Dans les années 1980 à Lyon, il a été mon professeur de Français et mon professeur principal ; j’étais en classe de 5e, au lycée Jean Perrin.
Ce texte nous a été soumis par un lyonnais travaillant dans l’édition et la presse spécialisée. Il signe sous le pseudo Michel Embret, souhaitant conserver l’anonymat pour des raisons familiales. Rue89Lyon
Il s’agissait alors d’un Gérard Collomb totalement différent. Loin d’être ministre à cette époque, il m’apparaissait comme un véritable homme de gauche, il portait une moustache. Ma classe était composée d’élèves issus de différents milieux sociaux et Gérard Collomb portait toujours une attention particulière à ceux qui venaient de familles défavorisées.
C’est cette année-là que j’ai saisi le fait qu’il existe différentes classes, ce que je ne savais pas jusque là. La situation géographique de ce collège/lycée public du 9e arrondissement de Lyon faisait que différents milieux y étaient représentés.
Les élèves de familles aisées venus des communes de Saint-Cyr et Saint Didier au Mont D’or se mélangeaient à ceux qui venaient de cités ou de quartiers difficiles.
Malataverne ou le travail de « prévention » du prof de Français
Contrairement à d’autres de nos professeurs, Gérard Collomb parvenait à se faire respecter en classe, mais son autorité était toujours accompagnée d’une certaine bienveillance.
Le sénateur-maire de Lyon et désormais ministre de l’Intérieur est agrégé de Lettres classiques. Gérard Collomb a enseigné dans plusieurs lycées de la région lyonnaise, dont le lycée Jean Perrin (9e arrondissement). Il a été élu député en 2012. Il devient maire du 9e arrondissement de Lyon en 1995, puis sénateur en 1999, puis maire de Lyon en 2001. Pendant ses mandats, l’élu a d’ailleurs touché une pension de professeur agrégé du secondaire.
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Cette année-là, il avait choisi de nous faire étudier des pièces de Molière ou encore Le Docteur Knock de Jules Romains, comme dans de nombreux autres établissements en France, je suppose. Mais je me souviens en particulier de « Malataverne », roman de Bernard Clavel, un écrivain lyonnais.
En nous faisant lire ce livre, je me dis que Gérard Collomb essayait de faire de la prévention.
L’histoire de Malataverne se déroule dans un petit village des Monts du Lyonnais, dans lequel trois adolescents qui s’ennuient décident de préparer un mauvais coup. Leur objectif est d’aller voler les économies d’une vielle dame, dans une ferme isolée. À la fin du livre, leur cambriolage dégénère et les jeunes tuent la vielle dame accidentellement.
Certains dialogues du livre contiennent un lexique familier et un langage sexuellement explicite. Les élèves se trouvaient gênés et étaient souvent pris de fou rire lorsqu’ils devaient lire ces passages à haute voix.
Le prof connaissait par coeur toutes les rues du 9e arrondissement. Il lui arrivait demander aux élèves de lui rappeler dans quelle rue ils habitaient. Gérard Collomb pouvait ainsi, sans demander la profession des parents, savoir à quel milieu social appartenait l’élève.
De José Bové à Louis XIV
C’est à cette époque que Gérard Collomb a été investi par le Parti socialiste aux législatives (sur la 2e circonscription du Rhône) et qu’il a alors posé sur une affiche en compagnie de mon prof de sciences physiques, Yves Fournel, qui était alors au Parti Communiste.
Après le lycée, j’ai voyagé, j’ai quitté la ville de Lyon quelques temps. Puis j’y suis revenu et j’y ai engagé des activités professionnelles ; je suis journaliste pour la presse spécialisée. J’ai pu assister à l’ascension politique de Gérard Collomb et j’ai constaté à quel point il est devenu un personnage totalement différent.
Entièrement relooké, sans moustache, il s’est progressivement transformé en ce personnage un peu cassant et hautain.
Et, en l’écoutant parler au conseil municipal de Lyon (les séances sont retransmises sur une chaîne de télévision locale), j’ai été frappé par une modification de la voix. Au fur et à mesure des années et au bout de trois mandats, je l’ai vu se comporter en monarque.
En coupant sa moustache, Gérard Collomb, mon ancien prof, est passé symboliquement de José Bové à Louis XIV.

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