A peine arrivés aux abords de Montigny, le doute nous envahit. Avons-nous bien fait de venir jusqu’ici ? Les beuglements et les cris d’animaux se font déjà entendre depuis le village…
Coût de l’entrée dans la bourgade : 14 euros. Un verre à la main et notre carnet de tickets en poche, nous voilà prêts à combattre le froid et la neige pour aller déguster.
Les vignerons se trouvent dans les caveaux des bâtisses mises à disposition spécialement pour l’occasion. Première tentative, 15 minutes pour accéder à un fond de Chardonnay. Bousculés en entrant, bousculés en sortant, et la moitié du verre est déjà renversée sur le sol.
Aucune information n’est mentionnée par notre hôte (qui n’est en fait pas le vigneron…), nous tentons de le faire parler, rien à faire, il n’a rien à nous dire. Débordé, il court tout droit remplir les fonds de verre de la foule pressée de se désaltérer.
Celle-là, ils la boiront directement au goulot
Nous recrachons le vin après l’avoir dégusté, les gens nous regardent comme si nous étions des extra-terrestres :
« Il est pas bon vot’ pinard m’sieur ? »
On dirait qu’ici, on ne déguste pas beaucoup. Deuxième caveau, chansons paillardes (« A poil ! ») et autres bousculades. La foule titube, rote, pète, chahute, crie, se saoule. Vive la Percée ! Blurp.
Petite escale auprès des fromagers. Notre barquette de comté et de morbier en main, il est temps de souffler un coup. Mais c’était sans compter sur la mamie à moitié édentée qui n’hésite pas à venir nous tirer un morceau de frometon. Faîtes comme chez vous.
Les gens sont heureux, on les entend s’esclaffer de l’autre côté de la route. Nouvel attroupement, cette fois-ci en direction du pré voisin, où des jeunes ont pris des vaches encartonnées en otage et les forcent à s’accoupler. Tout le monde est content… Les coups de tire-bouchon résonnent, les verres arrivent de toute part. Quoi que, celle-là, ils la boiront directement au goulot.
Le vigneron déconfit dans son caveau vend ses bouteilles à l’unité pour étancher la soif des mecs venus ici dans un seul but, repartir aussi raides qu’ils sont arrivés.
A peine trois vins dégustés, nous faisons demi-tour. Cette fois-ci c’était la dernière. A la sortie du village, une cul-terreuse à peine majeure titube, seule, une bouteille de Macvin à la main.
Les braillements reprennent, on nous interpelle pour nous demander de donner les derniers tickets qu’il nous reste, histoire de ne pas perdre une goutte de ce qui se sert un peu plus haut.
Le Jura et ses vignerons méritent mieux
Nous rejoignons Arbois pour y trouver quelques charcuteries et vins locaux. Les commerçants nous demandent si la Percée nous a plu. A voir nos têtes, ils comprennent aussitôt. Eux-mêmes n’ont pas vraiment l’air de cautionner les dérives de l’événement et se sentent visiblement impuissants face à un tel spectacle.
Une petite halte bien méritée chez le caviste spécialisé en vins naturels : Les jardins de St Vincent. Merci Stéphane de nous avoir redonné le sourire !
La Percée du Vin Jaune, où le naufrage d’une fête populaire rimant sur des airs de beuverie sans intérêt, me rappelle la célèbre fête de la Saint-Vincent tournante. Affligeant, dégradant. Le Noble Jura devient pendant ces deux jours une véritable buvette pour viande saoule, où tous les ploucs de France et de Navarre se donnent rendez-vous chaque année pour se pinter la tête.
Le Jura tout comme ses vignerons méritent pourtant mieux. Ploussard, trousseau, pinot noir, savagnin ou chardonnay possèdent tous leur typicité. Le terroir y est exceptionnel, la concentration de vignerons talentueux est importante. Le salon « Le nez dans le vert » se déroulera le 22 et 23 mars au Domaine de la Pinte à Arbois. Voilà un événement à ne surtout pas louper ! D’ailleurs, les trois quarts des vignerons ne participent plus à la Percée, plutôt bon signe non ?
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