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Acte XI des « gilets jaunes » à Lyon : manif déclarée, « fachos cassez-vous » et LBD

Plusieurs milliers de personnes ont encore marché à Lyon ce 26 janvier pour l’Acte XI des « gilets jaunes ». Un après-midi commencé dans le calme par une manif déclarée et terminé par des scènes d’émeute. Un samedi devenu habituel.

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La manifestation débouche dans le calme du pont de la Guillotière. Acte XI des "Gilets Jaunes" samedi 26 janvier 2019. ©MG/Rue89Lyon

1. Toujours des milliers de « gilets jaunes » de toute la région

Comme d’habitude, la préfecture ne communique pas de chiffres de manifestants lyonnais. Seul le nombre d’interpellations est transmis à la presse, treize en l’occurrence.
Selon nos estimations, il y avait ce 26 janvier, au plus fort de la manifestation, entre 2000 et 3000 personnes. Un peu plus que les semaines précédentes (lire ici ou ).
Des personnes du groupe Facebook « Lyon périphérique », qui ont déposé la manifestation, avancent le chiffre de 6 000 personnes.

On croisait toujours des personnes de toute la région : de Savoie, d’Ardèche, de Villefranche-sur-Saône, de l’Ain, du Nord-Isère et de la Loire.

Comme souvent à Lyon, le cortège a été rejoint par une cinquantaine de motards.
Jean-Pierre, maraîcher, est un des animateurs d’un groupe de Villefranche. Après une action péage gratuit sur l’A6 terminée dans la nuit, il est venu à Lyon :

« Depuis qu’on a été virés de notre rond-point mi-décembre, on fait des assemblées où on peut. Et on continue les actions. Le grand débat est de l’enfumage. Il faut qu’on se fasse entendre. »

Laurence, 58 ans, à la tête d’une petite entreprise de « sellerie automobile » va à Lyon tous les samedis. Avec son groupe de Bourgoin-Jallieu, elle a bloqué temporairement le « village de marques » de l’Isle d’Abeau ce samedi matin :

« On aime venir à Lyon même si la police nous gaze et nous sépare. Il faut qu’on soit visible ».

2. L’impossible manifestation déclarée de « gilets jaunes » à Lyon

Le préfet de police du Rhône, David Clavière, nous affirmait ce lundi dernier que les manifestations « doivent être déclarées pour qu’elles se déroulent bien ». Il prenait pour exemple un des cortèges lyonnais du 12 janvier qui avait rallié la place des Terreaux, en provenance de Gerland. Il s’agissait de l’unique manifestation de « gilets jaunes » déclarée depuis le début du mouvement à Lyon.
Les organisateurs du 12 janvier, regroupés autour du péage du périphérique Nord (TEO), ont remis ça ce 26 janvier avec pour mot d’ordre « contre la répression et les bavures policières ».

Vers 14h, un cortège d’une soixantaine de personnes menées par « Lyon périphérique » est parti de la place Carnot avec un service d’ordre d’une vingtaine de membres munis de talkie-walkie et de rubalise « pour maintenir les gens sur la chaussée ».
Passé par Bellecour, le petit cortège a entrainé dans son sillage les milliers de personnes stationnées sous la queue du cheval.

A la Guillotière, des groupes ont tenté de prendre des rues parallèles au parcours officiel qui devait amener les manifestants jusqu’au commissariat de Montluc où une « motion » était censées être remise « contre les violences d’Etat ». Un retour, tout aussi officiel, devait ramener les manifestants place Bellecour par le même parcours.

Mais arrivé à l’angle des avenues Vivier Merle et Félix Faure, le cortège a été bloqué et a dû tourner en direction du centre-ville.
A posteriori, l’un des organisateurs de cette manif, Khaled Amira, de Chassieu, justifiait ce revirement :

« Durant tout le parcours, on a nous a reproché d’avoir déposé une manif. Cela commençait à être tendu à chaque intersection où des gens voulaient prendre d’autres rues. Si on s’était arrêté devant le commissariat, ça aurait été l’affrontement. On a préféré continuer en direction de la place Bellecour et on a dissous la manif officielle à l’entrée du pont ».

Face à ce « semi-échec » (selon leur terme), les organisateurs ont annoncé qu’ils arrêtaient d’organiser des manifestations à Lyon.

Le parcours officiel qui devait se terminer place Bellecour avec une dissolution annoncée à 17h n’a pas pu être respecté. Idem pour le maintien de l’ordre.
La police s’est largement substituée au petit service d’ordre dépassé par les événements. Et la méthode a été la même que pour les manifestations non-déclarées : lacrymo et LBD.

Pour empêcher des « gilets jaunes » de prendre d’autres rues, des grenades lacrymogènes étaient tirées, sous l’œil de l’hélicoptère de la gendarmerie présent dans le ciel tout l’après-midi. Nous avons également pu constater des tirs de lanceurs de balles de défense (LBD) à l’angle des avenues Vivier Merle/Félix Faure en queue de cortège alors qu’il n’y avait pas d’affrontements avec la police.

Après des tirs de LBD et de lacrymogènes avenue Félix Faure, des "street medics" soignent une femme blessée à la cheville. Acte XI des "gilets jaunes" samedi 26 janvier 2019. ©MG/Rue89Lyon
Après des tirs de LBD et de lacrymogènes avenue Félix Faure, des « street medics » soignent une femme blessée à la cheville. Acte XI des « gilets jaunes » samedi 26 janvier 2019. ©MG/Rue89Lyon

3. « Fachos cassez-vous »

Un scénario identique se reproduit depuis trois semaines : des affrontements entre manifestants « gilets jaunes », les « fachos » contre les « antifas ». La semaine dernière, c’était sur les quais de Saône. Cette fois-ci, cela s’est déroulé entre Saxe-Gambetta et la place Gabriel Péri.

Au départ de la place Bellecour, des militants d’extrême droite étaient présents à une quarantaine dans le cortège. D’abord en tête, ils sont ensuite allés au contact des militants de gauche et d’extrême gauche qui se trouvaient au milieu du cortège.
Cours Gambetta, après une première attaque, un affrontement a suivi, groupe contre groupe : coups, fumigènes et jets de projectiles.

On comptait notamment des militants du Bastion social et de l’Action française. Face à eux, des militants autonomes, syndicalistes et antifas.
Sous la pression également d’une foule plus nombreuse qui scandait « Fachos cassez-vous », les militants d’extrême droite ont reculé.
Mais ce sont surtout des tirs de lacrymo de la police qui ont mis un terme aux affrontements.
A proximité de la scène, plusieurs « gilets jaunes » déploraient cette violence, en renvoyant dos-à-dos les groupes :

«Ça sert à rien. On est contre le gouvernement. Les flics nous tapent déjà assez dessus ».

Ou bien encore :

« On est apolitique. Extrême droite/extrême gauche, on n’est pas là pour juger. On est anonyme pour porter des revendications autour de la vie digne. »

4. Des affrontements avec la police sur les quais du Rhône

Après une timide annonce de dispersion à l’entrée du pont de la Guillotière, l’immense majorité des « gilets jaunes » a traversé le Rhône. Mais, la police bloquait l’entrée de la place Bellecour. Résultat, des affrontements ont éclaté avec les forces de l’ordre au niveau de l’Hôtel-Dieu.
Vers 16h, une sorte de barricade a été dressée et des projectiles lancés. Une première interpellation a eu lieu.

Au passage, un « street medic » s’est fait frapper par un policier alors qu’il portait secours à une personne à terre qui venait de recevoir une balle de LBD dans la cuisse.

Le reste de l’après-midi s’est déroulé dans une grande tension.
Pendant plus de deux heures, les affrontements avec la police ont continué sur les quais du Rhône, entre la place Antonin Poncet et le pont du tram de Perrache. Parfois, des bouts de cortège essayaient de se former qui se faisaient rapidement gazer.
Toutes sortes de projectiles étaient lancés sur les forces de l’ordre : bouteilles, morceaux de bitume et même cocktails molotov.
Il n’y a pas eu de blessés du côté des forces de l’ordre et les manifestants sont restés en grande majorité sur les quais du Rhône. C’était l’objectif du préfet de police, David Clavière :

« On essaye de limiter l’accès à l’hyper centre. On maintient les gens qui veulent en découdre sur les quais, pour éviter qu’ils en profitent pour casser des commerces. »

Peu avant 19h, les 200 personnes qui restaient place Bellecour ont été chassées par les lacrymos. Selon le Progrès environ 120 manifestants ont quand même continué de nuit dans le Vieux-Lyon notamment. Ils se sont dispersés vers 22h30.

Cette stratégie de maintien de l’ordre s’est encore une fois accompagnée d’une grande quantité de tirs de grenades lacrymogène et de balles de défense (LBD).

Dans un PV de synthèse produit lors des comparutions immédiates de ce 28 janvier, et dont Rue89Lyon a eu connaissance, la police indique une partie de son activité de cet après-midi du samedi 26 janvier :

  • 80 tirs de grenades à la main
  • 150 tirs de lacrymos avec le lanceur de type Cougar
  • 85 tirs de lanceurs de balles de défense (LBD)
  • 21 tirs de grenades de désencerclement

A titre de comparaison, la police, dans le PV de synthèse concernant l’Acte X, mentionnait « 200 tirs de grenades lacrymogènes, 61 tirs de balles de défense et 13 grenades de désencerclement » (PV cité en comparution immédiate le 21 janvier et repris par Le Progrès).

Ce samedi 26 janvier, les pompiers sont intervenus pour quatre blessés légers.

Les « street medics » que nous avons pu rencontrer font essentiellement état de blessures par LBD, surtout au niveau des membres inférieurs. Certains mettent en avant également la toxicité des gaz lacrymogènes. Faute de coordination de ces « street medics », il est difficile d’avancer un chiffre de blessures.

>> Le reportage photos sur l’acte XI des « gilets jaunes » à Lyon


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