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Emmanuel Macron chez Sanofi : retour sur la course au vaccin contre la Covid-19

Emmanuel Macron passe en visite ce mardi 16 juin dans une usine Sanofi, à Marcy-l’Etoile près de Lyon, soit le plus grand site du groupe pharmaceutique de production de vaccins dans le monde. Quelles annonces compte faire le Président de la République ? Son déplacement intervient un mois après la polémique suscitée par Paul Hudson, …

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Emmanuel Macron chez Sanofi : retour sur la course au vaccin contre la Covid-19

Emmanuel Macron passe en visite ce mardi 16 juin dans une usine Sanofi, à Marcy-l’Etoile près de Lyon, soit le plus grand site du groupe pharmaceutique de production de vaccins dans le monde. Quelles annonces compte faire le Président de la République ?

Son déplacement intervient un mois après la polémique suscitée par Paul Hudson, le PDG de la firme, qui avait déclaré que les États-Unis seraient les prioritaires dans la livraison d’un vaccin contre la Covid. Petit historique sur la quête de ce saint-Graal.

À ce jour, le coronavirus a fait plus de 417 000 morts et aurait infecté plus de 7,4 millions de personnes dans le monde. Pour contrer cette pandémie ravageuse, la solution du vaccin a très vite été prônée, notamment par des responsables internationaux comme le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui présentait en avril un vaccin sûr et efficace comme « le seul outil permettant un retour du monde à un sentiment de normalité ».

Aujourd’hui plus de 100 projets sont en lice sur le globe, et une dizaine d’essais cliniques sont déjà en cours. La recherche vaccinale n’aura jamais été aussi massive et rapide. Retour sur cette guerre économique et politique, dont les États-Unis, la Chine et l’Europe restent les principaux belligérants.

Les Américains mettent les bouchées doubles

Tout commence le 11 janvier 2020, lorsque les autorités chinoises partagent la séquence génétique du SARS-CoV-2. Laboratoires publics et privés, entreprises, institutions… Ils sont nombreux à vouloir participer à l’effort sanitaire, et à se lancer dans une course effrénée au vaccin.

Dès le 16 mars, la compagnie américaine Moderna, une société de biotechnologie dirigée par le Français Stéphane Bancel, annonce le lancement de la phase 1 de l’essai clinique d’un potentiel vaccin contre le Covid-19. Il s’agit de la première équipe à atteindre cette phase de développement du vaccin. Un essai clinique, qui permet de s’assurer de la qualité d’un médicament ou d’un vaccin, se déroule en trois phases, au cours desquelles on augmente à chaque étape le nombre de volontaires sur lesquels on teste le produit.

À ce jour, la société Moderna a testé son vaccin, nommé ARNm-1273, sur 45 volontaires, dont huit ont révélé des « résultats prometteurs » selon la compagnie américaine. La technique employée dite de l’ARN messager n’a encore jamais fait ses preuves jusqu’à présent. Moderna a annoncé jeudi dernier l’entrée de son vaccin expérimental dans la troisième phase des essais cliniques, qui s’effectueront sur 30 000 volontaires dès juillet.

Mais le manque de données accessibles sur leurs recherches interroge dans le monde scientifique, comme on peut le lire dans un article de Franceinfo, intitulé « Résultats très partiels mais profits bien réels ».

« La pandémie crée des opportunités, et Moderna est un champion qui suscite beaucoup d’espoirs : celui d’avoir un vaccin, et celui que les titres achetés valent ensuite plus cher », Bruno Pitard, directeur de recherche au CNRS.

Pour ce chercheur français, le récent succès en bourse de l’entreprise est « purement spéculatif ». « Mais dans la ‘biotech’, c’est toujours comme ça. C’est une bulle. Moderna surfe sur le fait qu’elle mène la course », peut-on lire sur Franceinfo.

Autre géant pharmaceutique entré dans la course dès fin mars, l’Américain Johnson & Johnson. La firme a annoncé qu’elle utilisera sa plateforme technologique de vaccins développée il y a quelques années pour trouver un vaccin expérimental contre Ebola. Un vaccin-candidat doit être expérimenté sur l’homme d’ici septembre, avec une mise sur le marché prévue début 2021.

La compagnie fait partie des cinq candidats les plus susceptibles de produire un vaccin sélectionnés par la Maison Blanche, parmi lesquels on retrouve : Moderna, l’université d’Oxford associée à Astrazeneca, Merck et Pfizer.

Le gouvernement américain souhaite en effet identifier les projets de vaccins les plus prometteurs à un stade encore précoce, accélérer le processus de détermination des vaccins qui seront efficaces, tout en s’assurant que l’entreprise « gagnante » sera capable de produire en grande quantité et rapidement des vaccins pour les habitants des Etats-Unis.

Donald Trump poursuit sa stratégie « America first »

Le président américain a déjà alloué à Moderna un financement exceptionnel de 483 millions de dollars (environ 440 millions d’euros) via le Biomedical Advanced Research and Development Authority (Barda), qui relève du ministère de la Santé. Donald Trump, qui prédit qu’un vaccin sera disponible avant la fin de l’année, est en effet très engagé dans la quête du saint-Graal.

Mi-mars, il est accusé de vouloir mettre la main sur le laboratoire allemand, CureVac, travaillant sur un vaccin anti-Covid. La stratégie du « America first » en cette période de crise sanitaire fait alors vivement réagir autour du globe. Le ministre de l’Economie allemand, Peter Altmaier, déclare notamment « L’Allemagne n’est pas à vendre » , tout en félicitant le laboratoire CurVac qui n’a pas cédé aux avances américaines.

Les velléités d’Outre-Manche provoquent une autre polémique mi-mai en France, lorsque le PDG de Sanofi, Paul Hudson, annonce que le vaccin contre le Covid-19 serait livré en priorité aux Etats-Unis, en raison de leur engagement financier de 30 millions de dollars dans leurs recherches. Une vague d’indignation déferle alors dans la classe politique française, la présidence rappelant notamment la nécessité que « le vaccin soit un bien public et mondial, c’est-à-dire extrait des lois du marché ». Paul Hudson retire finalement ses propos.

Europe : l’union fait la force

L’institut Pasteur et Sanofi en France, la firme de biotechnologie BioNTech en Allemagne, l’université d’Oxford en partenariat le laboratoire pharmaceutique AstraZeneca au Royaume-Uni… Très vite les pays européens s’activent pour trouver un vaccin contre le SARS-CoV-2.
Néanmoins, La France, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ont annoncé la signature d’un accord avec le groupe pharmaceutique suédo-britannique AstraZeneca le 13 juin dernier, afin d’approvisionner l’Union européenne, de plus de 300 millions de doses d’un potentiel vaccin. Vaccin qui pourrait être disponible d’ici la fin de l’année.

Cet engagement des Etats membres leur permettrait ainsi d’acheter un certain nombre de doses à prix coûtant une fois le vaccin disponible, en contrepartie du risque pris en matière d’investissements.
Le groupe AstraZeneca « s’est engagé à ne réaliser aucun bénéfice » sur ce contrat, selon un communiqué du français de la Santé, Olivier Véran.

Le président du groupe en France, Olivier Nataf, a affirmé sur Franceinfo qu’une dose de vaccin ne coûterait que deux euros, et a promis de « mettre en place une chaîne d’approvisionnement localisée en Europe ».

Les négociations « se poursuivront avec d’autres laboratoires pharmaceutiques afin de maximiser les chances de disposer rapidement d’un vaccin en quantité suffisante et au meilleur coût », a déclaré néanmoins le ministre français samedi dernier.

Un accord avec Sanofi

La visite d’Emmanuel Macron d’un laboratoire de développement industriel de Sanofi près de Lyon, ce mardi 16 juin, officiellement « pour soutenir la recherche et la production de vaccins dans le cadre de la lutte », a laissé planer quelques doutes à ce sujet. Le Président de la République vient-il annoncer la découverte d’un vaccin, comme l’interroge une presse locale qui semble formuler son vœu pieu ? Ou cette venue sera-t-elle l’occasion d’avancer les négociations avec le groupe pharmaceutique pour aboutir sur un contrat de précommande de vaccins ?

Au cours de la visite d’Emmanuel Macron, Sanofi a annoncé un investissement de 610 millions d’euros dans la recherche et la production de vaccins en France, comme celui tant attendu contre la Covid-19, via notamment la création d’une nouvelle usine en région lyonnaise.

« Le projet, c’est mettre Sanofi et la France à l’excellence de la lutte contre le virus et trouver un vaccin », a déclaré le président de la République, qui a profité de cette visite pour dévoiler que 200 millions d’euros allaient être débloqués pour financer des infrastructures de production. Le but : relocaliser l’industrie pharmaceutique.

Le sénateur socialiste du Rhône Gibert-Luc Devinaz  avait critiqué dans un communiqué transmis ce lundi le manque de réponses concrètes du gouvernement pour assurer l’indépendance industrielle de la France. Voici une première réponse.

Mais le sénateur PS s’interrogeait également sur une potentielle alliance avec Sanofi.

« Si Sanofi conclue un accord avec l’alliance inclusive pour le vaccin, est-ce que le coût du vaccin sera également vendu à prix coûtant ? ».

Autre impératif souligné par Gibert-Luc Devinaz : « Continuer à contribuer à faire la santé un ‘bien public mondial’ ». Le 4 juin dernier, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres avait en effet déclaré qu’un futur vaccin doit être considéré comme un « bien public mondial » accessible à tous. La France s’est très vite alignée sur cette position, qu’elle doit désormais tenir.

Un vaccin pas « gratuit », mais « équitable et abordable »

Difficile de concilier le principe de gratuité, réclamé par de nombreux responsables politiques, et le respect de la propriété intellectuelle via les brevets. Lors de la 73e Assemblée mondiale de la santé qui s’est achevée le 19 mai, la question est tranchée. L’accès au futur vaccin ne sera pas « gratuit » mais « équitable et abordable », peut-on lire sur le site d’informations des Nations-Unies.
Dans une tribune du Monde publiée le 14 mai, un collectif de plus 130 personnalités internationales avait réclamé aux ministres de la santé, participant à cette réunion, de garantir un accès universel et gratuit au vaccin contre la Covid-19.

Mais les industriels se sont rapidement opposés en amont à cette gratuité du vaccin, et notamment la Fédération internationale des fabricants et associations de produits pharmaceutiques (IFPMA). Son directeur général, Thomas Cueni, déclarait ainsi dans une tribune du Financial Times le 18 mai: « Ce n’est pas le moment de saper la propriété intellectuelle. Les brevets, et plus généralement la propriété intellectuelle, sont la principale raison pour laquelle il existe une base d’innovation aussi solide sur laquelle s’appuyer pour trouver des solutions. Aujourd’hui, plus de 1 000 essais cliniques sont en cours, plus de 150 traitements sont testés et plus de 120 projets de vaccins sont en cours ».

Si ce dernier partage l’objectif d’un vaccin dont l’accès serait équitable, large et peu coûteux pour tous dans le monde, il en appelle à un mécanisme mondial de distribution piloté par l’OMS afin que les prix diminuent dans les Etats les plus pauvres, en contrepartie d’une solidarité de la part des pays riches, tels que la Suisse.

La Chine toujours en course

Xi Jinping a profité de la 73e Assemblée mondiale de la santé pour déclarer que tout vaccin potentiel contre le coronavirus qui serait découvert par la Chine, deviendra un « bien public mondial ». Il a également annoncé une aide de deux milliards de dollars aux pays en développement affectés par le Covid.

La Chine, d’où est partie la pandémie, compte aujourd’hui plusieurs vaccins expérimentaux. Comme pour la production de masques, le pays aspire à dominer cette course aux vaccins et répondre ainsi aux nombreuses critiques sur sa gestion de la crise.
Deux laboratoires ont déjà engagé des essais cliniques sur les humains, notamment Sinovac, célèbre en tant que premier laboratoire au monde à avoir mis sur le marché un vaccin contre la grippe porcine H1N1.

Ce groupe privé a déjà testé 144 volontaires avec son vaccin, baptisé Coronavac. Mais Sinovac est devancé par son concurrent national, CanSino, groupe de biotechnologie, qui commence déjà la phase deux des essais cliniques en collaboration avec l’Académie des sciences médicales militaires. La phase 3 pourrait débuter dès cet automne pour ce vaccin nommé Ad5-nCoV.

 


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