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Gérard Collomb de retour à la mairie de Lyon ou le sacre de l’automne

[Article mis à jour] Ce lundi 5 novembre, il y a eu des élections à Lyon. Pas d’inquiétude, vous n’aviez pas à sortir votre carte du tiroir car le vote ne concernait pas le citoyen lambda, mais les élus du conseil municipal. Gérard Collomb leur a présenté sa candidature pour les enjoindre de le replacer dans son fauteuil de maire. Une formalité puisque l’ex-ministre de l’Intérieur a pu compter sur une majorité épaisse. Si ce n’est que dans un contexte de campagne électorale (déjà) lancée, ce moment revêt une dimension moins institutionnelle qu’il n’y paraît.

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Gérard Collomb. Creative commons / Bibliothèque municipale de Lyon / 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 24 x 18 cm

Pas de « goût immodéré du pouvoir » chez lui, a juré ce lundi Gérard Collomb, le torse de nouveau barré de l’écharpe, mais l’envie de porter une « vision de la ville », et le sentiment d’être « en charge de chaque habitant » qui s’y trouve. Un discours de président de Métropole, collectivité dont il aurait certainement bien aimé retrouver la tête s’il l’avait pu.

L’ancien locataire de la place Beauvau a trouvé à Lyon un conseil municipal avec un équilibre ainsi constitué : 71 élus (deux absents ce jour) dans l’assemblée. Dans l’opposition, 13 élus répartis entre EELV et Les Républicains -ou de droite sans étiquette- ont choisi de ne pas participer au vote. En dehors de Nora Berra, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, qui a déposé un bulletin dans l’urne.

On aura compté aussi 10 suffrages blancs. Gérard Collomb a obtenu 41 voix sur 59 exprimées et a ainsi été ré-élu maire de Lyon. Denis Broliquier, qui a présenté sa candidature pour la forme, en a eu pour sa part 8.

Ce dernier a prévenu :

« S’il ne vous reste que la peur et la contrainte pour manager votre majorité, c’est signe que cela va mal. »

Nathalie Perrin-Gilbert, à la gauche de Gérard Collomb, a estimé quant à elle que « l’éternité, c’est long, surtout vers la fin ». Christophe Boudot, élu du Rassemblement national (ex-FN) a relevé avec un plaisir non dissimulé les propos qu’aurait tenus Gérard Collomb, sur l’immigration, auprès notamment d’un journaliste de Valeurs actuelles. Dans l’opposition, les prises de parole ont aussi concerné Georges Képénékian, qui a assuré la fonction de maire pendant l’absence du « roi ». Pour beaucoup, la gouvernance a été bonne, menée dans le consensus et l’écoute, la méthode aurait même apporté « un peu d’air ».

Redevenu maire de Lyon, Gérard Collomb a adressé pendant ce conseil municipal un mot particulier et doux à tous ceux de ses alliés anciens qui ont publiquement, et à des degrés différents, marqué la distance avec lui : à Thierry Philip, maire du 3è arrondissement, à Thomas Rudigoz, député LREM, à David Kimelfled, maire du 4è arrondissement et président de la Métropole.

Quelle union pour gouverner ?

Petit rembobinage du film, qui permet de comprendre pourquoi cette élection a eu lieu ce lundi 5 novembre. Georges Képénékian, maire de Lyon pendant 15 mois, a démissionné dans la minute de l’annonce du retour à Lyon de Gérard Collomb, faite dans la presse. Comme intérimaire assumé, Georges Képénékian a déclaré avoir « adoré » faire ce job, il aurait même « aimé le faire un petit plus longtemps » mais la tête n’aura pas dépassé davantage, puisqu’il était acté (entre eux) que Gérard Collomb retrouverait sa place après la parenthèse ministérielle et parisienne.

Un communiqué a annoncé la couleur, signé des président.e.s des groupes de l’exécutif du conseil municipal :

« Nous reconduirons l’exécutif de notre ville et réaffirmerons à cette occasion notre soutien au projet porté en 2014 par Gérard Collomb et son équipe.

Nous souhaitons poursuivre nos engagements pris devant les Lyonnais-es en 2014 et réaliser les nombreux projets prévus, dont notre ville et notre agglomération ont besoin, dans le cadre de ce mandat 2014-2020. »

En résumé : on ne change pas le voeu des lyonnais formulé en 2014 pour un mandat de six années, même si, entre temps, bien des choses se sont passées -au hasard : un mouvement LREM balayant des certitudes partisanes, un verrouillage politique au local, un passif politique à échelle national, etc.

La déclaration de vote est signée Jean Yves Sécheresse, président du groupe « Socialiste, Radical et Apparentés », Thérèse Rabatel, présidente du groupe « Lyon Gauche Solidaires », Thomas Rudigoz, président du groupe « Centre Démocrate », Anne-Sophie Condemine, présidente du groupe « Lyon Centristes et Indépendants » et Alain Giordano, président du groupe « Lyon Ecologie et Citoyens ».

Il s’agirait presque d’une union pour la permanence des institutions, qui n’enraiera pas, au contraire, les négociations en cours pour la campagne de 2020. Laquelle a démarré, du côté de la droite notamment.

Qui est à la gauche de qui ? Regardez à droite

Le communiqué de ces présidents de groupes a fait mine d’une atmosphère d’union, en réalité toute relative ; les signataires ne représentent pas qu’eux-mêmes mais presque. Sans compter que certains parmi eux étant -en off- très peu fans de ce qui peut passer pour un potentat. On continue donc d’observer la situation cocasse, mais plutôt habituelle à Lyon, d’élus en collaboration malgré les oppositions de leurs partis respectifs.

Dans un communiqué, le PS a tenté de montrer son autonomie :

« La Fédération du PS, et en particulier les militants socialistes de Lyon, souhaitent faire part de leur désaccord profond, sur le fond comme sur la forme. Gérard Collomb revient entre Rhône et Saône par un jeu de chaises musicales pour revendiquer un poste qu’il a déjà occupé pendant 17 années, considérant ainsi Lyon comme sa baronnie. C’est à nos yeux le reflet de pratiques d’un autre temps: les Lyonnaises et les Lyonnais méritent mieux.

Surtout, Gérard Collomb, par son action au ministère de l’Intérieur a prouvé sa rupture idéologique avec les valeurs humanistes et de gauche qui constituaient pourtant le socle de son rassemblement depuis 2001. »

Pour rappel, Denis Broliquier (UDI) avait reproché à la Ville l’organisation de l’élection de ce 5 novembre, n’ayant pas préparé de bulletins imprimés. Le passage à l’isoloir n’a pas été rendu obligatoire non plus. Un moyen stratégique selon Denis Broliquier de « mettre la pression à la majorité ».

Les services de l’hôtel de ville ont expliqué qu’ « aucune disposition n’impose l’usage d’isoloirs lors des opérations de vote ni n’interdit aux conseillers de rédiger eux-mêmes leurs bulletins de vote pour l’élection du maire ». Pas de principe formel avec lequel s’embarrasser.

A gauche, Nathalie Perrin-Gilbert s’est fait plaisir à la veille de cette élection, en faisant le parallèle entre Gérard Collomb, en route pour achever ce mandat et pour tenter d’en faire un quatrième à partir de 2020, avec Abdelaziz Bouteflika, président cacochyme de l’Algérie qui a annoncé sa candidature en 2019.

Avec Gérard Collomb ré-élu ce lundi, un système de jeu des chaises musicales a poussé un élu hors de l’exécutif. Georges Képénékian a retrouvé sa fonction de 1er adjoint, en charge de la prospective et des grands événements. Mais de culture, il n’est plus question dans son portefeuille. Loïc Graber conserve ce champ de compétences dont il avait hérité. Jérôme Maleski, dernier arrivé dans l’exécutif, en sort mais devient conseiller délégué. Denis Broliquier a dénoncé cette opération estimant qu’elle engendrait « des frais supplémentaires pour pas grand chose ».

Ce lundi, l’emploi du temps est serré-moulé. Après le conseil municipal, se tient, à partir de la mi-journée, le conseil métropolitain. Ici, Gérard Collomb ne retrouve pas son fauteuil de président car il ne prend pas le risque de le solliciter de nouveau. Là, c’est encore une autre histoire (avec le dernier épisode à relire par ici).

Pour les aficionados du feuilleton lyonnais, pour ceux qui ne voudraient rien rater des prochains épisodes, mieux qu’un abonnement à Netflix, il y a l’adhésion à Rue89Lyon.


#David Kimelfeld

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