiques anthropocènes ».

Remettre en perspective historique l’évidence géographique que constitue la vallée du Gier permet d’en montrer une complexité qui conduit à plaider pour une démarche prospective résolument métropolitaine, inscrite dans un référentiel d’anticipation anthropocène.

La rivière Gier et sa vallée : une « création » industrielle

A la fin du 18ème siècle, la vallée du Gier est constituée de deux espaces productifs nettement différenciés : à l’est, un territoire minier centré sur Rive de Gier, dépendant de Lyon ; à l’ouest, autour de Saint-Chamond, un pays de fabriques (rubans, clous) concurrencé par Saint-Etienne. Les échanges et les flux transforment déjà la vallée : l’ouverture de la Loire à la navigation alimente un flux méridien depuis le Rhône, à travers le massif du Pilat, tandis qu’en 1780, l’ouverture du canal de Givors stimule l’extraction charbonnière et une première industrialisation (verreries) de Rive de Gier.

Au début du 19ème siècle, dans un contexte politique et économique renouvelé, le bassin stéphanois revêt un intérêt stratégique qui conduit des ingénieurs des Mines à élaborer un « projet industriel », basé sur les ressources minérales locales et le chemin de fer.

La « vallée du Gier », intégrée par le chemin de fer, se couvre de grandes usines métallurgiques, d’établissements industriels divers et d’agglomérations nouvelles, qui lui confère une homogénéité paysagère, qui la fait « exister ». A la fin du 19ème siècle, les systèmes productifs s’intègrent dans un ensemble régional plus vaste où la vallée du Gier devient l’aile orientale du bassin stéphanois. C’est cette situation qui est frappée de plein fouet par la désindustrialisation et les logiques de globalisation.

Une mise à l’agenda discontinue de la vallée dans les politiques d’aménagement métropolitaines

Le Gier. © Photo : Christelle MOREL JOURNEL.
Le Gier.Photo : Photo : Christelle MOREL JOURNEL.

Dans les années 1960, l’aire métropolitaine de Lyon et Saint-Etienne est promue « métropole d’équilibre » mais la vallée du Gier est peu investie par les projets d’aménagement. Par la suite, cette vision métropolitaine s’affaiblit : le Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU) « Lyon 2010 » projette le développement vers l’est. Saint-Etienne Métropole, créé en 1995, doit composer avec la méfiance de certains maires de la vallée qui ne la rallient que tardivement, et peine à élaborer une planification stratégique).

En 2007, l’Etat, par la directive territoriale d’aménagement (DTA), actualise sa vision, privilégiant une limitation de la consommation d’espace et le recyclage urbain. Ce nouveau paradigme remet la vallée du Gier à l’agenda. Il faut attendre 2014 pour que le Pôle métropolitain, créé en 2012, en fassent un sujet de réflexion, malheureusement déconnectée de la prospective développée par la Région urbaine de Lyon qui disparait en 2015. Cette réflexion est alors prise en charge par les Conseils de développement des quatre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La stratégie repose principalement sur une « néo-industrialisation » (Conseil de développement de Saint-Etienne Métropole, 2013) qui, bien qu’articulée à d’autres secteurs d’activités et à d’autres échelles, n’en perpétue pas moins une vision étriquée de ce territoire.

Une incontournable prospective d’échelle métropolitaine

À la fin des années 2010, le Pôle métropolitain commande aux deux agences d’urbanisme de Lyon et Saint-Etienne une étude sur la vallée du Gier, « territoire d’intérêt métropolitain » qui donne la priorité à l’amélioration de la « condition métropolitaine » des habitants de la vallée.

Cela suppose une démarche ambitieuse de prospective autour de la vallée du Gier, dans une perspective résolument anthropocène. L’enjeu est d’en dépasser les représentations fonctionnalistes de territoire « subalterne » ou « servant » pour prendre au mot l’attention portée à la « condition urbaine » promise par l’actualisation du projet politique de la Métropole de Lyon.

Dans cette perspective, l’association du fond de vallée, encore enfermé dans une approche sectorisée de l’aménagement, et de l’urbanisation collinaire, qui organise le quotidien des habitants, ferait de la vallée du Gier le laboratoire d’une urbanité diffuse fondée sur des territorialités multiples, applicable à l’ensemble de l’aire métropolitaine.

« La vallée du Gier, territoire-prospective ». Cette séance des « Mercredis de l’anthropocène » se déroulera exceptionnellement à l’Université Jean Monnet, Saint-Etienne (Bâtiment des Forges). Infos mises à jour et conférence disponible en ligne.

Avec :

– Ludovic Meyer, Directeur adjoint de l’Epures, Agence d’urbanisme de la région stéphanoise.

– Christelle Morel Journel, maîtresse de conférences en géographie-aménagement à la faculté de sciences humaines et sociales de l’Université Jean-Monnet de Saint-Étienne et chercheure à EVS-Isthme. Elle est membre du Comité d’orientation stratégique du LabEx « Intelligences des mondes urbains » (Université de Lyon). Ses recherches portent sur les stratégies de (re)développement des villes industrielles, les transformations des outils et politiques d’aménagement urbain et les processus de dévalorisation territoriale.

Animation : Quentin Dassibat, doctorant en sciences de l’environnement urbain à l’École urbaine de Lyon/École des Mines de Saint-Étienne.


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