

Gérard Collomb se mouille du bout du doigt à la piscine du Rhône. ©Matthieu Beigbeder/Rue89Lyon.
Les Guillotins se sont appuyés sur les statistiques de vente des différents types de tickets qui montrent que les tarifs réduits, sociaux, ont très mal fonctionné en 2014.
On le sait : le tarif plein à la piscine du Rhône est passé à 8 euros à l’occasion de son réaménagement chatoyant et de sa réouverture cet été. Beaucoup se sont étouffés en l’apprenant, mais Gérard Collomb et son adjoint aux sports, Yann Cucherat, ont aussitôt rétorqué :
« Peu de personnes paieront cette somme-là. Il y a tout un éventail de tarifs réduits pour accéder aux piscines. Notamment avec un système de carte d’abonnement. »
Mais en augmentant le ticket d’entrée à la piscine du Rhône, la Ville a en fait revu l’ensemble de la grille tarifaire des piscines municipales dont elle a la charge. Des modifications conséquentes, passées inaperçues jusque là.
Mais alors qui est allé à la très chère piscine du Rhône cet été ?
Pour l’ensemble des piscines municipales lyonnaises, jusqu’en 2014, une carte « plein soleil » proposait, pour la saison d’été, 25 entrées pour 6,90 euros à destination des 7-16 ans ; elle était à 14,30 euros pour les 17-25 ans et à 28,70 euros pour les adultes. Elle a été remplacée cet été par une carte « été jeune » réservée aux moins de 18 ans qui augmentent le prix de ces 25 entrées à 50 euros.
Au sein du syndicat des maîtres nageurs (SNPMNS), on fait le calcul et on remarque :
« Cela revient à 2 euros l’entrée, certes, mais il faut débourser 50 euros d’un coup. Qui peut se payer cette carte dans les quartiers populaires de la ville ? »
Ensuite, l’ancienne carte de 10 entrées à tarif réduit, soit à 16,90 euros (pour les personnes sans emploi, les étudiants…) a été supprimée. Désormais, pour les plus de 18 ans, c’est le même tarif pour le chômeur ou celui qui travaille : pour payer le moins cher possible, il faut s’acquitter d’une carte s’élevant à 25 euros pour 10 entrées. Laquelle carte n’est pas disponible à la piscine du Rhône. Ici, le tarif « réduit » est encore plus alambiqué et encore moins engageant, calé sur un système horaire : il s’agit d’une carte à 50 euros qui ouvre le lieu pour 25 heures.
Pour finir le tour de cette grille complexe, il existe quand même un tarif réduit unitaire, qui place donc le ticket d’entrée à 5,50 euros à la piscine du Rhône et à 2,60 euros dans toutes les autres structures municipales.
Ces tarifs sociaux ne semblent pas avoir rencontré leur public. Cet été 2014, à la piscine du Rhône, 64% des billets ont été vendus à l’unité : 33 % de pleins tarifs à 8 euros ; 31 % de tarifs réduits à 5,5 euros. La carte de 25 heures à 50 euros ne représente que 19% des entrées. Pour le reste, « c’est la débandade », dénoncent les Guillotins :
« La carte « famille » ? Moins de 2 % des entrées. La carte « été jeune » ? Moins de 1 % des entrées. »
Qui est donc allé à la piscine du Rhône dans sa nouvelle formule ? Réponse : des gens qui ont eu envie de ne payer qu’un ticket unitaire, à la journée, et se sont donc fendues de sommes allant de 5,50 euros à 8 euros.
Il faut aussi noter que l’ensemble des piscines de Lyon, et pas seulement la plus chère d’entre elles (c’est à dire celle du Rhône), a connu une forte baisse de fréquentation en 2014. Imputable notamment au mauvais temps de l’été passé. C’est ce que relève Yann Cucherat, adjoint au maire délégué aux Sports :
« Je reconnais que les tarifs réduits ont été peu utilisés. Mais ce qui est compliqué pour nous, c’est la météo de cet été qui n’a pas été idéale pour prendre un abonnement. Ces chiffres ne sont donc pas significatifs. Les gens attendent souvent qu’il y ait deux ou trois jours successifs de beau temps pour aller à la piscine. Là, ils ont préféré ne prendre qu’un ticket sur une journée. »
Mais il ne s’agit sans doute pas de la seule raison. La piscine du Rhône a pu en faire fuir certains avec ses nouveaux tarifs, et certaines des autres structures n’attirent pas davantage car elle souffrent d’une mauvaise réputation ou d’aménagements très vétustes. Celle de Gerland devrait d’ailleurs bénéficier d’un décapage dans le courant de ce mandat, a promis le maire PS de la ville.
« L’école de l’eau en tant que service public est fondamentale »
L’augmentation du ticket d’entrée à la piscine du Rhône avait été justifiée par les travaux d’ampleur qu’elle a connus, faisant d’elle un centre nautique de luxe. Mais cette somme prohibitive permet également de « faire le tri » dans le public. En 2013, alors que la chaleur écrasait les habitants de l’agglo, la piscine du Rhône dans son ancienne version avait été assaillie lors de son ouverture tardive en juillet. De nombreux incidents avaient éclaté dans les files d’attente interminables, les personnels s’étaient plaints d’incivilités permanentes.
Avec le nouveau tarif, certains employés de la piscine du Rhône n’ont pas caché leur satisfaction à voir la population des bassins changer, cet été.

Pas de grosse foule ce 17 juillet pour la réouverture de la piscine du Rhône. Crédit : Clémence Delarbre.
Mais aujourd’hui, le syndicat des maîtres nageurs s’inquiète des conséquences et voit des répercussions sur l’ensemble du territoire de l’agglomération lyonnaise. Dans la revue qu’il édite et qui sortira prochainement, le SNPMNS, par le biais de sa section Rhône, Ain et Ville de Lyon, le dit :
« Nous avons perçu un déplacement des actes d’incivilités de Lyon centre vers la périphérie. Quid de la responsabilité des nouveaux tarifs ? La conséquence immédiate a été la hausse des tarifs dans certaines communes des environs et la problable apparition d’un cercle vicieux de hausses tarifaires dans l’ensemble de la région sur les saisons à venir. »
Dans ce même document, ils poursuivent :
« Savoir nager a un rôle tout aussi essentiel pour l’individu que la culture. L’école de l’eau est fondamentale. Il faut défendre son accessibilité pour tous par le service public. »
La palme de la piscine la plus chère de France pour Lyon
Les Guillotins et son collectif des « Bonnets de bain », justement monté pour protester contre la nouvelle politique de gestion publique des piscines, comptent profiter du conseil municipal de ce lundi pour stationner devant l’hôtel de ville et tenter de décerner au maire la palme d’or de la piscine la plus chère de France.

Gérard Collomb en juin 2013 lors de l’inauguration de la piscine du Rhône ©Laura Daniel
Yann Cucherat voudrait relativiser ce statut de champion du prix élevé :
« Il y a eu un mauvais buzz médiatique autour des 8 euros mais le ticket d’entrée le plus bas est à 2 euros, cela reste accessible. Un tiers du budget de fonctionnement des Sports est dédié aux piscines. Dans un contexte budgétaire difficile, nous avons pris des solutions qui n’ont pas été très populaires mais nous avons préféré faire payer l’utilisateur plutôt que le contribuable. »
Après comparaison dans les villes françaises de plus de 200 000 habitants des tarifs communs (ou « tarifs résidents » quand il existe), le collectif Bonnets de bain -que l’adjoint aux Sports a reçu cet été dans ses bureaux, tient-il à préciser- a pris en compte le plein tarif de la piscine municipale la plus chère de la ville (car plusieurs villes, comme Lyon ou Paris, pratiquent des tarifs différenciés selon les piscines). Et Lyon se trouve bien en haut du podium :
- Lyon : 8 euros
- Paris : 5,8 euros
- Marseille : 5 euros
- Montpellier : 5 euros
- Rennes : 4,6 euros
- Nantes : 4,2 euros
- Strasbourg : 4 euros
- Nice : 3,6 euros
- Lille : 3,55 euros
- Bordeaux : 3,3 euros
- Toulouse : 2,95 euros
Un autre trophée au palmarès de la ville. Le service communication s’en passerait bien. Elle a rappelé dans un communiqué faisant suite à notre article que la ville de Puteaux ouvrait sa piscine pour un ticket à 9 euros. Ce qu’elle oublie de dire, c’est qu’il s’agit d’un tarif conçu pour les personnes n’habitant pas la commune. Le tarif « résident », lui, est à 4,5 euros. Il s’agit par ailleurs d’une commune du département des Hauts-de-Seine de moins de 45 000 habitants, et le podium comparatif ne prenait en compte que des villes de plus de 200 000 habitants.

Capture d’écran des tarifs piscines de la ville de Puteaux (dans les Hauts-de-Seine).
> Article mis à jour lundi 16 mars avec la comparaison Puteaux/Lyon.

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-compare que le tarif du centre nautique avec le tarif des piscines lambdas d'autres villes: à Lyon le tarif des piscines ordinaires est plus bas que les autres villes avec lesquelles vous comparez.
-donne uniquement la parole à la minuscule association des guillotins, très hostile à la mairie, quand il s'agit de vie locale alors qu'il y a des dizaines d'associations de quartier à Lyon. Sans doute parce que son président est un ancien salarié de Rue 89 Lyon.
-La parole a été donnée à la Ville de Lyon sur toutes les questions soulevées, si vous lisez bien (mieux ?) vous trouvez donc systématiquement les explications données par Yann Cucherat, adjoint au maire délégué aux Sports.
-L'un des membres des Guillotins a fait un court stage à la rédaction il y a deux ans. Nous étudions toujours les données fournies par les associations citoyennes (mais aussi par les élus, par les lecteurs, par quiconque nous alerte sur quelque chose qui peut aboutir à une information). Nous les vérifions et si nous les jugeons dignes d'intérêt, nous faisons notre travail journalistique dans le but de publier un article. Comme cela a été le cas, par exemple, avec la Canol (autre association qui se préoccupe de "vie locale" pour reprendre vos termes) sur la question du musée des Confluences (http://www.rue89lyon.fr/2014/12/15/pourquoi-un-si-cher-musee-confluences/).
Merci au Maire pour ces travaux salvateurs.
Les nouveaux tarifs sont adaptés. Calculez le coût horaire pour les jeunes et vous verrez que cela reste tout à fait accessible compte-tenu de la qualité du nouveau centre nautique.
Pour le bassin olympique, franchement, ça vaut le billet d'entrée. Seul point noir ; la finition des douches et sanitaires a été trop rapide.
Au lieu d'aller compiler des chiffres, avez-vous enquêté sur le sabotage (selon les dires du personnel) du chauffage l'an dernier ? Nager dans une eau glaciale ne me fait pas peur, mais mon coeur de quarantenaire a quand même eu un peu de mal pour encaisser l'heure de crawl.
Sabotage ou vandalisme : un matin, à l'ouverture, le personnel nous a annoncé que le système de chauffe de l'eau du bassin (et douches) avait été endommagé. La porte du local technique avait été forcée pendant la nuit. Et que l'eau du bassin n'était pas à la température adéquate. On a nagé en connaissance de cause. Le lendemain, elle était toujours aussi froide, je n'ai pu nager que 40 minutes au lieu d'une heure, vidé physiquement.
Les rédacteurs de cet article sont à la rue.