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« D’un château l’autre » ou la subvention de Laurent Wauquiez à Saint-Vidal

Un joli million d’euros, c’est le montant de la subvention qui devait être votée ce vendredi 15 février en Commission permanente du conseil régional, à destination du château de Saint-Vidal, plus précisément de l’association « pour la valorisation du Velay Auvergne et Gévaudan ». Pour la sauvegarde du patrimoine.

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Laurent Wauquiez Président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes lors de la signature d'un avenant au Contrat de Plan Etat-Région. ©MG/Rue89Lyon

Un hic dans le montage : le président de l’association étant aussi le propriétaire du château, la subvention a vite pris l’allure d’une aide à un projet voire à un enrichissement privé. La levée de boucliers de ses opposants socialistes a poussé Laurent Wauquiez à un rétropédalage.

Récit d’un petit épisode médiatico-politique comme les élus de la région Auvergne-Rhône-Alpes savent en générer régulièrement.

« Enrichir le patrimoine immobilier d’une personne privée »

Avec le budget sollicité, l’association montée « pour la valorisation du Velay Auvergne et Gévaudan », se donne pour but de faire vivre le site et d’organiser des spectacles -« sur le modèle du Puy-du-Fou ». Pour autant, ce n’est pas elle qui est propriétaire du château, mais bien Monsieur Vianney d’Alençon.

Une subvention qui s’apparente donc à un coup de pouce à une personne privée et qui n’a pas manqué de faire monter au créneau le groupe d’opposition Socialiste et Démocrate à la région, présidé par Jean-François Débat, début février :

« L’argent du contribuable n’a pas à enrichir le patrimoine immobilier d’une personne privée. »

Dans un second communiqué du 12 février, il souligne l’opacité dans le financement du château de Saint-Vidal :

« En premier lieu, pourquoi l’association pour la valorisation du Velay Auvergne et Gévaudan n’est-elle pas propriétaire du château de Saint-Vidal ? Nous avons appris […] que le propriétaire du château de Saint-Vidal envisage la transformation d’une partie de la forteresse en un hôtel 5 étoiles équipé de bains médiévaux. Ici, il ne s’agit plus de préservation du patrimoine et de culture historique, mais bien de générer un business conforté par les réalisations permises par les subventions publiques. »

Un projet de subvention qui agace sans surprise aussi dans les rangs d’opposition du Rassemblement citoyen écologiste et solidaire. Jean-Charles Kohlhaas, conseiller régional et porte-parole du groupe, s’il ne s’est pas associé au communiqué des socialistes, donne son avis -défavorable- à Rue89Lyon :

« C’est un don d’argent public déguisé, via une association, pour une personne privée. Je suis plutôt d’accord que la Région garantisse l’emprunt au privé mais, là, c’est une subvention. Si le propriétaire fait des travaux et qu’il revend dans cinq ans, la plus-value ne va pas aller à la Région. »

Et de relever une tendance que Laurent Wauquiez aurait à soigner son fief auvergnat :

« La Haute-Loire a des niveaux de subventions très supérieurs aux autres départements dans le cadre des pactes départementaux… »

Les contestations ont été soumises par voie de presse au président de la Région Auvergne Rhône-Alpes par le groupe Socialiste et Démocrate, en même temps que la demande de retrait de la subvention à l’ordre du jour de la prochaine Commission permanente.

« Pour respecter le droit à l’information des élus, le vote sera reculé »

Contacté par Rue89Lyon, le cabinet de Laurent Wauquiez a annoncé l’ajournement du vote de la subvention au château Saint-Vidal :

« Les élus ont posé beaucoup de questions, ont demandé beaucoup de documents pour l’instruction du dossier. Pour respecter le droit à l’information des élus, le vote sera reculé. Mais rien ne sera changé sur le fond. »

Le cabinet du président de région revient d’ailleurs sur le statut privé du destinataire de la subvention :

« Ce qui gêne les socialistes, c’est que la subvention aille à un propriétaire privé. L’Etat est déjà intervenu, la Région vient simplement s’adosser à l’Etat. »

Un argument non négligeable. Les collectivités locales elles aussi sont déjà intervenues en 2017, à hauteur de 1,2 millions d’euros : 600 000 de la part du conseil régional, et 300 000 euros de la part du Département et de la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay.

Dans un communiqué publié le 14 février dans la soirée, Jean-François Débat assure tout de même veiller au grain :

« Il va de soi que nous maintiendrons notre vigilance sur cette affaire. L’exécutif de Laurent Wauquiez doit faire toute la transparence dans l’usage des deniers publics qui ont été attribués pour le château de Saint-Vidal, sur l’enchevêtrement des différents projets envisagés sur ce lieu et surtout sur la clarification entre le patrimoine de l’association et celui de M. d’Alançon à titre personnel. »

« Regardez le château Vaux le Vicomte ou celui de Poliganc »

Vianney d’Alençon, premier concerné, s’est aussi exprimé auprès de la presse locale. Il voit là une « manoeuvre politicienne » et assure : « aucun argent public ne va dans ma poche, c’est archi-faux ». Il ajoute que les subventions sont fléchées « vers l’investissement de spectacles » et donc en aucun cas vers son patrimoine immobilier.

Il rappelle également la mission qui a été confiée à « l’expert » Stéphane Bern :

« Les pouvoirs publics ont été sensibilisés aux monuments historiques. Saint-Vidal en fait partie et l’État, depuis toujours, intervient pour sauvegarder des monuments privés : regardez le château Vaux le Vicomte ou celui de Polignac, et tant d’autres qui perçoivent des subventions depuis des années sans que ça ne dérange personne ».

En réalité, si : cela peut légitimement déranger quelques personnes et les situations administratives du patrimoine opportunément cité par Vianney d’Alençon sont en effet questionnantes.


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