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Coucou Laurent Wauquiez, où est passé le campus numérique de la Région ?

C’était une des promesses phares de Laurent Wauquiez. Faire de l’ancien siège de la région Rhône-Alpes, à Charbonnières-les-Bains, un « campus européen du numérique ». Elle claquait bien, cette promesse. Puis on l’a perdue de vue. Elle refait surface mais en eaux très troubles pour le moment.

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Laurent Wauquiez président de la région Auvergne Rhônes-Alpes et Patrice Verchére député (les républicains) de la 8 ème circonscription du Rhône crédits : SS/Rue89Lyon.

Alors candidat LR, Laurent Wauquiez battait le pavé à l’hiver 2015 avec une solution pour recycler l’ancien site du conseil régional à l’abandon : un « campus européen du numérique ». Le projet permettait de faire coup double : redonner vie au site à Charbonnières (dans l’agglo de Lyon) et proposer une orientation moderne.

L’idée était alors inlassablement mise en avant lors des déplacements et des interventions du candidat. Il tenait là une solution « clé en main ».

Ouverture du FormaCamp

Tu me vois, tu me vois plus

Mais rapidement après sa prise de fonction, on en a perdu la trace. Ramené sur le rivage par le flot des annonces tous azimuts de Laurent Wauquiez qui, dans un contexte hautement sécuritaire, voguait toutes voiles dehors notamment sur la question des portiques dans les lycées.

En avril dernier, lors du vote du premier budget du nouvel exécutif régional, aucune trace du campus numérique. Un mois plus tard, Laurent Wauquiez annonçait pourtant dans une interview qu’une enveloppe d’1,5 million d’autorisation de programme avait été décidée pour lancer les premières études.

Depuis, silence radio. Nous avons bien tenté d’en savoir plus auprès de la Région, sans succès.

En marge de la présentation des grandes orientations du budget 2017 ce jeudi 1er décembre, Juliette Jarry, vice-présidente en charge notamment du numérique, nous a indiqué qu’elle ne communiquerait pas avant le mois de janvier et la tenue des « Assises du Numérique ».

Un mois pour déposer une candidature

Lors de cette présentation, le sujet est venu sur le tapis à la faveur d’une question de la presse. Jusqu’ici, le campus numérique a brillé par son absence dans le volet des « projets d’avenir », comme aime à les qualifier Laurent Wauquiez, dans le domaine du numérique.

Un oubli ? Pas vraiment.

« Je préfère vous faire des annonces une fois que tout les partenariats seront ficelés. Vous me reprochez assez de faire l’inverse », a botté en touche dans un sourire le président de la Région.

Nous avions repéré le projet de campus européen du numérique sur nos écrans radar une semaine plus tôt. Le 24 novembre dernier, sans aucun tambour ni trompette, une preuve de vie du projet avait été mise en ligne. C’est à dire un appel à manifestation d’intérêt lancé par la Région :

« Cet appel a pour objectif de labelliser les 1ères formations « innovantes » pour développer l’employabilité sur le numérique. Ces formations seront proposées à la rentrée 2017 soit sur le site phare du Campus du Numérique soit au sein de structures « hors les murs » sur l’ensemble du territoire Auvergne Rhône-Alpes. »

L’exécutif semble donc vouloir avancer vite, même dans le flou. D’ailleurs, les structures intéressées ont à peine un petit mois pour répondre à l’appel. Le dépôt des cadidatures est fixé au 22 décembre.

Pas de rentrée à Charbonnières en 2017

Le lancement de cet appel montrait également que la Région souhaitait lancer ce projet dès la rentrée prochaine, possiblement à Charbonnières. Jeudi 1er décembre, Laurent Wauquiez a confirmé sa volonté « d’enclencher très vite ». Il est toutefois déjà revenu sur un point qu’on imaginait bien intenable : cette rentrée ne se fera pas sur le site de Charbonnières.

« Il faut reprendre le foncier, lancer des marchés publics, ça va prendre du temps », a-t-il expliqué.

On s’oriente donc vers une option « hors les murs ».

« Il y a deux phases dans ce projet : le navire amiral qui est le site de Charbonnières et les autres sites où seront labellisées des formations. »

Et comme Laurent Wauquiez voit toujours très grand, au risque de perdre en clarté :

« On est allé récemment à Genève pour labelliser des filières. Avec Lausanne, Genève et Lyon réunies on est deuxième derrière la Silicon Valley ».

Labelliser des formations, des cursus, des secteurs. A Lyon, dans la région mais aussi en Suisse ? Le projet de campus du numérique apparaît donc pour le moins nébuleux pour le moment.

Un projet qui marque la mise sur la touche de Juliette Jarry ?

Laurent Wauquiez et quelques membres de son exécutif, dont Juliette Jarry, lors de la présentation du budget 2016 d'Auvergne Rhône-Alpes. Crédits : Rue89Lyon.
Laurent Wauquiez et quelques membres de son exécutif, dont Juliette Jarry (la seule femme sur la photo), lors de la présentation du budget 2016 d’Auvergne Rhône-Alpes. Crédits : Rue89Lyon.

Porté par la vice-présidente en charge du numérique, le dossier avancerait donc à son allure. Mais il n’est plus autant mis en avant. Voire plus du tout une priorité.

Issue de la société civile, Juliette Jarry est à la tête d’une entreprise d’aide à domicile aux personnes en difficulté. Laurent Wauquiez était allé la chercher pour en faire un faire-valoir de taille pendant la campagne électorale, la plaçant tête de liste sur le territoire de la Métropole de Lyon.

Mais récemment, elle a fait connaître dans une interview à Tribune de Lyon début novembre, des différences de vue avec le grand chef de la Région, sur « les questions sociétales. »

Une prise de position qui n’a pas été du tout du goût de Laurent Wauquiez.

« Elle s’est prise pour une politique », peste-t-on dans son entourage.

Le dossier du campus paie-t-il les conséquences d’une mise sur la touche politique de l’élue ? Toujours est-il qu’on n’a pas le sentiment qu’il sortira de l’ombre si tôt.

Un campus tourné vers la formation initiale

À quoi pourra bien ressembler ce campus, une fois installé à Charbonnières et d’ici là disséminé dans d’autres établissements ? Difficile d’en connaître les contours pour le moment. Les acteurs du secteur ne le savent pas eux non plus.

Certains pensaient même le dossier enterré.

Tout juste sait-on que des réunions de travail ont eu lieu avant l’été. Elles se sont tenues avec des acteurs économiques du numérique, notamment des pôles de compétitivité, ainsi que le monde éducatif et au premier chef les universités de la région.

Magali Rofidal, du pôle de compétitivité Imaginove, note :

« La démarche me semblait bonne et honnête. Les réunions visaient à mettre à plat l’existant et identifier les trous dans la raquette et donc les besoins en termes de formation notamment. On manque de certains profils aujourd’hui mais pas simplement dans la région, c’est un problème national et même au-delà. »

Un propos qui rejoint celui tenu par Juliette Jarry, vice-présidente de la Région en charge du développement numérique, qui justifiait au printemps dernier la création de ce lieu :

« (…) Le secteur éducatif  en place ne couvre pas tous les besoins des entreprises qui peinent à trouver des compétences pointues, de type data scientist, développeur de logiciel, d’application, d’usages, de services et de produits nouveaux… »

Dans cette interview, l’élue en charge du dossier précisait ce qui semble être la vocation première de ce futur équipement :

« Le campus vise former aux nouveaux métiers du digital et des Big data ainsi qu’à tous les métiers que cela impacte tout au long de la chaine de valeur : management, gestion, sécurité, finance, juridique, assurance, relation fournisseur ou client, marketing, commercial… »

Le campus de la Région fera-t-il doublon ?

Le territoire régional manque-t-il d’écoles et de structures de formation dans le numérique ?

Certains acteurs estiment qu’il est préférable d’introduire le numérique dans les filières touchées voire bouleversées par le numérique plutôt que d’en créer une nouvelle.

Pour Magali Rofidal l’enjeu se situe également au-delà du champ universitaire ou de l’enseignement supérieur :

« Le vrai besoin est dans l’accompagnement du grand public face au numérique. »

Le projet de « labellisation » de formations pourrait donc aller dans ce sens. Il reste toutefois à préciser.

Apporter le numérique de manière transversale dans des filières pas nécessairement techniques mais remodelées avec son apparition, c’est aussi l’ambition de l’action d’un autre label celui de la French Tech. Une ambition souvent répétée par Patrick Bertrand, président de Lyon French Tech.

Une association qui va également en 2017 ouvrir son propre lieu, son « lieu totem », dans la halle Girard à Confluence.

Ce projet régional de campus du numérique ne viendra-t-il pas doublonner avec d’autres dispositifs existants ou à venir ?

Ce projet veut également proposer des services aux entreprises (de type fablab), proposer également un accélérateur d’entreprises. Si sa dimension et sa portée le dépasse, territoire de la Métropole de Lyon est plutôt bien dotée en la matière.

Manuel Valls lors de son discours au musée des Confluences autour des acteurs de Lyon French Tech le 11 mai 2015 / BE Rue89lyon
Manuel Valls lors de son discours au musée des Confluences autour des acteurs de Lyon French Tech le 11 mai 2015 / BE Rue89lyon

Guéguerre avec la Métropole de Lyon ?

Le développement économique est une vieille bataille entre la région et la Métropole. Le numérique en est peut-être une nouvelle illustration. À la Métropole de Lyon on assure n’avoir eu « aucune réunion de travail sur le sujet avec la Région ». Même si on voit le volet formation d’un bon œil.

Karine Dognin-Sauze vice-présidente de la Métropole en charge de l’innovation, se positionne :

« Ce projet de formation est plutôt bien. Il y a un travail de cohérence à faire au niveau de la région pour améliorer son positionnement sur le numérique et la connexion entre formation et besoins des entreprises. C’est d’autant plus cohérent que la Métropole présente une grosse concentration sur le numérique ».

Reste maintenant à monter et clarifier ce projet. Laurent Wauquiez évoquait au printemps dernier un projet « public-privé » et « partenarial » construit avec les acteurs économiques et éducatifs de la filière dans la région.

Les Assises du Numérique prévues fin janvier 2017 et qui se veulent « préfiguratrices du Campus » selon Juliette Jarry, apporteront peut-être des réponses.


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